Assurance-emploi (AE)

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Citation : AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1444

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. L.
Représentant : Jean-Sébastien Deslauriers
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (464997) datée du 1er avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 21 novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 2 juin 2023
Numéro de dossier : GE-22-1520

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi quand il l’a fait (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi pour le faire). Il n’était pas fondé à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui. Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire, qui travaillait comme mécanicien dans un lieu de travail dans le Nord canadien a quitté son emploi et demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de la fin d’emploi du prestataire et a conclu que ce dernier avait été congédié.

[4] L’appelant a demandé la révision de cette décision. La Commission a changé d’avis et a décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[5] Je dois décider si le prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui.

[6] La Commission affirme qu’au lieu de quitter son emploi quand il l’a fait, le prestataire aurait pu effectuer des recherches d’emploi avant de partir, demandé des congés pour gérer la situation avant de choisir de quitter son emploi, ou parler avec un professionnel de la santé au sujet de la situation de son fils.

[7] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme que son horaire de 14 jours de travail dans le Nord et 7 jours de repos chez lui ne lui permettait pas d’être présent pour son fils qui avait des problèmes de comportement à l’école. Il était dans l’obligation de quitter son emploi afin de prendre soin de son fils.

Question en litige

[8] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[10] J’accepte le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Le prestataire reconnaît qu’il a quitté son emploi et son dernier jour de travail était le 2 novembre 2021.

[11] Je note qu’au départ, la Commission avait refusé de payer des prestations à l’appelant parce qu’il avait été congédié de son emploi. Elle note que l’appelant avait cessé de travailler pour son employeur parce qu’il ne se conformait pas aux nouvelles exigences de vaccination du transporteur aérien pour se rendre au site de travail.

[12] Lors de la révision du dossier par la Commission, l’appelant et son employeur ont confirmé que l’employeur n’obligeait pas les membres du personnel à se faire vacciner contre la COVID-19. Le transporteur aérien exigeait la vaccination, mais au moment de la fin d’emploi, il y avait une période de sursis et l’appelant se conformait à l’obligation de fournir une preuve de test moléculaire pour voyager en avion.

[13] De plus, le prestataire a confirmé que même avant que les questions de vaccination deviennent pertinentes, il avait déjà avisé son employeur au début du mois d’octobre 2021 qu’il quitterait son emploi.

[14] Je note qu’il y a deux relevés d’emploi au dossier. Le premier indique que le prestataire ne répond pas aux nouvelles exigences de vaccination du transporteur aérien pour se rendre au travail. Le deuxième, qui remplace le premier, indique que le relevé a été émis pour des « raisons familiales ».

[15] Je considère que le deuxième relevé d’emploi reflète mieux la réalité que le premier. Bien que la modification du relevé ait seulement été faite après le refus initial de prestations par la Commission, je note que l’employeur a expliqué pour donner suite aux questions de la Commission que le prestataire avait quitté son emploi pour s’occuper de son fils.

[16] Je note aussi que, selon l’information fournie par l’employeur, au moment de la fin d’emploi du prestataire, la politique pour le transport aérien était que les travailleuses et les travailleurs pouvaient voyager si elles ou ils présentaient une preuve de test de dépistage moléculaire de la COVID-19 valide effectué au cours des 72 heures précédant l’embarquement. Le prestataire et l’employeur sont d’accord que le 2 novembre 2021, le prestataire s’est conformé à cette exigence.

[17] Le prestataire a témoigné qu’il a avisé son employeur au début du mois d’octobre qu’il allait « Finir la prochaine run » et ne pas retourner par la suite. Je le crois. Bien que l’obligation de se faire vacciner soit entrée en vigueur pendant la même période, je vois que le prestataire avait quand même l’intention de quitter son emploi dans le Nord, loin de sa famille, au même moment. La fin d’emploi a pris fin à la demande du prestataire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi

[18] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[19] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[20] La loi explique ce que signifie « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[21] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnableNote de bas de page 3.

[22] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand le prestataire a quitté son emploi. La loi énonce les circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas de page 4.

[23] Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent au prestataire, celui-ci devra démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 5.

Les circonstances présentes quand le prestataire a quitté son emploi

[24] Le prestataire affirme qu’une des circonstances énoncées dans la loi s’applique à lui. Plus précisément, il avait besoin de quitter son emploi pour prendre soin de son fils qui avait des problèmes de comportement à l’école.

