Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1152

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (477862) datée du 11 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Denis Bourgeois
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 27 avril 2023
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 6 juin 2023
Numéro de dossier : GE-22-3671

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant occupait un emploi occasionnel à l’office régional de la santé du Nouveau-Brunswick. Il a été suspendu sans solde le 13 novembre 2021. L’employeur de l’appelant a déclaré qu’il avait été suspendu parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccinationNote de bas de page 2. Il a refusé de divulguer son statut vaccinal.

[4] Bien que l’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme qu’il n’a pas été suspendu. L’appelant explique que l’employeur lui a dit qu’il ne l’appellerait plus pour venir travailler, à moins qu’il ne lui fournisse une preuve de vaccinationNote de bas de page 3. Il ajoute qu’il ne peut pas être suspendu parce qu’il n’est pas un employé.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

J’ai accepté les documents déposés à l’audience ainsi que ceux déposés après l’audience

[6] L’appelant a déposé des documents à l’audience. Il a également déposé des documents après l’audience. Je les ai acceptés, car ils contenaient de nouveaux renseignements.

Question en litige

[7] L’appelant a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Pour décider si l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a été suspendu de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

L’appelant était-il un employé?

[9] L’appelant affirme qu’il ne pouvait pas être suspendu parce qu’il n’était pas un employé. Il dit qu’il n’a pas d’ancienneté, pas de vacances et pas de congé de maladie, comparativement aux employés réguliers ou à temps partiel. Il précise qu’il est un travailleur occasionnel sur appelNote de bas de page 4.

[10] Je ne suis pas d’accord avec l’appelant.

[11] Il était régulièrement payé pour travailler pour son employeur. Le relevé d’emploi fourni par l’appelant montre qu’il a reçu une paye au cours de 21 périodes de paye sur 26 entre le 27 novembre 2020 et le 20 novembre 2021.

[12] Selon la Loi sur l’assurance-emploi, bien qu’un emploi occasionnel ne soit pas un emploi assurable, aucune autre distinction n’est établie entre un emploi occasionnel et un emploi à temps partiel. Ni la Loi sur l’assurance-emploi ni le Règlement sur l’assurance-emploi ne définissent ce qu’on entend par emploi occasionnelNote de bas de page 5. La question en litige dans le présent appel n’est pas de savoir s’il était un employé occasionnel ou un employé à temps partiel. Le fait est qu’il était un employé puisque l’employeur le payait régulièrement.

Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi?

[13] Je conclus que l’appelant a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur.

[14] La Commission affirme que l’appelant a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas fourni de preuve de vaccination, ce qui allait à l’encontre de la politique. Elle précise qu’il n’avait pas d’exemption approuvée.

[15] Bien que l’appelant ne conteste pas qu’il s’agit de la raison de sa suspension, il affirme qu’il a été suspendu sans justification prévue par la loi. Il dit qu’il aurait dû être exempté de la politique en raison de ses croyances religieuses.

[16] L’appelant a déclaré que son employeur avait informé tout le personnel qu’il devait être entièrement vacciné, conformément à sa politique sur la COVID-19Note de bas de page 6. L’employeur a dit à la Commission que le personnel devait être entièrement vacciné au plus tard le 1er novembre 2021. L’appelant a confirmé avoir été avisé qu’il serait suspendu s’il ne se conformait pas à la politiqueNote de bas de page 7. Il a été suspendu sans solde le 13 novembre 2021.

[17] L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas d’exemption à la politique de vaccinationNote de bas de page 8. J’accepte cette déclaration comme un fait. Il a dit que son statut vaccinal est un renseignement médical privé. Il s’oppose fermement à toute politique qui le forcerait à accepter une intervention médicale (expérimentale) à laquelle il ne consent pasNote de bas de page 9.

La raison de la suspension de l’appelant est-elle une inconduite selon la loi?

[18] Je conclus que la raison de la suspension de l’appelant est une inconduite selon la loi.

[19] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 10. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 11. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il a voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 12.

[20] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 13.

[21] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 14.

[22] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant savait que le non-respect de la nouvelle politique entraînerait sa suspension.

[23] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite, car l’employeur a changé les conditions d’emploi pour exiger une preuve de vaccination contre la COVID-19. Il ajoute que ses antécédents médicaux sont des renseignements confidentiels. Il soutient qu’il ne veut pas les divulguer dans le seul but de démontrer qu’il respecte la politique de l’employeur.

