Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Référence : ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1040

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelant : M. L.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (446273) datée du 8 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Noonan
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 30 mars 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 7 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-537

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Après réexamen, la Commission a avisé l’appelant, M. L., un travailleur de l’Ontario, qu’elle ne pouvait lui verser des prestations d’assurance-emploi du 30 mars au 2 avril 2018 parce qu’il n’était pas au Canada. De plus, du 29 mars 2018 au 3 avril 2018, il était en vacances et il n’a donc pas pu prouver qu’il était disponible pour travailler alors qu’il devait l’être pour être admissible à des prestations, et la Commission a conclu qu’il avait sciemment fait de fausses déclarations entraînant une pénalité non pécuniaire. L’appelant soutient qu’il ne s’est pas senti obligé de chercher du travail le jour férié, car les entreprises étaient fermées. Le Tribunal doit décider si l’appelant a prouvé sa disponibilité conformément aux articles 18 et 50 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) et aux articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement), si l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il était à l’étranger et si l’avis de violation décerné conformément à la Loi devrait être maintenu.

Questions en litige

[3] Première question en litige : L’appelant était-il disponible pour travailler?

Deuxième question en litige : Faisait-il des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail?

Troisième question en litige : A-t-il établi des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

Quatrième question en litige : L’appelant est-il inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il était à l’étranger? Si oui, pour quelle période? L’appelant est-il visé par l’exception à l’article 37b) de la Loi prévue pour le prestataire qui est à l’étranger au sens de l’article 55 du Règlement?

Cinquième question en litige : L’appelant a-t-il fait des déclarations fausses ou trompeuses, soit en fournissant sciemment des renseignements faux ou trompeurs à la Commission, soit en retenant des renseignements exacts, ce qui devrait donner lieu à une pénalité en application de l’article 38 et à l’établissement d’un trop payé dans cette demande? Dans l’affirmative, l’avis de violation décerné en vertu de la Loi devrait-il être maintenu?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à la page GD-4.

[5] Pour être considéré comme étant disponible pour travailler, le prestataire doit : 1) avoir le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable est offert, 2) manifester ce désir en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable, 3) ne pas établir de conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Toute décision à cet égard doit prendre en compte ces trois éléments. (Faucher, A-56-96, et Faucher, A-57-96)

[6] L’article 37 de la Loi prescrit que le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est à l’étranger, sauf dans les cas expressément prévus à l’article 55 du Règlement (voir l’arrêt Procureur général du Canada c Bendahan 2012 CAF 237).

[7] Canada (Procureur général) c Kaur, 2007 CAF 287. La décision de la Commission ne peut être modifiée que si cette dernière a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon non judiciaire ou agi de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance : Canada (Procureur général) c Tong, 2003 CAF 281. Le pouvoir discrétionnaire est exercé de façon non judiciaire si le décideur a agi de mauvaise foi ou dans un but ou pour un motif inapproprié, a tenu compte d’un facteur non pertinent ou a fait fi d’un facteur pertinent ou a agi de manière discriminatoire : Procureur général du Canada c Purcell, A-694-94.

Première question en litige : L’appelant était-il disponible pour travailler?

[8] Non.

[9] En l’espèce, l’appelant a lui-même déclaré et fait observer qu’il ne cherchait pas un travail à temps plein étant donné qu’il était à l’étranger du 29 mars 2018 au 3 avril 2018.

[10] Il a toutefois témoigné que deux des jours en cause étaient des jours fériés et qu’ils n’auraient donc pas dû être pris en considération par la Commission. Il a déclaré qu’il travaillait à temps partiel chez Walmart et que, s’il avait été prévu qu’il travaille, il n’aurait pas fait le voyage à New York.

[11] Il a témoigné qu’il n’y a rien dans la politique de la Commission concernant une obligation d’être disponible les jours fériés.

[12] On ne peut s’attendre à ce que, dans un énoncé de politique, la Commission couvre tous les scénarios possibles en ce qui concerne la Loi et le Règlement. On a expliqué que les tribunaux ont décidé que ces plateformes ne sont pas conçues pour traiter de toutes les circonstances.

[13] Les renseignements incomplets ou trompeurs fournis par la Commission ne constituent pas un motif d’admissibilité (2002 CAF 325 et CUB 39123).

[14] Je conclus que les actes, ou l’absence de tels actes, de la part de l’appelant pendant la période pertinente, ne démontrent pas un désir sincère de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable à temps plein lui serait offert.

Deuxième question en litige : Faisait-il des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail?

