Assurance-emploi (AE)

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Citation : DJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 820

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (503146) datée du 23 juillet 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 13 avril 2023
Personne présente à l’audience : L’appelante
Date de la décision : Le 2 juin 2023
Numéro de dossier : GE-22-3003

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que le refus de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) de prolonger la période prévue de 30 jours pour présenter une demande de révision est justifiéNote de bas de page 1.

Aperçu

[2] Le 10 juin 2022, l’appelante présente une demande de révision d’une décision rendue par la Commission, en date du 26 janvier 2021Note de bas de page 2.

[3] Le 17 août 2022, la Commission l’informe qu’elle ne réviserait pas la décision rendue à son endroit, en date du 26 janvier 2021. Elle lui indique avoir étudié les raisons fournies pour justifier sa demande de révision hors délai, mais a déterminé qu’elles ne satisfaisaient pas aux exigences du Règlement sur les demandes de révisionNote de bas de page 3.

[4] La décision rendue par la Commission, en date du 26 janvier 2021, porte sur la demande d’une antidate de la demande de prestations de l’appelanteNote de bas de page 4.

[5] L’appelante explique avoir présenté une demande de révision le 10 juin 2022 dans le but de contester la demande de remboursement de la somme d’argent qui lui a été adressée pour des prestations perçues en trop à la suite des avis de dette qu’elle a reçus. Pour ce qui est de la décision rendue par la Commission, en date du 26 janvier 2021, l’informant que sa demande d’antidate était refusée, l’appelante explique qu’après en avoir pris connaissance, elle a conclu que ce n’était pas possible de la contester. Elle précise que vers le mois de décembre 2020, elle s’est rendue dans un Centre Service Canada pour savoir si elle pouvait obtenir une antidate à sa demande de prestations pour que celle-ci débute le 23 mars 2020. L’appelante indique avoir alors été informée par la Commission que sa demande d’antidate ne pouvait être acceptée. Puisque sa demande d’antidate avait été refusée en décembre 2020, l’appelante dit avoir conclu qu’elle ne pouvait contester la décision de la Commission du 26 janvier 2021 portant sur cette question. Elle précise que c’est à la suite des avis de dette reçus lui demandant de rembourser une somme de 2 000,00 $ représentant un versement anticipé de prestations de la Prestation d’assurance-emploi d’urgence (PAEU) qu’elle a présenté une demande de révision, en juin 2022. L’appelante explique que l’appel présenté devant le Tribunal, le 10 septembre 2022, porte sur cette demande de remboursement.

Questions préliminaires

[6] Dans le présent dossier, je prends en considération que la décision rendue par la Commission, en date du 26 janvier 2021, porte sur une demande d’antidate de la demande de prestations de l’appelante au 23 mars 2022Note de bas de page 5, alors que la demande de révision présentée par cette dernière, en date du 10 juin 2022, avait pour but de contester la demande de remboursement d’une somme d’argent qui lui a été versée en trop à titre de versement anticipé de prestations de la PAEU (trop-payé).

[7] À la suite de l’audience tenue le 13 avril 2023 et à la suite d’une demande du Tribunal, la Commission explique que dans sa demande de révision du 10 juin 2022Note de bas de page 6, l’appelante démontre qu’elle voulait obtenir une révision de la décision rendue à son endroit lui demandant de rembourser une somme de 2 000,00 $ qui lui a été payée à titre de versement anticipé de prestations de la PAEUNote de bas de page 7.

[8] La Commission indique reconnaître que la demande de révision de l’appelante pour cette question n’était pas en retard et qu’une révision de cette décision devait avoir lieuNote de bas de page 8. Elle mentionne avoir initialement rendu cette décision le 20 mai 2022Note de bas de page 9.

[9] À la suite de ce constat, la Commission fait deux propositions au Tribunal : procéder, avec l’accord de celui-ci, à la révision de la décision qu’elle a rendue sur la question du remboursement du versement anticipé de prestations de la PAEU avant qu’il ne rende sa décision sur la question de l’antidate de la demande de prestations de l’appelante ou effectuer cette révision après qu’il ait rendu sa décisionNote de bas de page 10.