[25] Le prestataire explique qu’avant de commencer son travail avec l’employeur le 17 aout 2021, il avait la garde partagée de son fils adolescent. Son fils était chez lui pendant une semaine et chez sa mère la semaine suivante.

[26] Depuis qu’il avait commencé à travailler pour l’employeur au site X à X, son horaire de travail était de 14 jours de travail et 7 jours de repos chez lui. Le voyage pour se rendre et retourner au site de travail prenait une journée. Il était donc absent pendant environ 16 jours de suite. Pendant son absence, son fils habitait chez sa mère.

[27] Le prestataire a témoigné qu’après avoir commencé son travail au site X le 17 aout 2021, il a eu des rapports de la mère de son fils selon lesquels depuis le début de l’année scolaire son fils avait des problèmes de comportement inhabituels à l’école. Il se faisait sortir de la classe deux à trois fois par semaine. Il semblait sur le point de se faire exclure de son programme de sport-études. Sa relation avec son beau-père semblait difficile.

[28] L’appelant explique qu’à la mi-octobre 2021, il a avisé son patron qu’il allait seulement faire un autre voyage au site de X. Il avait l’intention d’être plus présent pour son fils. Son dernier jour de travail était le 2 novembre 2021.

[29] Le prestataire a soumis un document de l’école de son fils qui montrait les dates auxquelles il s’était fait sortir de la classe. Je note que ce document montre qu’entre le 14 octobre 2021 et le 11 novembre 2021, il s’était fait sortir de la classe à sept reprises.

[30] Je prends note du témoignage du prestataire selon lequel au moment où il a décidé de quitter son emploi, son délégué syndical avait noté un changement dans son attitude, qui était habituellement positive. Le prestataire disait que son sentiment d’impuissance avait des répercussions sur son travail.

[31] La Commission affirme que le prestataire n’a pas démontré la nécessité de prendre soin de son enfant. Il admet que son ex-conjointe était présente et disponible pour s’occuper de leur enfant. Ce n’était pas une nécessité, mais un désir du prestataire que d’être présent pour son fils. Ceci était donc un choix personnel et les choix personnels ne constituent pas un motif valable au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[32] Bien que je ne sois pas liée par les décisions d’autres membres du Tribunal, j’ai pris connaissance de décisions de mes collègues traitant de situations similaires afin de guider mon évaluation des circonstances dans ce dossier.

[33] Dans ces cas, il est à noter que les membres du Tribunal ont déterminé que l’obligation de prendre soin d’un enfant n’est pas un simple choix ou désir de d’être plus présent pour l’enfant, mais qu’il s’agit d’un besoin qui ne peut pas être satisfait autrement.Note de bas de page 6

[34] J’estime que bien que l’appelant ait ressenti un désir tout à fait admirable d’intervenir pour le bien-être de son fils, il n’a pas démontré qu’il était obligé de prendre soin de son fils. Donc, même si la situation de son fils aurait pû bénéficier de son intervention, je ne peux pas conclure qu’il s’agit d’une circonstance pouvant justifier un départ volontaire.

[35] Je conclus aussi qu’en étant préoccupé par la situation de son fils, le prestataire ressentait une incidence sur son comportement et sa capacité d’effectuer son travail. Cependant, je n’ai aucune preuve démontrant que le prestataire a obtenu un diagnostic de dépression ou d’un autre problème de santé qui l’empêchait de continuer à travailler.

[36] Je ne vois pas non plus de preuve disant que l’employeur était insatisfait du travail du prestataire. Ainsi, le départ du prestataire était uniquement motivé par un choix personnel et un sentiment de vouloir être présent pour son fils.

[37] J’ai pris le soin de réfléchir au fait que si le prestataire avait continué de travailler pour son employeur, il aurait eu de la difficulté à se rendre au site de X parce qu’il n’était pas vacciné. En effet, au moment de son départ, le transporteur aérien exigeait une preuve de vaccination pour voyager. Finalement, je conclus que ceci n’est pas pertinent pour ma décision dans cette affaire, car au moment du départ le prestataire était en mesure de se conformer aux exigences imposées par les transporteurs aériens. Nous ne pouvons pas présumer quel aurait été la situation plus tard, donc je ne peux pas tirer de conclusions pertinentes sur l’incidence des restrictions sur sa décision de quitter son emploi.

