Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MJ c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 1268

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante : M. J.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada
Représentante : Mélanie Allen

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 12 octobre 2022
(GE-22-1761)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Les 29 mars 2023 et 13 juin 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 14 septembre 2023
Numéro de dossier : AD-22-744

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, M. J. (prestataire) interjette appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), avait prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. La prestataire n’avait pas respecté le décret de l’autorité sanitaire provinciale (décret) qui exigeait que les employés du secteur de la santé publique se fassent vacciner. Par conséquent, la prestataire a été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs de compétence, de droit et de fait.

[4] La prestataire fait valoir que le décret et la politique de vaccination de son employeur étaient déraisonnables, contraires à l’éthique, inconstitutionnels et incompatibles avec les modalités de sa convention collective. Elle soutient que, pour ces raisons, son employeur n’était pas autorisé à imposer unilatéralement les politiques de vaccination.

[5] La prestataire affirme qu’il n’y avait pas d’inconduite tant qu’elle s’acquittait des fonctions exigées par sa convention collective. Elle souligne que sa convention collective n’exigeait pas la vaccination.

[6] La prestataire fait également valoir que la division générale a négligé des éléments de preuve importants et n’a pas analysé les éléments de preuve de manière significative. Par exemple, elle affirme que la division générale n’a pas reconnu qu’elle ne pouvait pas avoir reçu un avis suffisant de la politique de vaccination, qu’il s’agisse de la politique de vaccination de son employeur ou du décret, car son employeur l’a suspendue le 26 octobre 2021 avant même qu’il ait approuvé sa propre politique ou que le décret ait même été rédigéNote de bas de page 1.

[7] La prestataire affirme également que le texte des deux politiques de vaccination était ambigu, de sorte qu’elle ne pouvait pas savoir ce qu’était le décret ou la politique de l’employeur, ce qui était exigé d’elle dans le décret ou la politique de l’employeur, ni quelles étaient les éventuelles conséquences si elle ne s’y conformait pas.

[8] La prestataire affirme que le décret et la politique ne prévoyaient pas de mesures d’adaptation raisonnables, notamment pour les personnes ayant une immunité naturelle ou des caractéristiques immuables. Elle affirme que la division générale n’a pas tenu compte de ces facteurs importants.

[9] La prestataire demande à la division d’appel d’accueillir l’appel et de conclure qu’il n’y a pas eu inconduite.

[10] La Commission convient que la division générale aurait pu se pencher sur la question de savoir s’il y a inconduite lorsqu’un employé ne se conforme pas à une politique qui ne faisait pas partie du contrat de travail initial.

[11] Malgré tout, la Commission soutient que la division générale n’a commis aucune erreur. La Commission affirme que la preuve étaye les conclusions de la division générale selon lesquelles la prestataire était au courant de la politique de vaccination de l’employeur ou du décret et savait que, si elle ne se conformait pas à la politique de l’employeur ou au décret, elle pourrait être congédiée. La Commission demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

Questions en litige

[12] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle mal interprété ce que signifie l’inconduite?
  2. b) La division générale a-t-elle négligé ou mal interprété l’un ou l’autre des éléments de preuve concernant l’avis de la politique de vaccination de l’employeur ou du décret?
  3. c) La division générale a-t-elle négligé ou mal interprété la preuve sur la question de savoir si la prestataire aurait dû prévoir les conséquences de ses gestes?

Analyse

[13] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale si la division générale a commis des erreurs de compétence, de procédure ou de droit, ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 2.

[14] Il y a erreur de fait si la division générale fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

La division générale a-t-elle mal interprété ce que signifie l’inconduite?

[15] La prestataire soutient que la division générale a mal interprété ce que signifie l’inconduite.

[16] La prestataire affirme qu’il n’y a pas d’inconduite s’il s’agit de devoir se conformer à une politique qui a) ne fait pas partie de la convention collective ou du contrat de travail initial, b) est déraisonnable, contraire à l’éthique, inconstitutionnelle ou incompatible avec les modalités de la convention collective ou c) ne prévoit pas de mesures d’adaptation.

a) La politique ne faisait pas partie du contrat de travail de la prestataire

[17] La prestataire nie avoir fait preuve d’inconduite. Elle affirme qu’elle n’avait pas à se conformer au décret ni à aucune politique de vaccination parce qu’ils ne faisaient pas partie des modalités de sa convention collective initiale.

