Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1263

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelante : N. B.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (457368) datée du 15 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 mai 2023
Personne présente à l’audience : (Préciser le rôle des participants et pas leur nom. Ajouter ou supprimer au besoin.)
Appelante
Date de la décision : Le 20 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-257

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). L’appelante est donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue de son emploi. L’employeur de l’appelante a déclaré qu’elle avait été mise en congé sans solde parce qu’elle n’avait pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 (politique).

[4] La Commission a accepté le motif de suspension invoqué par l’employeur. Elle a décidé que l’appelante avait volontairement pris un congé sans justification. C’est pourquoi la Commission a décidé que l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

La véritable question en litige dans le présent appel

[5] Il est apparu évident au cours de l’audience que l’appelante n’avait pas demandé de congé et qu’il n’avait été convenu d’aucune date de retour au travail. Par conséquent, il ne s’agissait pas d’un congé volontaire sans justification, comme le prétend la Commission dans ses décisionsNote de bas de page 2.

[6] La catégorie juridique appropriée dont fait partie la présente affaire est celle de la suspension pour inconduiteNote de bas de page 3. Le Tribunal a le pouvoir d’examiner les deux questions et de décider laquelle est la bonne dans le cas d’espèceNote de bas de page 4. Je traiterai donc le présent appel comme portant sur la question de la suspension pour inconduite, pour les motifs énoncés plus loin dans cette page sous la rubrique « Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi? ».

J’accepterai les documents envoyés après l’audience

[7] À la fin de l’audience, j’ai demandé à l’appelante de produire les courriels d’août 2021. L’un d’eux provenait de l’employeur et indiquait qu’il avait décidé de continuer à fonctionner en mode hybride, c’est-à-dire en personne et à distance. L’autre provenait du directeur syndical au sujet de mesures d’adaptation pour l’appelante pour des raisons qui ne sont pas énoncées dans la politique. Comme j’ai demandé ces documents, je les ai acceptés pour les fins du présent appel.

[8] L’appelante a présenté ces documents. Le Tribunal les a transmis à la Commission pour qu’elle y réponde. La Commission n’avait pas fourni de réponse à la date de la décision.

Question en litige

[9] L’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Pour décider si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite, je dois trancher deux éléments. D’abord, je dois déterminer le motif pour lequel l’appelante a été suspendue. Je dois ensuite décider si ce motif constitue une inconduite au sens de la loi.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi?

[11] Je conclus que l’employeur a mis l’appelante en congé sans solde parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique. Elle n’a pas reçu le vaccin contre la COVID-19.

[12] Le relevé d’emploi produit par l’employeur indique que la raison du relevé d’emploi est [traduction] « K – Autre, non-respect de la politique de vaccination ». L’employeur n’a pas utilisé le code « N » réservé aux congés. Le relevé d’emploi ne comporte pas de code pour l’inconduite.

[13] La Commission a classé la présente affaire comme étant un congé sans justification pris volontairement par l’appelante. Le congé n’a pas été pris volontairement par l’appelante. Elle n’a pas demandé ni accepté un congé. Il lui a été imposé par l’employeur. Le congé n’est pas visé par l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi), comme le prétend la Commission. Le congé doit donc être visé par un autre article de la Loi afin de justifier le refus de prestations d’assurance-emploi. Il s’agit de l’article 31 de la Loi. La question à trancher en l’espèce est donc la suspension pour inconduite, plutôt que le congé volontaire sans justification. La Commission le reconnaît implicitement dans ses observations (page GD4-3), où elle fait référence à trois des quatre facteurs pour décider s’il y a inconduite ou non. Ces facteurs étaient le caractère délibéré, l’incidence sur la relation d’emploi et la cause de la suspension. Mais dans l’ensemble, les observations mettent l’accent sur le congé volontaire sans justification plutôt que sur l’inconduite.

[14] L’appelante soutient que l’affirmation selon laquelle elle avait cessé de travailler en prenant volontairement congé du travail était fausse. Elle a été forcée de prendre un congé sans solde en raison de la politique. Elle n’avait pas été vaccinée contre la COVID-19. Elle ne conteste pas qu’il s’agissait du motif du congé.

[15] Je conclus que l’employeur a mis l’appelante en congé sans solde parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique. Ce motif n’est pas un congé volontaire pris par l’appelante. Dans les circonstances du présent appel, ce motif, s’il est établi, constitue une inconduite.

