Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1126

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (544767) datée du 3 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 mai 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Personne de soutien de l’appelante
Date de la décision : Le 23 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-3947

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue de son emploi. Son employeur affirme l’avoir suspendue parce qu’elle s’est opposée à la politique de vaccination mise en place au travail : elle n’a pas voulu dire si elle s’était fait vacciner.

[4] Même si l’appelante ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme que s’opposer à la politique vaccinale de son employeur n’est pas une inconduite. Elle estime que cette politique allait à l’encontre de sa convention collective et de nombreuses lois et qu’elle a le droit de refuser un travail dangereux. L’appelante soutient qu’elle n’a rien fait de mal et que son employeur n’est pas d’avis qu’elle a commis une inconduite. Elle affirme aussi avoir droit à la confidentialité de ses renseignements médicaux et que tout employeur a des lois à respecter. Elle ajoute que son employeur n’avait pas le droit de la mettre en congé sans solde, car seule une personne employée peut demander ce type de congé.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension que l’employeur a donnée. Elle a décidé que l’appelante avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. La Commission l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

Personne de soutien de l’appelante

[6] L’appelante a dit qu’elle gardait son téléphone en mode haut-parleur pour que son mari, sa personne de soutien, puisse entendre. J’ai expliqué le rôle de la personne de soutien et précisé qu’elle ne pouvait pas témoigner. L’appelante comprenait et voulait aller de l’avant.

L’appelante a fourni des liens dans ses observations

[7] J’ai mentionné à l’appelante que, dans ses observations récentes, il y avait un document qui contenait beaucoup de liens vers des sites Web. Je lui ai expliqué que j’avais examiné tout le document, mais que ce n’est pas dans ma pratique de consulter les liens. Je lui ai dit qu’elle pouvait expliquer tout ce qu’elle voulait à propos de ce qui se trouvait dans ces liens. Elle a répondu qu’elle comprenait.

Question en litige

[8] L’appelante a-t-elle été suspendue en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas obtenir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique que la personne ait été congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[10] Pour décider si l’appelante a été suspendue en raison d’une inconduite, je dois évaluer deux choses. D’abord, je dois établir la raison de sa suspension. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue?

[11] J’estime que l’appelante a été suspendue de son emploi parce qu’elle s’est opposée à la politique vaccinale de son employeur.

[12] L’appelante affirme avoir été mise en congé sans solde pour cette raison. Elle estimait ne pas avoir à suivre la politique, car celle-ci allait à l’encontre de sa convention collective et de ses droits (selon plusieurs lois et la jurisprudence, qui est l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues). L’appelante a choisi de ne pas confirmer son statut vaccinal parce qu’elle jugeait que l’obligation de le faire portait aussi atteinte à ses droits (selon plusieurs lois et la jurisprudence). Elle affirme que la Commission ne pouvait pas conclure à l’inconduite en raison de ce choix de ne pas confirmer son statut vaccinal, car l’employeur avait précisé que son congé sans solde était de nature administrative, et non disciplinaire. L’appelante est d’avis qu’elle devrait avoir droit aux prestations.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite selon la loi?

[13] Selon la loi, la raison de la suspension de l’appelante est une inconduite.

[14] La raison justifiant la production du relevé d’emploi de l’appelante est un [traduction] « congé »Note de bas de page 3. Je ne suis pas liée par la façon dont l’employeur et l’employée qualifient la fin d’emploiNote de bas de page 4. L’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi traite de la « suspension » pour inconduiteNote de bas de page 5. Quand un employeur décide de mettre une personne en congé sans solde en raison d’une inconduite, c’est en gros la même chose qu’une suspension selon la Loi sur l’assurance-emploi. Je vais utiliser « suspension » pour faire référence au congé sans solde de l’appelante parce que c’est le mot utilisé dans la Loi sur l’assurance-emploi.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence m’aide à décider si la suspension de l’appelante est le résultat d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique relatif à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les facteurs à prendre en compte quand on examine une affaire d’inconduite.

[16] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 7. Il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit qualifié d’inconduite en droitNote de bas de page 8.