[18] De plus, la prestataire affirme que son employeur n’était pas autorisé à imposer de nouvelles conditions d’emploi sans son consentement, surtout si elles étaient déraisonnables, contraires à l’éthique, inconstitutionnelles et contraires aux modalités de sa convention collective.

[19] La prestataire nie avoir fait preuve d’inconduite parce qu’elle ne s’est pas fait vacciner. Sinon, elle affirme s’être acquittée des fonctions énoncées dans son contrat de travail.

La prestataire invoque la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada

[20] La prestataire invoque une décision rendue par la division générale, l’affaire intitulée ALNote de bas de page 3. La division générale a conclu qu’il n’y avait pas d’inconduite dans cette affaire parce que l’employeur instauré, de façon unilatérale, une politique de vaccination sans consulter les employés et obtenir leur consentement.

[21] Toutefois, la division d’appel a depuis infirmé la décision AL de la division généraleNote de bas de page 4. La division d’appel a conclu que la division générale avait outrepassé sa compétence en examinant le contrat de travail d’A.L.

[22] La division d’appel a également conclu que la division générale avait commis des erreurs de droit. La division générale a commis une erreur lorsqu’elle a affirmé que l’employeur ne pouvait pas imposer de nouvelles conditions à la convention collective. La division d’appel a conclu que la division générale avait également commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il devait y avoir violation du contrat de travail pour qu’il y ait inconduiteNote de bas de page 5.

Examen de la jurisprudence

[23] La Cour fédérale s’est depuis penchée sur la question concernant le contrat de travail d’un prestataire.

[24] Dans l’affaire Kuk,Note de bas de page 6 M. Kuk a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur.

[25] M. Kuk a fait valoir que la division d’appel a commis une erreur en concluant qu’il avait manqué à ses obligations contractuelles en ne se faisant pas vacciner. Il a nié toute inconduite.

[26] La Cour s’est exprimée ainsi :

[traduction]

[34] […] Comme l’a statué la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Nelson, il n’est pas nécessaire que la politique écrite d’un employeur existe dans le contrat de travail initial pour établir l’inconduite : voir les para 22 à 26. La politique écrite qui a été communiquée à l’employé peut constituer en soi un élément de preuve qui suffit à démontrer sa connaissance objective du fait « qu’il était réellement possible qu’il soit congédié » s’il ne se conformait à cette politique. Le contrat et la lettre d’offre du demandeur ne comprennent pas les modalités complètes, expresses ou implicites, de son emploi […] Il est bien reconnu en droit du travail que les employés ont l’obligation de respecter les politiques de santé et de sécurité mises en œuvre par leurs employeurs au fil du temps.

[…]

[37] De plus, contrairement à ce que le demandeur laisse entendre, le Tribunal n’est pas tenu de s’attarder aux dispositions contractuelles ni de décider si le prestataire a été congédié de façon justifiée selon les principes du droit du travail lorsqu’il examine une inconduite au sens de la [Loi sur l’assurance-emploi]. Comme il a été mentionné précédemment, le critère de l’inconduite vise plutôt à établir si un prestataire a intentionnellement commis un acte (ou a omis de commettre un acte) qui est contraire à ses obligations professionnelles.

(Mis en évidence par la soussignée.)

[27] La Cour fédérale a conclu que les exigences en matière de vaccination n’avaient pas à faire partie du contrat de travail. Dans la mesure où M. Kuk n’a pas respecté délibérément la politique de vaccination de son employeur et qu’il savait quelles seraient les conséquences, il y aurait inconduite.

[28] Dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 7 (mentionnée par la Cour dans la décision Kuk), la demanderesse a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour d’appel fédérale a conclu que, contrairement aux conditions de son emploi, Mme Nelson a été vue en état d’ébriété en public dans la réserve.

[29] Mme Nelson a fait valoir que la division d’appel a commis une erreur en concluant que l’interdiction de consommer de l’alcool de son employeur était une condition d’emploi liée à ses fonctions.

[30] Mme Nelson a soutenu qu’il n’y avait aucun lien rationnel entre sa consommation d’alcool et son rendement au travail, surtout qu’elle avait consommé de l’alcool en dehors des heures de travail et que rien n’indiquait qu’elle s’était présentée au travail en état d’intoxication ou avec les facultés affaiblies. Elle a nié qu’une condition explicite ou implicite de son contrat de travail interdisait la consommation d’alcool dans la réserve.