Le motif de la suspension de l’appelante est-il une inconduite au sens de la loi?

[16] Le motif de la suspension de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[17] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite doit être une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 6. Il n’est pas nécessaire que l’appelante ait une intention coupable (autrement dit, qu’elle ait voulu mal agir) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[18] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit suspendueNote de bas de page 8.

[19] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 9.

[20] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que les facteurs du caractère délibéré, de l’incidence sur la relation d’emploi et de la cause de la perte ont été prouvés.

[21] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle était et demeurait disponible pour travailler, y compris pour enseigner en ligne. La plupart de ses cours étaient donnés en ligne étant donné que la COVID-19 a mené à des confinements. Une fois que l’employeur l’a mise en congé, les cours qu’elle avait donnés en ligne ont été attribués à d’autres enseignants et ont été donnés en ligne. Elle avait offert de travailler avec l’employeur pour trouver un moyen de continuer à exercer ses fonctions pendant qu’elle n’était pas vaccinée. L’employeur n’était pas d’accord.

[22] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce qu’elle a prouvé les quatre facteurs d’inconduite en matière d’assurance-emploi qui sont énoncés dans les paragraphes précédents.

[23] J’examinerai d’abord les éléments de preuve contextuels concernant la relation d’emploi entre l’appelante et l’employeur, y compris la politique et sa communication aux employés, ainsi que les gestes de l’employeur et de l’appelante. J’examinerai ensuite ces éléments de preuve et les éléments de preuve supplémentaires sous les rubriques des quatre facteurs qui constituent une inconduite aux fins de l’assurance-emploi. Par la suite, j’examinerai un certain nombre de motifs que l’appelante a invoqués à l’appui de son appel et que je ne peux prendre en considération, et pourquoi il en est ainsi. Il s’agit de motifs qui ne sont pas abordés dans les cinq sous-sections suivantes dans le cadre de l’analyse de l’inconduite.

Constatations générales

[24] L’appelante était professeure de formation pratique en sciences infirmières dans un collège communautaire d’arts appliqués bilingue depuis décembre 2017. Comme elle parle couramment le français et l’anglais, elle pouvait enseigner dans l’une ou l’autre langue. Elle était la principale enseignante de théorie pour l’employeur dans son programme. À compter du début de 2020, lorsque le gouvernement a imposé des confinements en raison de la COVID-19, l’appelante a donné ses cours théoriques à distance, par Internet. Elle a aussi donné des cours pratiques en personne, pendant lesquels elle portait un équipement de protection individuelle (EPI) et prenait d’autres mesures de sécurité comme l’éloignement physique et la désinfection. Au cours de l’année d’études 2020-2021, elle a donné la plupart de ses cours en ligne et a donné les quelques cours de laboratoire en personne, en partie en ligne et en partie en personne. Les quatre cours qu’elle devait donner à compter du 8 septembre 2021 étaient des cours théoriques et pouvaient être donnés sur Zoom. L’appelante a affirmé que son employeur a transformé ses quatre cours en cours en personne juste avant le début du trimestre qui commençait en septembre 2021. Ce témoignage est contredit par le courriel que l’appelante a envoyé à l’employeur le 7 septembre 2021 (traduction vers l’anglais à la page GD3-57; version française originale à la page GD3-52). À la fin du courriel, elle a écrit ce qui suit : [traduction] « Je donne les 4 cours en personne (ma première séance est demain); je vous prie de me dire comment j’enseignerai demain si je n’ai pas accès aux lieux ». J’accepte l’affirmation contenue dans le courriel de l’appelante, rédigé la veille du début des cours, plutôt que le témoignage donné un an et demi plus tard. Ses quatre cours débutant le 8 septembre 2021 étaient tous en personne et non à distance.

[25] L’appelante était toujours non vaccinée contre la COVID-19 pendant le reste de son emploi chez l’employeur, qui a pris fin en juin 2022.

[26] Le 16 août 2021, l’employeur a envoyé une note de service à toutes les personnes concernées pour leur donner des renseignements sur la politique à venir (page GD3-68). Il s’agissait du premier avis renfermant des détails sur le contenu de la politique. Toute personne qui souhaite avoir accès à l’une ou l’autre des installations de l’employeur doit avoir reçu au moins une dose du vaccin d’ici le 7 septembre 2021 et deux doses en date du 4 octobre 2021. Après le 4 octobre 2021, toute personne qui souhaite accéder aux installations ou aux campus de l’employeur et qui [traduction] « n’a pas reçu les deux doses de vaccin devra se soumettre à des mesures de santé et de sécurité accrues, comme un dépistage renforcé et des tests réguliers de dépistage de la COVID-19, pour avoir accès aux campus et aux installations ». L’appelante a compris que cela permettait aux personnes non vaccinées de continuer à travailler en utilisant ces mesures accrues.

