Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : KM c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 1131

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelante : K. M.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (481984) datée du 31 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 9 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-2295

Sur cette page

Décision

[1] En ce qui concerne la question de savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite, l’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelanteNote de bas de page 1.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a commis un geste qui lui a fait perdre son emploi). Cela signifie que l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour cette raisonNote de bas de page 2.

[3] Il est fait droit en partie à la question de savoir si l’appelante était disponible pour travailler dans le cadre de l’appelNote de bas de page 3. Le Tribunal convient avec l’appelante qu’elle était disponible pour travailler du 7 février 2022 au 16 mai 2022.

Aperçu

[4] L’employeur de l’appelante a mis en place une politique exigeant que tout le personnel soit vacciné contre la COVID-19 d’ici le 4 octobre 2021. S’il n’est pas déjà vacciné, le personnel devait participer à des tests antigéniques rapides jusqu’à cette date.

[5] L’appelante ne voulait pas se faire vacciner ou se faire tester. Son employeur l’a donc mise en congé sans solde. L’appelante a par la suite décidé qu’elle se ferait tester et qu’elle retournerait au travail. Avant que des tests puissent être organisés, elle est tombée malade et a été mise en congé de maladie.

[6] Lorsque l’appelante a été autorisée à retourner au travail, elle a informé son employeur qu’elle était en mesure de reprendre le travail. On lui a demandé si elle était vaccinée, elle a répondu qu’elle ne l’était pas et son employeur l’a licenciée.

[7] La Commission a examiné les raisons pour lesquelles l’appelante ne travaillait pas. Elle a décidé que l’appelante avait été licenciée en raison d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 4. C’est pourquoi la Commission a décidé que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[8] La Commission a également rendu l’appelante inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 7 février 2022 au 15 mai 2022 parce que, bien qu’elle ait été autorisée à retourner au travail, elle n’était disponible que pendant une courte période chaque semaine. Cela signifiait qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler.

[9] L’appelante n’est pas d’accord avec la Commission. Elle affirme que le vaccin contre la COVID-19 contient à la fois des agents chimiques et biologiques. Elle soutient qu’elle a le droit de s’exprimer au sujet des dangers et de demander des renseignements supplémentaires. Elle affirme que son employeur n’a pas respecté la loi provinciale sur la santé et la sécurité au travail. Elle travaillait dans un environnement à faible risque comportant peu ou pas de contacts avec autrui. Selon elle, les personnes vaccinées peuvent contracter et propager le virus de la COVID-19. Elle s’est mise à chercher du travail après avoir récupéré et elle a obtenu un nouvel emploi.

Questions que j’ai examinées en premier

L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel

[10] Il arrive que le Tribunal envoie à l’employeur de l’appelant une lettre lui demandant s’il souhaite être mis en cause dans l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur. Ce dernier n’y a pas répondu.

[11] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme mis en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier ne me laisse croire que ma décision imposerait une obligation juridique à l’employeur.

Documents déposés après l’audience

[12] À l’audience, l’appelante a fait référence à la directive no 6 et à d’autres documents du médecin hygiéniste en chef de la province de l’Ontario, aux notes de son médecin, à sa recherche d’emploi et à une reconnaissance d’étape importante de son employeur. Elle a également lu une déclaration préparée. L’appelante a transmis des copies de ces documents au Tribunal après l’audience.

[13] J’ai décidé d’accepter les documents en preuve, car les renseignements qu’ils contenaient étaient mentionnés à l’audience.

[14] Une copie des documents a été envoyée à la Commission. Au moment de la rédaction de la présente décision, elle n’a présenté aucune observation sur ces documents.

Questions en litige

[15] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[16] L’appelante était-elle disponible pour travailler du 7 février 2022 au 15 mai 2022?

Analyse

Inconduite

[17] Pour répondre à la question de savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois trancher deux questions. Premièrement, je dois établir pourquoi l’appelante a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[18] Je conclus que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19.

[19] L’appelante a déclaré qu’au début de septembre 2021, son employeur a adopté une politique exigeant que le personnel soit vacciné contre la COVID-19 au plus tard le 4 octobre 2021. Si un employé ne voulait pas se faire vacciner, il devait subir des tests antigéniques rapides pour la COVID-19 jusqu’au 4 octobre 2021. L’appelante a dit à son employeur qu’elle ne voulait pas se faire vacciner et qu’elle ne voulait pas subir de tests antigéniques rapides. Elle a été mise en congé sans solde pendant deux semaines le 13 septembre 2021.

[20] L’appelante a communiqué avec son employeur pour lui dire qu’elle était disposée à se faire tester. Elle est retournée au travail le 27 septembre 2021 et a travaillé ce jour-là. Elle n’a pas été testée ce jour-là parce qu’il faut du temps pour organiser des rendez-vous de test. Le lendemain, l’appelante a été mise en congé par son médecin en raison d’une maladie. Elle a reçu des congés de maladie payés, mais comme elle n’avait pas assez de congés de maladie payés, elle a présenté une demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi. L’appelante a reçu le maximum de 15 semaines de prestations de maladie de l’assurance-emploi du 3 octobre 2021 au 15 janvier 2022.

[21] L’employeur a prolongé à deux reprises la date limite pour la vaccination complète contre la COVID-19 pour porter l’échéance au 17 janvier 2022. Il a envoyé un courriel à l’appelante au sujet des prorogations de la date limite et des nouvelles conséquences de ne pas se faire vacciner à cette date. Les nouvelles conséquences ont eu pour effet de mettre fin à l’emploi des personnes qui n’étaient pas vaccinées d’ici le 27 janvier 2022.

