Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1153

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : A. L.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 6 avril 2023
(GE-22-3857)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Date de la décision : Le 23 août 2023
Numéro de dossier : AD-23-401

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur, A. L. (prestataire), a été congédié de son emploi et a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a d’abord conclu que le prestataire était admissible aux prestations. Son employeur a demandé une révision et la Commission a modifié sa décision. Elle a décidé que le prestataire avait été congédié en raison d’une inconduite et qu’il était exclu du bénéfice des prestations.

[4] Le prestataire a fait appel de cette décision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et son appel a été rejeté. La division générale a conclu que le prestataire avait été congédié de son emploi et qu’il n’avait pas démissionné. La division générale a établi qu’il avait été congédié parce qu’il avait enfreint deux des politiques de son employeur et que ce motif était considéré comme une inconduite au sens de la loi.

[5] Le prestataire demande maintenant à faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal. Toutefois, il a besoin de la permission pour que son appel aille de l’avant. Il soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante et a outrepassé sa compétence.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur susceptible de révision qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès. Je refuse d’accorder la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[7] Voici les questions en litige :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante en s’appuyant sur des renseignements figurant dans un rapport d’enquête réalisé par une tierce partie?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale a outrepassé sa compétence en décidant si le prestataire avait des raisons valables de quitter son emploi?
  3. c) Le prestataire soulève-t-il une autre erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Je ne donne pas au prestataire la permission de faire appel

[8] Le critère juridique que le prestataire doit remplir pour demander la permission de faire appel est peu rigoureux : y a-t-il un motif défendable qui permettrait à l’appel d’être accueilliNote de bas de page 1?

[9] Pour trancher cette question, je me suis surtout demandé si la division générale aurait pu commettre une ou plusieurs des erreurs pertinentes (appelées aussi moyens d’appel) énumérées dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 2.

[10] Un appel n’est pas une nouvelle occasion de débattre de la demande originale. Je dois plutôt décider si la division générale a commis une des erreurs suivantes :

  1. a) elle n’a pas offert une procédure équitable;
  2. b) elle n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 3;
  4. d) elle a commis une erreur de droitNote de bas de page 4.

[11] Avant que le prestataire puisse passer à l’étape suivante de l’appel, je dois être convaincue qu’au moins un de ces moyens d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Une chance raisonnable de succès signifie que le prestataire pourrait plaider sa cause et possiblement gagner. Je dois aussi tenir compte d’autres moyens d’appel possibles que le prestataire n’a pas cernés avec précisionNote de bas de page 5.

La décision de la division générale

[12] La division générale devait décider pourquoi le prestataire ne travaillait plus. Celui-ci a fait valoir qu’il avait déposé un grief et que, dans le cadre d’un règlement, il avait convenu que son congédiement serait remplacé par une démission volontaire. Son relevé d’emploi devait être modifié pour tenir compte de ce faitNote de bas de page 6.

[13] La division générale a conclu que le prestataire avait été congédié et qu’il n’avait pas quitté volontairement son emploiNote de bas de page 7. Elle a examiné les arguments du prestataire au sujet du règlement, mais a conclu qu’il n’avait pas le choix de continuer à travailler et qu’il avait été congédiéNote de bas de page 8.

[14] La division générale devait ensuite décider pourquoi le prestataire a été congédié et si ce motif constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[15] La division générale a conclu que la raison du congédiement du prestataire était l’infraction à deux des politiques de son employeur. Celui-ci a conclu que le prestataire avait harcelé une collègue de travail et avait permis à son épouse d’accéder à son courriel du travail. L’employeur avait congédié le prestataire pour avoir violé les deux politiquesNote de bas de page 9.

[16] L’employeur a mené une enquête sur les allégations de harcèlement; le rapport d’enquête a conclu que le prestataire avait harcelé la collègueNote de bas de page 10. L’employeur avait également une politique de confidentialité qui exigeait que les personnes employées prennent des mesures raisonnables pour protéger leurs courriels du travailNote de bas de page 11. L’épouse du prestataire connaissait son mot de passe et a pu accéder à son courriel du travailNote de bas de page 12.