[27] Le 20 août 2021, l’employeur a envoyé une note de service à tous les employés (page GD7-2). La note de service portait sur le retour au travail pour l’année d’études 2021-2022. L’employeur offrait un programme hybride aux étudiants, certains cours étant donnés en ligne et d’autres en personne. Même si le travail à distance était la meilleure façon de protéger la santé, certains travaux devaient encore être effectués en personne pour maintenir la qualité. L’objectif était de permettre à tous les employés de faire leur travail dans les meilleures conditions possibles, tout en tenant compte de la santé et de la sécurité de la communauté scolaire.

[28] En août 2021, l’employeur a annoncé qu’il avait créé une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 (politique). L’employeur a envoyé par courriel une copie de la politique à toutes les personnes concernées le 27 août 2021 (page GD3-73). La copie de la politique au dossier (page GD3-76, en français seulement) laisse vide la date d’entrée en vigueur, ainsi que la date de la prochaine révision. On peut y lire que la date de la dernière révision était le 19 août 2021. Mais elle indique qu’elle ne remplace pas une version précédente. Un document portant sur les exemptions devait suivre.

[29] La politique définissait les « campus » et les « lieux » comme étant des lieux physiques où l’employeur offrait des programmes d’études ou d’autres programmes et services. La politique exigeait que toutes les personnes qui souhaitaient accéder aux campus, aux lieux ou aux établissements de l’employeur pour y vivre, y travailler ou y faire une visite soient vaccinées. Toutes les personnes qui souhaitaient accéder à un campus ou à un lieu devaient présenter une preuve de vaccination, soit une vaccination complète, soit une première dose d’un vaccin à deux doses. Les personnes qui fournissent de fausses attestations ou de faux documents au sujet de la vaccination feront l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement dans le cas des employés. La politique elle-même ne contient aucune date limite pour recevoir la vaccination.

[30] Le document « FAQ » joint à la politique (page GD3-88 en anglais) énonce les dates limites : au moins une dose du vaccin d’ici le 7 septembre 2021 et deux doses en date du 15 octobre 2021. Cette dernière date a remplacé celle du 4 octobre qui était indiquée dans la note de service du 16 août. Selon le document FAQ, les personnes non vaccinées devront se soumettre à des tests de dépistage rapides, et les détails seront annoncés plus tard. Le document FAQ précise ce qui suit : [traduction] « Jusqu’à nouvel ordre, tous les laboratoires seront offerts en personne (sur le campus) et les cours théoriques seront donnés en ligne sur Zoom ».

[31] Le 3 septembre 2021 (le vendredi précédant la fin de semaine de la fête du Travail), l’employeur a avisé l’appelante au cours d’une conversation téléphonique qu’elle ne devait pas se présenter sur le campus pour ses cours qui commençaient le mercredi 8 septembre 2021.

[32] Le 3 septembre 2021, l’employeur a envoyé un courriel à toutes les personnes concernées pour les informer des exigences particulières pour l’accès à ses lieux et campus (page GD3-97). Les employés non vaccinés pour des raisons personnelles peuvent opter pour un congé sans solde pour leur donner le temps de réfléchir à leur position sur la vaccination. Une demande devait être présentée pour se prévaloir de cette option. L’appelante n’a pas présenté de demande. En date du 15 octobre 2021, toute personne qui souhaitait accéder aux campus ou aux lieux de l’employeur devait être entièrement vaccinée avec deux doses et devait attendre 14 jours après la deuxième dose pour y accéder.

[33] L’appelante a écrit à l’employeur le 7 septembre 2021 pour lui faire part de sa position sur la vaccination contre la COVID-19 et lui demander comment elle devait donner ses cours en personne à compter du lendemain, à la lumière de la mise à jour envoyée par courriel par l’employeur le 3 septembre (traduction vers l’anglais à la page GD3-57; version originale française à la page GD3-52). L’employeur a répondu le 10 septembre qu’elle avait été mise en congé sans solde parce qu’elle était inapte à travailler aux termes de la politique (traduction vers l’anglais à la page GD3-58, version originale française à la page GD3-51). Il en a été ainsi malgré une lettre d’appui à l’appelante rédigée par un collègue (traduction vers l’anglais à la page GD3-59; version originale française à la page GD3-46).