[22] À la fin de janvier 2022, le médecin de l’appelante l’a autorisée à retourner au travail en faisant des heures réduites à compter du 1er février 2022. L’appelante a communiqué avec son employeur pour savoir quand elle pourrait reprendre le travail. On lui a demandé si elle avait une preuve de vaccination contre la COVID-19. L’appelante a répondu « non » et on lui a dit qu’elle serait contactée. L’appelante a reçu un appel de son employeur mettant fin à son emploi le 7 février 2022 pour non-respect de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[23] La preuve m’indique que l’appelante a été licenciée parce qu’elle n’a pas été entièrement vaccinée, comme l’exigeait la politique de l’employeur.

Le motif du congédiement de l’appelante est-il une inconduite au sens de la loi?

[24] Le motif du congédiement de l’appelante n’est pas une inconduite au sens de la loi.

Ce que dit la loi

[25] La Loi sur l’assurance-emploi (Loi) ne dit pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux administratifs et judiciaires) nous montre comment décider si le congédiement de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi. La jurisprudence énonce le critère juridique relatif à l’inconduite, soit les questions et les critères que je peux prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.

[26] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite comprend aussi une conduite si téméraire qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Il n’est pas nécessaire que l’appelante ait une intention coupable (autrement dit, qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que sa conduite soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7. Autrement dit, l’inconduite, comme le terme est utilisé dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi et du Règlement sur l’assurance-emploi, n’exige pas qu’un employé agisse avec une intention malveillante, comme certains pourraient le penser.

[27] Il y a inconduite lorsque l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit suspendue ou congédiéeNote de bas de page 8.

[28] Une violation voulue de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduiteNote de bas de page 9.

[29] La Commission doit prouver que l’appelante a été congédiée en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été congédiée en raison d’une inconduiteNote de bas de page 10.

Questions que je peux trancher

[30] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux rendre aucune décision quant à savoir si l’appelante a d’autres options au titre d’autres lois ou devant d’autres tribunes. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si la politique de l’employeur enfreignait d’autres lois ou si l’employeur aurait dû mettre en place des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à l’égard de l’appelanteNote de bas de page 11. Je ne peux examiner qu’une chose : si ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi.

[31] La Cour d’appel fédérale (CAF) s’est prononcée dans l’affaire intitulée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas de page 12. M. McNamara, qui a été congédié de son emploi en application de la politique de son employeur en matière de dépistage de drogues, a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que les mesures prises par son employeur en lien avec son congédiement n’étaient pas justifiées.

[32] En réponse à ces arguments, la CAF a affirmé qu’elle a toujours dit que la question dans les affaires d’inconduite n’est pas « de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt […] de dire si l’acte ou l’omission reprochés à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». La Cour a poursuivi en soulignant que, dans l’interprétation et l’application de la Loi sur l’assurance-emploi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a souligné que les employés qui ont été congédiés à tort ont « pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».

[33] Une décision plus récente a été rendue dans l’affaire Paradis c Canada (Procureur général)Note de bas de page 13. Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage de drogues. Il a fait valoir qu’il avait été congédié à tort, que les résultats des tests indiquaient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et à la législation provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est fondée sur l’arrêt McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur ne constitue pas un facteur pertinent pour trancher la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 14.

[34] Une autre décision semblable a été rendue par la CAF dans l’affaire Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 15. M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a soutenu que, comme la dépendance à l’alcool a été reconnue comme une déficience, son employeur était tenu de lui offrir des mesures d’adaptation. La Cour a encore affirmé que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou non, et que le fait que l’employeur n’a pas pris de mesures pour aider son employé n’est pas une question pertinenteNote de bas de page 16.

[35] Ces affaires ne concernent pas les politiques de vaccination contre la COVID-19; toutefois, les principes énoncés dans celles-ci demeurent pertinents.

[36] La Cour fédérale a rendu récemment une décision dans l’affaire Cecchetto v Canada (Procureur général), 2023 CF 102 (Cecchetto) concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeurNote de bas de page 17. M. Cecchetto a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur ne constitue pas une inconduite. Selon lui, il n’a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace. M. Cecchetto s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel et a fait valoir qu’il a le droit de décider de sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés sous le régime du droit canadien et international.

[37] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel de ce Tribunal selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, M. Cecchetto avait manqué à ses obligations et perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi. La Cour a affirmé que M. Cecchetto dispose d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses allégations.

[38] Il ressort clairement de la jurisprudence qu’il ne m’appartient pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur ni de décider s’il avait raison de mettre fin à l’emploi de l’appelante, de ne pas prendre de mesures d’adaptation à son égard, et si la politique de vaccination était incompatible avec les autres politiques de l’employeur ou contrevenait à d’autres lois. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou a omis de faire et sur la question de savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi

Les observations de la Commission

[39] La Commission affirme que l’appelante savait très bien, depuis le 1er septembre 2021, que le non-respect de la politique sur la vaccination l’empêcherait de se présenter au travail. Elle mentionne que l’employeur a démontré que l’appelante était au courant de la politique. Elle a envoyé des lettres à l’appelante le 1er décembre 2021 pour l’informer de la politique de vaccination mise à jour et de la nouvelle date limite du 17 janvier 2022. La lettre indiquait qu’après le 17 janvier 2022, si le personnel n’avait pas obtenu la deuxième dose d’une série de vaccins à deux doses ou une dose d’une série de vaccins à une dose, il ne serait pas autorisé à reprendre le travail et son congé serait prolongé.

