Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Référence : ML c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 251

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelant : M. L.
Représentant : N. O.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada
Représentant : Gilles‑Luc Bélanger

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 7 avril 2022
(GE-22-537)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 août 2023
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 20 septembre 2023
Numéro de dossier : AD-22-301

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Décision

[1] J’accueille l’appel en partie.

[2] Je renvoie l’appel à la division générale pour réexamen de la disponibilité du prestataire pour travailler, de la question de savoir s’il a sciemment fait une fausse déclaration et de la façon dont la Commission a décidé de la sanction qu’il convenait d’imposer.

[3] Je rejette l’appel du prestataire concernant son inadmissibilité au motif qu’il était à l’étranger.

Aperçu

[4] M. L. est l’appelant. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi, alors je l’appellerai le prestataire. En 2018, il a quitté le Canada pour assister à un tournoi de volleyball pendant qu’il touchait des prestations. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), a appris plus tard qu’il était à l’étranger. Elle l’a jugé inadmissible au bénéfice des prestations qu’il a reçues du 30 mars au 2 avril 2018 parce qu’il était à l’étranger. Parallèlement, elle l’a jugé inadmissible du 29 mars au 3 avril 2018 parce qu’il ne pouvait pas prouver qu’il était disponible pour travailler ces jours-là. Ces périodes d’inadmissibilité ont donné lieu à un versement excédentaire. La Commission a également conclu que le prestataire avait sciemment fait une fausse déclaration, de sorte qu’elle a donné un avertissement.

[5] Le prestataire a demandé une révision, mais la Commission n’a pas modifié sa décision. Il a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). La division générale a rejeté son appel sur tous les points.

[6] Le prestataire a demandé la permission d’en appeler à la division d’appel, qui la lui a accordée. Son audience a eu lieu devant la division d’appel le 14 août 2023.

[7] J’accueille l’appel en partie. La division générale a commis un certain nombre d’erreurs.

[8] Elle a commis une erreur de droit en omettant de fournir des motifs suffisants et elle a agi de façon inéquitable en ne faisant pas ou en ne conservant pas un enregistrement audio de l’audience. Ces deux erreurs ont nui à la capacité du prestataire de contester la décision de la division générale. La division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu qu’il avait sciemment fait une fausse déclaration et elle a commis une erreur de droit parce qu’elle a omis d’appliquer le critère juridique pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a examiné la question de la sanction.

[9] Je renvoie toutes les questions susmentionnées à la division générale pour révision.

[10] La division générale n’a commis aucune erreur lorsqu’elle a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations pendant qu’il était à l’étranger. Je rejette cette partie de l’appel.

Questions préliminaires

[11] Le prestataire a demandé un ajournement parce qu’il était malade, mais il n’a fourni aucun renseignement sur le moment où il pourrait être prêt à aller de l’avant. J’ai refusé sa demande.

[12] Son dossier d’appel a été ajourné ou mis en suspens depuis qu’il a été inscrit au rôle pour la première fois le 9 septembre 2022. Sur une période d’environ 11 mois, le Tribunal a tenté à maintes reprises de fixer la date de l’audience, de conférences de règlement et d’une conférence relative à la cause pour discuter de la gestion et de la mise au rôle de son appel. Bien que le prestataire ait eu plusieurs discussions téléphoniques avec le personnel du Tribunal au fil des mois, il a répondu à chaque avis, mise à jour ou demande de renseignements en disant qu’il ne pouvait pas participer parce qu’il était trop malade.

[13] Le 14 août 2023, l’audience devant la division d’appel s’est déroulée en l’absence du prestataire. Le prestataire était au courant de la date et de l’heure de l’audience et du fait que le Tribunal s’attendait à ce que lui ou son représentant soit présent. Il a accusé réception de l’avis d’audience en demandant un ajournement de l’audience. Il a discuté de mon refus de sa plus récente demande d’ajournement avec le personnel du Tribunal.

[14] La Commission s’est appuyée sur ses observations écrites et elle n’a pas comparu à l’audience pour présenter des observations supplémentaires.

[15] À la suite de l’audience du 14 août 2023, j’ai écrit au prestataire pour lui dire que la Commission n’avait pas assisté à l’audience et qu’elle se fondait uniquement sur ses observations écrites. J’ai donné au prestataire jusqu’au 31 août 2023 pour présenter ses propres observations écrites.