[17] La division générale a énoncé les principes clés relatifs à l’inconduite en se fondant sur la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 13. Elle a appliqué ces principes à la situation du prestataire et a conclu que la Commission avait prouvé qu’il y avait eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • Le prestataire était au courant de la politique de l’employeur concernant le harcèlement qui disait que les personnes employées ne devaient pas harceler leurs collègues de travailNote de bas de page 14.
  • Le prestataire était au courant de la politique de confidentialité de l’employeur qui l’obligeait à protéger la confidentialité de ses courriels du travailNote de bas de page 15.
  • Le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il pouvait être congédié en cas d’infraction à l’une ou l’autre de ces politiquesNote de bas de page 16.
  • Le prestataire et sa collègue ont chacun allégué qu’ils avaient été harcelés par l’autre. Une enquêteuse indépendante a examiné les deux plaintesNote de bas de page 17.
  • Le rapport a établi que le prestataire avait harcelé le collègue et la preuve a montré que le prestataire avait fait des choses qui contrevenaient à la politique concernant le harcèlementNote de bas de page 18.
  • Le prestataire a convenu que le fait que son épouse connaisse son mot de passe et consulte son courriel du travail constituait une violation de la politique de confidentialitéNote de bas de page 19:
  • Le prestataire a été congédié pour avoir enfreint les politiques de l’employeurNote de bas de page 20.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis des erreurs de fait

[18] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait importantes. Il affirme qu’elle a commis une erreur en tenant compte principalement des renseignements figurant dans le rapport d’enquêteNote de bas de page 21.

[19] Le prestataire a fait valoir devant la division générale que l’enquête était partiale et comportait des lacunes. Il affirme qu’il a été congédié à tort et que cette décision a fini par être annulée, ce qui lui a donné la possibilité de démissionner. Le prestataire soutient également qu’il a été harcelé et qu’il a fait l’objet de discrimination de la part d’une autre personne employée et du directeur des ressources humainesNote de bas de page 22.

[20] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait ou une erreur en s’appuyant sur le rapport d’enquête qui faisait partie du dossier de la Commission. La division générale a reconnu que le prestataire n’était pas d’accord avec les conclusions de l’enquêteuseNote de bas de page 23. La division générale a expliqué pourquoi elle préférait les conclusions du rapport, selon lesquelles le prestataire avait harcelé la collègue, plutôt que les dénégations du prestataireNote de bas de page 24.

[21] La division générale a également conclu qu’elle n’avait pas besoin d’être d’accord avec toutes les constatations de l’enquêteuse pour conclure que les agissements du prestataire constituaient une inconduite. La division générale a souligné deux événements dont le prestataire avait convenu qu’ils s’étaient produits et a conclu qu’ils constituaient tous deux des infractions à la politique concernant le harcèlementNote de bas de page 25.

[22] La division générale a également conclu que le prestataire avait enfreint la politique de confidentialité de l’employeurNote de bas de page 26. Elle a souligné que le prestataire était d’accord pour dire que son épouse connaissait son mot de passe de courriel du travail et consultait ses courrielsNote de bas de page 27. La division générale a conclu qu’il s’agissait également d’une inconduite et que ces conclusions ne sont pas liées au rapport d’enquête.

[23] La division générale a appliqué le bon critère juridique et a expliqué pourquoi elle préférait certains éléments de preuve. Elle a reconnu et examiné la preuve et les arguments du prestataire. Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a outrepassé sa compétence

[24] Le prestataire soutient que la division générale n’avait pas le pouvoir de décider si la raison de sa démission était valide parce que son départ était fondé sur son expérience personnelle d’intimidation de la part de son employeur. Le prestataire affirme que sa décision de quitter son emploi était fondée sur des raisons subjectives basées sur ses droits de la personne et ses préoccupations concernant la sécurité au travailNote de bas de page 28.

[25] La division générale devait déterminer pourquoi le prestataire ne travaillait plus. Lorsqu’il a présenté sa demande de prestations, il a indiqué qu’on l’avait congédié de son emploiNote de bas de page 29. Le prestataire a déposé un grief concernant son congédiement. Il fait valoir que le règlement de ce grief incluait la possibilité pour lui de démissionner à la date à laquelle il a été congédiéNote de bas de page 30.

[26] La division générale a examiné ces arguments fournis par le prestataire. Elle a conclu qu’il avait été congédié et qu’il n’avait pas démissionné, malgré sa preuve concernant le règlementNote de bas de page 31. La division générale a fondé cette conclusion sur son examen de la preuve et a établi un fait. Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en rendant cette décision.

[27] La division générale a fait remarquer que si elle avait conclu que le prestataire avait effectivement démissionné, elle aurait décidé qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 32. Toutefois, d’après la décision de la division générale, le prestataire avait été congédié et il n’avait pas démissionné.

[28] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en commentant la validité des raisons de la démission du prestataire, si elle avait établi qu’il avait effectivement démissionné. Si la division générale avait rendu cette décision, elle aurait dû décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi, ce qui exige un examen des raisons de son départ. Cela aurait fait partie de son champ de compétence.

[29] En plus des arguments du prestataire, j’ai également examiné les autres moyens d’appel. Le prestataire n’a relevé aucune injustice procédurale de la part de la division générale et je ne vois aucune preuve d’une telle injustice. Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit.

[30] Le prestataire n’a signalé aucune erreur que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès. Par conséquent, je refuse la permission de faire appel.

Conclusion

[31] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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