[17] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas de page 9.

[18] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 10. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et me demander si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[19] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue en raison d’une inconduiteNote de bas de page 12.

[20] Je peux trancher seulement les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à l’appelante. Et ce n’est pas à moi non plus de décider si son employeur a mis fin à son emploi injustement ou s’il aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 13. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[21] Dans une décision de la Cour d’appel fédérale qui s’intitule McNamara, l’appelant a affirmé qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait congédié injustementNote de bas de page 14. Il avait perdu son emploi à cause de la politique de son employeur sur le dépistage de drogues. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié, car le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de croire qu’il était incapable de travailler de façon sécuritaire parce qu’il aurait consommé de la drogue. De plus, les résultats de son test de dépistage précédent auraient dû être toujours valides.

[22] La Cour d’appel fédérale a répondu en faisant remarquer que, dans les dossiers d’inconduite, elle a toujours affirmé que la question est de savoir si l’action ou l’omission de la personne employée est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, et non de savoir si la fin d’emploi était injusteNote de bas de page 15.

[23] La Cour d’appel fédérale a précisé que, lorsqu’on interprète et applique la Loi sur l’assurance-emploi, il faut se concentrer sur le comportement de la personne employée, et non sur celui de l’employeur. Elle a aussi fait remarquer qu’il y avait d’autres solutions pour les personnes dont la fin d’emploi était injuste. Ces solutions pénalisent le comportement de l’employeur et évitent que ses actions coûtent de l’argent aux contribuables en versements de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 16.

[24] Dans une affaire plus récente intitulée Paradis, l’appelant a été congédié pour avoir échoué à un test de dépistage de droguesNote de bas de page 17. Il a fait valoir qu’il avait été congédié injustement, car les résultats du test montraient qu’il n’avait pas travaillé avec des facultés affaiblies. Il a affirmé que son employeur aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation conformément à ses politiques et à la loi provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara et a dit que le comportement de l’employeur n’était pas un facteur pertinent pour évaluer s’il y avait eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 18.

[25] Dans une autre affaire semblable intitulée Mishibinijima, l’appelant a perdu son emploi en raison de son trouble lié à la consommation d’alcoolNote de bas de page 19. Il a soutenu que son employeur devait lui accorder des mesures d’adaptation parce que son trouble de consommation est considéré comme une déficience. La Cour d’appel fédérale a répété qu’il faut se concentrer sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait. Ce n’est pas pertinent de savoir que l’employeur ne lui a pas accordé de mesures d’adaptationNote de bas de page 20.

[26] Ces dossiers ne portent pas sur des politiques de vaccination contre la COVID-19, mais ils sont tout de même pertinents. Mon rôle n’est pas d’examiner le comportement ou les politiques d’un employeur, et de décider si la fin d’emploi était juste. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait et me demander si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[27] Dans l’affaire CecchettoNote de bas de page 21 que la Cour fédérale a tranchée très récemment, le Tribunal a refusé de verser des prestations à l’appelant parce qu’il n’avait pas respecté la politique vaccinale de son employeur. La Cour a conclu que le rôle du Tribunal est limité : il consiste à examiner l’« inconduite » aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

Ce que disent la Commission et l’appelante

[28] La Commission et l’appelante s’entendent sur les faits de base. La Commission doit prouver ces faits pour montrer que la conduite de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[29] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination.
  • Il a clairement informé l’appelante de ses attentes concernant la vaccination et la confirmation du statut vaccinal.
  • Il a envoyé des lettres à l’appelante, et plusieurs appels téléphoniques ont été faits pour lui rappeler les attentes.
  • L’appelante savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait si elle ne respectait pas la politique.

[30] L’appelante affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite pour les raisons suivantes :

  • La politique vaccinale de son employeur enfreint plusieurs lois.
  • L’appelante ne pensait pas qu’elle pouvait être suspendue pour ne pas avoir dit à son employeur si elle s’était fait vacciner.

