Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1139

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : K. K.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 16 février 2023
(GE-22-3324)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Date de la décision : Le 21 août 2023
Numéro de dossier : AD-23-217

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] K. K. est la prestataire dans cette affaire. Elle a occupé un poste administratif dans une université. Lorsqu’elle a cessé de travailler, elle a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle ne pouvait pas recevoir de prestations parce qu’elle avait été congédiée en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1.

[4] La division générale est arrivée à la même conclusionNote de bas de page 2. Elle a déclaré que la prestataire était au courant de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur, qu’elle avait eu assez de temps pour s’y conformer et qu’elle aurait dû connaître les conséquences en cas de non-respect.

[5] La prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appelNote de bas de page 3. Elle doit cependant obtenir la permission d’aller de l’avant.

[6] Je rejette la demande de permission de faire appel parce que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4.

Question préliminaire

[7] La prestataire a présenté une demande à la division d’appel dans laquelle elle explique pourquoi elle n’était pas d’accord avec la décision de la division généraleNote de bas de page 5.

[8] La prestataire n’ayant pas rempli les bons formulaires, le Tribunal lui a envoyé une lettre le 17 avril 2023 pour lui demander plus d’informations au sujet de son appel. La lettre demandait à la prestataire de préciser le type d’erreur commise et de motiver sa demande en fonction de ce que la division d’appel pouvait prendre en considération. La date limite pour répondre à la lettre était le 28 avril 2023.

[9] La prestataire a demandé au Tribunal un délai supplémentaire pour répondreNote de bas de page 6. Elle a ensuite demandé une deuxième fois plus de temps pour répondre. La nouvelle date limite a été fixée au 19 mai 2023.

[10] À la date de la présente décision, le Tribunal n’a pas reçu de réponse à cette lettre ni aucune communication de la part de la prestataire.

Question en litige

[11] Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur révisable?

Analyse

Le critère pour obtenir la permission de faire appel

[12] Un appel peut aller de l’avant seulement si la division d’appel accorde la permission de faire appelNote de bas de page 7.

[13] Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 8. Cela signifie qu’il doit exister un moyen défendable qui permettrait à l’appel d’être accueilliNote de bas de page 9.

[14] Je ne peux examiner que certains types d’erreurs. Je dois surtout vérifier si la division générale a pu commettre une ou plusieurs des erreurs pertinentes (ou moyens d’appel)Note de bas de page 10.

[15] Les moyens d’appel possibles à la division d’appel sont les suivants. La division généraleNote de bas de page 11 :

  • a agi de façon inéquitable;
  • a outrepassé sa compétence ou a refusé de l’exercer;
  • a commis une erreur de droit;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[16] Pour que l’appel aille de l’avant, je dois conclure qu’au moins un des moyens d’appel lui confère une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 12.

Je refuse à la prestataire la permission de faire appel

[17] La prestataire n’est pas d’accord avec la décision et fait valoir ce qui suit dans le présent appelNote de bas de page 13 :

  • Premièrement, elle affirme que la division générale s’est appuyée sur des affaires qui n’étaient pas similaires à la sienne. Elle dit que ces affaires concernaient des drogues illicites et des politiques sur les drogues déjà existantes, contrairement à la sienne qui porte sur la nouvelle politique de vaccination mise en œuvre dans son milieu de travail.
  • Deuxièmement, l’employeur a modifié les modalités de son contrat de travail sans son consentement.
  • Troisièmement, sa conduite n’était pas une inconduite et n’était pas délibérée.

[18] La prestataire n’a pas précisé quel type d’erreur la division générale aurait commise. Malgré cela, j’ai examiné si des erreurs révisables avaient été commises selon les renseignements qu’elle a fournisNote de bas de page 14.

La division générale a décidé que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite

[19] La division générale devait décider si la Commission avait prouvé que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

[20] La loi prévoit qu’une partie prestataire suspendue ou congédiée en raison d’une inconduite n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 15.

[21] L’inconduite n’est pas définie dans la Loi sur l’assurance-emploi, mais la Cour d’appel fédérale en a donné une définition. Dans la décision Mishibinijima, la Cour a défini l’inconduite comme une conduite qui est délibérée, ce qui signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 16.

[22] La Cour a également affirmé qu’il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers l’employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 17.

[23] Voici un résumé des principales conclusions de la division générale dans cette affaire :

  • La prestataire a été congédiée le 23 février 2022 en raison d’une inconduite et a donc été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 18.
  • La prestataire connaissait la politique de vaccination et savait qu’elle devait être entièrement vaccinée contre la COVID-19. De plus, elle avait eu assez de temps pour se conformer à cette politiqueNote de bas de page 19.
  • La prestataire a fait le choix conscient, délibéré et intentionnel de ne pas respecter la politique de vaccinationNote de bas de page 20.
  • La prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination, ce qui l’a empêchée de s’acquitter ses fonctionsNote de bas de page 21.
  • La prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle serait congédiée si elle ne suivait pas la politiqueNote de bas de page 22.

La division générale s’est appuyée sur la jurisprudence pertinente

[24] La prestataire soutient que la division générale s’est appuyée sur des affaires judiciaires qui ne sont pas similaires à la sienne parce qu’elles portaient sur des drogues illicites et des politiques sur les drogues déjà existantesNote de bas de page 23. Elle fait valoir que la politique de vaccination à son lieu de travail n’existait pas lorsqu’elle a été embauchée, contrairement aux politiques sur les drogues dans ces affaires.

[25] La prestataire ne mentionne pas les affaires précises, mais je pense qu’elle faisait référence aux décisions McNamara et Paradis de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale. Je remarque que la division générale s’est appuyée sur ces deux affaires dans sa décisionNote de bas de page 24. En outre, ces deux affaires concernaient des personnes congédiées pour inconduite parce qu’elles avaient enfreint la politique de leur employeur en matière de droguesNote de bas de page 25.

