Assurance-emploi (AE)

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Citation : X c Commission de l’assurance-emploi du Canada et GC, 2023 TSS 285

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : X
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie mise en cause : G. C.
Représentant : Me Jérémie Côté-Jones

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (480498) datée du 4
juillet 2022 rendue par la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 15 mars 2023
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’employeur (l’appelant)
Témoin
Mise en cause (la prestataire)
Représentant de la mise en cause
Date de la décision : Le 17 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-2540

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La prestataire n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite et elle peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. Elle affirme qu’elle a cessé d’occuper son emploi en raison de ses retards. Essentiellement, elle explique qu’elle devait attendre l’arrivée de la personne qui s’occupait de sa fille en son absence et, pour cette raison, elle est arrivée 5 à 10 minutes en retard les jours précédant son congédiement.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a accepté les raisons fournies par la prestataire et elle a établi une période de prestations. Le 4 avril 2022, elle a informé l’employeur de cette décision. Le 2 mai 2022, l’employeur a demandé la révision de la décision rendue par la Commission. L’employeur fait valoir que la prestataire n’avait pas de motifs valables pour justifier ses retards ou ses absences et qu’il y a eu une gradation des sanctions avant le congédiement. Le 4 juillet 2022, la Commission a rendu une décision révisée indiquant qu’elle maintenait sa décision et qu’elle verserait des prestations à la prestataire.

[5] L’employeur n’est pas d’accord avec la prestataire et la Commission. La responsable des ressources humaines indique que les retards et les absences de la prestataire étaient répétés et qu’ils n’étaient pas autorisés. En ce sens, elle affirme que le dernier avis disciplinaire émis informait la prestataire qu’elle n’avait pas respecté la procédure d’absentéisme et qu’une suspension sans solde aurait lieu les 16, 20, 21, 22 et 31 décembre 2021. Malgré cela, la prestataire n’a pas respecté la procédure d’absentéisme le 3,4 5 et 6 janvier 2022 et elle a été congédiée.

[6] Je dois déterminer si la prestataire a cessé d’occuper son emploi en raison de son inconduite.

Question en litige

[7] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[8] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la Loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[9] J’estime que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle est arrivée en retard au travail les 3-4-5 et 6 janvier 2022.Note de bas de page 2

[10] Bien que la prestataire ait justifié ces retards en avisant son chef d’équipe que la personne qui gardait son enfant terminait son quart de travail à 16h00 et qu’elle devait attendre son arrivée avant de quitter la maison, celui-ci n’a pas autorisé ses retards. La prestataire est arrivée en retard au travail les journées nommées et ce retard était de 5 à 10 minutes selon les journées. L’employeur a congédié la prestataire parce qu’elle avait cumulé plusieurs retards et absences et qu’il l’avait déjà averti.

[11] La Commission, l’employeur et la prestataire s’entendent sur la raison pour laquelle cette dernière a perdu son emploi.

[12] La prestataire admet ses retards au travail. Je conclus qu’elle a posé les gestes reprochés par l’employeur.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite selon la Loi ?

[13] Selon la Loi, la raison du congédiement de la prestataire n’est pas une inconduite.

[14] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 3 Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 4 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 5 (c’est-à-dire qu’elle a voulu faire quelque chose de mal).

[15] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raison.Note de bas de page 6

[16] De plus, une conduite répréhensible ne constitue pas nécessairement une inconduite. L’inconduite est un manquement d’une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiement.Note de bas de page 7

[17] Le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite appartient à la Commission. Cela signifie que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas de page 8 Cependant, après avoir analysé et révisé le dossier de la prestataire, la Commission a décidé que la prestataire n’a pas été congédiée en raison de son inconduite.

[18] La Commission affirme qu’il est vrai que l’employeur a été patient et qu’il a toléré plusieurs absences de la prestataire. Cependant, elle fait valoir que les retards de 5 ou 10 minutes de la prestataire les 3-4-5 et 6 janvier 2022 ne constituent pas une inconduite au sens de la Loi. Elle soutient que le comportement de la prestataire ne démontre pas une insouciance ou une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré.

