Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AB c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 117

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : A. B.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (473391) datée du 30 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 28 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 9 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-2557

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je suis en désaccord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension)Note de bas de page 1. L’appelante est donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 2.

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue de son emploi Son employeur a déclaré qu’il l’avait suspendue parce qu’elle n’avait pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] L’appelante n’est pas d’accord pour dire qu’elle a été suspendue pour cette raison. Elle affirme que son employeur n’a pas respecté sa propre politique, puisqu’il n’a pas examiné sa demande de mesures d’adaptation avant de la suspendre.

[5] La Commission a accepté le motif de suspension invoqué par l’employeur. Elle a décidé que l’appelante avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle a donc décidé que l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Question que je dois examiner en premier

L’audience a eu lieu par téléconférence plutôt que par vidéoconférence

[6] L’appelante a demandé la tenue d’une audience par vidéoconférence. Au début de l’audience, j’ai eu des problèmes avec la vidéo (caméra d’ordinateur). Étant donné que j’ai été incapable de régler ces problèmes rapidement, j’ai donné deux options à l’appelante : tenir l’audience par téléconférence plutôt que par vidéoconférence ou reporter l’audience pour maintenir le mode vidéoconférence. L’appelante a dit qu’elle préférait tenir l’audience et passer en mode téléconférence.

[7] L’audience a donc eu lieu à la date prévue, mais en mode téléconférence plutôt que vidéoconférence.

Question en litige

[8] L’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Je dois décider si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite. Pour ce faire, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois établir pourquoi l’appelante a été suspendue de son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi?

[10] Je conclus que l’appelante a été suspendue parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

[11] L’appelante et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle l’appelante a été suspendue. La Commission affirme que la raison donnée par son employeur (elle n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19) est la véritable raison de la suspensionNote de bas de page 3.

[12] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme que la véritable raison pour laquelle elle a été suspendue de son emploi est que son employeur n’a pas suivi sa propre politique, puisqu’il n’a examiné sa demande de mesures d’adaptation qu’après l’avoir suspendue.

[13] Je note que l’employeur de l’appelante a envoyé à cette dernière une lettre de refus de sa demande de mesures d’adaptation datée du 17 février 2022. Dans cette lettre, l’employeur affirme qu’il l’a suspendue plus tôt (le 7 décembre 2021) pour ne pas avoir respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 au motif qu’elle ne lui a pas communiqué son statut vaccinalNote de bas de page 4.

[14] D’autre part, je conclus que l’appelante n’a fourni aucune preuve que son employeur l’a expressément suspendue parce qu’il n’a pas respecté sa propre politique. J’estime également que son argument sur la raison pour laquelle elle a été suspendue est davantage lié à la raison pour laquelle elle estime que son employeur n’aurait pas dû la suspendre. Or, dans la présente section, je n’examine que les raisons pour lesquelles l’appelante a été suspendue de son emploi. J’aborderai donc cet argument plus loin.

[15] Donc, je prends note du fait que l’appelante croit que son employeur l’a suspendue parce qu’il n’a pas respecté sa propre politique, mais j’estime que la preuve (ce que son employeur lui a dit) démontre qu’elle a été suspendue parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

Le motif de la suspension de l’appelante est-il une inconduite au sens de la loi?

[16] La raison de la suspension de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[17] La Loi sur l’assurance-emploi (Loi) ne précise pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (des décisions des tribunaux judiciaires et administratifs) nous montre comment déterminer si la suspension de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle énonce le critère juridique applicable à l’inconduite, à savoir les questions et les critères à prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.

[18] Selon la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite est aussi une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 6. Il n’est pas nécessaire que l’appelante ait une intention coupable (autrement dit, qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que sa conduite soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[19] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être suspendue pour cette raisonNote de bas de page 8.

[20] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue en raison d’une inconduiteNote de bas de page 9.

