Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant travaillait comme mécanicien dans le Nord canadien. Il a quitté son emploi et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a examiné les raisons de la fin d’emploi du prestataire et a conclu que ce dernier avait été congédié. L’appelant a demandé la révision de cette décision. La Commission a changé d’avis et a décidé que le prestataire avait quitté son volontairement son emploi sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations. L’appelant a fait appel de cette décision devant la division générale. La division générale a conclu que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi. L’appelant a par la suite fait appel de la décision de la division générale devant la division d’appel.

La division générale devait déterminer si l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a quitté. La division d’appel a conclu que la division générale a basé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La mère a fait part à l’appelant des ennuis de leur fils qui était expulsé régulièrement de la classe. Cela coïncidait avec le départ du père pour travailler en région éloignée. Il ressortait manifestement de la preuve que la mère n’était pas en mesures de faire cesser les expulsions de classe de son fils et qu’elle avait partagé ce fait avec le père de l’enfant. La division d’appel a conclu que l’intervention du père était donc nécessaire et n’était pas un simple désir de se rapprocher de son enfant.

La division d’appel a conclu qu’afin de répondre aux dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi, l’appelant se devait de présenter une preuve prépondérante pour établir qu’au moment où il a quitté son emploi, la situation de son enfant nécessitait qu’il soit présent dans l’immédiat afin d’en prendre soin. Le prestataire a nettement rempli son fardeau de preuve. Même si elle devait considérer les faits au moment où l’appelant a décidé de quitter son emploi, la division générale a souligné que la présence du père a semblé avoir eu l’effet désiré sur le bien-être de son fils. Il a cessé de manquer l’école.

La division d’appel a déterminé que la division générale a également commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 29(c)(v) de la Loi sur l’assurance-emploi. Il ne s’agit pas d’un cas où l’appelant a cherché à se rapprocher de son enfant alors que celui-ci était déjà sous les soins appropriés de son autre parent.

La division d’appel a accueilli l’appel et a rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. La division d’appel a souligné qu’un prestataire ne doit pas démontrer qu’il existait aucune autre solution que de quitter son emploi. Son fardeau de preuve exige plutôt qu’il démontre qu’il n’existait aucune solution raisonnable que de quitter en tenant compte de toutes les circonstances de son cas. En l’espèce, la division d’appel a conclu que la preuve prépondérante démontre que l’appelant n’avait pas d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi afin de prendre soin de son enfant. Elle a conclu que dans les circonstances particulières du dossier, l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi.

Contenu de la décision

Citation : AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1443

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : A. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Julie Meilleur

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
2 juin 2023 (GE-22-1520)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 13 octobre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 3 novembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-629

Sur cette page

Décision

[1] L‘appel est accueilli. Le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

Aperçu

[2] L’appelant (prestataire) travaillait comme mécanicien dans le Nord canadien. Il a quitté son emploi et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La défenderesse (Commission) a examiné les raisons de la fin d’emploi du prestataire et a conclu que ce dernier avait été congédié.

[3] Le prestataire a demandé la révision de cette décision. La Commission a changé d’avis et a décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations. Le prestataire a porté la décision en révision devant la division générale.

[4] La division générale a déterminé que le prestataire a volontairement quitté son emploi pour se rapprocher de son fils qui avait des problèmes de comportement à l’école. Elle a déterminé que la présence du prestataire auprès de son fils n’était pas une nécessité mais un désir du prestataire. Elle a déterminé que le prestataire aurait pu chercher un autre emploi avant de quitter son emploi, demander un congé sans solde à son employeur, ou demander de l’aide d’un professionnel de la santé. La division générale a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

[5] La permission d’en appeler a été accordée au prestataire. Il soutient que la division générale a commis uneerreur de droit en concluant qu’il n’était pas fondé de quitter son emploi au sens de la loi.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur de fait et une erreur de droit dans son interprétation de l’article 29(c) (v) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[7] J’accueille l’appel du prestataire.

Question en litige

[8] Est-ce que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, et erré dans son interprétation de l’article 29(c) (v) de la Loi sur l’AE?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.Note de bas de page 1

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[11] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision surune conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Remarques préliminaires

[12] Il est bien établi que je dois prendre en considération que la preuve qui a été présentée à la division générale. En effet, une audience devant la division d’appel n’est pas une nouvelle opportunité de présenter sa preuve. Les pouvoirs de la division d’appel sont limités par la loi.Note de bas de page 2

Est-ce que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, et erré dans son interprétation de l’article 29(c) (v) de la Loi sur l’AE?

[13] Le prestataire fait valoir que la preuve présentée à la division générale démontre qu’il y avait une obligation de prendre soin de son enfant. Il ne s’agissait pas d’un simple désir. Il fait valoir que sa présence a eu un impact direct sur son fils qui a cessé de manquer l’école. Le prestataire soutient que la division générale a erré en droit dans son interprétation de l’article 29(c) (v) de la Loi sur l’AE.

[14] La division générale devait déterminer si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a quitté.