D’autres solutions raisonnables s’offraient au prestataire

[38] Je dois aussi évaluer si le départ du prestataire était la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui à ce moment-là.

[39] Je conclus que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables qui s’offraient à lui que de quitter son emploi en novembre 2021.

[40] Le prestataire affirme que son seul choix était d’être présent pour son fils, car selon son expérience personnelle, si les problèmes de comportement de son fils n’étaient pas pris en charge avant qu’on l’expulse du programme sport-études, il y aurait des conséquences pour son avenir. Selon son expérience personnelle, il devait être présent pour son fils s’il ne voulait pas qu’il se retrouve dans la même situation que lui.

[41] La Commission n’est pas d’accord et affirme que le prestataire aurait pu chercher un autre emploi avant de quitter son emploi, demander un congé sans solde à son employeur, ou demander de l’aide à un professionnel de la santé.

[42] Je suis d’accord avec la Commission.

[43] Le prestataire travaillait 14 jours au site de X et il était chez lui pendant sept jours. J’accepte son témoignage selon lequel les déplacements entre sa résidence et le site de travail prenait une journée, donc en réalité il était seulement chez lui pendant cinq jours. Je note aussi que lorsqu’il était chez lui, il avait le garde de son fils.

[44] Cependant, ceci démontre qu’il avait cinq jours chez lui pour essayer de trouver un emploi qui lui convenait plus proche de sa résidence. Je reconnais qu’il a dit avoir discuté avec son représentant syndical pour savoir s’il y avait du travail dans sa région. Mais, ces discussions semblent avoir eu lieu après qu’il a quitté son emploi. Le prestataire a eu l’occasion de chercher et d’obtenir un nouvel emploi avant de quitter le sien.

[45] De plus, je ne peux pas ignorer le fait que le fils du prestataire est adolescent. Rien ne démontre qu’il n’est pas capable de comprendre les conséquences de ses propres actions, ou qu’il avait un diagnostic qui l’empêchait de comprendre des interventions d’adultes en position d’autorité autre que ses parents.

[46] Même avant que l’appelant ait commencé à travailler sur un site éloigné de sa résidence, il partageait la garde de son fils avec sa mère. Donc la mère de l’enfant était déjà très présente pour son fils, bien qu’elle ait pu apprécier le soutien du prestataire. L’absence du père ne faisait pas le fils était sans recours à un adulte responsable dans sa vie.

[47] Le prestataire a aussi témoigné que lors d’un de des périodes qu’il était de retour chez lui, il a pu communiquer avec le professeur de son fils. Ce dernier lui a expliqué que son enfant risquait de se faire expulser du programme de sport-études. Le prestataire n’a pas dit qu’un plan d’intervention impliquant les parents ou qu’un soutien spécialisé avaient été proposés ou offerts lors de cette conversation. Le prestataire n’en a pas non plus fait la demande avant de quitter son emploi.

[48] Étant donné que le sentiment d’impuissance du prestataire face à la situation de son fils semble avoir eu des répercussions sur sa santé mentale, le prestataire aurait aussi pu consulter un médecin pour voir s’il devrait demander un congé pour raisons médicales .

[49] Finalement, je note que lors des discussions avec la Commission, l’employeur a confirmé que parce qu’il était syndiqué, le prestataire aurait pu demander un congé sans solde au lieu de quitter définitivement son emploi. Il n’y a aucune preuve qui démontre que le prestataire a exploré cette option. Rien n’indique que le prestataire a discuté avec son employeur de mesures d’adaptation ou de solutions qui lui auraient permis de conserver son emploi tout en contribuant à gérer la situation de son fils.

[50] J’estime que le prestataire a décidé d’accorder la priorité au bien-être de son fils plutôt qu’à son emploi. Il s’agit d’un choix tout à fait louable et il semble que sa présence ait eu l’effet désiré sur le bien-être de son fils.

[51] Cependant, je dois conclure que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables qui ne l’auraient pas placé en situation de chômage. Je suis donc obligée de conclure qu’il n’était pas, selon la loi, fondé à quitter son emploi.

[52] Compte tenu des circonstances qui existaient quand le prestataire a donné sa démission et quitté son emploi, le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi, pour les raisons mentionnées précédemment.

[53] Par conséquent, le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[54] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations.

[55] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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