[21] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi.  Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur les questions de savoir si l’appelante a été suspendue à tort ou si l’employeur aurait dû mettre en place des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à l’égard de l’appelanteNote de bas de page 10. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que l’appelante a fait ou a omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[22] La Cour d’appel fédérale (Cour) s’est prononcée dans l’affaire intitulée Canada (Procureur général) c McNamara.Note de bas de page 11. M. McNamara a été congédié en application de la politique de dépistage de drogues de son employeur.  Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié parce que le test de dépistage de drogues n’était pas justifié dans les circonstances, c’est‑à‑dire qu’il n’existait aucun motif raisonnable de penser qu’il n’était pas en mesure de travailler en toute sécurité en raison de sa consommation de drogue et qu’il aurait dû être couvert par le test précédent auquel il s’était soumis. Essentiellement, M. McNamara a fait valoir qu’il devait toucher des prestations d’assurance‑emploi parce que les mesures prises par son employeur concernant son congédiement étaient inacceptables.  

[23] En réponse aux arguments de M. McNamara, la Cour a déclaré que, selon une jurisprudence de la Cour, dans les cas d’inconduite, la question « [n’est pas] de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt […] de dire si l’acte ou l’omission reprochés à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». 

[24] Dans la même affaire, la Cour a poursuivi en soulignant que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a signalé que l’employé qui fait l’objet d’un congédiement injustifié « a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».

[25] La décision plus récente intitulée Paradis c Canada (Procureur général) suit l’affaire McNamaraNote de bas de page 12. Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir eu un résultat positif à un test de dépistage de drogues. M. Paradis a fait valoir qu’il avait été congédié à tort, que les résultats des tests montraient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et à la législation provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est fondée sur l’arrêt McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur n’est pas un facteur pertinent pour se prononcer sur la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 13.

[26] Une autre décision semblable a été rendue par la Cour dans l’affaire Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 14. M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a soutenu que, comme la dépendance à l’alcool a été reconnue comme une déficience, son employeur était tenu de lui offrir des mesures d’adaptation. La Cour a encore affirmé que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou non, et que l’absence de mesures de l’employeur pour aider son employé n’est pas une question pertinenteNote de bas de page 15.

[27] Ces affaires ne portent pas sur des politiques de vaccination contre la COVID-19. Cependant, les principes qui y sont établis demeurent pertinents. Il ne m’appartient pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de décider s’il a eu raison de suspendre l’appelante. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi.

[28] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelante savait que son employeur avait une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et savait qu’elle pouvait être suspendue pour ne pas l’avoir suivie, mais elle a choisi de ne pas la suivre de toute façonNote de bas de page 16.

[29] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle a suivi la politique de son employeur en présentant une demande de mesures d’adaptation. Elle affirme que son employeur n’a pas suivi sa propre politique lorsqu’il l’a suspendue avant d’examiner sa demandeNote de bas de page 17.

[30] L’employeur de l’appelante a dit ce qui suit à la CommissionNote de bas de page 18 :

  • L’appelante n’a pas attesté qu’elle était entièrement vaccinée et a demandé un exemption à l’obligation d’être entièrement vaccinée.
  • Il a rejeté sa demande après avoir examiné la documentation qu’elle a soumise.
  • Les employés pouvaient demander des mesures d’adaptation pour des raisons médicales ou religieuses et pour d’autres motifs liés à des droits de la personne protégés.

[31] La politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur de l’appelante prescrit ce qui suit :

  • La politique entre en vigueur le 8 novembre 2021 et s’applique à tous les employésNote de bas de page 19.
  • L’employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard des employés pour des raisons médicales ou religieuses et pour d’autres motifs liés à des droits de la personne en vertu de la politiqueNote de bas de page 20.
  • Les employés qui ne sont pas entièrement vaccinés ou qui ne veulent pas divulguer leur statut vaccinal seront mis en congé sans solde deux semaines après la date limite d’attestationNote de bas de page 21.
  • La date limite d’attestation des employés est le 22 novembre 2021Note de bas de page 22.
  • Pour les employés qui ont présenté une demande de mesures d’adaptation, mais qui reçoivent en fin de compte une décision défavorable, la date limite d’attestation est deux semaines suivant la date à laquelle on leur dit que leur demande de mesures d’adaptation est refuséeNote de bas de page 23.