[19] La Commission soutient que la prestataire a eu des retards en raison des problèmes de gardienne qu’elle avait et qu’elle ne pouvait pas laisser sa fille seule. Elle affirme que la prestataire a avisé son chef d’équipe de cette situation et qu’elle n’a pas agi délibérément pour être en retard.

[20] La lettre de congédiement, datée du 7 janvier 2022, indique que l’employeur a pris la décision de mettre fin à l’emploi de la prestataire parce qu’elle s’est présentée en retard quatre fois pendant la même semaine sans autorisation et sans justification.

[21] Lors de l’audience, la responsable des ressources humaines chez l’employeur a expliqué que le taux d’absentéisme de la prestataire était anormal et très élevé. En 2021, ce taux était d’environ 41%. Des avis disciplinaires ont été transmis à la prestataire pour l’informer de l’importance de son assiduité et elle a également été suspendue sans solde à plus d’une reprise.

[22] La directrice des ressources humaines a également indiqué que lorsqu’un employé est absent plus de trois jours, la procédure d’absentéisme prévoit qu’il doit présenter un billet médical afin de justifier son absence. Cependant, lorsqu’un employé est absent de façon répétée, cette preuve ne sert plus à faire autoriser une absence.

[23] La directrice des ressources humaines affirme qu’ils ont été compréhensifs et que la prestataire a été congédiée parce que ses retards et ses absences étaient répétés. L’employeur n’a pas autorisé les retards de la prestataire les 3-4-5 et 6 janvier 2022 et il l’a congédiée.

[24] Le gestionnaire de la production chez l’employeur a témoigné lors de l’audience que la prestataire s’était souvent absentée. Il a expliqué que lorsqu’un employé est absent, la production dans l’usine est chamboulée. Puisque l’usine n’a pas beaucoup d’employés, une absence a beaucoup d’impact sur le roulement. Il explique qu’il a rencontré la prestataire pour lui expliquer la directive d’absentéisme et qu’il a suivi la procédure qui a mené au congédiement.

[25] La prestataire ne conteste pas ces faits. Elle admet qu’elle a eu des retards et des absences. Elle explique que le 3 et le 4 janvier 2022, elle était en retard de 5 minutes et que le 5 et le 6 janvier 2022, elle était en retard de 10 minutes. Elle explique qu’elle espérait pouvoir reprendre son temps à la fin de la journée.

[26] La prestataire indique que ses absences antécédentes étaient dues à des problèmes de santé ou des obligations familiales. Elle affirme avoir contacté l’employeur chaque fois pour l’aviser d’un retard ou d’une absence et elle fournit des échanges de textos qu’elle a eus avec son gestionnaire. La prestataire fournit également des billets médicaux pour les journées de certaines de ses absences ainsi qu’un rapport d’évaluation psychologique concernant sa fille. Aussi, elle explique qu’elle a vécu un état dépressif après une séparation difficile, qu’une médication lui a été prescrite et qu’elle a reçu l’aide d’une travailleuse sociale du CLSC pendant cette période.

[27] Concernant les journées du 3-4-5 et 6 janvier 2022, la prestataire indique qu’elle est arrivée en retard au travail parce que la personne qui gardait sa fille ne pouvait arriver avant 16h00 pour prendre la relève. Cette personne travaillait jusqu’à 16h00 et elle devait se rendre à sa résidence. Elle affirme qu’elle a des responsabilités en tant que mère et qu’elle ne pouvait pas laisser son enfant seul. Elle explique que sa fille est anxieuse et qu’elle devait attendre l’arrivée du gardien avant de quitter la maison pour se rendre au travail.