[40] La Commission dit avoir conclu que le refus de l’appelante de se conformer à la politique de vaccination obligatoire constituait une inconduite au sens de la Loi parce qu’elle était au courant des conséquences qui lui seraient imposées si elle ne se conformait pas à la politique. La Commission mentionne que l’appelante savait qu’elle perdrait son emploi parce qu’elle n’avait pas été vaccinée, mais qu’elle a quand même fait ce choix personnel. La Commission affirme qu’il existe un lien de causalité entre l’inconduite de l’appelante et son emploi et qu’elle aurait dû savoir que ses actes entraîneraient un congédiement.

Les observations de l’appelante

[41] L’appelante a déclaré qu’elle travaillait dans un hôpital situé dans un immeuble réservé à l’administration. Elle interagissait rarement avec les patients. De plus, les autres personnes travaillant dans son bureau se trouvaient dans des cubicules suffisamment espacés. Elle a dit avoir reçu deux courriels de son employeur à la fin d’août 2021 et au début de septembre 2021 indiquant qu’elle devait fournir une preuve de vaccination contre la COVID-19.

[42] L’appelante a déclaré qu’elle a fait parvenir une lettre au service de santé au travail de l’employeur pour lui faire part de ses préoccupations concernant l’innocuité du vaccin et des tests antigéniques. La lettre de l’appelante mentionne notamment : [traduction] « Je ne consens pas à une politique qui exige la vaccination obligatoire contre la COVID-19 et l’application de tests antigéniques réguliers ». La lettre décrit ensuite le fondement de la décision de l’appelante, en ce sens que seules les personnes non vaccinées faisaient l’objet d’un test alors que celles-ci pouvaient propager la COVID-19 de façon égale, que le niveau de risque dans son milieu de travail était faible, que les risques associés aux tests PCR comportaient diverses questions sur les personnes qui accepteraient la responsabilité et que les vaccins étaient encore expérimentaux. L’appelante a déclaré qu’elle croyait que le fait de subir des injections expérimentales pour conserver son emploi constituait une violation profonde des droits constitutionnels d’une employée.

[43] L’appelante a déclaré que le service de santé et de sécurité au travail de l’employeur lui avait dit qu’elle devait envoyer sa lettre aux Ressources humaines. Elle l’a fait et a reçu une réponse selon laquelle les Ressources humaines n’avaient pas les réponses à ce moment-là. On lui a demandé de se présenter aux Ressources humaines pour une réunion. L’appelante a rencontré les Ressources humaines et a été mise en congé sans solde du 13 septembre 2021 au 4 octobre 2021 pour ne pas s’être conformée à la politique de l’employeur.

[44] La lettre de mise en congé sans solde à l’appelante indique que le 4 octobre 2021, tous les membres du personnel doivent fournir une preuve de vaccination complète ou la preuve qu’une dose de vaccin à deux doses a été reçue (avec deux tests hebdomadaires continus). La lettre se poursuivait comme suit : [traduction] « À ce moment-là, si vous ne répondez toujours pas à ces exigences, votre congé sans solde sera prolongé pour une période supplémentaire qui sera communiquée par l’employeur et qui vous donnera plus de temps pour examiner vos options et vous faire vacciner. »

[45] L’appelante a déclaré qu’elle a communiqué avec son employeur pour l’informer qu’elle était disposée à passer le test et qu’elle voulait retourner au travail le 27 septembre 2021. L’employeur a accepté et l’appelante a repris le travail à cette date. Le 28 septembre 2021, l’appelante a envoyé un courriel à sa gestionnaire pour lui dire qu’elle était incapable de travailler en raison d’une maladie personnelle et qu’elle utiliserait l’un de ses congés de maladie personnels pour couvrir son absence. Sa gestionnaire a répondu que pour que l’appelante soit rémunérée, elle devrait [traduction] « soumettre le résultat d’un examen médical objectif au service de santé au travail si elle ne se sent pas bien. »

[46] L’appelante a fourni des copies des notes du médecin qu’elle a envoyées à son employeur. La première note, datée du 28 septembre 2021, l’a mise en arrêt de travail jusqu’au 31 octobre 2021 pour des raisons médicales. Le 29 septembre 2021, l’appelante a rempli un formulaire d’autorisation permettant à son médecin de divulguer des renseignements fonctionnels/médicaux aux Services ministériels de santé et de sécurité de l’employeur. Le formulaire est une déclaration d’aptitude au travail et demande des renseignements sur la nature de la maladie de l’employé, son traitement, son pronostic et les restrictions en matière de retour au travail.

[47] Le médecin de l’appelante a rempli une déclaration d’aptitude au travail le 30 septembre 2021. Elle a reçu un diagnostic de dépression et d’anxiété. Son traitement était décrit et elle devait être réévaluée dans un mois. Une deuxième déclaration d’aptitude au travail a été remplie par le médecin de l’appelante le 28 octobre 2021 et ne précisait pas de date de retour au travail.