[32] L’appelante a déclaré ce qui suit dans son témoignage :

  • Elle était au courant de la politique de son employeur et de la date limite d’attestation.
  • Le formulaire d’attestation de son employeur exigeait qu’elle accepte sa politique de confidentialité, mais elle n’a pas donné son accord à celle‑ci et lorsqu’elle a cliqué sur « non » (pour dire qu’elle n’était pas d’accord), elle n’a pas été en mesure de remplir le reste du formulaire.
  • L’employé qui n’était pas d’accord avec la politique de confidentialité devait parler à son gestionnaire pour remplir un autre formulaire (PDF) au lieu d’utiliser le système en ligne. Elle a présenté le formulaire PDF après avoir consulté son gestionnaire.
  • Mais elle a ajouté une quatrième case (option) à la question sur le statut vaccinal du formulaire PDF parce qu’elle ne souhaitait pas communiquer son statut vaccinal. La façon dont le formulaire a été créé initialement l’aurait forcée à le faire (communiquer son statut vaccinal).
  • Son employeur a continué d’insister sur le fait qu’il n’examinerait sa demande de mesures d’adaptation qui si elle fournissait une attestation et il était pressé de la mettre en congé.
  • Elle a dit à son employeur que sa politique de vaccination n’allait pas l’emporter sur sa propre politique d’adaptation en vigueur et a présenté sa demande de mesures d’adaptation le 6 décembre 2021.
  • Son employeur l’a mise en congé sans solde le 7 décembre 2021.
  • Il lui a dit le 10 décembre 2021 qu’il examinerait sa demande de mesures d’adaptation. Elle est demeurée en congé pendant qu’il a examiné sa demande, qu’il a rejetée le 17 février 2022.
  • Elle ne pensait pas être suspendue pour ne pas avoir communiqué son statut vaccinal. Elle croyait avoir suivi la politique de l’employeur et fait ce qu’il demandait de faire.
  • Selon la politique de son employeur, les employés pour qui des mesures d’adaptation avaient été refusées disposaient d’un délai de deux semaines à compter de la date du refus pour attester leur statut vaccinal.
  • Mais son employeur n’a pas respecté sa politique dans son cas parce qu’elle était déjà suspendue lorsqu’il a refusé sa demande.
  • Un chapitre du Guide (7.3.2) montre qu’elle n’a pas commis d’inconduite.
  • Une décision de la Cour fédérale (Joseph c CAEC) montre également qu’elle n’a pas commis d’inconduite.
  • Deux autres décisions du Tribunal (S.B. c Commission de l’assurance‑emploi du Canada et A.L. c Commission de l’assurance‑emploi du Canada) montrent qu’elle n’a pas commis d’inconduite.

[33] Je compatis avec l’appelante, mais je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[34] Je conclus que l’appelante a commis les gestes qui ont mené à sa suspension, car elle savait que son employeur avait une politique obligatoire de vaccination contre la COVID-19 et savait ce qu’elle devait faire pour s’y conformer.

[35] Je conclus en outre que les gestes de l’appelante étaient intentionnels, car elle a pris consciemment la décision de ne pas se conformer à la politique de son employeur telle qu’elle lui avait été communiquée.

[36] Des éléments de preuve montrent que l’appelante était au courant de la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle était au courant de celle‑ci, comme il a été mentionné précédemment.

[37] De plus, des éléments de preuve montrent que l’appelante a choisi de ne pas respecter la politique de son employeur telle qu’elle lui a été communiquée. Cela comprend à mon avis non seulement la politique elle‑même, mais aussi les courriels subséquents échangés entre l’appelante et son employeur jusqu’au moment où elle a été suspendue.

[38] L’appelante soutient qu’elle a suivi la politique de son employeur en présentant une demande de mesures d’adaptation comme la politique lui permettait de le faire. Elle soutient que son employeur n’a pas suivi sa propre politique, puisqu’il l’a suspendue avant d’examiner sa demande de mesures d’adaptation.