[31] La politique vaccinale de l’employeur est entrée en vigueur le 28 octobre 2021Note de bas de page 22. Les gens devaient s’y conformer au plus tard le 26 novembre 2021. Il était possible de demander des mesures d’adaptation pour des raisons médicales ou liées aux droits de la personne. La politique précise que [traduction] « toute personne qui ne confirme pas son statut vaccinal sera considérée comme réfractaire à la vaccination complète et sera mise en congé sans solde après le 26 novembre 2021Note de bas de page 23 ».

[32] L’appelante admet que la politique mentionne ces choses. Elle convient que son employeur lui a fourni la politique. Elle est d’accord que la politique exigeait une confirmation de statut vaccinal.

[33] L’appelante convient qu’elle a reçu plusieurs [traduction] « appels automatisés » à son téléphone résidentiel et au téléphone de son mari pour lui rappeler de confirmer son statut vaccinal. Elle ne voulait pas le faire parce qu’elle n’acceptait pas les conditions de l’employeur.

[34] L’appelante affirme qu’elle n’a demandé aucun type d’exemption. Elle ne croyait pas qu’on lui en accorderait une parce qu’elle explique que presque personne n’en a eu.

[35] L’appelante croit que son employeur a tenté d’utiliser des tactiques de peur pour que le personnel se fasse vacciner. Elle ne croyait pas être mise en congé sans solde parce que, selon elle, ce que son employeur faisait était illégal.

[36] L’appelante affirme que son dernier jour de travail était le 26 novembre 2021. Elle s’est présentée au travail le 29 novembre 2021 et a dit à son employeur qu’elle était prête, disposée et apte à travailler. Elle raconte qu’elle s’est fait dire de rentrer chez elle. Elle s’est présentée pendant trois jours, et la personne qui la supervisait lui a dit qu’elle ne pouvait pas rester.

[37] L’appelante affirme être une employée syndiquée. Elle dit avoir parlé de ses problèmes à la présidence du syndicat, sans toutefois déposer de grief.

[38] L’appelante dit qu’elle n’avait aucune idée qu’elle allait être mise en congé sans solde. Et elle ajoute qu’elle n’avait aucune idée que ce congé pouvait durer aussi longtemps.

[39] Elle affirme être retournée au travail le 11 juillet 2022Note de bas de page 24.

[40] Elle croit que la politique de son employeur allait à l’encontre de sa convention collective. Elle explique qu’elle a choisi de ne pas confirmer son statut vaccinal pour cette raison.

[41] L’appelante ne pense pas que son employeur a le droit de lui demander de communiquer ses renseignements médicaux personnelsNote de bas de page 25.

[42] L’appelante soutient que la Cour suprême a rendu des décisions sur le consentement éclairé et qu’aucune personne de citoyenneté canadienne n’est tenue de suivre un traitement médical sans son consentement éclairéNote de bas de page 26.

[43] L’appelante est d’avis que la Commission n’a pas le droit d’appeler ce qu’elle a fait une « inconduite ». L’employeur n’a pas utilisé ce mot et elle n’a rien fait de mal, alors c’est incorrect de la part de la Commission. Elle dit qu’il s’agit de fraude et de diffamation.

[44] Elle dit avoir fourni ses feuilles de présence au travail pour montrer que son employeur a utilisé le code de congé « 9410 ». Elle affirme que selon sa convention collective, seule une personne employée peut demander un congé sans solde. Elle explique qu’elle n’a demandé aucun congé et qu’il est donc illégal qu’elle ait été mise en congéNote de bas de page 27.

[45] L’appelante affirme que sa convention collective comprend des règles sur la progression des mesures disciplinairesNote de bas de page 28.

[46] Elle ajoute que sa convention collective ne comportait aucune condition sur la prise de ce [traduction] « vaccin à modification génique » pour continuer à travaillerNote de bas de page 29.

[47] Elle précise que l’immunisation n’est pas obligatoire au Canada et que celle-ci ne peut donc pas être une condition d’emploiNote de bas de page 30.

[48] Elle est d’avis que son employeur n’a pas respecté le Code canadien du travail ni le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail. Elle affirme avoir le droit de refuser de travailler si elle croit que son lieu de travail représente un danger pour elleNote de bas de page 31.