[16] Le prestataire n’a pas présenté d’observations écrites ni demandé de délai supplémentaire pour répondre.

Questions en litige

[17] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante en concluant que le prestataire n’était pas disponible pour travailler pendant qu’il était à l’étranger sans tenir compte de la preuve
    1. i. qu’il était prêt à revenir au Canada si un emploi était disponible?
    2. ii. qu’il occupait déjà un emploi à temps partiel?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de fournir des motifs suffisants à l’appui de sa conclusion que le prestataire n’était pas disponible?
  3. c) Le processus d’audience de la division générale était-il injuste parce qu’elle n’a pas consigné le témoignage de vive voix du prestataire?
  4. d) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante ou une erreur de droit lorsqu’elle a jugé le prestataire inadmissible au bénéfice des prestations les jours fériés?
  5. e) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante ou une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait sciemment fait une fausse déclaration?
  6. f) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans la façon dont elle a conclu que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de donner un avertissement au prestataire?

Principes généraux

[18] La division d’appel ne peut tenir compte que des erreurs qui relèvent de l’un des moyens d’appel suivants :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon quelconque.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

Analyse

[19] La division générale a rendu une décision sur quatre questions :

  1. a) Elle a décidé que le prestataire était inadmissible parce qu’il n’était pas disponible pour travailler entre le 29 mars et le 3 avril 2018.
  2. b) Elle a décidé que le prestataire était inadmissible du 30 mars au 2 avril 2018 parce qu’il était à l’étranger.
  3. c) Elle a décidé que le prestataire avait sciemment fait une fausse déclaration.
  4. d) Elle a décidé que la Commission avait agi de façon judiciaire en donnant un avertissement.

Disponibilité pour travailler

[20] La division générale a jugé que le prestataire n’était pas disponible pour travailler à compter du 29 mars jusqu’au 3 avril 2018. Elle a conclu qu’il n’avait pas le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert, qu’il n’avait pas fait de démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenable et qu’il avait établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[21] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu qu’il n’était pas disponible pour travailler. Il affirme qu’elle a fait fi de la preuve qu’il serait revenu au Canada pour accepter un emploi et qu’il avait déjà un emploi à temps partiel au Canada.

[22] La division générale n’a pas fait fi du témoignage du prestataire selon lequel il avait un emploi à temps partiel au Canada ni mal compris celui-ci. Elle a fait référence au témoignage du prestataire selon lequel il avait du travail à temps partiel, et je présume qu’elle a compris la preuve. Le prestataire n’a pas fait valoir que cette preuve recelait autre chose ou qu’elle avait un sens particulier que la division générale a mal interprété.

[23] Toutefois, je ne peux dire si la division générale a commis une erreur de fait importante en faisant fi du témoignage du prestataire selon lequel il était prêt et disposé à travailler et il serait revenu pour accepter un emploi.

[24] Il y a deux raisons à cela. Premièrement, dans ses motifs, la division générale ne précise pas sur quels éléments de preuve elle s’est fondée pour tirer ses conclusions de fait ni n’explique suffisamment comment elle est parvenue à sa décision. Deuxièmement, la division générale n’a pas maintenu un enregistrement audio de l’audience.

[25] Donc, bien que je ne puisse conclure à l’existence d’une erreur de fait importante, j’estime que la division générale a commis une erreur de droit au motif qu’elle a fourni des motifs insuffisants. Je conclus également que la division générale a violé le droit du prestataire à l’équité procédurale en ne maintenant pas l’enregistrement audio de l’audience.

Motifs insuffisants

[26] Pour décider si un prestataire est disponible, la division générale doit appliquer un critère juridique que j’appellerai le critère de l’arrêt FaucherNote de bas de page 2. Le critère de l’arrêt Faucher énonce trois facteurs et précise que ces derniers doivent tous être pris en compte. Le premier facteur se rapporte au désir du prestataire « de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert ».

[27] La division générale a commis une erreur de droit parce que ses motifs étaient insuffisants. La Cour suprême du Canada a déclaré que les motifs écrits ont pour objet notamment d’expliquer aux parties pourquoi la décision a été priseNote de bas de page 3. La division générale n’a pas expliqué comment elle a conclu que le prestataire n’avait pas le désir de retourner au travail.