[39] Malheureusement, je ne suis pas d’accord. À mon avis, la preuve démontre que l’employeur de l’appelante lui avait dit directement, en des termes clairs, qu’elle ne pouvait présenter sa demande de mesures d’adaptation à moins d’avoir fait certaines choses préalablement. Cette preuve est la suivante :

  • Un courriel du gestionnaire de l’appelante daté du 25 novembre 2021. On peut y lire que les employés qui ne communiquent (attestent) pas leur statut vaccinal sont considérés comme étant non vaccinésNote de bas de page 24.
  • Un courriel du gestionnaire de l’appelante daté du 29 novembre 2021. Suivant ce courriel, l’appelante doit remplir le formulaire d’attestation et communiquer son statut vaccinal pour pouvoir présenter une demande de mesures d’adaptationNote de bas de page 25.
  • Un courriel du gestionnaire de l’appelante daté du 30 novembre 2021. Suivant ce courriel, l’appelante doit confirmer avoir pris connaissance de la déclaration de confidentialité sur le formulaire d’attestation pour demander une mesure d’adaptation et elle ne peut modifier un formulaire de l’employeur en fonction de ses besoinsNote de bas de page 26.

[40] Les 1er et 2 décembre 2021, l’appelante a envoyé des courriels à une autre personne au sein de son organisation. Dans ces deux courriels, elle a demandé des précisions sur la façon de présenter sa demande de mesures d’adaptationNote de bas de page 27.

[41] Je note qu’il n’y a au dossier aucun renseignement montrant que l’appelante a obtenu une réponse à ses courriels du 1er et du 2 décembre 2021. À mon avis, il est raisonnable de croire que si l’appelante avait obtenu une réponse, elle l’aurait incluse dans ses observations, puisqu’elle a fourni des copies des autres courriels envoyés par son gestionnaire, auxquels j’ai fait référence ci‑dessus.

[42] J’estime qu’il est raisonnable de croire que si l’appelante n’a pas obtenu de réponse à ses courriels du 1er décembre 2021 et du 2 décembre 2021, cela signifie que la thèse de son employeur n’avait pas changé par rapport à ce qu’il lui avait écrit dans ses courriels antérieurs.

[43] Je prends note du fait que la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur de l’appelante ne dit nulle part en des termes clairs que les employés devaient attester leur statut vaccinal avant de présenter une demande de mesures d’adaptationNote de bas de page 28.

[44] J’estime toutefois qu’il est raisonnable de croire que les courriels du gestionnaire de l’appelant peuvent être considérés comme étant des prolongations de cette politique, puisqu’ils ont été envoyés par une personne occupant un poste de direction qui connaissait la politique et la façon dont elle devrait s’appliquer aux employés dans différentes situations.

[45] Par conséquent, compte tenu de cette preuve, je conclus que l’employeur de l’appelante a dit à cette dernière en des termes clairs qu’elle pouvait présenter une demande de mesures d’adaptation seulement si, avant de le faire, elle confirmait avoir pris connaissance de la déclaration de confidentialité et communiquait son statut vaccinal. Le fait que l’appelante a quand même choisi de présenter sa demande de mesures d’adaptation quelques jours plus tard (le 6 décembre 2021, comme il est mentionné précédemment) démontre qu’elle a consciemment choisi de ne pas faire ce qu’on lui avait demandé de faire.

[46] Je prends note du fait que l’appelante estime que son employeur n’a pas agi équitablement en ne tenant pas compte de sa propre politique alors en vigueur sur les mesures d’adaptation pour les employés lorsqu’elle a demandé des mesures d’adaptation sous le régime de sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 29. 

[47] Malheureusement, je conclus que cet argument n’est pas pertinent en l’espèce. Comme je l’ai mentionné précédemment, la Loi et la Cour disent que je dois me concentrer sur les actions de l’appelante et non sur celles de l’employeur pour analyser l’inconduite.

[48] Autrement dit, je ne peux pas déterminer si l’employeur de l’appelante a agi équitablement en lui disant qu’elle ne pouvait présenter une demande de mesures d’adaptation qu’après avoir franchi certaines étapes liées à sa politique de vaccination contre la COVID-19. Si l’appelante veut faire valoir cet argument, elle doit s’adresser à une autre instance.