[10] Le 18 mai 2023, après que le Tribunal lui ait signifié son accord à cet effet, la Commission a rendu une décision en révision sur la décision qu’elle avait initialement rendue le 20 mai 2022 concernant la somme d’argent réclamée à l’appelante pour des prestations versées en trop à titre de versement anticipé de prestations de la PAEUNote de bas de page 11. Dans sa décision du 18 mai 2023, la Commission indique qu’elle annule la décision rendue le 20 mai 2022Note de bas de page 12.

[11] Dans son argumentation, la Commission explique que l’appelante a prouvé qu’elle était admissible au bénéfice des prestations de la PAEU pour quatre semaines supplémentaires, ce qui avait pour effet de compenser le versement anticipé de 2 000,00 $ qui représente quatre semaines de prestations (quatre semaines à 500,00 $ par semaine)Note de bas de page 13. La Commission précise que sa décision du 18 mai 2023 a alors comme conséquence d’annuler le trop-payé de 2 000,00 $ créé à la suite du versement à l’appelante d’un montant équivalent à titre de paiement anticipé de prestations de la PAEUNote de bas de page 14.

[12] Dans ce contexte, ma décision porte uniquement sur la question relative à la demande de révision de la décision de la Commission relative à la demande d’antidate de la demande de prestations de l’appelante. Je souligne que c’est au sujet de la demande d’antidate de la demande de prestations de l’appelante que la Commission a refusé de prolonger la période de révision de 30 jours pour que celle-ci présente sa demande de révision.

[13] Je précise que ma décision n’a toutefois aucune incidence sur la décision en révision rendue par la Commission, en date du 18 mai 2023, et faisant en sorte d’annuler le trop-payé de 2 000,00 $ en prestations qui était réclamé à l’appelante.

Question en litige

[14] Je dois déterminer si le refus de la Commission de prolonger la période de 30 jours prévue pour présenter une demande de révision est justifiéNote de bas de page 15.

Analyse

[15] Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission peut lui demander de la réviser dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que celle-ci peut accorder, et selon les modalités prévues par règlementNote de bas de page 16. 

[16] La Commission peut accorder un délai plus long pour une demande de révision, si elle est convaincue d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révisionNote de bas de page 17. 

[17] La Commission doit aussi être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie dans les « cas particuliers » suivants : a) la demande de révision est présentée après l’expiration du délai de 365 jours suivant le jour où l’intéressé a reçu communication de la décision ; b) elle est présentée par une personne qui a fait une autre demande de prestations après que la décision lui a été communiquée ; c) elle est présentée par une personne qui a demandé à la Commission d’annuler ou de modifier la décision en vertu de l’article 111 de la LoiNote de bas de page 18.

[18] Je précise que compte tenu de la question en litige soulevée dans le présent dossier, mon rôle se limite à déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire lorsqu’elle a refusé la demande de l’appelante de prolonger la période de révision de 30 jours relativement à la demande d’antidate de sa demande de prestationsNote de bas de page 19.

[19] La Cour d’appel fédérale (la Cour) a établi le principe selon lequel on ne devrait pas interférer avec les décisions discrétionnaires de la Commission à moins que celle-ci n’ait pas exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaireNote de bas de page 20.

[20] La Cour a également défini « de façon judiciaire », comme agissant de bonne foi, en tenant compte de tous les facteurs pertinents et en ignorant tous les facteurs non pertinentsNote de bas de page 21.

[21] La Cour fédérale a confirmé que la décision de la Commission relative à une prolongation de délai pour la présentation d’une demande de révision est une décision discrétionnaireNote de bas de page 22.

[22] Dans le présent dossier, je considère que la Commission démontre avoir exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en refusant d’accorder à l’appelante une prolongation de la période prévue de 30 jours pour présenter une demande de révision portant sur la demande d’antidate de sa demande de prestations.