[28] La prestataire indique qu’avant la pandémie de la Covid-19, elle pouvait compter sur l’aide de sa mère pour garder sa fille. Cependant, parce que sa fille et elle-même avaient eu des symptômes grippaux pendant la période des fêtes, sa mère, âgée de 70 ans, ne pouvait pas garder sa fille comme c’était le cas habituellement. La prestataire indique qu’elle a tenté de trouver une solution et elle précise qu’elle a avisé son chef d’équipe chacune de ces journées qu’elle avait des problèmes de gardienne et qu’elle serait probablement en retard quelques minutes.

[29] Je précise que mon rôle n’est pas de déterminer si le congédiement était la mesure appropriée à ce cas. En ce sens, je ne suis pas habilitée à déterminer si la sévérité de la sanction imposée par l’employeur était justifiée ou non ou si le comportement de l’employé constituait un motif valable de congédiement.Note de bas de page 9  Je vais m’en tenir à évaluer si le comportement de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. À savoir si le fait d’être arrivée en retard 5 à 10 minutes le 3-4-5 et 6 janvier 2022 constitue une inconduite.

[30] D’après les faits qui me sont présentés, il m’apparaît clair que la prestataire n’a pas voulu se soustraire à ses obligations envers son employeur. Le dossier démontre qu’elle a eu plusieurs empêchements, mais qu’elle a avisé son gestionnaire chaque fois. Pendant l’année 2021, en période de pandémie de la Covid-19, la prestataire a eu des ennuis de santé, des obligations parentales et elle a vécu une séparation difficile.

[31] Concernant les retards de 5 à 10 minutes les 3-4-5 et 6 janvier 2022, le dossier démontre que l’employeur a informé la prestataire le 2 janvier 2022 que son quart de travail était dorénavant de 16h30 à 1h30 à compter du lendemain.Note de bas de page 10 Malgré cette annonce reçue à très brève échéance, la prestataire a trouvé une personne pour s’occuper de sa fille le soir en son absence. Étant donné qu’elle ne pouvait pas compter sur la présence de sa mère comme à l’habitude, elle a trouvé rapidement une autre solution. Cependant, la personne qui gardait sa fille les 3-4-5 et 6 janvier 2022 travaillait jusqu’à 16h00 et la prestataire devait attendre son arrivée avant de quitter son domicile. Même si la prestataire s’est justifiée des raisons pour lesquelles elle devait rester avec sa fille jusqu’à l’arrivée de son gardien, notamment la présence d’anxiété, je constate que cette dernière avait 9 ans au moment des faits.

[32] Je constate que la prestataire a trouvé rapidement une solution et qu’elle a répondu rapidement à son gestionnaire l’avisant qu’elle était disponible pour travailler dès le lendemain.

[33] Les faits présentés au dossier de la Commission ainsi que le témoignage de la prestataire me convainquent qu’elle voulait s’assurer de respecter les obligations qu’elle avait envers son employeur. Celle-ci a répondu diligemment à l’employeur pour confirmer sa présence au travail et elle a avisé son chef d’équipe de ses quelques minutes de retards.

[34] Même si je comprends que l’employeur a appliqué la procédure d’absentéisme qu’il a adopté, la responsable des ressources humaines a admis lors de l’audience qu’au moment de prendre la décision de congédier la prestataire, elle n’était pas au courant de toutes ces explications et que si ça avait été le cas, la décision aurait peut-être été différente puisque l’employeur dispose d’un service d’aide à l’interne et qu’il offre certaines accommodations notamment pour les problèmes de gardiennage.

[35] L’employeur peut prendre des mesures pour encadrer l’assiduité des employés. Les faits démontrent que les absences de la prestataire sont nombreuses et répétitives et je comprends que l’organisation du travail est chamboulée lors de l’absence d’un employé en usine.