[15] Non.

[16] L’appelant a lui-même fait valoir dans ses observations et déclaré dans son témoignage à l’audience qu’il n’a pas effectué de recherche d’emploi exhaustive pendant la période en question.

[17] Ses observations et son témoignage à l’audience ne révèlent en outre aucune démarche continue de sa part pour obtenir un emploi pendant cette période.

[18] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

Troisième question en litige : A-t-il établi des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[19] Oui.

[20] Encore une fois, les observations et le témoignage de l’appelant à l’audience ne font état d’aucun effort continu de sa part pour obtenir un emploi.

[21] Il était en voyage à l’étranger pour le plaisir.

[22] Je conclus que l’appelant a établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de trouver et d’accepter un emploi à temps plein, une condition préalable à l’admissibilité au bénéfice des prestations.

[23] En soi, la simple déclaration de disponibilité d’un prestataire ne permet pas à ce dernier de s’acquitter de son fardeau de la preuve. Voir les décisions CUB 18828 et 33717.

[24] Je conclus que l’appelant, par ses observations et ses actions, ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve requis pour démontrer qu’il était effectivement disponible pour travailler pendant la période en question.

Quatrième question en litige : L’appelant est-il inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il était à l’étranger? Si oui, pour quelle période? L’appelant est-il visé par l’exception à l’article 37b) de la Loi prévue pour le prestataire qui est à l’étranger au sens de l’article 55 du Règlement?

[25] Oui.

[26] De l’aveu de l’appelant, il était en fait à l’étranger pendant la période en question.

[27] Il a omis de le déclarer dans ses déclarations bimensuelles à son retour au Canada. Il a témoigné qu’il ne connaissait l’existence d’aucun mécanisme lui permettant de modifier sa réponse aux questions posées, mais il a admis qu’il n’avait fait aucun effort pour communiquer avec Service Canada pour savoir s’il était possible d’apporter des modifications.

[28] L’appelant a confirmé qu’il a quitté le Canada pour la période du 29 mars au 3 avril 2018.

[29] L’appelant n’a pas prouvé que la raison pour laquelle il était à l’étranger pendant qu’il touchait des prestations relève des exceptions énumérées au paragraphe 55 du Règlement.

[30] L’appelant n’a présenté aucune preuve qu’il relève d’autres exceptions prévues à l’article 55 du Règlement qui pourraient l’aider en ce qui concerne son inadmissibilité.

[31] N’ayant pas démontré que l’ensemble de sa période de déplacement relève de l’une ou l’autre des autres exceptions prévues au paragraphe 55 du Règlement, le Tribunal conclut que l’article 37 de la Loi s’applique à l’égard de cette période. Le Tribunal conclut donc que l’appelant n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi pour la période du 30 mars au 2 avril 2018 parce qu’il était à l’étranger pendant sa période de prestations.

[32] Selon l’arrêt Picard, 2014 CAF 46, de la Cour d’appel fédérale, le prestataire qui quitte pour l’étranger ou en revient pour une fraction de journée n’est pas jugé inadmissible. L’appelant était à l’étranger pour une fraction de journée à la date de son départ et de son retour et il n’est donc pas inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il était à l’étranger ces jours-là. Il est donc déclaré inadmissible du 30 mars 2018 au 2 avril 2018.

[33] Bien que je comprenne la frustration de l’appelant de ne pouvoir toucher des prestations pendant qu’il était à l’étranger pendant des jours fériés, je dois tenir compte des faits et appliquer les exigences législatives, et je ne peux négliger, infirmer, contourner ou réécrire la Loi, même par souci de compassion (Canada (Procureur général) c Knee, 2011 CAF 301).

[34] Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi pour la période du 30 mars 2018 au 2 avril 2018 parce qu’il était à l’étranger.

Cinquième question en litige : L’appelant a-t-il fait des déclarations fausses ou trompeuses, soit en fournissant sciemment des renseignements faux ou trompeurs à la Commission, soit en retenant des renseignements exacts, ce qui devrait donner lieu à une pénalité en application de l’article 38 et à l’établissement d’un trop payé dans cette demande? Dans l’affirmative, l’avis de violation décerné en vertu de la Loi devrait-il être maintenu?

[35] De l’aveu de l’appelant, il était en fait à l’étranger pendant la période en question.