[23] La Commission fait valoir les éléments suivants :

  1. a) L’appelante avait connaissance de la décision de la Commission, en date du 26 janvier 2021, et elle a tardé jusqu’au 10 juin 2022 pour présenter une demande de révisionNote de bas de page 23 ;
  2. b) L’appelante n’a pas démontré avoir une explication raisonnable permettant de justifier son retard ni avoir eu l’intention constante de contester la décision durant la période de retardNote de bas de page 24 ;
  3. c) Le litige sur le fond n’avait pas de chance raisonnable de succès, étant donné que l’appelante avait jusqu’au 2 décembre 2020 pour demander des prestations d’assurance-emploi d’urgence et qu’elle n’a présenté une demande d’antidate que le 5 janvier 2021Note de bas de page 25 ;
  4. d) La Commission soutient avoir exercé son pouvoir discrétionnaire « de façon judiciaire »Note de bas de page 26 lorsqu’elle a refusé de prolonger la période prévue de 30 jours pour demander une révision de la décision rendue à l’endroit de l’appelante, puisque toutes les circonstances pertinentes ont été considérées au moment de refuser le retard de l’appelante à présenter sa demandeNote de bas de page 27 ;
  5. e) L’appelante doit remplir les quatre conditions suivantes pour que la Commission accepte une demande tardive de révision : elle doit prouver qu’elle a une explication raisonnable pour justifier le retard de sa demande de révision, qu’elle avait l’intention constante de demander la révision durant la période du retard, que sa demande de révision a une chance raisonnable de succès et que l’acceptation de sa demande tardive de révision ne porte pas préjudice à la Commission ni à une autre partie. Le fait que l’appelante remplisse certaines de ces conditions ne suffit pas. La Commission n’est pas obligée d’accepter la demande tardive de révisionNote de bas de page 28.

[24] Le témoignage et les déclarations de l’appelante indiquent les éléments suivants :

  1. a) Elle explique avoir reçu la décision de la Commission en date du 26 janvier 2021 l’informant que sa demande d’antidate pour que sa période de prestations débute le 23 mars 2020 était refuséeNote de bas de page 29 ;
  2. b) Lorsqu’elle a pris connaissance de cette décision, elle a conclu que ce n’était pas possible de faire autre chose pour que sa demande d’antidate soit acceptée ;
  3. c) Vers le mois de décembre 2020, elle s’est rendue dans un Centre Service Canada pour savoir si elle pouvait obtenir une antidate à sa demande de prestations. Elle a alors été informée par un représentant de la Commission que sa demande d’antidate ne pouvait être acceptée ;
  4. d) Elle explique avoir conclu qu’elle ne pouvait donc pas contester la décision de la Commission du 26 janvier 2021 portant sur cette question ;
  5. e) Même si cette décision lui indiquait qu’elle avait 30 jours suivant la réception de cette décision pour faire une demande de révision, cette démarche avait déjà été faite, selon elle, lorsqu’elle s’était préalablement présentée dans un Centre Service Canada. Elle a conclu qu’il n’y avait plus de recours possible. La Commission lui avait dit que « c’était trop tard » pour demander une antidate. Elle indique qu’elle n’avait pas compris le concept d’une demande de révision ;
  6. f) Sa demande de révision du 10 juin 2022 a pour but de contester la demande de remboursement d’une somme de 2 000,00 $ comme versement anticipé de prestations de la PAEU à la suite des avis de dette qu’elle a commencé à recevoir au début de juin 2022Note de bas de page 30.

[25] Dans le cas présent, la preuve démontre que l’appelante n’a pas respecté le délai de 30 jours alloué pour présenter une demande de révision de la décision rendue par la Commission le 26 janvier 2021.

Explication raisonnable

[26] Je considère que l’appelante ne fournit pas une explication raisonnable pouvant justifier son retard à présenter une demande de révision de la décision rendue par la Commission, le 26 janvier 2021, au sujet de sa demande d’antidate de sa demande de prestations.

[27] Malgré l’explication de l’appelante selon laquelle elle croyait qu’elle ne pouvait pas demander une révision de cette décision parce que la Commission l’avait informée, vers le mois de décembre 2020, que sa demande d’antidate ne pouvait pas être acceptée, il demeure qu’elle avait la possibilité de demander une révision.