[28] La division générale s’est appuyée sur les « déclarations et les observations » du prestataire selon lesquelles il ne cherchait pas à travailler à temps plein parce qu’il était à l’étrangerNote de bas de page 4. Toutefois, la division générale n’a pas précisé les « déclarations ou observations » auxquelles elle faisait référence.

[29] De plus, l’existence d’une déclaration ou d’une observation sur le fondement de laquelle elle aurait pu conclure que le prestataire n’avait pas le désir de retourner au travail n’est pas évidente. Le prestataire a dit à la Commission qu’il ne savait pas qu’il devait être disposé et prêt à travailler le 30 mars 2018 (le Vendredi saint) et le 2 avril 2018 (le lundi après Pâques)Note de bas de page 5. Il l’a mentionné de nouveau dans son avis d’appel à la division générale. Toutefois, il n’a pas dit à la Commission qu’il ne cherchait pas de travail à l’époque.

[30] La preuve selon laquelle le prestataire n’était pas au courant des exigences de la Commission n’est pas une preuve qu’il ne cherchait pas de travail. De plus, la preuve au dossier selon laquelle le prestataire ne savait pas que la Commission exigeait quand même qu’il soit disponible ne concerne que le Vendredi saint et le lundi suivant. Cela ne peut constituer une preuve qu’il ne cherchait pas de travail tous les jours de son inadmissibilité ni n’établit qu’il n’avait pas le désir de retourner sur le marché du travail le plus tôt possible.

[31] Si la division générale avait une preuve que le prestataire ne souhaitait pas retourner sur le marché du travail, celle-ci ne pouvait provenir que de son témoignage à l’audience. Toutefois, la décision de la division générale ne décrit pas son témoignage et elle n’a pas conservé d’enregistrement audio de l’audience.

[32] Même si le prestataire avait témoigné qu’il ne cherchait pas de travail pendant qu’il était à l’étranger, et même si la division générale avait fait référence à ce témoignage en particulier, les motifs seraient encore insuffisants. Ils n’expliquent pas comment « ne pas chercher de travail » signifie que le prestataire n’avait pas « le désir de retourner sur le marché du travail ».

[33] Les motifs de la division générale sont tout aussi obscurs lorsqu’elle examine les deux autres facteurs Faucher. Ils sont les suivants :

  1. a) exprimer le désir de trouver du travail par des démarches pour trouver un emploi convenable;
  2. b) ne pas établir de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travail.

[34] Lorsque la division générale s’est penchée sur la question de savoir si le prestataire satisfaisait au deuxième facteur de l’arrêt Faucher, elle a déclaré que « [le prestataire] a lui-même fait valoir dans ses observations et déclaré dans son témoignage à l’audience » qu’il n’a pas effectué de « recherche d’emploi exhaustive » [entre le 29 mars et le 3 avril]. Elle a dit que ses « observations et son témoignage » ne révèlent « aucune démarche continue » pour obtenir un emploi.

[35] La déclaration de la division générale selon laquelle le prestataire n’a fait aucune démarche continue pour obtenir un emploi est une déclaration de conclusion. Elle laisse entendre qu’elle a examiné ou soupesé la preuve, mais la division générale n’a pas précisé sur quelles observations et quel témoignage elle s’est appuyée ni comment elle a soupesé cette preuve pour en arriver à sa conclusion. Sa conclusion serait peut-être suffisante si elle avait conclu qu’il n’y avait « aucune preuve » de démarches continues (en supposant qu’il n’y avait aucune preuve). Toutefois, il y a une distinction entre cela et le fait de dire, comme l’a fait la division générale, que la preuve ne révèle aucune démarche continue.

[36] Pour appuyer sa conclusion selon laquelle le prestataire « a établi des conditions personnelles qui limitaient indûment » ses chances de retourner sur le marché du travail, la division générale s’est appuyée de nouveau sur sa conclusion selon laquelle il n’avait fait aucune démarche pour trouver du travail. Toutefois, il n’y a pas de lien nécessaire entre les deux facteurs. Il se peut que les prestataires ne cherchent pas de travail à un moment donné sans limiter indûment le genre de travail qu’ils accepteraient. La division générale aurait dû expliquer pourquoi ne pas chercher du travail pendant une absence du Canada lors d’une longue fin de semaine limitait indûment ses chances de trouver un emploi.