[48] Le 23 novembre 2021, les services de santé et de sécurité au travail de l’employeur ont écrit au médecin de l’appelante pour demander un examen médical à jour concernant les progrès de l’appelante, son plan de traitement et son aptitude au travail. Ont suivi un certain nombre de questions concernant la santé mentale de l’appelante. La lettre indiquait également que l’employeur serait disposé à fournir à l’appelante un travail modifié ou des heures graduelles. Le 25 novembre 2021, le médecin de l’appelante a rempli deux de ces formulaires. Le premier formulaire couvrait la période du 28 octobre 2021 au 30 novembre 2021 et indiquait que l’appelante était demeurée inapte à travailler selon des heures ou des fonctions modifiées. La date prévue du retour aux heures et tâches modifiées ou à l’ensemble des tâches n’était toujours pas établie. Le deuxième formulaire couvrait la période du 30 novembre 2021 au 31 décembre 2021. Dans ce formulaire, la date prévue de retour aux heures et aux tâches modifiées était le début de janvier 2022 et la date prévue pour reprendre l’ensemble des tâches n’était toujours pas établie.

[49] Le médecin de l’appelante a rempli un troisième formulaire le 5 janvier 2022. Dans ce formulaire, le médecin a souscrit à la suggestion de l’employeur préconisant le retour au travail de l’appelante, d’abord à raison de quatre heures par jour trois jours par semaine, et a indiqué que l’appelante pourrait reprendre le travail à compter du 25 janvier 2022. Cela a été suivi d’une note du médecin datée du 25 janvier 2022 indiquant que l’appelante était inapte au travail cette semaine et qu’elle est apte à reprendre le travail le 1er février 2022 selon un horaire progressif, comme il a été précisé précédemment.

[50] Pendant que l’appelante était en arrêt de travail en raison d’une maladie, son employeur lui a envoyé deux lettres.

[51] La première lettre datée du 10 novembre 2021 n’est pas signée par une personne, mais se termine par « Sincèrement, Ressources humaines [employeur] ». La lettre commence par [traduction] « Pour faire suite à notre communication écrite précédente, vous êtes actuellement en congé sans solde jusqu’au 15 novembre 2021 ». La lettre indiquait que l’appelante n’avait pas encore présenté de preuve de vaccination conformément à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur et que l’appelante n’avait pas d’exemption approuvée à la vaccination. La lettre poursuit en indiquant à l’appelante que si celle-ci n’a toujours pas déposé de plainte à l’égard de la politique ou si elle n’a pas présenté de preuve d’une dose d’un vaccin à deux doses ou d’une dose d’un vaccin à une série unique d’ici le 15 novembre 2021 [traduction] « votre congé actuel sera prolongé pour une autre période allant jusqu’au 17 janvier 2022 ».

[52] La lettre poursuit ainsi :

[Traduction]
Veuillez noter que [employeur] a mis à jour récemment sa politique de vaccination contre la COVID-19. Vous trouverez ci-joint une copie de la politique révisée. Veuillez porter votre attention sur la page 6 sous la rubrique « Conformité ». [L’employeur] a établi une date limite de conformité définitive le 17 janvier 2022 pour la vaccination et a confirmé les répercussions de la non-conformité continue sur le personnel après cette date. Après le 17 janvier 2022, si vous n’avez pas obtenu la deuxième dose d’une série de vaccins à deux doses ou une dose d’une série de vaccins à dose unique, vous ne serez pas autorisée à retourner au travail et votre congé ne sera pas prolongé (souligné dans l’original).

[53] La lettre que l’employeur a fournie à Service Canada ne contient pas de copie de la politique révisée de l’employeur sur la COVID-19. Vous trouverez ci-joint une fiche d’information à l’intention du personnel. La fiche d’information du personnel comporte des dispositions relatives au retour au travail qui s’appliquent avant la date limite du 17 janvier 2022.

[54] Le 1er décembre 2021, les Ressources humaines ont envoyé une deuxième lettre à l’appelante. Ce service souligne que l’appelante a été en congé sans solde du 14 au 27 septembre 2021 pour ne pas s’être soumise aux tests antigéniques requis. La lettre poursuit ainsi :

[Traduction]
Par la suite, votre demande de congé de maladie du 28 septembre 2021 au 26 octobre 2021 a été approuvée. À ce jour, vous n’avez pas soumis de preuve médicale justifiant un congé de maladie après le 26 octobre 2021. Par conséquent, la présente vise à confirmer que vous êtes de nouveau mis en congé sans solde du 27 octobre 2021 au 17 janvier 2022 pour non-respect des exigences de vaccination énoncées dans la politique de vaccination contre la COVID-19 de [employeur]. Nos dossiers révèlent que vous n’avez soumis aucune preuve de vaccination (1re dose ou 2e dose) et que vous n’avez pas actuellement d’exemption de nature médicale ou en vertu des droits de la personne qui soit approuvée.

[55] La lettre répète ensuite que la date limite finale pour la conformité est le 17 janvier 2022 et réitère les conséquences de la non-conformité, mais la politique de l’employeur sur la COVID-19 n’est pas jointe à la lettre.

[56] Le 9 février 2022, le gestionnaire des ressources humaines de l’employeur a envoyé un courriel à l’appelante. Le courriel indiquait que l’employeur avait communiqué avec l’appelante le 26 janvier 2022 au sujet de la date limite finale de la Politique de vaccination contre la COVID-19 du 17 janvier 2022. Le courriel indiquait que l’appelante avait communiqué avec l’employeur le 1er février 2022 et qu’elle avait refusé de le rencontrer pour discuter de son non-respect continu des exigences en matière de vaccination. Le courriel a joint une copie de la lettre de cessation d’emploi en raison du défaut de l’appelante de soumettre des dossiers de vaccination conformément à sa politique. L’emploi de l’appelante a pris fin le 7 février 2021.