[26] Il semble que la prestataire soutienne que ces affaires ne sont pas pertinentes parce que leurs faits sont différents de ceux de sa propre affaire. Je vais donc examiner ce que la division générale a dit au sujet de ces affaires.

[27] Premièrement, la division générale s’est fondée sur la décision McNamara pour dire qu’il faut se concentre sur la conduite de la personne employée, et non sur celle de l’employeurNote de bas de page 26. Se référant à la décision McNamara, la division générale a déclaré que les personnes congédiées injustement ont d’autres solutions à leur disposition qui permettent de pénaliser le comportement de l’employeur et d’éviter que celui-ci coûte de l’argent aux contribuables en versements de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 27.

[28] Deuxièmement, la division générale s’est appuyée sur la décision Paradis pour étayer le fait qu’il faut se concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduiteNote de bas de page 28.

[29] La division générale a reconnu que les faits des affaires McNamara et Paradis étaient différents de ceux de l’affaire de la prestataire. Au paragraphe 25 de sa décision, elle a déclaré ce qui suit :

Ces décisions ne concernent pas des politiques de vaccination contre la COVID-19, mais ce qu’elles disent est pertinent. Mon rôle n’est pas d’évaluer le comportement ou les politiques de l’employeur et d’établir s’il a eu raison de congédier l’appelante. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et voir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[30] La division générale a correctement centré son analyse sur la conduite de la prestataire et non sur celle de l’employeur. C’est ce que la jurisprudence dit de faire.

[31] Même si les faits sont différents dans la présente affaire et qu’ils n’impliquent pas de drogues ou une politique en la matière, les principes juridiques exposés dans les décisions McNamara et Paradis sont toujours pertinents et applicables dans les cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi.

[32] La prestataire a également affirmé à la division d’appel qu’il n’y avait pas de politique de vaccination au moment de son embauche et que l’employeur avait modifié ses conditions d’emploi sans son consentement. Toutefois, la Cour a déjà établi qu’il faut se concentrer sur la conduite de la personne employée, et non sur celle de l’employeur.

La Cour fédérale a jugé une affaire semblable

[33] La Cour fédérale a confirmé que la compétence du Tribunal était limitée dans la récente décision Cecchetto. La division générale n’a pas fait expressément référence à cette décision, mais ses faits sont semblables à ceux de la présente affaireNote de bas de page 29.

[34] L’affaire Cecchetto concernait un appelant qui a été suspendu et congédié en raison d’une inconduite parce qu’il n’avait pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 30. Il n’était pas donc pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 31.

[35] Au paragraphe 32 de la décision Cecchetto, la Cour a déclaré ce qui suit :

[traduction] Le demandeur est visiblement frustré par le fait qu’aucune des décisions n’ait abordé ce qu’il considère comme des questions de droit ou de fait fondamentales, par exemple, l’intégrité physique, le consentement aux tests médicaux, la sûreté et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 ou les tests antigéniques. Mais cela ne rend pas la décision de la division d’appel déraisonnable pour autant. La principale faille de son argument est qu’il reproche aux personnes qui ont rendu les décisions de ne pas avoir réglé un ensemble de questions qu’elles ne sont pas légalement autorisées à examiner.

[36] Le prestataire demandait à la division générale de trancher des questions qu’elle ne peut pas trancher. La décision Cecchetto confirme le rôle restreint du Tribunal, à savoir que ces questions ne relèvent pas de son mandat ou de sa compétence.

[37] La division générale a reconnu les autres arguments de la prestataire concernant la conduite de l’employeur : rupture de contrat, discrimination, absence de mesures d’adaptation et congédiement injustifié, mais elle a décidé qu’elle n’avait pas le pouvoir de les examinerNote de bas de page 32.

[38] La division générale a déclaré que si l’employeur avait rompu le contrat de travail de la prestataire, elle pouvait s’adresser à une autre cour ou à un autre tribunalNote de bas de page 33. Dans l’affaire Cecchetto, la Cour a souligné qu’il existe d’autres moyens par lesquels les demandes de la prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridiqueNote de bas de page 34.

[39] Il est clair que la prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la division générale. Toutefois, un appel à la division d’appel n’est pas une nouvelle audience. Je ne peux pas réévaluer la preuve pour en arriver à une conclusion différente qui serait plus favorable à la prestataireNote de bas de page 35.

[40] On ne peut donc pas soutenir que la division générale a commis une erreur révisable pour les raisons suivantesNote de bas de page 36.

[41] La division générale s’est appuyée sur l’article pertinent de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 37. Elle a également énoncé et appliqué le critère juridique d’inconduite ci-dessus en se fondant sur ce que la Cour a ditNote de bas de page 38.

[42] La division générale s’est appuyée sur la jurisprudence contraignante de la Cour lorsqu’elle a décrit l’inconduite de la manière dont elle l’a faitNote de bas de page 39. Elle devait se concentrer sur la conduite de la prestataire et non sur celle de l’employeur. Personne ne conteste que la prestataire n’a pas respecté la politiqueNote de bas de page 40.

[43] Enfin, les principales conclusions de la division générale sont appuyées par la preuve et elle n’a tranché que des questions qu’elle avait le pouvoir de trancher.

Il n’y a aucune autre raison d’accorder à la prestataire la permission de faire appel

[44] J’ai examiné le dossier, écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale et lu sa décisionNote de bas de page 41. Je n’ai vu aucun élément de preuve pertinent que la division générale a pu ignorer ou mal interpréter. L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[45] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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