[37] La Cour suprême du Canada a déclaré que des motifs insuffisants justifieront une intervention (par une cour de révision) lorsqu’ils « ne révèlent pas de fondement intelligible qui sous-tende le verdict et permette un véritable examen en appel »Note de bas de page 6.

[38] Il est impossible de savoir comment la division générale a évalué la preuve et si elle a fait fi de toute preuve liée à sa disponibilité ou mal compris celle-ci. Cela nuit à la capacité du prestataire de contester la décision de la division générale.

[39] Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit en ne fournissant pas de motifs suffisants.

Absence d’enregistrement audio de l’audience

[40] Je conclus également que la division générale a violé le droit du prestataire à l’équité procédurale en ne maintenant pas l’enregistrement de l’audience.

[41] L’omission de la division générale de maintenir un enregistrement audio a aggravé le problème des motifs insuffisants. Le prestataire insiste pour dire qu’il a témoigné de sa volonté de revenir au Canada si un emploi était disponible. La division générale ne fait pas référence à cette preuve. Toutefois, si le prestataire a raison, cette preuve pourrait être pertinente pour les trois facteurs de l’arrêt Faucher.

[42] L’absence d’enregistrement audio nuit à la capacité du prestataire de démontrer que la division générale a fait fi d’éléments de preuve pertinents issus de l’audience.

À l’étranger

[43] La division générale a conclu que le prestataire était à l’étranger du 29 mars 2018 au 3 avril 2018. Elle a dit que c’était [traduction] « de l’aveu [du prestataire] ». Le prestataire n’a pas soutenu que la division générale a commis une erreur dans cette conclusion.

[44] La Loi sur l’assurance-emploi prescrit qu’un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est à l’étrangerNote de bas de page 7. Elle permet certaines exceptions, mais aucune de ces exceptions ne s’applique au prestataire. Le prestataire était à l’étranger pour assister à un tournoi de volleyball. Il n’y a pas d’exception pour ce genre d’activitéNote de bas de page 8.

[45] Comme aucune exception ne s’applique, la Commission doit le déclarer inadmissible au bénéfice des prestations pour toute la période pendant laquelle il était à l’étranger. La division générale a exclu à juste titre le 29 mars et le 3 avril 2018, parce que les prestataires ne sont pas considérés comme étant « à l’étranger » les jours où ils ne sont à l’étranger pendant une partie seulement de la journée. Le 29 mars et le 3 avril sont les jours où le prestataire a voyagé et il n’était à l’étranger pendant une partie seulement de chaque journée.

[46] Le prestataire a également fait valoir que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il était inadmissible les jours fériés. Il affirme que le Vendredi saint et le dimanche de Pâques (pris comme jour férié le lundi) étaient des jours fériés. Toutefois, un prestataire qui est à l’étranger est inadmissible pour chaque jour où il est à l’étranger. La loi ne suspend pas l’inadmissibilité pour les jours fériés.

[47] La division générale n’a commis aucune erreur de droit lorsqu’elle n’a pas tenu compte de l’effet des jours fériés.

Fausses déclarations

[48] Le prestataire a rempli des déclarations à la Commission pour les semaines du 18 au 31 mars 2018 et du 1er au 7 avril 2018. Pendant les deux semaines, il a déclaré qu’il n’était pas à l’étranger pendant la période visée par la déclarationNote de bas de page 9.

[49] Le prestataire n’est pas d’accord pour dire qu’il a sciemment fait une fausse déclaration. Il affirme que ses déclarations selon lesquelles il n’était pas à l’étranger ont été faites de bonne foi. Son affirmation est étayée par sa réponse à l’enquête de la Commission dans laquelle il a dit avoir rempli la déclaration avant qu’on lui demande de participer à un tournoi de volleyball (à l’étranger)Note de bas de page 10.

[50] On ne peut dire avec certitude s’il soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante ou une erreur de droit. Je vais examiner la question sous les deux angles.

Erreur de fait

[51] La division générale a commis une erreur de fait importante.

[52] Elle a noté que le prestataire était à l’étranger du 30 mars au 2 avril 2018Note de bas de page 11 et qu’il ne l’avait pas déclaré « à son retour au Canada ». Le prestataire ne l’a pas contesté. De toute évidence, il aurait su qu’il serait à l’étranger au plus tard le jour de son départ et qu’il était à l’étranger le jour de son départ. S’il avait déjà rempli ses déclarations le jour de son départ ou après, il aurait su qu’elles étaient erronées.