[57] Je note que le médecin de l’appelante a rempli une déclaration d’aptitude au travail pour l’appelante le 28 octobre 2021. Ce formulaire fournissait un diagnostic et indiquait que l’appelante ignorait quand elle pouvait retourner au travail. Les services ministériels de santé et de sécurité de l’employeur ont écrit au médecin de l’appelante le 23 novembre 2021 pour le remercier du formulaire rempli le 28 octobre 2021 et lui demander d’autres renseignements médicaux [traduction] « aux fins d’examen ». Le médecin a fourni le diagnostic, le traitement et une mise à jour sur le retour au travail sous deux formes datées du 25 novembre 2021. Le 23 décembre 2021, les services ministériels de santé et de sécurité de l’employeur ont de nouveau écrit au médecin de l’appelante pour le remercier d’avoir rempli les formulaires le 2 décembre 2021.

[58] Contrairement à l’affirmation de l’employeur du 1er décembre 2021 selon laquelle l’appelante n’avait fourni aucune preuve médicale pour justifier son absence du travail, la preuve me dit que l’appelante avait fourni une preuve médicale pour justifier son absence du travail pour des raisons médicales du 28 octobre 2021 au 1er février 2022 lorsqu’elle a été autorisée à retourner au travail de façon graduelle, comme l’a suggéré l’employeur.

[59] La preuve m’indique également que les services ministériels de santé et de sécurité de l’employeur et le service des ressources humaines de l’employeur ne communiquaient pas entre eux au sujet de la nature de la maladie de l’appelante et du motif de son congé sans solde. L’ignorance par le service des ressources humaines de l’état de santé de l’appelante signifiait qu’il considérait l’absence continue de l’appelante comme un congé sans solde pour non-respect de la politique de l’employeur alors qu’il s’agissait, en fait, de raisons médicales.

[60] L’appelante a déclaré qu’elle était en arrêt de travail parce qu’elle éprouvait des problèmes de santé mentale. Elle recevait un traitement sous forme de counseling et de médicaments. Ceci est confirmé par les notes médicales rédigées par son médecin du 28 septembre 2021 au 31 décembre 2022.

[61] L’appelante a déclaré qu’elle était malade et qu’elle ne fonctionnait pas correctement pendant cette période. L’appelante a déclaré qu’elle n’était pas en mesure de répondre aux lettres de novembre ou de décembre de son employeur ou d’en faire le suivi. Elle n’a pas pu lire ou traiter les deux lettres qu’elle a reçues de son employeur en novembre ou en décembre.

[62] Lorsque l’appelante a cessé de travailler le 28 septembre 2021, la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur indiquait que le personnel qui n’était pas vacciné au plus tard le 4 octobre 2021 serait mis en congé sans solde pour défaut de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Ce congé a pris fin le 27 septembre 2021 lorsqu’elle a repris le travail. Elle a ensuite entrepris une période de congé de maladie payé le 28 septembre 2021 et a été mise en congé sans solde pour raisons médicales à compter du 8 octobre 2021.

[63] L’employeur a écrit à l’appelante le 10 novembre 2021 pour lui dire qu’il avait [traduction] « récemment mis à jour » sa politique de vaccination contre la COVID-19. La mise à jour a eu pour effet d’établir une date de conformité finale le 17 janvier 2022. L’appelante a été informée dans cette lettre que si elle n’avait pas reçu la deuxième dose d’un vaccin à deux doses ou une dose d’un vaccin à une série unique à cette date, elle ne serait pas autorisée à retourner au travail et son congé ne serait pas prolongé.

[64] La lettre de l’employeur datée du 1er décembre 2021 reprenait l’information contenue dans la lettre du 10 novembre 2021.

[65] Comme il a été mentionné ci-dessus, les lettres du 10 novembre 2021 et du 1er décembre 2021 comportaient également une fiche d’information sur le personnel. Sous la rubrique « Comment puis-je retourner au travail? », trois dispositions s’appliquaient « avant la date de conformité finale du 17 janvier 2022 ». Le personnel en congé autorisé pour défaut de présenter une preuve de vaccination d’ici le 4 octobre 2021 et qui a par la suite obtenu une première dose d’un vaccin contre la COVID-19 pourrait retourner au travail en s’engageant à obtenir une deuxième dose dans les 8 semaines suivant la date de sa première dose ou au plus tard le 17 janvier 2022, selon la première éventualité. Le personnel en congé pour défaut de présenter une preuve d’une deuxième dose d’un vaccin contre la COVID-19 à deux doses pourrait retourner au travail après avoir fourni la preuve d’une deuxième dose au plus tard le 17 janvier 2022.

[66] L’appelante a déclaré que son médecin l’avait autorisée à reprendre le travail le 1er février 2022. Elle devait retourner au travail et occuper des tâches modifiées. Elle a appelé son employeur pour discuter de son retour au travail et elle s’est fait demander si elle était vaccinée. Elle a répondu par la négative. L’appelante a été licenciée le 7 février 2022 pour non-respect de la politique de l’employeur.

Conclusions

[67] Je ne crois pas que la Commission s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que l’appelante a été congédiée de son emploi en raison de son inconduite. Voici les motifs pour lesquels je suis arrivée à cette conclusion.