[34] L’autre courriel de l’employeur du 14 septembre 2021 apportait des précisions au courriel précédent (page GD3-105). L’accès à un lieu de l’employeur exigeait d’avoir reçu deux doses du vaccin avant le 15 octobre 2021. Le courriel ne mentionnait pas l’accès à un campus. Il n’était plus nécessaire d’attendre 14 jours après la dernière dose.

[35] Le 22 septembre 2021, l’employeur a envoyé une note de service aux étudiants, au personnel et aux clients au sujet de la preuve de vaccination obligatoire (page GD3-119). La note de service faisait référence à l’accès aux lieux et aux campus de l’employeur, comme ce fut le cas dans des communications précédentes. La preuve de vaccination devait être téléchargée sur l’application mobile de l’employeur.

[36] Le 30 septembre 2021, l’employeur a envoyé une lettre à l’appelante pour lui dire qu’elle était en congé sans solde du 12 septembre 2021 au 31 décembre 2021 (traduction vers l’anglais à la page GD3-38; version originale française aux pages GD3-26 et 120). L’employeur a reconnu son choix de ne pas se faire vacciner. Le congé sans solde était fondé sur l’incapacité de l’appelante de travailler en raison de son non-respect de la politique. Si elle décidait de s’y conformer, l’employeur lui demandait de l’aviser au plus tard le 19 novembre 2021 afin de lui permettre de planifier ses cours pour le trimestre d’hiver. Si elle ne se conformait toujours pas à la politique pour le trimestre d’hiver, son incapacité continue de travailler en raison de la politique pourrait entraîner des conséquences pour son emploi, y compris son congédiement. Le 30 novembre 2021, l’employeur a envoyé un courriel à l’appelante pour prolonger son congé sans solde jusqu’à la fin du trimestre d’hiver (page GD3-27).

[37] L’appelante a déposé un grief à l’encontre du congé sans solde par l’entremise de son syndicat. L’affaire a été reportée jusqu’en juin 2022. L’affaire a été réglée au moyen d’une entente confidentielle. L’emploi de l’appelante a pris fin le 8 juin 2022.

Caractère délibéré

[38] Je conclus que la décision de l’appelante de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 était délibérée, c’est-à-dire intentionnelle, consciente et voulue. L’appelante a témoigné au sujet des raisons pour lesquelles elle n’a pas reçu le vaccin contre la COVID-19, compte tenu des risques pour la santé, des préoccupations relatives à la protection de la vie privée et de son absence de consentement éclairé à l’égard du vaccin. Le témoignage confirme les déclarations faites par l’appelante dans le courriel qu’elle a envoyé le 7 septembre à l’employeur au sujet de son retour au travail le lendemain (traduction vers l’anglais à la page GD3-57; version originale anglaise à la page GD3-52).

[39] Il est bien établi que le non-respect voulu de la politique de l’employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas de page 10.

Incapacité à s’acquitter de ses obligations envers l’employeur

[40] Je conclus que le non-respect de la politique par l’appelante l’a empêchée de s’acquitter de ses obligations envers l’employeur. L’appelante affirme à juste titre que, même si elle n’était pas vaccinée, sa capacité d’enseigner n’était pas entravée. Toutefois, l’incapacité de l’appelante de s’acquitter de ses obligations en l’espèce découlait de son non-respect de la politique. Comme elle ne s’était pas fait vacciner, elle n’était pas autorisée à accéder au campus pour y donner ses cours en personne. Les quatre cours qu’elle devait donner à compter du 8 septembre étaient tous en personne. L’appelante a reconnu ce problème dans le courriel qu’elle a envoyé à l’employeur le 7 septembre, où elle lui demandait comment elle enseignerait le lendemain si elle n’avait pas accès aux lieux.

[41] L’appelante a fait valoir que la politique était déraisonnable. La Cour d’appel fédérale a affirmé que le Tribunal n’a pas à se demander si la politique de l’employeur était raisonnable ou si le congédiement d’un prestataire était justifié. Le Tribunal doit décider si la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[42] Il n’était pas nécessaire que j’évalue le caractère raisonnable de la politique de l’employeur, ni l’innocuité des vaccins ou les questions relatives à la protection de la vie privée ou au consentement soulevées, pour trancher la question de savoir si l’appelante a été suspendue pour inconduite.