[49] Elle affirme que le Code de Nuremberg précise qu’une intervention médicale ne peut pas être forcéeNote de bas de page 32. Elle ajoute que le Code criminel du Canada condamne la vaccination forcée.

[50] À l’audience, l’appelante a récité une partie d’une vidéo du Dr McCullough. Elle explique que celui-ci a témoigné à la Commission d’enquête nationale citoyenne en 2023. Il a parlé des protéines de spicule dans les vaccins à ARNm et a dit qu’elles sont source de danger et qu’elles contribuent à la détérioration du système vasculaireNote de bas de page 33.

[51] L’appelante a fait remarquer que le régime d’assurance-emploi n’a pas plus de valeur que les Nations UniesNote de bas de page 34.

[52] À l’audience, l’appelante m’a aussi demandé s’il y avait une disposition législative qui exigeait de se faire vacciner pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. Elle a aussi fait référence à ce point dans ses argumentsNote de bas de page 35.

Exemption de nature médicale ou autre

[53] L’appelante savait que son employeur exigeait qu’elle obtienne une exemption pour garder son emploi si elle ne se faisait pas vacciner. Elle a déclaré qu’elle n’avait présenté aucune demande d’exemption. On ne sait donc pas si l’employeur aurait accepté ses motifs de refus.

Violation de contrat

[54] L’appelante affirme que son employeur a enfreint son contrat de travail lorsqu’il a décidé unilatéralement d’instaurer une politique de vaccination. Comme je l’ai mentionné plus haut, les décisions McNamara, Paradis et MishibinijimaNote de bas de page 36 montrent clairement qu’il faut se concentrer sur ce que la partie appelante a fait ou n’a pas fait.

[55] Très récemment, la Cour fédérale a rendu la décision intitulée CecchettoNote de bas de page 37. Dans cette affaire, le Tribunal (la division générale et la division d’appel) a rejeté l’appel de l’appelant concernant des prestations parce qu’il n’avait pas respecté la politique vaccinale de son employeur. La Cour fédérale a fait remarquer que le Tribunal a un [traduction] « rôle restreint et précis dans le système judiciaireNote de bas de page 38 ». Dans cette affaire, son rôle était d’établir la raison du congédiement de l’appelant et de voir si cette raison constituait une « inconduite » selon la Loi sur l’assurance-emploi.

[56] La Cour fédérale a précisé que si le régime d’assurance-emploi ne répond pas aux besoins d’une personne, [traduction] « il existe des moyens de faire valoir ses revendications adéquatement dans le système de justiceNote de bas de page 39 ».

[57] Autrement dit, si une personne pense que son employeur n’a pas respecté son contrat de travail, d’autres avenues s’offrent à elle. Pour cette raison, je n’ai pas le pouvoir d’établir le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la politique vaccinale d’un employeur. Par conséquent, je ne vais pas décider si l’employeur a enfreint une modalité du contrat de l’appelante. Cette question est hors de mon champ de compétence.

[58] Je le répète, je dois me concentrer seulement sur les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à l’appelanteNote de bas de page 40. Je peux seulement décider si ce qu’elle a fait ou n’a pas fait est une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

[59] L’appelante fait valoir qu’il n’y a eu aucune inconduite parce qu’elle a toujours accompli toutes les tâches qui lui étaient confiées conformément à son contrat de travail. Elle affirme que le non-respect de la politique vaccinale ne l’a pas empêchée de remplir ses obligations et n’a pas nui à sa capacité de les remplir non plus.

[60] La relation d’emploi de l’appelante a commencé en juin 2009, soit avant la pandémie. À cette époque, l’employeur n’avait pas de politique en place en cas de pandémie.

[61] Un employeur a le droit de gérer son fonctionnement quotidien, ce qui comprend le droit de créer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail. Quand l’employeur a fait de sa politique vaccinale une exigence pour l’ensemble du personnel, elle est devenue du même coup une condition expresse au maintien de l’emploi de l’appelanteNote de bas de page 41.