[68] Je dois me conformer aux décisions de la Cour fédérale. Je commettrais une erreur de droit si je m’attardais à la conduite de l’employeur, notamment en rendant des décisions en application d’autres lois quant à savoir si l’employeur a agi à juste titre ou s’il était légal pour l’employeur de créer, de mettre en œuvre et d’appliquer une politique. Je n’ai pas compétence pour le faire. Le Tribunal possède une expertise dans l’interprétation et l’application de la Loi et du Règlement à la situation d’un appelant et à la décision de la Commission. Selon les décisions de la Cour fédérale, y compris sa plus récente décision dans l’affaire Cecchetto, c’est tout ce que je devrais faire.

[69] Les questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales au sujet des vaccins contre la COVID-19 et les obligations liées à la COVID-19 mises en place par les gouvernements et les employeurs dépassent la portée des appels devant le Tribunal. Il existe d’autres moyens pour un appelant de contester ces directives et politiques.

[70] L’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, notamment d’élaborer et d’instaurer des politiques en milieu de travail. Quand l’employeur de l’appelante a fait de sa politique sur la vaccination contre la COVID-19 une exigence pour l’ensemble de son personnel, celle-ci est devenue une condition d’emploi expresse pour l’appelanteNote de bas de page 18.

[71] En date du 27 septembre 2021, l’appelante se conformait à la politique de son employeur parce qu’elle a consenti aux tests antigéniques rapides. À cette date, la politique de l’employeur exigeait que tout le personnel soit vacciné contre la COVID-19 au plus tard le 4 octobre 2021. Le personnel qui n’était pas vacciné serait mis en congé sans solde. À ce moment-là, la politique de l’employeur ne prévoyait aucune disposition relative au licenciement.

[72] L’appelante a pris un congé de maladie le 28 septembre 2021. Son médecin a continué d’attester à l’employeur qu’elle était incapable de travailler pour des raisons médicales qu’il a détaillées dans les formulaires de l’employeur.

[73] L’employeur a modifié sa politique en novembre 2021 et a fixé au 17 janvier 2022 la date finale de vaccination. Les personnes qui n’ont pas été vaccinées à cette date et qui sont en congé autorisé pour non-respect de la politique ne verraient pas ce congé prolongé. Toutefois, il n’était pas question de ce qui arriverait au personnel qui était en congé pour d’autres raisons ou dont le congé pour ces autres raisons s’est prolongé au-delà du 17 janvier 2022 s’il ne se conformait pas à la politique de l’employeur.

[74] Bien que je ne sois pas liée par les décisions d’autres membres du Tribunal, j’estime que le raisonnement énoncé dans TC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 891 (TC) est convaincant. Dans la décision TC, l’appelant a reçu un préavis verbal de deux jours de son employeur pour se conformer à sa politique de vaccination contre la COVID-19 en se faisant vacciner. Son employeur l’a congédié pour non-respect. Dans cet appel, le membre du Tribunal a conclu que l’appelant n’aurait pas pu savoir que les conséquences du non-respect des dispositions entraîneraient son congédiement. On ne lui a tout simplement pas donné assez de temps pour se conformer à la politique.

[75] La preuve démontre sans équivoque que l’appelante n’était pas en congé pour défaut de se conformer à la politique. Elle était en congé sans solde pour des raisons médicales jusqu’au 1er février 2022. Elle a témoigné qu’elle ne fonctionnait pas correctement et qu’elle n’était pas en mesure de répondre aux lettres de l’employeur ou d’en faire le suivi en novembre ou en décembre 2021. La politique de l’employeur ne précisait pas ce qui arriverait aux employés en congé pour d’autres raisons après le 17 janvier 2022 s’ils ne se conformaient pas à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur avant cette date. Cette preuve m’indique que l’appelante n’était pas au courant du changement apporté à la politique de l’employeur selon lequel le non-respect de la politique après le 17 janvier 2022 pourrait lui faire perdre son emploi.

[76] Il n’existe aucune preuve que, lorsque l’appelante a communiqué avec l’employeur pour discuter de son retour au travail, elle a été informée des conséquences révisées de la non-conformité à la politique de l’employeur. On lui a demandé [traduction] « êtes-vous vaccinée? », elle a répondu [traduction] « non » et on lui a dit que quelqu’un reviendrait la voir. Cette preuve me dit que l’appelante ne savait pas quand elle a répondu non à la question portant sur la vaccination qu’elle pourrait être licenciée.

[77] Je conclus que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite. Cela s’explique par le fait que l’appelante ne savait pas qu’en continuant de ne pas se conformer à la politique lorsqu’elle prévoyait reprendre le travail le 1er février 2022, elle pourrait être congédiée. Par conséquent, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que l’appelante a été congédiée de son emploi en raison de son inconduite.

Donc, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[78] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment, je suis d’avis que l’appelante n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Disponibilité

[79] Deux dispositions différentes de la loi exigent que les prestataires démontrent qu’ils sont disponibles pour travailler. La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible conformément à ces deux dispositions. Elle affirme donc que l’appelante doit satisfaire aux critères des deux dispositions pour obtenir des prestations.

[80] Premièrement, la Loi prévoit que le prestataire doit prouver qu’il fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 19. Le Règlement énonce des critères qui expliquent ce que sont des « démarches habituelles et raisonnables »Note de bas de page 20.

[81] Deuxièmement, la Loi dispose qu’un prestataire doit prouver qu’il est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’il est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 21. La jurisprudence énumère trois éléments que le prestataire doit prouver pour démontrer qu’il est « disponible » en ce sensNote de bas de page 22. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[82] La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon ces deux dispositions de la loi.