Elle savait ou aurait dû savoir qu’il était possible qu’elle soit suspendue

[43] Je conclus que l’appelante aurait dû savoir qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue. Elle a témoigné qu’elle n’était pas au courant des conséquences de son refus de se faire vacciner. Cela s’explique par le fait que les exigences de la politique changeaient sans cesse. Les changements ont été mentionnés ci-dessus sous la rubrique « Constatations générales ». La deuxième date limite est passée du 4 octobre au 15 octobre. La période d’attente de 14 jours suivant la vaccination a été abandonnée. Entre le mois d’août et le mois de septembre, les énoncés concernant le travail avec les employés sont devenus plus restrictifs. La note de service du 16 août et la politique traitent de l’accès aux installations de l’employeur. Elles ne traitent pas du cas des employés qui travaillent à distance. La note de service précisait que les personnes non vaccinées seraient tenues de se soumettre à des mesures de santé et de sécurité accrues, comme un dépistage accru et des tests réguliers, pour avoir accès aux installations. L’appelante a affirmé qu’elle était disposée à subir des tests de dépistage rapide et à se conformer à d’autres mesures, comme le port d’un EPI, l’éloignement et la désinfection. Ses efforts pour travailler avec l’employeur sur cette question ont été rejetés. La politique ne mentionnait que des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement dans le cas de personnes qui ont soumis de fausses attestations ou de faux documents. Il n’a pas été question de mesures disciplinaires pour les personnes qui étaient toujours non vaccinées et n’avaient pas obtenu de mesures d’adaptation pour des raisons médicales ou liées aux droits de la personne. Le document FAQ joint à la politique limitait les autres mesures de santé et de sécurité énoncées dans la note de service du 16 août aux personnes qui avaient obtenu des mesures d’adaptation pour des raisons médicales ou liées aux droits de la personne. L’appelante n’a pas demandé de mesures d’adaptation. Le document FAQ précisait également que tous les laboratoires seraient offerts en personne (sur le campus) et les cours théoriques seront donnés en ligne sur Zoom. La note de service du 20 août était une fois de plus favorable aux employés, de façon générale. Les employés devaient travailler selon un modèle hybride de travail en personne et à distance.

[44] À la lumière de ce bref examen, il n’était pas clair pour l’appelante qu’elle puisse être suspendue. Il n’y avait aucune mention de mesures disciplinaires pour les personnes non vaccinées.

[45] Ces motifs à l’appui de la position de l’appelante s’opposent à la preuve qui étaye la position de la Commission. Dès le début, l’employeur a mentionné dans ses communications que les personnes non vaccinées ne seraient pas autorisées sur le campus. Le document FAQ joint à la politique précise que l’employeur a le droit de déterminer l’horaire et le lieu de travail des employés. Cela signifie qu’un supérieur a le droit d’exiger d’un employé qu’il retourne au bureau. Le courriel de l’employeur du 3 septembre 2021 indiquait que les employés non vaccinés pour des raisons personnelles pouvaient demander un congé sans solde pour y réfléchir. De plus, le 3 septembre, l’employeur a dit à l’appelante par téléphone qu’elle ne devait pas se présenter sur le campus pour ses cours qui commençaient le mercredi 8 septembre 2021. Ces deux événements survenus le 3 septembre indiquaient clairement à l’appelante qu’elle devait être vaccinée pour retourner à ses cours en personne et qu’un congé sans solde était possible, même si cela avait été formulé comme étant une demande de l’employé. L’appelante a envoyé un courriel à l’employeur le 7 septembre pour lui demander comment elle pouvait enseigner le lendemain en personne. L’employeur a répondu le 10 septembre qu’il l’avait mise en congé. La lettre de l’employeur du 30 septembre a officialisé le congé à partir du 12 septembre 2021.