[31] La Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit : « […] il n’importe guère que l’interdiction de consommer de l’alcool ne soit qu’une condition d’emploi prévue dans les politiques de l’employeur et qu’elle ne soit pas stipulée dans le contrat de travailNote de bas de page 8 […] ». Autrement dit, la politique n’avait pas à se trouver dans le contrat de travail.

[32] De même, dans une affaire intitulée NguyenNote de bas de page 9, la Cour d’appel a conclu qu’il y avait inconduite. M. Nguyen a harcelé une collègue de travail au casino où ils travaillaient. L’employeur avait une politique concernant le harcèlement. Toutefois, la politique ne décrivait pas le comportement de M. Nguyen et ne faisait pas partie du contrat de travail.

[33] Dans une autre affaire, intitulée KareliaNote de bas de page 10, l’employeur a imposé de nouvelles conditions à M. Karelia. Il était toujours absent du travail. Ces nouvelles conditions ne faisaient pas partie du contrat de travail. Malgré tout, la Cour d’appel a déterminé que M. Karelia devait s’y conformer ­ même si elles étaient nouvelles ­ sans quoi il y avait inconduite.

La division générale a un rôle limité dans ce qu’elle peut examiner

[34] Il ressort clairement de ces affaires que la politique de l’employeur ou le décret provincial en matière de santé n’a pas à faire partie du contrat de travail pour qu’il y ait inconduite.

[35] Comme les tribunaux l’ont toujours affirmé, le critère de l’inconduite consiste à déterminer si le prestataire a intentionnellement commis un acte (ou a omis de commettre un acte), qui va à l’encontre de ses obligations professionnelles. Il s’agit d’un critère très étroit et précis qui ne consiste pas à examiner les contrats d’emploi.

b) La prestataire affirme que la politique était déraisonnable et illégale

[36] La prestataire soutient également qu’il n’y a pas inconduite s’il s’agit de devoir se conformer à une politique déraisonnable, contraire à l’éthique, inconstitutionnelle ou incompatible avec son contrat de travail.

[37] Dans la décision Cecchetto v Canada (Procureur général), M. Cecchetto a soutenu qu’il aurait dû pouvoir prendre une décision médicale personnelle. Il s’interrogeait sur l’efficacité et l’innocuité des vaccins contre la COVID-19. Il remettait en question la légalité de la politique de vaccination adoptée par son employeur et a déclaré qu’il y avait des raisons légitimes pour lesquelles il refusait la vaccination. Donc, s’il a choisi de ne pas se faire vacciner, cela ne doit pas être perçu comme une inconduite, avance-t-il.

[38] La Cour fédérale a affirmé que ni la division générale ni la division d’appel n’ont le pouvoir d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la politique de vaccination ou de statuer sur celle-ciNote de bas de page 11. La Cour a également conclu que la division d’appel a un rôle limité quant à ce qu’elle peut faire. Elle ne peut qu’établir le motif pour lequel le prestataire est congédié et si ce motif constitue une inconduite.

[39] Il ressort clairement de la décision Cecchetto que les arguments de la prestataire concernant la légalité et le caractère raisonnable de la politique de vaccination de son employeur ou du décret ne sont pas pertinents à la question d’inconduite. Ils dépassent la portée du pouvoir de la division générale de prendre en considération ces éléments. Pour cette raison, la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a décidé qu’elle pouvait se concentrer uniquement sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait, et si cela équivalait à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[40] Les moyens dont dispose la prestataire pour contester le décret ou la politique de son employeur relèvent d’une autre tribune.

c) La prestataire affirme que la politique ne prévoyait pas de mesures d’adaptation

[41] La prestataire affirme qu’il n’y a pas inconduite s’il s’agit de devoir se conformer à une politique qui ne fournit pas de mesures d’adaptation raisonnables, notamment pour les personnes ayant une immunité naturelle ou des caractéristiques immuables.

[42] Toutefois, comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans une affaire intitulée MishibinijimaNote de bas de page 12, l’absence de mesures d’adaptation d’un employeur n’est pas pertinente en ce qui concerne la question de l’inconduite. La division générale n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a conclu qu’elle ne pouvait pas décider si le décret ou la politique de l’employeur aurait dû inclure des mesures d’adaptation raisonnables.

La division générale a-t-elle négligé ou mal interprété l’un ou l’autre des éléments de preuve concernant l’avis de la politique de vaccination de l’employeur ou du décret?