Il n’est pas nécessaire de tenir compte de l’article 50(8)

[83] J’ai examiné les éléments de preuve au dossier d’appel et je n’ai vu ni demande de la Commission à l’appelante pour prouver qu’elle avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenable ni affirmation de la Commission selon laquelle, si elle en a fait la demande à l’appelante, sa preuve était insuffisante.

[84] Je remarque que la Commission n’a présenté aucune observation sur la façon dont l’appelante a omis de prouver qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables. La Commission a seulement résumé ce que prévoient l’article 50(8) de la Loi et l’article 9.001 du Règlement.

[85] Compte tenu de l’absence de preuve selon laquelle la Commission a demandé à l’appelante de prouver ses démarches habituelles et raisonnables conformément à l’article 50(8) de la Loi, la Commission n’a pas exclu l’appelante en application de l’article 50(8) de la Loi. Par conséquent, je n’ai pas à tenir compte de cette partie de la loi pour rendre ma décision sur cette questionNote de bas de page 23.

[86] Je ne me pencherai que sur la question de savoir si l’appelante était capable de travailler et disponible à cette fin conformément à l’article 18 de la Loi.

La période à l’étude

[87] La Commission a rendu l’appelante inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler à compter du 17 janvier 2022.

[88] L’appelante a dit à la Commission qu’elle cherchait à obtenir des prestations d’assurance-emploi du 7 février 2022 au 26 mai 2022. À l’audience, l’appelante a expliqué qu’elle avait été autorisée à retourner à son ancien emploi et qu’elle n’avait pas besoin de chercher du travail avant le 7 février 2022 parce qu’elle occupait un emploi jusqu’à cette date. Elle a réussi à obtenir un emploi le 16 mai 2022.

[89] Une inadmissibilité signifie qu’il y a quelque chose qui vous empêche de recevoir des prestations d’assurance-emploi et qu’une fois que ce problème est réglé ou supprimé, l’inadmissibilité peut prendre fin. Une inadmissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle ne prouve pas sa disponibilité pour travailler est en vigueur pendant la période où une personne n’est pas en mesure de prouver qu’elle est disponible pour travailler.

[90] Dans la présente affaire, l’appelante a déclaré qu’elle cherchait à obtenir des prestations et qu’elle était disponible pour travailler du 7 février 2022 jusqu’à ce qu’elle commence un nouvel emploi le 16 mai 2022. Je conviens avec l’appelante qu’il devrait s’agir de la période à l’étude.

Les observations de la Commission

[91] La Commission affirme que l’appelante n’a pas démontré qu’elle s’était rétablie d’une maladie ou d’une blessure et qu’elle n’est disponible que trois heures par semaine, un maximum de trois heures par jour. Elle indique que les prestataires ne sont pas autorisés, dès le début de leur demande, à restreindre leur volonté de travailler certaines heures. Au contraire, dès le début de leur demande, ils sont tenus d’être disponibles pour toutes les heures de travail offertes sur le marché du travail, y compris le travail à temps plein, à temps partiel, le soir, la nuit et le travail par quart, ainsi que le travail qui peut comporter de longues heures ou des heures supplémentaires. La Commission affirme que dans la présente affaire, l’appelante a indiqué qu’elle était incapable de travailler une journée complète en raison de son état de santé. Par conséquent, la Commission affirme que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle est disponible et qu’elle cherche un emploi à temps plein.

Emploi convenable

[92] Un prestataire n’a qu’à être disponible pour occuper un emploi convenable.

[93] Pour évaluer la disponibilité de l’appelante, je dois d’abord définir ce qui est considéré comme un emploi convenable pour l’appelante. La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour établir ce qui constitue un emploi convenable. Ces critères, énoncés à l’article 9.002(1) du Règlement, sont les suivants :

  1. a) l’état de santé et les capacités physiques du prestataire lui permettent de se rendre au lieu de travail et d’effectuer le travail;
  2. b) l’horaire de travail n’est pas incompatible avec les obligations familiales du prestataire ou ses croyances religieuses;
  3. c) la nature du travail n’est pas contraire aux convictions morales ou aux croyances religieuses du prestataireNote de bas de page 24.

[94] Ce qui est un emploi convenable doit être décidé selon le contexteNote de bas de page 25. Cela signifie que la question de savoir si un prestataire a réduit ses heures de disponibilité, s’il a l’habitude de travailler aux heures pour lesquelles il est maintenant disponible et s’il y a des possibilités d’emploi aux heures où le prestataire est disponible est pertinente.

[95] Je ne suis pas d’accord avec l’observation de la Commission selon laquelle un prestataire doit être disponible pour travailler toutes les heures de la journée et tous les jours de la semaine. La loi indique clairement qu’un prestataire doit être disponible les jours ouvrables et qu’un jour ouvrable est n’importe quel jour de la semaine, sauf le samedi et le dimancheNote de bas de page 26. La loi précise également qu’un prestataire n’a besoin que d’être disponible pour occuper un emploi convenable, ce qui est défini de façon à inclure un emploi que ses capacités physiques et sa santé lui permettent d’exercer.

[96] Le médecin de l’appelante a souscrit à la recommandation de son ancien employeur en faveur d’un retour au travail graduel. Son ancien employeur lui suggérait quatre heures par jour trois jours par semaine et elle pouvait prendre de courtes pauses. Son retour au travail devait survenir le 25 janvier 2022. Le médecin de l’appelante l’a mise en arrêt de travail pour une semaine supplémentaire et a mentionné qu’elle serait en mesure de reprendre le travail selon l’horaire progressif à compter du 1er février 2022.