[49] Je suis conscient du fait également que l’appelante estime qu’un chapitre du Guide (7.3.2 en particulier) aide à démontrer qu’elle n’a pas commis d’inconduite. Elle soutient qu’il n’y a pas d’inconduite si un employé peut juger qu’il est impossible de suivre la politique d’un employeur.

[50] Malheureusement, j’estime que cet argument n’est pas pertinent en l’espèce non plus. Je peux me fonder sur le Guide comme guide d’interprétation, mais je ne suis pas lié par celui‑ci.

[51] La section 7.3.2 du Guide porte sur la motivation d’un employé à ne pas donner suite à la demande d’un employeur. On peut y lire qu’« [i]l n’y a pas inconduite si le refus ou la désobéissance s’explique du fait d’un malentendu sérieux et authentique sans qu’il y ait mauvaise volonté de l’une ou l’autre des parties »Note de bas de page 30. J’admets que c’est ce qui y est écrit. Mais je conclus également que la Cour a déclaré que la mauvaise fois n’est pas requise dans l’analyse de l’inconduite, comme il a été mentionné précédemment.

[52] Je n’accorde donc pas beaucoup de poids à la section 7.3.2 du Guide dans la présente affaire. Même si j’admets que l’appelante n’a pas agi de mauvaise foi, j’estime tout de même que ses gestes démontrent qu’elle a consciemment choisi de ne pas respecter la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur compte tenu de ce qu’on lui avait demandé de faire.

[53] Je reconnais également que l’appelante a dit être d’avis que l’arrêt Joseph c CAEC démontre qu’elle n’a pas commis d’inconduite. Elle soutient que l’arrêt Joseph dit essentiellement que c’est son choix de se faire vacciner et que c’est une erreur de dire que cette action est illégale et constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi.

[54] Malheureusement, je ne suis pas d’accord. Je conclus que l’arrêt Joseph, rendu en 1986, présente une interprétation plus ancienne de l’inconduite (il faut démontrer qu’un employé n’aurait pas dû agir comme il l’a fait) que les décisions judiciaires que j’ai mentionnées ci‑dessus ont depuis mise de côté et ont élargieNote de bas de page 31.

[55] Pour ces motifs, je n’accorde pas beaucoup de poids à l’arrêt Joseph ici et j’accorde plus de poids à ce que la Cour a dit dans des décisions plus récentes sur la façon d’analyser l’inconduite (et je concentrerai mon analyse sur ce qu’elle a dit).

[56] Je me pencherai maintenant sur les arguments que l’appelante a fait valoir au sujet des autres décisions du Tribunal, que j’appellerai les affaires S.B. et A.L. respectivement.

[57] L’appelante soutient que sa situation est semblable à celle de l’appelante dans l’affaire S.B. parce que son employeur l’a également suspendue avant d’examiner sa demande de mesures d’adaptation.

[58] L’appelante soutient également que sa situation est semblable à celle de l’appelante dans l’affaire A.L. parce qu’il n’y a aucune preuve qu’elle a commis un manquement à son devoir en ne communiquant pas son statut vaccinal à son employeur.

[59] Je signale que je ne suis pas lié par les décisions antérieures du Tribunal. Cela signifie que je peux décider par moi‑même si je suis d’accord avec ces décisions et si elles viennent appuyer l’appel d’un appelant.

[60] Je vais d’abord examiner l’affaire S.B. Je souscris au raisonnement du membre dans cette affaire, mais je conclus que la situation de l’appelante est différente de celle à laquelle S.B. a dû faire face. En effet, il n’y a aucune preuve que S.B. avait présenté une demande d’exemption pour des motifs religieux sans d’abord respecter d’autres exigences de la politique obligatoire de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. En fait, la preuve démontre que S.B. a attesté son statut vaccinal avant de présenter sa demande d’exemptionNote de bas de page 32.