[43] La prestataire soutient que la division générale a commis d’importantes erreurs factuelles. Elle soutient qu’elle a négligé ou mal interprété certains éléments de preuve concernant l’avis de la politique de vaccination de son employeur ou du décret. Elle nie avoir reçu un préavis adéquat de l’une ou l’autre des politiques.

[44] La prestataire a présenté une brève chronologie :

  • En août 2021, elle a vu un article de presse. Le premier ministre a déclaré que le gouvernement fédéral ne rendrait pas la vaccination obligatoire. Cette déclaration l’a rassurée, car elle a cru qu’elle signifiait qu’elle ne serait pas assujettie à la vaccination obligatoire en milieu de travail.
  • En septembre 2021, la médecin hygiéniste de la province a annoncé que la vaccination deviendrait obligatoire. La prestataire ne savait pas ce que cela voulait dire et si cela l’affecterait en tant qu’infirmière autorisée dans un contexte de santé publique.
  • Le 24 septembre 2021, l’employeur de la prestataire a distribué une note de serviceNote de bas de page 13. L’employeur y confirmait que la médecin hygiéniste de la province avait annoncé qu’elle allait publier un décret exigeant que les travailleurs de la santé reçoivent deux doses du vaccin contre la COVID-19 d’ici le 26 octobre 2021.

    L’employeur a écrit qu’il [traduction] « prévoyait que tous les travailleurs de la santé devraient être entièrement vaccinés comme condition d’emploi ». Il a également écrit que [traduction] « les personnes devront avoir reçu leur première dose de vaccin d’ici le lundi 27 septembre 2021 pour tenir compte de l’intervalle de 28 jours requis entre la première et la deuxième dose ». L’employeur a également écrit que le décret et les détails seraient disponibles dans les prochains jours.

  • La prestataire a reçu sa première dose du vaccin vers le 28 septembre 2021. Elle affirme l’avoir obtenu sous la contrainte.
  • Le 15 octobre 2021, l’employeur a publié une deuxième note de serviceNote de bas de page 14. La note de service faisait référence au décret. La note de service renfermait également un lien vers le décret.

    L’employeur a écrit que le décret obligeait tous les employés à recevoir au moins une dose de vaccin avant le 26 octobre 2021 afin qu’ils puissent continuer à travailler. Les employés qui avaient reçu une dose devraient recevoir leur deuxième dose de 28 à 35 jours après avoir reçu leur première dose et suivre les mesures préventives jusqu’à ce qu’ils soient entièrement vaccinés.

    La note indiquait également que les seules exceptions visaient les personnes qui demandaient à la médecin hygiéniste en chef d’approuver un report ou une exemption pour raisons médicales.

[45] La prestataire reconnaît avoir reçu les notes de service de son employeur. Mais elle affirme qu’elle n’a pas véritablement reçu la politique de vaccination de son employeur ni le décret exigeant la vaccination. Elle affirme qu’il était impossible qu’elle ait reçu la politique de vaccination de son employeur avant que ce dernier ne la suspende parce qu’il n’a approuvé sa politique de vaccination que le 1er décembre 2022Note de bas de page 15.

[46] De même, la prestataire soutient que le décret n’a pas été rédigé en septembre 2021. Elle observe que le médecin hygiéniste de la province a daté et signé le décret seulement le 21 octobre 2021. Elle affirme donc que, si le décret n’existait pas avant le 21 octobre 2021, elle ne pouvait pas en connaître les exigences ou les conséquences en cas de non-conformité.

[47] La prestataire a découvert par la suite que, si elle n’avait pas reçu une première dose au plus tard le 26 octobre 2021, mais qu’elle avait reçu une première dose entre le 26 octobre et le 15 novembre 2021, elle aurait été autorisée à continuer de travailler après le 26 octobre 2021. Toutefois, elle aurait dû respecter les exigences suivantes :

  • une deuxième dose de 28 à 35 jours après avoir reçu la première dose;
  • l’observation des mesures préventives (c.-à-d. le port d’un masque médical) jusqu’à ce qu’elle soit entièrement vaccinée;
  • la confirmation de son statut vaccinal et de son plan d’immunisation auprès de son gestionnaire.

[48] La prestataire affirme qu’elle a été troublée d’apprendre qu’elle aurait pu attendre jusqu’au 15 novembre 2021 avant de décider de recevoir une première dose. Si elle avait eu ce délai supplémentaire, elle affirme qu’elle n’aurait jamais pris la première dose.