[62] La décision Cecchetto précise également qu’un employeur peut mettre en place lui-même une politique de vaccination sans le consentement d’une personne employéeNote de bas de page 42.

Guide de l’assurance-emploi et modalités de vaccination dans la Loi sur l’assurance-emploi

[63] L’appelante affirme que je devrais suivre la section 6.5.10 du Guide de la détermination de l’admissibilité de l’assurance-emploi. Cette section dit qu’une personne employée est en droit de s’attendre à ce que son employeur respecte les modalités du contrat signé à son embauche.

[64] Le Guide est la politique interne de la Commission. Le personnel de la Commission l’utilise pour interpréter et appliquer la Loi sur l’assurance-emploi afin de trancher les demandes d’assurance-emploi. Ce guide n’a pas force de loi.

[65] De plus, l’appelante a dit qu’elle n’avait pas quitté volontairement son emploi. Autrement dit, le congé sans solde (suspension) n’était pas son choix. La section 6.5.10 du Guide porte sur le départ volontaire et la question de savoir si une personne était fondée à quitter son emploi conformément à la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, cette section du Guide ne s’applique pas à l’inconduite. Le départ volontaire est une notion distincte dans la Loi sur l’assurance-emploi, et les règles connexes ne sont pas les mêmes que pour l’inconduite.

[66] Par conséquent, la section 6.5.10 du Guide ne s’applique pas à la décision que l’appelante porte en appel. Je ne trouve pas que cette section est utile dans la présente affaire.

[67] L’appelante a aussi fait valoir que, comme la Loi sur l’assurance-emploi ne comporte pas de modalités précises sur la vaccination, celle-ci ne peut pas être une condition aux prestations d’assurance-emploi. En tout respect, je ne suis pas d’accord. La Loi sur l’assurance-emploi est rédigée en termes généraux. Elle est très concise. Par contre, la jurisprudence oriente l’interprétation. Je le répète, la Cour fédérale s’est penchée très récemment sur les obligations vaccinales des employeurs et l’inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 43.

Charte, droits de la personne et Déclaration canadienne des droits

[68] L’appelante estime que la politique de son employeur était contraire à plusieurs textes de loi. Selon elle, la politique contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés, à la législation entourant les droits de la personne et à la Déclaration canadienne des droits.

[69] Au Canada, un certain nombre de lois protègent les droits de chaque personne. La Charte en est un exemple. Il y a aussi la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne et des lois provinciales sur les droits et libertés.

[70] Comme je l’ai expliqué à l’appelante à l’audience, différents tribunaux appliquent ces lois. Le Tribunal est autorisé à examiner si un article de la Loi sur l’assurance-emploi (ou de ses règlements) porte atteinte aux droits garantis par la Charte. L’appelante a déclaré à l’audience qu’elle ne contestait aucun article de la Loi sur l’assurance-emploi, mais qu’elle estimait que la politique de son employeur était contraire à la Charte ou aux droits de la personne.

[71] L’appelante a appris que je n’ai pas le pouvoir d’examiner si une mesure prise par un employeur contrevient à la Charte ou à la législation entourant les droits de la personne. Elle a été avisée qu’elle devrait s’adresser à une cour ou à un autre tribunal pour régler ce genre de questions. L’appelante a dit qu’elle comprenait et qu’elle voulait aller de l’avant avec l’audience.

Violation de convention collective et décision AL c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 44

[72] L’appelante affirme que son employeur a violé sa convention collective lorsqu’il a instauré une politique de façon unilatérale. Elle explique que sa convention collective ne traite en aucun cas d’une obligation vaccinale.

[73] L’appelante a fait référence à une décision récente du Tribunal où la partie appelante s’est fait accorder des prestations parce que l’employeur n’était pas autorisé à modifier lui-même un contrat de travail. Il s’agit de la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada.

