Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1262

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demanderesse : N. B.
Représentant : A. D.
Défenderesse : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 20 juin 2023
(GE-23-257)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 14 septembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-713

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue de son emploi. L’employeur affirme qu’elle a été mise en congé parce qu’elle ne s’était pas conformée à sa politique de vaccination contre la COVID-19 (politique). Elle n’a pas obtenu d’exemption. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire avait volontairement pris un congé sans justification. Après le rejet de sa demande de révision, la prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas pris un congé. Elle a conclu qu’elle avait été suspendue pour avoir refusé de suivre la politique de l’employeur. Elle n’a pas obtenu d’exemption. Elle a conclu que la prestataire savait qu’il était vraisemblable que l’employeur la suspende dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande maintenant la permission d’en appeler de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. La prestataire soutient que la division générale a outrepassé sa compétence, a fondé sa décision sur une importante erreur de fait et a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu qu’elle avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

Question en litige

[7] La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Les erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon quelconque.
  2. 2. La division générale ne s’est pas prononcée sur une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition sur le fond de l’affaire. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la permission d’en appeler, la prestataire n’a pas à prouver le bien-fondé de ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès compte tenu d’une erreur susceptible de révision. En d’autres termes, elle doit démontrer que l’on peut soutenir qu’il existe une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[11] Par conséquent, avant que je puisse accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés précédemment et qu’au moins l’un des motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

[12] À l’appui de sa demande de permission d’en appeler, la prestataire invoque les moyens d’appel suivants :

  1. a) L’employeur n’a pas suivi les étapes requises pour soulever un problème d’inconduite.
  2. b) La division générale n’avait pas compétence pour passer outre l’employeur et déclarer qu’elle avait été suspendue en raison de son inconduite.
  3. c) Elle n’était pas admissible à recevoir le vaccin parce qu’elle ne pouvait pas donner un consentement éclairé; il était illégal pour elle de prendre l’injection, car elle ne pouvait pas accepter les conditions du vaccin expérimental.
  4. d) La division générale a commis une erreur lorsqu’elle a pris le courriel du directeur syndical comme étant une directive officielle de l’employeur.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La division générale n’est pas liée par les motifs invoqués par un employeur ou une partie prestataire pour justifier le congédiement. Il incombait à la division générale de vérifier et d’interpréter les faits de la présente affaire et d’effectuer sa propre évaluation de la question dont elle était saisie. La question de savoir si l’employeur a suivi sa procédure disciplinaire n’est pas pertinente pour se prononcer sur l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas de page 1.

[15] La notion d’inconduite ne signifie pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a délibérément décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[16] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ou d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais bien de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[17] Compte tenu de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire a été suspendue parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et avait eu du temps pour s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption. La prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était volontaire. Il s’agissait de la cause directe de sa suspension.

[18] La division générale a conclu que la prestataire savait qu’il était possible qu’elle soit suspendue étant donné que son directeur syndical l’avait avertie qu’elle mettait son emploi en péril, ou du moins son salaire pour le trimestre Note de bas de page 2. Elle a conclu que ce risque avait été confirmé à la prestataire par les événements survenus entre le 3 et le 10 septembre. L’employeur a officialisé le congé sans solde à partir du 12 septembre 2021.

[19] La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[20] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle s’est fondée sur le courriel du directeur syndical parce qu’il ne représente pas une directive officielle de l’employeur.

[21] La division générale devait décider si la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle risquait réellement d’être suspendue si elle ne respectait pas la politique de l’employeur. Pour ce faire, la division générale devait tenir compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait.

[22] Je ne vois aucune erreur susceptible de révision commise par la division générale lorsqu’elle a examiné le courriel du directeur syndical et l’appel téléphonique de l’employeur l’informant qu’elle ne devait pas se présenter sur le campus pour ses cours du 8 septembre 2021 pour conclure qu’elle aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique entraînerait sa suspension.

[23] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[24] Le non-respect voulu de la politique de l’employeur constitue une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 3. Le non-respect d’une politique dûment approuvée par un gouvernement ou un secteur d’activité est également considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 4.

[25] Nul ne conteste réellement le fait que l’employeur est tenu de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel au travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi la directive du médecin hygiéniste en chef de l’Ontario pourmettre en œuvre sa politiquevisant à protéger la santé de l’ensemble des employés pendant la pandémieNote de bas de page 5. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été suspendue.

[26] La question de savoir si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la prestataire, ou si la politique contrevenait à ses droits à titre d’employée ou à sa convention collective, ou si la politique portait atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’instance par laquelle la prestataire peut obtenir la réparation qu’elle rechercheNote de bas de page 6.

[27] La Cour fédérale du Canada a rendu récemment la décision Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[28] Le prestataire, M. Cecchetto, a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par l’employeur ne constitue pas une inconduite. Il n’a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace, a-t-il avancé. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a fait valoir qu’il a le droit de décider de sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés sous le régime du droit canadien et internationalNote de bas de page 7.

[29] La Cour fédérale a confirmé qu’en faisant le choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 8. La Cour a affirmé que le prestataire dispose d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses allégations.

[30] La décision Cecchetto a depuis été suivie dans deux autres décisions de la Cour fédérale concernant des affaires de vaccination, soit les décisions Milovac et KukNote de bas de page 9. Ces décisions indiquent toutes qu’il n’appartient pas au Tribunal d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la politique de vaccination de l’employeur et de se prononcer sur celles-ci.

[31] La Cour fédérale a conclu qu’il était raisonnable de la part du Tribunal de conclure que les prestataires avaient perdu leur emploi en raison de leur inconduite parce qu’ils étaient au courant de la politique de vaccination de leur employeur et des conséquences qui découleraient du refus de s’y conformer.

[32] Dans l’arrêt Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a affirmé que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi.

[33] Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, le rôle de la division générale n’est pas d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais bien de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[34] La preuve prépondérante dont dispose la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et voulu de ne pas se conformer à la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[35] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 10.

[36] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établie. Cela ne change rien au fait que, conformément à la Loi, la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite.

[37] Après avoir examiné le dossier d’appel et la décision de la division générale ainsi que les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, je n’ai d’autre choix que de conclure que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La prestataire n’a pas invoqué de motif correspondant aux moyens d’appel susmentionnés, qui pourraient entraîner l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[38] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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