Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AB c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 110

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission d’en
appeler

Demandeur : A. B.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 mars 2023
(GE-22-2557)

Membre du Tribunal : Candace R. Salmon
Date de la décision : Le 21 septembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-337

Sur cette page

Décision

[1] Je refuse la permission d’interjeter appel parce que la prestataire n’a pas de cause défendable. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] A. B. est la prestataire. Elle a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

[3] Elle a demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi. La Commission d’assurance‑emploi du Canada (Commission) a décidé qu’elle n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi parce qu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduite. La division générale a souscrit à cette conclusion.

[4] La prestataire veut interjeter appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. Elle doit obtenir la permission pour que son appel puisse aller de l’avant. Elle affirme que la division générale a commis des erreurs de droit et des erreurs de fait.

[5] Je refuse la permission d’en appeler parce que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[6] Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au motif qu’elle n’a pas suivi une décision antérieure du Tribunal?

[7] Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de fait au motif qu’elle a négligé des éléments de preuve importants au sujet de la politique de l’employeur?

[8] Peut‑on soutenir que la division générale a commis un autre type d’erreur susceptible de révision?

Analyse

Le critère pour obtenir la permission d’interjeter appel

[9] Un appel ne peut être instruit que si la division d’appel donne la permission d’en appelerNote de bas de page 1. Il me faut être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Cela signifie qu’il doit y avoir un motif défendable sur le fondement duquel l’appel pourrait être accueilliNote de bas de page 3.

[10] Pour satisfaire à ce critère juridique, la prestataire doit établir que l’on peut soutenir que la division générale pourrait avoir commis une erreur reconnue par la loiNote de bas de page 4. Si les arguments de la prestataire ne portent pas sur l’une de ces erreurs en particulier, l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès et je dois refuser la permission d’en appelerNote de bas de page 5.

On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au motif qu’elle n’a pas suivi une décision antérieure du Tribunal

[11] La prestataire a fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit au motif qu’elle n’a pas suivi les principes juridiques énoncés dans la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1428 (AL)Note de bas de page 6.

[12] Selon la loi, il y a erreur de droit lorsque la division générale commet une erreur sur le plan juridique dans sa décisionNote de bas de page 7. Les erreurs sur le plan juridique peuvent revêtir de nombreuses formes. Il peut s’agir notamment de l’application du mauvais critère juridique, d’une interprétation erronée d’une disposition législative et du fait de tirer des conclusions non fondées sur une preuveNote de bas de page 8.

La décision AL

[13] La prestataire affirme que la division générale a conclu qu’elle n’était pas liée par d’autres décisions du Tribunal, mais qu’elle [traduction] « devrait expliquer comment cette décision ne s’applique pas à la situation de l’employé »Note de bas de page 9.

[14] La division générale a expliqué pourquoi elle n’a pas accordé beaucoup de poids à la décision AL. Elle a dit qu’elle n’était pas d’accord avec le raisonnement énoncé dans la décision AL et a expliqué pourquoi elle a conclu que la prestataire avait commis une inconduite et pourquoi la politique de l’employeur était une condition expresse de son emploiNote de bas de page 10.

[15] La division générale a également expliqué qu’elle n’avait pas suivi la décision AL parce qu’elle n’était pas d’accord avec la façon dont le membre du Tribunal a examiné la question d’une convention collective. Dans la décision AL, le membre du Tribunal a analysé la convention collective. Dans la présente affaire, le membre du Tribunal a conclu qu’il n’avait pas compétence pour appliquer la convention collectiveNote de bas de page 11.

[16] La division générale a expliqué dans sa décision pourquoi elle n’a pas accordé beaucoup de poids à la décision AL ni n’a suivi son raisonnement. De plus, les membres du Tribunal ne sont pas tenus de suivre les décisions rendues par d’autres membres du Tribunal. Ces décisions ne constituent pas un précédent. On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas suivi la décision AL.

Autres arguments relatifs à une erreur de droit

[17] La prestataire a également affirmé que la division générale a fondé ses conclusions sur la jurisprudence alors qu’à son avis, cette jurisprudence ne s’appliquait pas à son égard. Elle a ajouté que les décisions en question concernaient toutes des appelants qui ont enfreint leurs contrats de travail en vigueur. Elle affirme que, comme elle n’a pas accepté les nouvelles conditions d’emploi, elle n’aurait pas pu enfreindre un contrat.