[36] Cependant, je suis d’avis que la prestataire a suivi la procédure d’absence en avisant son chef d’équipe de ses retards. Particulièrement dans ce cas-ci, les faits démontrent que l’employeur a demandé à la prestataire, à peu de préavis, d’effectuer des quarts de travail suivant un horaire différent, soit de 16h30 à 1h30. La prestataire a diligemment accepté son horaire de travail et elle a avisé son chef d’équipe de ses possibles retards de quelques minutes étant donné ses problèmes de gardiennage.

[37] Même si la directrice des ressources humaines a expliqué qu’il est admis que le chef d’équipe n’est pas une personne en autorité et qu’il ne peut autoriser les retards ou les absences puisque cette tâche relève du directeur, les faits démontrent qu’à compter du 3 janvier 2022, la prestataire travaillait dans une partie de l’usine différente. Elle a expliqué avoir informé la personne qui était responsable pendant ses quarts de travail. 

[38] Je suis d’avis que la prestataire a respecté la procédure d’absence de l’employeur en avisant son chef d’équipe de ses retards de quelques minutes étant donné qu’elle devait attendre la personne qui gardait son enfant avant de quitter son domicile. De plus, comme la prestataire l’a fait valoir lors de l’audience, son comportement ne démontre pas qu’elle voulait nuire à l’employeur ou qu’elle a agi de sorte à ne pas respecter ses obligations envers l’employeur.

[39] Comme la Cour d’appel fédérale l’a mentionné dans la décision Tucker, les employés sont humainsNote de bas de page 11 :

(…) ils peuvent être malades et être incapables de s’acquitter de leurs obligations, et qu’ils peuvent faire des erreurs sous l’influence du stress ou de l’inexpérience (…) L’inconduite, qui rend l’employé congédié inadmissible au bénéfice des prestations de chômage, existe lorsque la conduite de l’employé montre qu’il néglige volontairement ou gratuitement les intérêts de l’employeur, par exemple, en commettant des infractions délibérées, ou ne tient aucun compte des normes de comportement que l’employeur a le droit d’exiger de ses employés, ou est insouciant ou négligent à un point tel et avec une fréquence telle qu’il fait preuve d’une intention délictuelle (…).

[40] Même si je comprends que la prestataire avait un taux d’absentéisme très élevé, elle a démontré que c’est parce qu’elle était malade ou parce qu’elle avait des obligations familiales qu’elle s’est absentée ou qu’elle était en retard. Surtout, elle a avisé chaque fois son employeur.

[41] Des avis disciplinaires transmis à la prestataire par l’employeur le 25 mars 2021 et le 7 décembre 2021 indique que la prestataire s’est absentée sans jamais fournir de billets médicauxNote de bas de page 12 (mon soulignement). Or, la preuve présentée par la prestataire démontre qu’elle a fourni des billets médicaux au témoin qui s’est présenté à l’audience, soit son gestionnaire.

[42] Même si je comprends que l’employeur se croit justifié d’avoir congédié la prestataire parce qu’il a appliqué une gradation des sanctions avant de le faire, comme je l’ai expliqué lors de l’audience, mon rôle n’est pas de déterminer si le congédiement était une mesure appropriée dans ce cas.

[43] Enfin, les circonstances exceptionnelles entourant la pandémie de la Covid-19 ont occasionné des absences supplémentaires étant donné la survenue de symptômes grippaux développés par la prestataire ou par sa fille. Il est concevable qu’elle devait respecter les directives de la santé publique.

[44] Je ne peux conclure que la prestataire a agi de sorte à ne pas respecter les règles de l’employeur. Au contraire, concernant ses retards du 3-4-5 et 6 janvier 2022, elle a avisé son chef d’équipe de ses retards et elle a indiqué qu’elle était disponible pour reprendre son temps à la fin de son quart de travail.

[45] Le geste de la prestataire ne constitue pas une inconduite au sens de la Loi.

Alors, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[46] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que la prestataire n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite. La prestataire a posé les gestes reprochés par l’employeur, mais ces gestes ne constituent pas une inconduite au sens de la Loi.

Conclusion

[47] L’appel est rejeté.

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