[46] Les raisons invoquées par chaque partie se rapprochent. Mais il y a un élément de preuve qui fait pencher la balance en faveur de la Commission. Il s’agit d’un courriel que le directeur du syndicat de l’appelante a envoyé à cette dernière le 31 août 2021 (page GD7-4, en français seulement). Il précède les événements des 3, 7 et 10 septembre. Le directeur a été très clair. L’appelante pouvait demander ce qu’elle voulait, mais l’employeur n’avait aucune obligation de répondre à sa demande au-delà des motifs d’exemption acceptés. Si l’employeur acceptait qu’elle donne tous ses cours à distance, tout irait bien. Mais l’employeur n’avait pas le pouvoir de l’autoriser à accéder au campus si elle ne satisfaisait pas aux critères de la politique. Il a affirmé ce qui suit : [traduction] « Autrement, je ne peux pas indiquer plus clairement que vous mettez votre emploi en péril, ou du moins, votre salaire pour le trimestre ». Selon lui, les arguments qu’elle a donnés ne seront probablement pas acceptés par l’employeur, un arbitre ou un tribunal. Selon les avis juridiques qu’il a vus et sa compréhension des avis que les collèges ont reçus indiquent que les collèges ont le droit d’instaurer de telles politiques. Elle pourrait déposer un grief contre l’employeur s’il refusait de faire passer son enseignement en personne à un enseignement à distance. Le syndicat appuierait un tel grief, mais ne pouvait rien garantir.

[47] Pendant presque tout le mois d’août, la politique et les documents de l’employeur n’ont pas fait comprendre clairement à l’appelante qu’elle risquait d’être mise en congé sans solde, ou une conséquence encore pire. Le courriel du directeur du syndicat du 31 août mentionnait clairement ce risque à l’appelante. Le risque a été confirmé à l’appelante par les événements survenus du 3 au 10 septembre. L’employeur a officialisé le congé sans solde à partir du 12 septembre 2021.

[48] Compte tenu de l’analyse qui précède, je conclus que l’appelante aurait dû être au courant du risque de suspension avant qu’elle ne se produise.

Cause de la suspension

[49] Je conclus que le choix de l’appelante de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 était la cause de sa suspension. L’appelante ne conteste pas cette cause et rien ne démontre qu’il existait une autre cause.

Les autres motifs de l’appelante à l’appui de son appel que je ne peux prendre en considération

[50] L’appelante a affirmé que, comme elle avait cotisé au programme d’assurance-emploi pendant 25 ans, elle avait droit à des prestations d’assurance-emploi.L’assurance-emploi n’est pas une prestation automatique. Comme pour tout autre régime d’assurance, vous devez satisfaire à certaines exigences pour être admissible. Si vous n’êtes pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite, vous ne répondez pas à ces exigences. La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Cela signifie que l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations, même si elle a cotisé au programme d’assurance-emploi pendant de nombreuses années.

[51] L’appelante a déclaré qu’elle avait été mise au chômage de septembre 2021 à mai 2022 sans raison valable parce qu’elle aurait pu travailler à distance. Si l’inconduite est prouvée, comme c’est le cas dans le présent appel, il s’agit d’un motif valable de suspension du travail pendant cette période.

[52] L’appelante a affirmé que la politique ne permettait pas d’autres options convenables et ne favorisait pas le dialogue. L’employeur a le droit de créer des politiques et d’en établir les modalités en fonction de ses besoins opérationnels. Il n’est pas tenu de permettre aux employés de modifier les modalités ou de favoriser le dialogue, bien qu’il soit libre de le faire. L’employeur ne l’a pas fait en l’espèce.

[53] L’appelante a affirmé que la politique constituait une violation de son contrat de travail. La question soulevée dans les affaires d’inconduite est la conduite de l’employé et non la conduite de l’employeur. En cas de violation de ce contrat, l’appelante peut obtenir réparation auprès des tribunaux ou faire appel à la procédure de règlement des griefs prévue dans une convention collective.

[54] L’appelante a affirmé que les cours qu’elle avait donnés en ligne avaient été attribués à d’autres enseignants en septembre 2021 et que ceux-ci les avaient donnés en ligne. Elle a aussi dit que d’autres employés n’étaient pas vaccinés, mais qu’ils avaient été autorisés à travailler à distance après qu’elle a été mise en congé sans solde. En supposant que cela est vrai, cela n’est pas pertinent pour la question de l’inconduite au sens de l’assurance-emploi, qui met l’accent sur les gestes du prestataire et non sur ceux de l’employeur. Même si la conduite de l’employeur a peut-être été injuste ou pire encore, la réparation peut être obtenue auprès des tribunaux, dans le cadre de la procédure de règlement des griefs ou auprès d’un organisme des droits de la personne.

Ainsi, l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[55] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment, je conclus que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[56] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[57] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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