[74] Dans cette affaire, A. L. travaillait à l’administration d’un hôpital et a été congédiée pour ne pas avoir respecté la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[75] Le membre du Tribunal a conclu qu’A. L. n’avait pas perdu son emploi en raison d’une inconduite. L’employeur et le personnel étaient liés par une convention collective. Le membre du Tribunal a établi qu’en l’absence de dispositions législatives sur l’exigence d’une nouvelle modalité, l’employeur n’était pas en droit d’imposer lui-même une nouvelle condition d’emploi qui contrevenait à la convention collective. Le raisonnement était qu’il ne pouvait pas imposer unilatéralement une nouvelle modalité, car aucune disposition législative n’exigeait la vaccination obligatoire.

[76] Par conséquent, la conclusion était qu’A. L. n’avait manqué à aucune obligation envers son employeur quand elle a choisi de ne pas se faire vacciner, car aucune disposition législative n’exigeait une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Le membre du Tribunal a souligné que la convention collective abordait la vaccination à des maladies autres que la COVID-19. La convention collective précisait que ces autres types de vaccination n’étaient pas obligatoires. Le membre du Tribunal a alors estimé que la vaccination contre la COVID-19 devait suivre la même logique que les autres types de vaccination mentionnés.

[77] De plus, le membre du Tribunal a établi qu’A. L. avait le droit de consentir ou non à un traitement médical. Ce choix était considéré comme un « droit ». Le membre a conclu que même si le choix (le comportement) d’une personne est contraire à la politique d’un employeur, il ne pouvait pas être considéré comme une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 45.

[78] Je ne suis pas liée par cette décision ni par aucune décision du TribunalNote de bas de page 46. Je peux choisir de suivre le raisonnement d’une de ces décisions si je le trouve convaincant ou utile. Je ne suivrai pas le raisonnement de l’affaire ci-dessus pour les raisons suivantes.

[79] Dans la présente affaire, l’appelante n’a pas fourni sa convention collective. Mais elle a déclaré qu’il n’y avait rien à propos de la vaccination. Cela semble différent de l’affaire à laquelle l’appelante a fait référence. Voilà un des éléments qui diffère de la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada.

[80] Toutefois, les raisons qui m’amènent à ne pas suivre la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada vont au-delà des similitudes ou des différences factuelles. Cette décision est contraire à d’autres décisions. Comme je l’ai mentionné plus haut, les décisions McNamara, Paradis, Mishibinijima et CecchettoNote de bas de page 47 montrent clairement qu’il faut se concentrer sur ce que la partie appelante a fait ou n’a pas fait.

[81] L’appelante affirme que son employeur a violé sa convention collective lorsqu’il a instauré une politique de façon unilatérale. C’est là un argument semblable à la conclusion du membre du Tribunal selon laquelle un employeur ne peut pas établir de nouvelles conditions (en l’absence de dispositions législatives sur une exigence), à moins qu’une personne employée n’y consente explicitement ou implicitement. Pourtant, comme je l’ai mentionné plus haut, d’autres tribunaux ont examiné cette question et n’en sont pas arrivés à cette conclusion.

[82] D’autres options s’offrent à une partie appelante qui croit que son employeur n’a pas respecté une entente. Pour cette raison, même si je considère que la situation de l’appelante est différente de celle décrite dans la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, je ne vais pas décider si l’employeur a enfreint une modalité de la convention collective, car cette réflexion est hors de mon champ de compétenceNote de bas de page 48.

[83] Je le répète, je dois me concentrer seulement sur les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à l’appelanteNote de bas de page 49. Je peux seulement décider si ce qu’elle a fait ou n’a pas fait est une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

Efficacité du vaccin, caractère raisonnable de la politique et infractions

[84] Il ne m’appartient pas de trancher les autres arguments Note de bas de page 50 de l’appelante concernant divers textes de loi et la façon dont la politique de l’employeur les enfreint, y compris les notions de consentement au traitement et de confidentialité des renseignements médicaux.

[85] Il ne m’appartient pas non plus de trancher les questions d’efficacité et de sûreté du vaccin ou de décider si la politique de l’employeur était raisonnable.

[86] Bon nombre des affaires judiciaires auxquelles l’appelante a fait référence ne concernent pas précisément la Loi sur l’assurance-emploi et son interprétation.