[53] La division générale n’a pas fait fi de la protestation du prestataire selon laquelle il ne savait pas comment modifier ses déclarations ni mal compris celle-ci. Elle a noté que le prestataire avait dit qu’il ne savait pas comment modifier sa réponse, mais qu’il n’avait fait aucun effort pour communiquer avec Service Canada pour savoir s’il pouvait modifier sa déclaration.

[54] Pour décider que le prestataire a sciemment fait une fausse déclaration, la division générale s’est fondée sur trois faits :

  1. 1. Le prestataire avait attesté connaître ses droits et responsabilités lorsqu’il a demandé des prestations, notamment son obligation de signaler toute absence du Canada, mais il ne l’a pas fait.
  2. 2. Le prestataire a déclaré qu’il ne savait pas comment modifier ses déclarations, ce que la division générale a accepté comme preuve qu’il savait qu’il avait fourni des renseignements erronés à la Commission.
  3. 3. Le prestataire n’a fait aucun effort pour porter son erreur à l’attention de la CommissionNote de bas de page 12.

[55] Aucun de ces faits n’appuie la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire a sciemment fait une fausse déclaration au moment où il a fait la déclaration. La division générale n’a pas pris note du fait que le prestataire avait dit avoir fait la fausse déclaration de bonne foi, ne sachant pas qu’elle était fausse à l’époque. Elle s’est plutôt concentrée sur la preuve du défaut du prestataire de corriger sa déclaration à un moment donné après son retour au Canada. Cela ne signifie pas que sa déclaration était fausse d’entrée de jeu.

[56] Je conclus que la division générale a commis une erreur de fait importante parce que sa conclusion ne découle pas rationnellement de la preuveNote de bas de page 13.

Erreur de droit possible

[57] La division générale a dit que « l’appelant n’a pas démontré que son omission de divulguer les renseignements exacts concernant son séjour à l’étranger pendant qu’il touchait des prestations pourrait être interprétée comme étant de bonne foi […] ». Compte tenu de cette affirmation et de la preuve examinée par la division générale, je conclus que cette dernière a fondé sa conclusion selon laquelle le prestataire a sciemment fait une fausse déclaration sur ce qu’il a fait par la suite. Il semble que la division générale parte du postulat que la fausse déclaration d’un prestataire, même si elle est faite de bonne foi, peut devenir une fausse déclaration faite « sciemment » si le prestataire apprend plus tard qu’elle est fausse, mais qu’il ne fait aucun effort pour corriger la situation.

[58] Toutefois, je ne vais pas me demander si les actions ultérieures d’un prestataire peuvent transformer rétroactivement une fausse déclaration faite de bonne foi en une fausse déclaration faite sciemment.

[59] Je ne peux être certain de la façon dont la division générale a analysé la preuve. Elle n’a pas expliqué comment la loi appuyait sa décision. Ses motifs ne me permettent pas de savoir comment elle a interprété « sciemment », de sorte que je ne peux pas déterminer si elle a commis une erreur de droit dans son interprétation.

[60] Je ne vais pas discuter de la façon dont la loi doit être interprétée comme étant hypothétique.

[61] Je conclus toutefois que la division générale a commis une erreur de droit en fournissant des motifs insuffisants. Ses motifs devraient expliquer comment elle a appliqué le droit à la preuve pour en arriver à sa décision.

Pénalité

Erreur de droit

[62] La Commission a donné un avertissement au prestataire pour avoir sciemment fait une fausse déclaration.

[63] La division générale devait déterminer si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Elle a compris qu’elle devait le faire et elle a décrit correctement le critère à appliquer pour déterminer si la décision de la Commission était judiciaire. Elle a dit que la Commission devait démontrer qu’elle avait agi de bonne foi, qu’elle avait tenu compte de tous les facteurs pertinents et qu’elle avait fait fi des facteurs non pertinentsNote de bas de page 14.

[64] La division générale a conclu que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Pour expliquer cette conclusion, elle a mentionné que l’appelant n’avait pas démontré qu’il était possible d’interpréter ses actions comme étant de bonne foiNote de bas de page 15.