[15] Un prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[16] La division générale a déterminé que le prestataire a quitté son emploi. La preuve démontre que l’emploi a effectivement pris fin à la demande du prestataire.

[17] Le prestataire a expliqué qu’avant de commencer son travail avec l’employeur le 17 août 2021, il avait la garde partagée de son fils adolescent. Son fils était chez lui pendant une semaine et chez sa mère la semaine suivante.

[18] Depuis le début de son travail en région éloignée, son horaire de travail était de 14 jours de travail et 7 jours de repos chez lui. Le voyage pour se rendre et retourner au site de travail prenait une journée. Il était donc absent pendant 16 jours sur 21 jours. Pendant son absence, son fils habitait chez sa mère.

[19] Le prestataire a fait valoir qu’après avoir commencé son travail en région éloignée, il a eu des rapports de la mère selon lesquels son fils avait des problèmes de comportement inhabituels à l’école depuis le début de l’année scolaire. Il était expulsé de la classe deux à trois fois par semaine. Il semblait sur le point de se faire exclure de son programme de sport-études. Sa relation avec son beau-père semblait difficile.

[20] La division générale a souligné que le fils du prestataire rencontrait effectivement des difficultés importantes à l’école, ayant été expulsé de classe à sept reprises entre le 14 octobre 2021 et le 11 novembre 2021.

[21] La division générale a déterminé que le prestataire n’avait pas démontré la nécessité de prendre soin de son fils. La mère était présente et disponible pour s’occuper de l’enfant. Il s’agissait d’un désir du prestataire d’être proche de son fils.

[22] Je suis d’avis que la division générale a basé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[23] La mère a fait part au prestataire des ennuis de leur fils qui était expulsé régulièrement de la classe. Cela coïncide avec le départ du père pour travailler en région éloignée. Il ressort manifestement de la preuve que la mère n’était pas en mesures de faire cesser les expulsions de classe de son fils et qu’elle a partagé ce fait avec le père de l’enfant. L’intervention du père était donc nécessaire et n’était pas un simple désir de se rapprocher de son enfant.

[24] Afin de répondre aux dispositions de la Loi sur l’AE, le prestataire se devait de présenter une preuve prépondérante pour établir qu’au moment où il a quitté son emploi, la situation de son enfant nécessitait qu’il soit présent dans l’immédiat afin d’en prendre soin. Le prestataire a nettement rempli son fardeau de preuve.

[25] Même si elle devait considérer les faits au moment où le prestataire a décidé de quitter son emploi, la division générale a souligné que la présence du père a semblé avoir eu l’effet désiré sur le bien-être de son fils. Il a cessé de manquer l’école.

[26] Compte tenu de cette erreur, je suis d’avis que la division générale a également commis une erreur de droit dans son interprétation de l'article 29 (c) (v) de la Loi sur l’AE. Il ne s’agit pas d’un cas où le prestataire a cherché à se rapprocher de son enfant alors que celui-ci était déjà sous les soins appropriés de son autre parent.

Remède

[27] Considérant que les parties ont eu l'opportunité de présenter leur cause devant la division générale, je rendrai la décision qui aurait dû être rendue par la division générale.Note de bas de page 3

[28] Cette affaire m'offre une excellente occasion de parler de l'interprétation trop étroite et trop sévère que font souvent la Commission et certains membres de la division générale de l’article 29c) de la Loi sur l'AE. Un prestataire ne doit pas démontrer qu’il n’existait aucune autre solution que de quitter son emploi. Son fardeau de preuve exige plutôt qu’il démontre qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que de quitter en tenant compte de toutes les circonstances de son cas.

[29] En l'espèce, la preuve prépondérante démontre que le prestataire n’avait pas d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi afin de prendre soin de son enfant.

[30] La preuve démontre que la mère a fait part au prestataire des ennuis de leur fils qui était expulsé régulièrement de la classe. Cela coïncide avec le départ du père pour travailler en région éloignée. Il ressort manifestement de la preuve que la mère n’était pas en mesures de faire cesser les expulsions de classe de son fils et qu’elle a partagé ce fait avec le père de l’enfant. L’intervention du père était donc nécessaire et non un simple désir de se rapprocher de l’enfant.

[31] Le prestataire est syndiqué et ne peut chercher un autre emploi comme il veut alors qu’il travaille dans le Grand Nord. Lorsqu’il a décidé de quitter son emploi, il n’avait presque pas de jours de congé et ne pouvait attendre que la situation se dégrade encore plus pour son fils. Le prestataire n’avait pas de parents proches. Il était inutile de demander un congé sans solde car aucun transfert éventuel plus près de sa résidence n’était possible et retourner travailler en région éloignée n’était pas approprié compte tenu des troubles de comportement du fils démontrés en l’absence du père. Il n’était également pas requis que le prestataire obtienne une note médicale afin d’intervenir auprès de son fils qui était manifestement en difficulté.

[32] Je suis d’avis que, dans les circonstances particulières du présent dossier, le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

[33] Pour les motifs précédemment mentionnés, il y a lieu d’accueillir l’appel du prestataire.

Conclusion

[34] L’appel est accueilli. Le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

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