La décision de la division générale

[49] La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi parce qu’elle ne s’était pas conformée au décret qui l’obligeait à être entièrement vaccinée au plus tard le 15 novembre 2021Note de bas de page 16. Comme elle a perdu son emploi pour des raisons liées au décret, la question de savoir si la prestataire avait reçu un préavis suffisant de la politique de vaccination de son employeur n’était pas pertinente selon la division générale. En fait, la division générale n’a tiré aucune conclusion quant au moment où la prestataire a pris connaissance de la politique de vaccination de son employeur ou en a reçu une copie.

[50] La division générale a conclu que la Commission avait prouvé qu’il y avait eu inconduite parce qu’elle avait démontré que la prestataire était au courant du décret et des notes de service de l’employeur.

[51] La division générale a souligné que la prestataire avait indiqué à la Commission qu’elle était au courant du décret, mais qu’elle avait pris la décision personnelle de ne pas s’y conformer. La division générale a mentionné les notes du registre téléphonique à la page GD3-53 du dossier d’audienceNote de bas de page 17.

[52] Les notes du registre téléphonique indiquaient ce qui suit : [traduction] « La prestataire était au courant du décret, mais elle a pris la décision personnelle de ne pas se conformer à la politique obligatoire ». Toutefois, les notes du registre téléphonique indiquent ce qui suit :

[traduction]

La prestataire a reçu le 24 septembre 2021 et le 15 octobre 2021 les communications de l’employeur qui faisaient le point sur les exigences de vaccination contre la COVID-19, mais elle ne croit pas que ces communications représentent une politique et conteste le fait qu’elle a été congédiée pour inconduite […]

[53] La division générale aurait dû prendre en compte la partie de la note de service au sujet de laquelle la prestataire aurait dit qu’elle ne croyait pas que les communications de son employeur représentaient la politique de vaccination. Cela n’aurait toutefois pas changé le résultat.

[54] La prestataire affirme que le décret n’était daté que du 21 octobre 2021, de sorte qu’elle soutient qu’elle n’aurait pas pu savoir ce qui était requis.

[55] Toutefois, la prestataire confirme qu’elle a reçu les notes de service de son employeur, y compris la note du 15 octobre 2021Note de bas de page 18. La note de service contenait un lien menant au décret (bien qu’il ne soit pas clair si le décret figurant dans le dossier d’audience est le même que celui pour lequel l’employeur a fourni un lien).

[56] De plus, la note de service résumait les exigences en matière de vaccination pour tous les employés du secteur de la santé publique. La note de service précisait les dates limites de vaccination ainsi que les conséquences en cas de non-conformité. La note de service est rédigée en partie comme suit :

[traduction]

Si vous n’avez pas reçu votre première dose du vaccin contre la COVID-19 avant le 26 octobre :

  • vous ne serez pas autorisé à travailler, sur place ou à distance;
  • vous serez mis en congé sans solde ou constaterez une interruption dans votre contrat, vos études ou vos activités de recherche sur place;
  • vous ne pourrez pas utiliser d’heures accumulées ou d’autres formes de congé payé.

Si vous recevez votre première dose entre le 26 octobre et le 15 novembre, vous pourrez retourner au travail après sept jours et devrez :

  • recevoir votre deuxième dose de 28 à 35 jours après avoir reçu la première dose;
  • suivre les mesures préventives (c.-à-d. porter un masque médical) jusqu’à ce que vous soyez entièrement vacciné;
  • confirmer votre statut vaccinal et votre plan d’immunisation auprès de votre gestionnaire.

Les employés qui n’ont pas reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 15 novembre doivent s’attendre à être congédiés ou à ce que les ententes contractuelles conclues avec [l’employeur] soient résiliées.

[57] La division générale n’a peut-être pas examiné l’affirmation de la prestataire selon laquelle elle ne croyait pas que les communications de son employeur représentaient le décret ou sa propre politique de vaccination. Malgré cela, la preuve démontre clairement que l’employeur a fourni à la prestataire une copie du décret en pièce jointe du courriel du 15 octobre 2021.

[58] La prestataire nie avoir reçu le décret avant le 21 octobre 2021, mais il est peu probable que l’employeur aurait fait circuler une note de service renfermant un lien vers le décret et aurait pu résumer le contenu du décret si celui-ci n’existait pas déjà.

[59] Les conclusions de la division générale selon lesquelles la prestataire avait été avisée du décret étaient étayées par la preuve dont elle disposait.