[65] Dans tous les cas où elle se prononce sur une pénalité pour fausse déclaration, la Commission doit d’abord conclure que le prestataire a fait la fausse déclaration sciemment. Un prestataire ne peut être pénalisé pour avoir fait une fausse déclaration « de bonne foi », c’est-à-dire en croyant qu’elle était vraie. L’interprétation de ses actions comme étant « de bonne foi » ne serait pas compatible avec une fausse déclaration faite sciemment.

[66] La division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer le critère juridique. Sa décision ne montre pas qu’elle s’est demandé si la Commission a agi de bonne foi et elle ne passe pas en revue les facteurs qu’elle a jugés pertinents.

Réparation

[67] J’ai relevé des erreurs dans la façon dont la division générale en est arrivée à sa décision, alors je dois maintenant décider ce que je ferai à ce sujet. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou lui renvoyer l’affaire pour réexamenNote de bas de page 16.

[68] La Commission admet que la division générale a manqué à l’équité procédurale et me demande de renvoyer l’appel à la division générale pour qu’elle tranche la question de la disponibilité.

[69] Je conviens que je ne peux pas trancher la question de la disponibilité sans l’enregistrement audio de l’audience tenue devant la division générale; je renvoie donc cette question à la division générale pour réexamen.

[70] Je n’ai trouvé aucune erreur dans la décision de la division générale concernant la question de l’inadmissibilité du prestataire pendant qu’il était à l’étranger. Le prestataire n’a mentionné aucune erreur en particulier ni décrit un témoignage manquant qui aurait pu influer sur cette conclusion.

[71] La Commission m’a demandé de confirmer la conclusion selon laquelle le prestataire a sciemment fait une fausse déclaration, mais j’ai conclu que la division générale a commis une erreur dans la façon dont elle a décidé que le prestataire avait sciemment fait une fausse déclaration.

[72] Je renvoie également cette question à la division générale pour réexamen. La Commission n’a pas dit ce qu’elle voudrait que je fasse si je relevais une erreur. À mon avis, le dossier n’est pas suffisamment complet pour que je puisse prendre cette décision.

[73] Le prestataire a dit qu’il avait rempli les déclarations avant de savoir qu’il quittait le Canada pour assister au tournoi. Toutefois, il semble qu’il ait réservé un endroit où rester pendant la période où il serait à l’étranger bien avant de remplir ses déclarations pour les deux semaines de prestations en questionNote de bas de page 17. Selon le dossier de révision, il semble que le prestataire ait déposé sa déclaration en ligne pour la semaine du 18 au 31 mars le 6 avril 2018Note de bas de page 18. Sa déclaration faite en ligne pour la semaine du 1er au 7 avril indique qu’elle a été produite le 11 avril 2018Note de bas de page 19. Les motifs de la décision sont muets au sujet de cette preuve.

[74] Compte tenu de cette preuve, la Commission a conclu que le prestataire est probablement revenu au Canada avant de faire les déclarations selon lesquelles il n’était pas à l’étrangerNote de bas de page 20. Sans le dossier d’audience, je ne peux dire si la division générale a interrogé le prestataire au sujet de ces éléments de preuve ou s’il avait une explication.

[75] Je renvoie la question de savoir si le prestataire a sciemment fait de fausses déclarations à la division générale pour réexamen. Le prestataire devrait avoir l’occasion de répondre à la preuve que j’ai soulignée et de discuter de toute autre preuve liée à ce qu’il savait lorsqu’il a produit les déclarations.

[76] Étant donné qu’une décision sur la question de la pénalité exige d’abord une conclusion selon laquelle le prestataire a sciemment fait une fausse déclaration (et puisque je renvoie déjà cette question à la division générale pour qu’elle réexamine la nature de la fausse déclaration), je demanderai également à la division générale de revoir (au besoin) si la Commission a agi de façon judiciaire en donnant un avertissement.

Conclusion

[77] J’accueille l’appel en partie. J’ai confirmé la décision de la division générale selon laquelle le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations pendant qu’il était à l’étranger, du 30 mars au 2 avril 2018.

[78] Je renvoie l’appel à la division générale pour réexamen des questions suivantes :

  1. a) La disponibilité du prestataire pour travailler.
  2. b) La question de savoir si le prestataire a sciemment fait une fausse déclaration.
  3. c) La question de savoir si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en donnant un avertissement.
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