[87] L’appelante affirme aussi que ses feuilles de présence au travail indiquaient qu’elle avait demandé un congé sans soldeNote de bas de page 51. Je suis d’accord qu’elle n’a pas demandé ce congé. Il ne m’appartient pas de décider si son employeur a bien rempli ses feuilles de présence ou son relevé d’emploi.

[88] L’appelante fait valoir que la Commission ne peut pas conclure à l’inconduite, alors que son employeur a déclaré que son congé n’était pas de nature disciplinaire, mais administrative. Il s’agit de deux notions distinctes. La seule chose que je peux évaluer est de savoir si la conduite de l’appelante constitue une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence connexe.

[89] L’appelante peut faire valoir ses autres revendications, mais elle doit s’adresser aux tribunaux compétents en la matière. La Cour fédérale a été claire à ce sujet dans la décision CecchettoNote de bas de page 52.

Éléments d’inconduite

[90] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes.

[91] Personne ne conteste que l’employeur avait une politique de vaccination. L’appelante était au courant de la politique. Je considère qu’elle a elle-même choisi de ne pas communiquer son statut vaccinal à son employeur. Son choix était donc conscient, voulu et intentionnel.

[92] L’appelante n’était pas exemptée de la politique par des mesures d’adaptation. L’employeur a clairement indiqué qu’une personne sans exemption qui n’avait pas confirmé son statut vaccinal serait mise en congé sans soldeNote de bas de page 53.

[93] La politique de l’employeur exige que chaque membre du personnel communique son statut vaccinal, en plus de se faire vacciner ou d’obtenir une exemption. L’appelante n’a pas communiqué son statut vaccinal et n’avait pas d’exemption. Elle n’a donc pas respecté la politique. Par conséquent, elle ne pouvait pas aller travailler pour remplir ses obligations envers son employeur. C’est ce qu’on appelle une inconduite.

[94] L’appelante a dit qu’elle ne croyait pas que son employeur la mettrait en congé sans solde. Elle a admis que la politique prévoyait ce type de congé. Elle a aussi convenu qu’elle avait reçu plusieurs appels téléphoniques ainsi qu’une lettre sur la confirmation du statut vaccinal. La date limite n’avait pas changé. Rien dans les communications de l’employeur ne pouvait donner à penser que la politique ne serait pas appliquée. L’appelante ne croyait pas qu’elle devait suivre la politique parce que celle-ci allait à l’encontre de sa convention collective. J’estime que l’appelante savait ou aurait dû savoir qu’il était réellement possible que son refus de confirmer son statut vaccinal entraîne un congé sans solde. Je considère donc que l’appelante savait qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit mise en congé sans solde (suspendue de son emploi).

[95] L’inconduite de l’appelante (le fait qu’elle n’a pas confirmé son statut vaccinal) a entraîné sa suspension.

[96] Je conclus que la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités qu’il y a eu inconduite. En effet, l’appelante était au courant de la politique de vaccination obligatoire. Elle ne l’a pas suivie et n’a pas obtenu d’exemption. Elle savait que le non-respect de la politique lui interdirait l’accès à son lieu de travail. Elle ne pouvait donc pas remplir ses obligations envers son employeur. Elle savait aussi, ou aurait dû savoir, qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue pour cette raison.

Prestations d’assurance-emploi

[97] L’appelante estime qu’elle devrait avoir droit à des prestations parce qu’elle a cotisé à l’assurance-emploi pendant de nombreuses années. L’assurance-emploi est un régime d’assurance et, comme pour tout autre régime d’assurance, il faut satisfaire à certaines conditions pour recevoir des prestations. Le régime d’assurance-emploi vient aider les personnes qui, pour des raisons hors de leur contrôle, se retrouvent sans emploi et sont incapables d’en obtenir un autre. Je considère que ce n’est pas le cas de l’appelanteNote de bas de page 54.

Alors, l’appelante a-t-elle été suspendue en raison d’une inconduite?

[98] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[99] En effet, ses actions ont mené à sa suspension. Elle a agi délibérément. Elle savait ou aurait dû savoir que le fait de refuser de dire si elle avait été vaccinée pouvait entraîner sa suspension.

Conclusion

[100] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[101] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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