[28] Je considère que l’appelante a eu la possibilité de lire le contenu de la décision du 26 janvier 2021. Cette décision lui précise qu’elle disposait d’un délai de 30 jours pour demander une révision de celle-ciNote de bas de page 31.

[29] Je suis d’avis que lorsque la Commission a rendu sa décision, le 26 janvier 2021, rien n’empêchait l’appelante de présenter sa demande de révision à l’intérieur du délai prévu de 30 jours.

[30] Je suis d’accord avec la conclusion de la Commission selon laquelle l’appelante n’a pas fourni d’explication raisonnable justifiant son retard à présenter sa demande de révision de la décision du 26 janvier 2021.

Intention constante de demander une révision

[31] Je considère que l’appelante ne démontre pas qu’elle avait l’intention constante de présenter une demande de révision de la décision du 26 janvier 2021.

[32] Je considère que l’appelante a eu la possibilité de demander une révision de cette décision, mais qu’elle a choisi de ne pas s’en prévaloir.

[33] Dans la décision du 26 janvier 2021, l’appelante a été informée de l’existence d’un délai de 30 jours pour demander une révision suivant la date de cette décisionNote de bas de page 32.

[34] Il ressort du témoignage de l’appelante que lorsqu’elle a présenté sa demande de révision, en juin 2022, son intention n’était toutefois pas de présenter une demande de révision dans le but de contester le refus de la Commission de lui accorder une antidate à sa demande de prestations, mais plutôt de contester la demande de remboursement d’une somme de 2 000,00 $ représentant un versement anticipé de prestations de la PAEU.

[35] Je considère que la Commission a correctement évalué que l’appelante n’a pas manifesté d’intention constante de demander une révision de la décision qu’elle a rendue le 26 janvier 2021.

Chances raisonnables de succès et préjudice pouvant être causé aux parties

[36] Dans son argumentation, la Commission explique que le litige sur le fond, soit la question portant sur l’antidate de la demande de prestations de l’appelante, n’avait pas de chance raisonnable de succèsNote de bas de page 33. Elle précise que l’appelante avait jusqu’au 2 décembre 2020 pour demander des prestations d’assurance-emploi d’urgence, alors que sa demande d’antidate n’a été présentée qu’en janvier 2021Note de bas de page 34.

[37] Lors de l’audience, l’appelante n’apporte pas d’éléments de preuve pouvant démontrer que sa demande de révision avait des chances raisonnables de succès concernant la question en litige à laquelle réfère la décision de la Commission du 26 janvier 2021.

[38] Les explications de l’appelante démontrent plutôt que sa demande de révision concernait la demande de remboursement du versement anticipé de prestations de la PAEU.

[39] L’appelante ne présente pas non plus d’argument sur la question du préjudice pouvant être causé à la Commission ou à une autre partie si sa demande de révision était acceptée.

Pouvoir discrétionnaire de la Commission

[40] Je suis d’avis que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire lorsqu’elle a refusé la demande de l’appelante de prolonger la période de révision de 30 jours puisque toutes les circonstances pertinentes ont été considérées au moment de refuser son retard à présenter sa demande.

[41] J’estime qu’en rendant sa décision, la Commission a tenu compte de tous les facteurs pertinents et a exclu ceux qui ne l’étaient pas.

[42] Ces facteurs réfèrent aux aspects suivants : l’absence d’une explication raisonnable de l’appelante pour son retard à présenter sa demande de révision et le fait qu’elle n’avait pas l’intention constante de demander cette révision.

[43] J’estime également que l’appelante ne démontre pas que la Commission s’est appuyée sur des facteurs non pertinents pour refuser de prolonger la période de 30 jours pour présenter une demande de révision.

[44] Je considère que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en refusant d’accorder à l’appelante une prolongation du délai pour présenter sa demande de révision.

Conclusion

[45] Je conclus que le refus de la Commission de prolonger la période prévue de 30 jours pour présenter une demande de révision portant sur la demande d’antidate de la demande de prestations de l’appelante est justifié.

[46] Je précise que ce refus ne concerne pas la décision en révision rendue par le Commission le 18 mai 2023 portant sur le versement anticipé de prestations de la PAEU à l’appelante et du trop-payé qui en a découlé.  

[47] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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