[97] L’appelante a déclaré que, lorsqu’on lui a dit qu’elle avait été licenciée, elle a connu un recul au niveau de sa santé mentale pendant quelques semaines. Elle a déclaré qu’à compter du 26 février 2022, son médecin l’avait autorisée à travailler à temps partiel deux à trois jours par semaine pendant un à trois mois. Par conséquent, je trouve que pour l’appelante, un emploi convenable serait un emploi qu’elle pourrait occuper pendant 4 heures par jour 3 jours par semaine du 7 au 26 février 2022 et de 2 à 3 jours par semaine du 26 février au 26 mai 2022 (les 3 mois recommandés par son médecin).

Capable de travailler et disponible à cette fin

[98] Comme je l’ai mentionné précédemment, je dois seulement décider si l’appelante était disponible pour travailler en vertu de l’article 18(1)a) de la Loi.

[99] La jurisprudence énonce trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si l’appelante était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 27 :

  1. a) Elle voulait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.
  2. b) Elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (en d’autres termes, trop) ses chances de retourner au travail.

[100] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois me pencher sur l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas de page 28.

Désir de retourner sur le marché du travail

[101] L’appelante a démontré qu’elle voulait reprendre le travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[102] Elle a déclaré qu’elle doit travailler pour avoir de l’argent. Elle vit au Canada depuis 15 ans et a travaillé la majeure partie de cette période. Elle a expliqué qu’elle avait cherché du travail après avoir été congédiée et qu’elle avait pu obtenir un nouvel emploi à compter du 16 mai 2022. Ces éléments de preuve m’indiquent que l’appelante a manifesté le désir de travailler.

Démarches effectuées pour trouver un emploi convenable

[103] L’appelante a effectué assez de démarches pour trouver un emploi convenable.

[104] Une autre disposition de la loi énonce les démarches de recherche d’emploi à examiner au moment de déterminer la disponibilitéNote de bas de page 29. Cette autre disposition ne s’applique pas à l’appel de l’appelante. Cependant, je choisis d’examiner cette liste à titre indicatif pour m’aider à décider si la prestataire a déployé des efforts pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 30.

[105] La liste compte neuf démarches de recherche d’emploi : l’évaluation des possibilités d’emploi, la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation, l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement, la participation à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi, le réseautage, la communication avec des employeurs éventuels, la présentation de demandes d’emploi, la participation à des entrevues et la participation à des évaluations des compétencesNote de bas de page 31.

[106] L’appelante a déclaré qu’elle a commencé à chercher du travail après son licenciement. Elle a consulté des sites Web de recrutement comme Indeed pour le travail. Elle s’est inscrite au Guichet-Emplois de la Commission. Elle a un curriculum vitæ et l’a téléchargé sur Indeed. Elle a postulé quatre ou cinq emplois par jour. Elle a obtenu son emploi actuel, qui est permanent à temps plein par l’entremise d’Indeed.

[107] Je suis convaincue que les démarches de recherche d’emploi de l’appelante manifestaient son désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

Conditions pouvant limiter indûment les chances de retourner au travail

[108] L’appelante n’a pas établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner au travail du 7 février 2022 au 16 mai 2022.

[109] L’appelante a déclaré qu’elle a accès à un moyen de transport pour se rendre au travail et qu’elle possède un permis de conduire. Il n’y a aucune restriction quant au temps ou à la distance qu’elle peut parcourir pour se rendre au travail. Elle détient un diplôme universitaire. Elle était prête à accepter un emploi qui pourrait nécessiter une formation en cours d’emploi. Elle ne refusait aucune offre d’emploi en fonction du salaire, elle voulait un emploi pour pouvoir payer ses factures. Elle cherchait un emploi en administration qui correspondait à son expérience de travail et un travail qui correspondait à ses études.

[110] L’appelante a déclaré qu’elle cherchait un emploi qui lui permettrait de travailler dans les limites de son état de santé et de l’autorisation de son médecin de travailler deux à trois jours par semaine. On lui a offert et elle a accepté un emploi à temps plein à compter du 16 mai 2022.

[111] Les limitations médicales de l’appelante ne sont pas des conditions personnelles qui limitent indûment son retour au travail. Un prestataire n’est pas tenu d’être disponible pour des emplois à moins que ceux-ci ne soient appropriés. Tout emploi qui dépasse les capacités d’un prestataire ne serait pas un emploi convenableNote de bas de page 32. Comme il a été mentionné précédemment, les limitations médicales de l’appelante de travailler deux à trois jours par semaine limitent ce qui constitue un emploi convenable pour elle. Toutefois, rien n’indique que l’appelante a établi des conditions personnelles autres que celles imposées par ses problèmes de santé.

[112] Par conséquent, je conclus que l’appelante n’a établi aucune condition personnelle du 7 février 2022 au 16 mai 2022 qui pourrait limiter ses chances de retourner au travail.

Donc, l’appelante est-elle capable de travailler et disponible à cette fin?

[113] D’après mes conclusions relatives aux trois éléments, je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais qu’elle est incapable de trouver un emploi convenable depuis le 16 octobre 2022.

Conclusion

[114] La Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[115] Par conséquent, l’appel est rejeté relativement à la question de l’inconduite.

[116] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. Pour cette raison, je conclus que l’appelante n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations du 7 février 2022 au 16 mai 2022.

[117] Par conséquent, sur la question de la disponibilité, l’appel est accueilli en partie.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.