[18] La division générale a traité des affaires dans sa décision. Elle a discuté des affaires McNamara, Paradis et Mishibinijima et expliqué comment elle en est venue à la conclusion qu’elles étaient pertinentesNote de bas de page 12. Elle a reconnu que les affaires ne portaient pas exactement sur le même point et qu’elles ne concernaient pas la vaccination. Elle a toutefois conclu qu’elles étaient pertinentes parce qu’elles donnaient comme directive à la division générale d’examiner ce que la partie appelante avait fait ou non et si cela équivalait à une inconduite. Les décisions en question appuient également le fait que la division générale ne devrait pas examiner la conduite ou les politiques de l’employeur ni décider si ce dernier avait raison de suspendre son employéNote de bas de page 13.

[19] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au motif qu’elle a pris ces décisions en considération. Elles portent sur le sens de l’inconduite et constituent une directive d’une cour supérieure adressée au Tribunal. La division générale a expliqué les affaires dans sa décision et a précisé pourquoi elle les jugeait pertinentes.

[20] La prestataire a également fait valoir qu’elle occupe un poste syndiqué et qu’elle est donc assujettie à une convention collective, et que la division générale aurait dû appliquer un critère différent à son endroit en raison de son statut syndicalNote de bas de page 14.

[21] La division générale a pris note du fait que la prestataire était membre d’un syndicat et elle a abordé cette question dans sa décision. Elle a dit qu’elle n’était pas d’accord avec l’approche consistant à considérer la convention collective comme faisant partie de l’analyse sur l’inconduiteNote de bas de page 15. Elle a ajouté qu’elle n’avait pas compétence pour examiner la convention collective et a expliqué en des termes clairs les raisons pour lesquelles elle ne l’avait pas analysée ou examinée.

[22] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit parce que sa décision est étayée par une jurisprudence selon laquelle le rôle du Tribunal est restreint. La Cour a dit que le Tribunal doit décider si un prestataire a été congédié de son emploi et si ce motif était une inconduiteNote de bas de page 16.

On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de fait au motif qu’elle a fait fi d’éléments de preuve importants au sujet de la politique de l’employeur

[23] La prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de fait au motif qu’elle a fait fi du fait que la politique de l’employeur prévoyait un délai d’attestation de deux semaines suivant la date à laquelle l’employé était informé du refus de l’employeur de prendre des mesures d’adaptationNote de bas de page 17.

[24] La division générale a examiné l’observation de la prestataire selon laquelle l’employeur n’avait pas suivi sa propre politique et plus précisément que celle‑ci prévoyait une période de deux semaines suivant le refus de l’employeur de prendre une mesure d’adaptation pour fournir une attestation de vaccinationNote de bas de page 18.

[25] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en négligeant des éléments de preuve importants au sujet de la politique de l’employeur parce qu’elle a longuement examiné la preuve. La prestataire peut ne pas être d’accord avec les conclusions de la division générale, mais le désaccord en soi n’est pas un moyen d’appel.

Autres erreurs de fait alléguées

[26] La prestataire soutient que la division générale a commis deux autres erreurs de fait. Elle a fait valoir que la division générale avait commis une erreur lorsqu’elle a décidé que les courriels de son employeur étaient considérés comme faisant partie de la politique ou comme un prolongement de celle‑ciNote de bas de page 19. Elle soutient que son gestionnaire n’avait pas le pouvoir de prolonger la politique et affirme que la politique aurait pu être appliquée arbitrairement par chaque gestionnaire.

[27] La division générale a déclaré que la prestataire a fait valoir qu’elle s’était conformée à la politique de son employeur parce qu’elle avait présenté une demande de mesures d’adaptation. Cela était permis sous le régime de la politique. Elle a dit que son employeur n’avait pas suivi sa propre politique parce qu’il l’avait suspendue avant d’envisager de prendre des mesures d’adaptation à son égardNote de bas de page 20.