[61] D’autre part, comme il a été mentionné précédemment, j’estime qu’il existe une preuve claire selon laquelle l’appelante a présenté une demande de mesures d’adaptation même si elle n’avait pas fait ce que son employeur lui avait demandé de faire d’abord (confirmer avoir pris connaissance de sa déclaration de confidentialité sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 et communiquer son statut vaccinal).

[62] Pour ces raisons, je n’accorde pas beaucoup de poids à la décision S.B. dans la présente affaire.

[63] Je vais maintenant examiner la décision A.L. Dans ce cas, je ne suis pas d’accord avec le raisonnement du membre. Même si j’applique son analyse de l’inconduite dans la présente affaire, je conclus quand même que l’appelante a commis une inconduite. En effet, il existe des preuves claires selon lesquelles son employeur a mis en place sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 comme exigence pour tous ses employés, comme il a été mentionné précédemment. Puisque c’est ce qui s’est passé, je conclus que la politique est devenue une condition expresse de l’emploi de l’appelante. Cette dernière a donc enfreint la politique par la suite lorsqu’elle a choisi de ne pas la suivre après que sa demande de mesures d’adaptation pour motif religieux eut été refusée.

[64] Je note également que, dans la décision A.L., le membre a appliqué son analyse de l’inconduite lorsqu’il a examiné la convention collective de l’appelante et ce que celle‑ci prévoyait ou non au sujet de la vaccinationNote de bas de page 33.

[65] Mais je suis en désaccord avec cette façon de procéder. Je conclus que la Loi et la Cour ne m’ont pas donné le pouvoir d’appliquer une convention collective (ou un contrat de travail, en l’espèce) et de décider si l’employeur a congédié ou suspendu à juste titre un appelant, comme il a été mentionné précédemment. Cela signifie qu’il n’appartient pas au Tribunal de décider si un appelant a été congédié ou suspendu à tort. Si je commence à faire cela, j’outrepasse mon pouvoir de décideur.

[66] De plus, je note que la Cour a récemment déclaré que la décision A.L. n’établit aucune règle générale qui s’applique à d’autres situations factuelles, que la décision fait l’objet d’un appel et qu’elle ne lie pas la CourNote de bas de page 34.

[67] Donc, pour ces raisons, je ne vais pas suivre la décision A.L. et je ne lui accorderai pas beaucoup de poids dans la présente affaire.

[68] Je prends acte des préoccupations de l’appelante au sujet de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur, mais j’estime que la preuve démontre clairement qu’elle a pris consciemment la décision de ne pas s’y conformer. Elle a présenté une demande de mesures d’adaptation même si elle n’a pas d’abord fait ce que son employeur lui a demandé de faire (confirmer avoir pris connaissance de sa déclaration de confidentialité et faire part de son statut vaccinal), ce qui montre que ses gestes étaient intentionnels.

[69] Je conclus également que l’appelante savait ou aurait dû savoir que le fait de ne pas respecter la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur pourrait mener à sa suspension.

[70] Je prends note du fait que l’appelante ne croyait pas qu’elle serait suspendue lorsqu’elle l’a été parce qu’elle avait présenté une demande de mesures d’adaptation et qu’elle n’avait encore obtenu aucune réponse à cet égard, de sorte qu’elle a cru qu’une date limite différente (plus tard) d’attestation devrait s’appliquer compte tenu de ce que prévoyait la politique de son employeur.

[71] Je conviens avec l’appelante que la politique de son employeur comportait différentes dates limites d’attestation. La politique prévoit que la date limite d’attestation pour tous les employés était le 22 novembre 2021, à moins qu’ils ne fassent partie de l’un de plusieurs groupes. L’un de ces groupes était formé des employés qui avaient présenté une demande de mesures d’adaptation. Pour eux, la politique prévoit qu’en cas de refus de leur demande de mesures d’adaptation, ils disposent d’un délai de deux semaines après le refus pour fournir l’attestation.

[72] Mais je ne suis pas d’accord avec l’appelante pour dire que son employeur a utilisé la mauvaise date limite d’attestation dans son cas.