[24] L’appelant affirme que, selon ses croyances religieuses, il ne devrait pas avoir à donner son consentement à un processus expérimental. Sa Bible lui dit de ne pas couper sa peau et de ne pas s’injecter de produits de la pharmakeia ou de substances nocives.

[25] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes.

[26] Premièrement, l’appelant a délibérément refusé de divulguer son statut vaccinal. Il avait été informé de la politique, et son employeur lui a donné du temps pour qu’il s’y conformeNote de bas de page 15. Il savait qu’il serait suspendu s’il ne s’y conformait pas. Dans son cas, être suspendu voulait dire qu’il ne serait pas appelé pour travailler, car il était un employé occasionnel. Son refus de se conformer à la politique est la cause directe de sa suspension. Il n’a jamais nié ce fait. Le refus était conscient, délibéré et intentionnel. Rien ne prouve que l’employeur n’avait pas le droit d’appliquer sa politique de vaccination. Aucun élément de preuve ne démontre que l’employeur a enfreint les conditions du contrat de l’appelant. L’appelant était au courant de la politique et de ce qui se passerait s’il ne la respectait pas.

[27] Deuxièmement, l’appelant savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur. Il aurait dû être évident pour l’appelant qu’il ne pourrait pas remplir ses obligations envers son employeur s’il était suspendu, car il n’aurait pas été autorisé à se rendre au travail. Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. À l’audience, l’appelant a confirmé qu’il aurait travaillé beaucoup s’il n’avait pas été suspendu.

[28] Enfin, l’appelant a mentionné ses objections religieuses quant au fait d’être vacciné dans de la documentation additionnelle qu’il a envoyée après avoir reçu les arguments de la CommissionNote de bas de page 17. Je suis d’accord avec la Commission pour dire qu’aucune preuve ne démontre que l’appelant a demandé et reçu une exemption pour motifs religieux. L’appelant croit qu’il aurait dû obtenir une exemption pour motifs religieux en raison de ses croyances.

[29] La division d’appel du Tribunal a confirmé que la question de savoir si un employeur doit accepter une demande d’exemption fondée sur des croyances religieuses relève d’une autre instanceNote de bas de page 18.

[30] L’appelant soutient que la politique de vaccination était discriminatoire parce que seuls les membres du personnel devaient obligatoirement se faire vaccinerNote de bas de page 19. Il affirme que les personnes qui résidaient dans l’établissement, qui venaient d’y arriver ou qui le visitaient n’avaient pas nécessairement besoin d’être vaccinées.

[31] Bien que je n’aie pas de copie de la politique, l’appelant a remis à la Commission une copie des deux lettres qu’il a reçues de son employeur. Ces lettres sont intitulées : [traduction] « Modification de la politique de vaccination contre la COVID-19 pour le personnel dans les milieux vulnérables » et [traduction] « Modification de la politique de vaccination contre la COVID-19 pour le personnel du gouvernement du Nouveau-BrunswickNote de bas de page 20 ». La politique s’appliquait seulement au personnel. Comme il était un employé, il devait se conformer à la politique. Que je sois d’accord ou non avec la politique de l’employeur, cela n’est pas pertinent. La loi dit que je n’ai pas à tenir compte du comportement de l’employeur. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait, et sur la question de savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 21.

[32] La présente affaire porte sur une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Il n’appartient pas au Tribunal de décider si la politique était discriminatoire. L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas quitté volontairement son emploi et qu’il n’avait pas pris congé. L’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi portant sur la justification ne s’applique pas au cas de l’appelant. Il peut demander une réparation auprès de la Commission canadienne des droits de la personne ou du Tribunal canadien des droits de la personne.

[33] L’appelant est très passionné par ses opinions au sujet de ses renseignements médicaux personnels, de la vaccination contre la COVID-19 et des politiques connexes. Je n’ai aucun doute qu’il a agi de bonne foi et qu’il a fait ce qu’il estimait être la bonne chose à faire.

[34] L’appelant a choisi de ne pas divulguer son statut vaccinal. Il s’agit de la cause directe de sa suspension. Le choix de se faire vacciner ou non est demeuré le sien.

[35] Dans l’affaire Parmar, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a statué que les politiques de vaccination obligatoire ne forcent pas une personne employée à se faire vacciner. Elle a affirmé que ces politiques obligent plutôt les personnes employées à faire le choix suivant : se faire vacciner et continuer à gagner un revenu, ou ne pas se faire vacciner et perdre leur revenuNote de bas de page 22.

Alors, l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[36] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[37] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[38] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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