La division générale a-t-elle négligé ou mal interprété la preuve sur la question de savoir si la prestataire aurait dû prévoir les conséquences de ses gestes?

[60] La prestataire soutient que la division générale a fait abstraction de la preuve sur la question de savoir si elle aurait dû prévoir les conséquences de ses actes. Elle affirme que le texte du décret était ambigu. Elle soutient donc que, même si elle avait eu un préavis suffisant, elle ne pouvait pas savoir ce qui était exigé par le décret, le moment où elle devait s’y conformer, ou quelles étaient les conséquences éventuelles si elle ne s’y conformait pas.

[61] Cette affirmation ressemblait un peu à l’argument avancé par le demandeur dans l’affaire intitulée MilovacNote de bas de page 19. M. Milovac a affirmé qu’il ne prévoyait pas qu’il serait congédié. La Cour fédérale a conclu qu’il avait délibérément ignoré les circonstances auxquelles il s’exposait.

[62] La section B., 2.b) du décret énonce les exigences en matière de vaccination et les autres mesures préventives, ainsi que les délais auxquels que devaient respecter les employés embauchés avant le 26 octobre 2021Note de bas de page 20. La disposition est ainsi rédigée :

[traduction]

B. MEMBRES DU PERSONNEL EMBAUCHÉS AVANT LE 26 OCTOBRE 2021

  1. 1. Sous réserve des articles 2 et 3, à compter du 26 octobre 2021, tout membre du personnel ayant été embauché avant le 26 octobre 2021 doit être vacciné ou avoir une exemption pour travailler.
  2. 2. Malgré l’article 1, tout membre du personnel non vacciné […]
    1. b. qui a reçu une dose de vaccin avant le 12 octobre 2021, mais qui n’a pas reçu une deuxième dose de vaccin avant le 26 octobre 2021, peut continuer à travailler après le 25 octobre 2021, à condition que le membre du personnel reçoive une deuxième dose de vaccin avant le 15 novembre 2021 et se conforme aux mesures préventives énoncées à la partie D, jusqu’à 7 jours après avoir reçu la deuxième dose de vaccin […]

[63] Le décret précise que tout employé qui se trouve dans la situation de la prestataire aurait pu continuer de travailler après le 25 octobre 2021 s’il avait reçu une deuxième dose avant le 15 novembre 2021 et s’était conformé aux mesures préventives.

[64] Il en découle que si l’employé ne recevait pas une deuxième dose avant le 15 novembre 2021, il ne serait pas en mesure de continuer à travailler. Toutefois, le décret n’a pas défini ce que signifiait le fait de ne pas pouvoir continuer à travailler.

[65] La note de service de l’employeur datée du 15 octobre 2021 indiquait que les employés qui n’avaient pas reçu une première dose avant le 15 novembre 2021 pourraient être congédiés. La note de service ne traitait pas de la situation de la prestataire, qui avait déjà reçu une première dose avant le 26 octobre 2021.

[66] Si la prestataire avait lu le décret, elle aurait compris ou aurait dû comprendre qu’une personne dans sa situation ne pourrait pas continuer à travailler si elle n’avait pas reçu une deuxième dose au plus tard le 15 novembre 2021. Elle aurait dû comprendre qu’à tout le moins elle ne serait pas autorisée à travailler après le 15 novembre 2021.

[67] Étant donné que la note de service mentionne que les personnes non vaccinées pourraient être congédiées, la prestataire aurait dû comprendre que le congédiement était une possibilité dans le cas d’une personne qui avait reçu une première dose, mais pas la deuxième. Après tout, ni les employés non vaccinés ni ceux qui avaient reçu une seule dose n’ont pu continuer à travailler.

[68] Comme l’a statué la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Jolin, le fait que les conséquences aient été plus sévères que celles prévues par l’employé ne signifie pas que ses gestes ne constituaient pas une inconduiteNote de bas de page 21.

[69] La division générale n’a pas commis d’erreur factuelle sur la question de savoir si la prestataire aurait dû prévoir les conséquences de son geste. Le décret indiquait clairement qu’elle serait incapable de travailler si elle ne prenait pas les dispositions nécessaires pour obtenir une deuxième dose au plus tard le 15 novembre 2021. La note de service de l’employeur confirmait ce message.

Conclusion

[70] L’appel est rejeté. La division générale n’a pas commis d’erreur qui relève des moyens d’appel autorisés.

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