[73] Comme je l’ai déjà conclu, la preuve montre que l’employeur de l’appelante lui a dit qu’elle ne pouvait présenter une demande de mesures d’adaptation que si elle avait d’abord fait certaines autres choses (confirmer avoir pris connaissance de sa déclaration de confidentialité et communiquer son statut vaccinal). À mon avis, l’appelante aurait dû comprendre que la date limite d’attestation habituelle (22 novembre 2021) s’appliquerait dans son cas parce qu’elle n’avait pas fait ce que son employeur lui avait demandé de faire.

[74] Je conclus également que la même preuve montre que l’employeur de l’appelante lui a dit qu’elle serait suspendue au début de décembre 2021 si elle ne respectait pas sa politique, ce qui aurait dû l’amener à réaliser qu’il appliquait la date limite d’attestation du 22 novembre 2021 dans son cas. Cette preuve est la suivante :

  • Un courriel du gestionnaire de l’appelante daté du 25 novembre 2021. Il y est écrit que si elle ne veut pas communiquer son statut vaccinal, elle sera mise en congé sans solde à compter du 7 décembre 2021.
  • Un courriel du gestionnaire de l’appelante daté du 30 novembre 2021. Le gestionnaire y réitère que si elle ne veut pas communiquer son statut vaccinal, elle sera mise en congé sans solde à compter du 7 décembre 2021.

[75] Je conclus également que le fait que l’appelante a de toute façon présenté une demande de mesures d’adaptation après avoir reçu ces courriels ne change rien au fait qu’elle n’a pas fait ce que son employeur lui demandait de faire avant de présenter cette demande. À mon avis, cela signifie qu’elle aurait dû savoir qu’elle pourrait être suspendue pour ne pas avoir respecté la politique de son employeur, car il l’avait mentionné en des termes clairs dans les courriels susmentionnés.

[76] Je reconnais également que l’appelante estime que son employeur a agi injustement en décidant d’examiner sa demande de mesures d’adaptation après qu’il l’eut suspendue.

[77] Malheureusement, je conclus que cet argument n’est pas pertinent en l’espèce. L’appelante était déjà suspendue lorsque son employeur a décidé d’examiner sa demande de mesures d’adaptation. Cela est important parce que je dois me concentrer sur les événements qui ont mené à la suspension de l’appelante pour analyser l’inconduite, et non sur ce qui s’est passé par la suite.

[78] De plus, comme il a été mentionné précédemment, la Loi et la Cour disent que je dois me concentrer sur les actions de l’appelante et non sur celles de l’employeur, pour analyser l’inconduite.

[79] Autrement dit, je ne peux pas examiner pourquoi l’employeur de l’appelante a décidé d’examiner sa demande de mesures d’adaptation après qu’il l’a suspendue. Si je le fais, j’outrepasse mon pouvoir décisionnel. Si l’appelante veut faire valoir ces arguments davantage, elle doit s’adresser à une autre instance.

[80] Donc, bien que je comprenne que l’appelante ne pensait pas qu’elle serait suspendue parce qu’elle avait présenté une demande de mesures d’adaptation, j’estime que la preuve démontre qu’elle aurait dû savoir qu’elle pourrait être suspendue parce qu’elle n’a pas fait ce que son employeur lui a demandé de faire avant de présenter cette demande et qu’on lui avait dit qu’elle serait suspendue pour ce motif.

[81] Je conclus donc que la conduite de l’appelante constitue une inconduite au sens de la loi, car elle a adopté la conduite qui a mené à sa suspension (elle n’a pas respecté la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19), ses gestes étaient intentionnels et elle savait ou aurait dû savoir qu’ils mèneraient à sa suspension.

Ainsi, l’appelante a‑t‑elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[82] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci‑dessus, je juge que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[83] Cela s’explique par le fait que les gestes de l’appelante ont mené à sa suspension. Elle a agi délibérément en ne confirmant pas avoir pris connaissance de la déclaration de confidentialité de son employeur ou en ne divulguant pas son statut vaccinal comme il l’avait demandé avant de présenter sa demande de mesures d’adaptation. Elle savait ou aurait dû savoir que refuser de le faire était susceptible d’entraîner sa suspension.

Conclusion

[84] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[85] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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