[28] La division générale a expliqué pourquoi elle n’était pas d’accord avec la prestataire. Elle a mentionné que la preuve montrait que l’employeur avait dit directement à la prestataire qu’elle ne pouvait présenter une demande de mesures d’adaptation avant d’avoir satisfait à quelques conditions préalables. Elle a dit que le gestionnaire de la prestataire avait envoyé des courriels dans lesquels il avait expliqué que les employés n’attestant pas leur statut vaccinal seraient considérés comme étant non vaccinés, que la prestataire devait remplir le formulaire d’attestation et communiquer son statut vaccinal pour que la prise d’une mesure d’adaptation soit envisagée à son égard, et que la prestataire devait reconnaître avoir pris connaissance de la déclaration de confidentialité sur le formulaire d’attestation pour demander une mesure d’adaptation et qu’elle ne pouvait pas modifier le formulaire pour y fournir les options de réponse qu’elle préféraitNote de bas de page 21.

[29] À la suite de ces courriels, la prestataire a envoyé un courriel à une autre personne de son organisation pour lui demander des précisions sur la façon de présenter une demande de mesures d’adaptation. Il n’y a aucune preuve que l’employeur a répondu à ces autres courriels.

[30] La division générale a conclu qu’il était raisonnable de conclure que l’absence d’une autre réponse de l’employeur appuyait la position communiquée précédemment à la prestataire, à savoir qu’elle devait faire certaines choses avant de demander une mesure d’adaptation. Elle a reconnu que la politique elle‑même ne précisait pas si les employés devaient attester leur statut vaccinal avant de pouvoir demander une mesure d’adaptation. Toutefois, elle a également jugé qu’il était raisonnable de conclure que les courriels envoyés par le gestionnaire de la prestataire pouvaient être considérés comme faisant partie de la politique parce qu’ils avaient été envoyés par une personne occupant un poste de direction qui connaissait la politique et la façon dont elle s’appliquait.

[31] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de fait dans son examen du processus de prise de mesures d’adaptation. Elle a reconnu que la politique n’expliquait pas si l’attestation de vaccination devait être fournie avant qu’une demande de mesures d’adaptation puisse être présentée, mais elle a également expliqué pourquoi elle croyait que la communication de l’employeur avec la prestataire devait être invoquée pour expliquer la politique.

[32] La prestataire soutient également que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que ses actions avaient mené à sa suspension, parce qu’elle a délibérément choisi de ne pas prendre connaissance de la déclaration de confidentialité de l’employeur ni de communiquer son statut vaccinalNote de bas de page 22. Elle affirme qu’il n’est pas nécessaire de souscrire à une déclaration de confidentialité si les options que contient le formulaire ne sont que « oui » ou « non », car cela implique l’existence d’un choix. Elle ajoute que la demande de remplir une déclaration de confidentialité ou d’attester le statut vaccinal n’est pas pertinente relativement à sa demande de mesures d’adaptation.

[33] La division générale a examiné la politique et son lien avec la demande de mesures d’adaptation et les directives de l’employeur à la prestataire (sur ce qu’elle devait faire pour présenter une demande de mesures d’adaptation). Cette question est analysée précédemment. Si la prestataire croit que sa vie privée a été violée, cette question doit être soulevée devant une autre instance. Comme je l’ai déjà mentionné, le domaine de compétence du Tribunal est restreint et la division générale n’a que le pouvoir de rendre des décisions sous le régime de la Loi sur l’assurance‑emploi et de ses règlements d’application.

[34] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a décidé que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite. Elle a examiné la jurisprudence expliquant ce que signifie l’inconduite, et ses conclusions sont appuyées par la loi.

L’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès

[35] Le Tribunal doit respecter la loi, y compris la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Celle‑ci prévoit des règles pour les appels portés devant la division d’appel. La division d’appel n’offre pas aux parties l’occasion de faire valoir de nouveau leurs arguments. Elle détermine si la division générale a commis une erreur sous le régime de la Loi sur le MEDS.

[36] Je sais que la prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la division générale, mais cela n’est pas suffisant pour que j’intervienne. Je ne peux soupeser à nouveau la preuve pour en arriver à une conclusion plus favorable à la prestataireNote de bas de page 23.

[37] Je suis convaincue que la division générale n’a pas mal interprété le droit ou qu’elle n’a pas omis de prendre en compte comme il se doit les éléments de preuve pertinentsNote de bas de page 24. On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur.

Conclusion

[38] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Pour cette raison, je refuse la permission d’en appeler.

[39] Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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