[36] Encore une fois, il a omis de le déclarer dans ses déclarations bimensuelles à son retour au Canada. Il a témoigné qu’il ne connaissait l’existence d’aucun mécanisme lui permettant de modifier sa réponse aux questions posées, mais il a admis qu’il n’avait fait aucun effort pour communiquer avec Service Canada pour savoir s’il était possible d’apporter des modifications. Cela confirme qu’il était au courant des renseignements erronés fournis à la Commission, qui ont entraîné le versement de prestations.

[37] L’appelant a lu ses droits et obligations concernant sa demande de prestations et a confirmé qu’il les comprenait. L’une de ces obligations était de signaler toute absence du Canada. Il ne l’a pas fait. Comme l’appelant l’a déclaré à son audience, il savait qu’il faisait de fausses déclarations parce qu’il a déclaré dans le cadre de son témoignage qu’il ne connaissait aucune procédure qui lui permettrait de modifier ses réponses. Je conclus par conséquent que l’appelant a sciemment fait de fausses déclarations à la Commission en omettant de déclarer son absence du Canada, ce qui lui a permis d’obtenir des prestations auxquelles il n’avait pas droit, lesquelles constituent le trop payé. Mootoo c Canada (PG), 2003 CAF 206; Canada (PG) c Gates, A-600-94

[38] Je conclus que la Commission a rendu sa décision de manière judiciaire, car elle a pris en considération toutes les circonstances pertinentes aux fins d’imposer la pénalité non pécuniaire.

[39] La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel la Commission a le pouvoir discrétionnaire exclusif d’imposer une pénalité en vertu de l’article 38 de la Loi. La Cour a également réitéré qu’aucune cour ni aucun juge-arbitre ou tribunal n’a le droit d’intervenir dans la décision d’une commission concernant la pénalité, dans la mesure où la Commission peut prouver qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire « de façon judiciaire ». Autrement dit, la Commission doit démontrer qu’elle a agi de bonne foi, en tenant compte de tous les facteurs pertinents et en faisant fi de tout facteur non pertinent. Canada (PG) c Uppal, 2008 CAF 388; Canada (PG) c Tong, 2003 CAF 281

[40] J’ai conclu que l’appelant n’a pas démontré que son omission de divulguer les renseignements exacts concernant son séjour à l’étranger pendant qu’il touchait des prestations pourrait être interprétée comme étant de bonne foi. L’avis de violation doit donc être maintenu.

[41] L’appelant s’attendait à ce que le Tribunal puisse faire radier le trop payé, mais il s’agit d’une décision qui ne peut être prise que par la Commission; le Tribunal n’a pas compétence sur cette question. La décision de la Commission à ce sujet ne peut faire l’objet d’un appel devant le Tribunal. Seule la décision de la Commission qui a entraîné le trop payé peut faire l’objet d’une révision au titre de l’article 112 de la Loi. La responsabilité du prestataire de rembourser un trop payé et les intérêts imputés sur celui-ci ne peut faire l’objet d’une révision parce qu’il ne s’agit pas de décisions de la Commission. Le prestataire assume cette responsabilité à titre de « débiteur » et non de « prestataire ». Pour faire trancher ces questions, le prestataire peut demander un contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale du Canada.

[42] Je n’ai pas le pouvoir de réduire ou de radier le trop payé. Le Tribunal n’a pas compétence pour trancher des questions relatives à la réduction ou à la radiation de la dette. C’est la Commission qui détient le pouvoir de réduire ou de radier un trop payé.

[43] L’appelant demande que le trop payé soit effacé. Je souscris à la position adoptée par la Commission et je signale que, selon la loi, sa décision concernant la radiation d’un montant dû ne peut être portée en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale. Cela signifie que je ne peux pas trancher les questions relatives à une demande de radiation ou de réduction d’un trop payé.

[44] La Cour fédérale du Canada a compétence pour entendre un appel relatif à une question de radiation. Cela signifie que si le prestataire souhaite interjeter appel concernant sa demande de radiation du trop payé, il doit s’adresser à la Cour fédérale du Canada.

[45] Enfin, je ne vois au dossier aucun élément de preuve selon lequel la Commission a informé l’appelant au sujet du programme d’annulation des dettes de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Si le remboursement immédiat du trop payé au titre de l’article 44 de la Loi lui cause des difficultés financières, il peut appeler le Centre d’appels de la gestion des créances de l’ARC au 1-866-864-5823. Il pourrait être en mesure de convenir d’autres modalités de remboursement en fonction de sa situation financière.

Conclusion

[46] Je conclus que, compte tenu de l’ensemble des circonstances, l’appel est rejeté sur toutes les questions. John Noonan Membre de la division générale – Section de l’assurance-emploi

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