Assurance-emploi (AE)

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Citation : DM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 818

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. M.
Représentant : Dominic Martineau
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (563773) datée du 27 janvier 2023 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 mai 2023
Personnes présentes à l’audience : L’appelant
Le représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 18 mai 2023
Numéro de dossier : GE-23-422

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelant n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour proches aidants (Prestations spéciales – adulte gravement malade) à compter du 19 septembre 2022Note de bas de page 1.

Aperçu

[2] Le 22 juin 2022, l’appelant présente une demande de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières)Note de bas de page 2. Une période de prestations a été établie à compter du 19 juin 2022Note de bas de page 3.

[3] Le 28 septembre 2022, il transmet des documents à la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) pour recevoir des prestations pour proches aidantsNote de bas de page 4.

[4] Le 7 décembre 2022, la Commission l’informe qu’il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pour proches aidants d’adultes à partir du 19 septembre 2022, car le certificat médical qu’il lui a présenté ne prouve pas que la vie de la patiente (conjointe de l’appelant) est en danger en raison de sa maladie ou de sa blessureNote de bas de page 5.

[5] Le 27 janvier 2023, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’avise qu’elle maintient la décision rendue à son endroit, en date du 7 décembre 2022, concernant le versement de prestations pour proches aidantsNote de bas de page 6.

[6] L’appelant explique que le membre de sa famille qui était gravement malade est sa conjointe. Il fait valoir qu’à la suite d’un accident, sa conjointe a été hospitalisée et a subi une intervention chirurgicale. À la suite de son hospitalisation, elle avait besoin de soins et de soutien. L’appelant indique avoir demandé des prestations pour proches aidants pour la période du 14 septembre 2022 au 7 novembre 2022. Il soutient qu’il devrait pouvoir recevoir ce type de prestations même si le certificat médical qu’il a fourni à la Commission ne satisfaisait pas toutes les exigences de cette dernière. L’appelant fait valoir qu’il a dû cesser de travailler pour apporter les soins et le soutien dont sa conjointe avait besoin à la suite de sa chirurgie. Il fait valoir que la notion de personne « gravement malade » devrait pouvoir s’appliquer au cas de sa conjointe pour qu’il puisse bénéficier des prestations pour proches aidants, car sa vie aurait pu être en danger s’il n’avait pas été en mesure de lui donner les soins et le soutien dont elle avait besoin. Le 7 février 2023, l’appelant conteste auprès du Tribunal la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet de son recours devant le Tribunal.

Question en litige

[7] Je dois déterminer si l’appelant est admissible au bénéfice des prestations pour proches aidants d’adultes (Prestations spéciales – adulte gravement malade)Note de bas de page 7. Pour cela, je dois répondre à la question suivante :

  • Est-ce qu’un médecin ou un infirmier praticien a délivré un certificat attestant qu’un adulte, membre de la famille de l’appelant, est gravement malade, qu’il requiert les soins ou le soutien d’un ou de plusieurs membres de sa famille et que la période pendant laquelle il requiert les soins ou le soutien est précisée dans ce document?

Analyse

[8] La Loi prévoit que des prestations doivent être payées à un prestataire qui est un membre de la famille d’un adulte gravement malade et qui doit en prendre soin ou lui fournir du soutien, si un médecin ou un infirmier praticien délivre un certificat donnant les précisions suivantes :

  • Attester que l’adulte est gravement malade et qu’il requiert les soins ou le soutien d’un ou plusieurs membres de sa famille ;
  • Préciser la période pendant laquelle il requiert les soins ou le soutienNote de bas de page 8.

[9] Un « adulte gravement malade » est une personne âgée d’au moins dix-huit ans au commencement de la période visée aux articles 23.3(3) ou 152.062(3) de la Loi, dont l’état de santé habituel a subi un changement important et dont la vie se trouve en danger en raison d’une maladie ou d’une blessureNote de bas de page 9.

Est-ce qu’un médecin ou un infirmier praticien a délivré un certificat attestant qu’un adulte, membre de la famille de l’appelant, est gravement malade, qu’il requiert les soins ou le soutien d’un ou de plusieurs membres de sa famille et que la période pendant laquelle il requiert les soins ou le soutien est précisée dans ce document?

[10] Dans le présent dossier, la preuve démontre que l’appelant n’a pas fourni à la Commission un certificat émis par un médecin attestant qu’un adulte, membre de la famille de l’appelant, sa conjointe en l’occurrence, était gravement maladeNote de bas de page 10.

[11] Même si le document que l’appelant a présenté indique que sa conjointe requérait les soins ou le soutien d’un ou de plusieurs membres de sa famille et qu’il précise la période pendant laquelle elle avait besoin de ces soins ou de ce soutien, il n’indique pas que cette dernière était « gravement malade » selon la définition donnée à cette expression dans le RèglementNote de bas de page 11.

[12] Dans le document intitulé « Certificat médical pour prestations pour proches aidants de l’assurance-emploi », rempli le 27 septembre 2022, le médecin certifie avoir observé chez la conjointe de l’appelant, en date du 14 septembre 2022, les trois conditions médicales décrites aux questions 1, 2 et 3 de ce document. Le médecin a répondu « non » à la question lui demandant si la vie du patient, soit la conjointe de l’appelant, est en danger en raison d’une maladie ou d’une blessure (question no 1). Le médecin a répondu « oui » à la question lui demandant s’il y a eu un changement dans l’état de santé normal du patient (question no 2), de même qu’à celle lui demandant si le patient requiert des soins ou du soutien d’un ou de plusieurs membres de sa famille (question no 3). Le médecin indique que le patient devrait nécessiter les soins ou le soutien d’un ou de plusieurs membres de sa famille jusqu’au 7 novembre 2022Note de bas de page 12.

[13] Le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquent les éléments suivants :

  1. a) Il devrait pouvoir être admissible au bénéfice des prestations pour proches aidants d’adultes, même si le certificat médical qu’il a fourni à la Commission ne satisfaisait pas tous les critères pour qu’il puisse recevoir ce type de prestations ;
  2. b) Le 13 septembre 2022, sa conjointe s’est fracturée les deux chevilles à la suite d’une chute dans un escalier. Elle a été hospitalisée et a subi une intervention chirurgicale ;
  3. c) Suivant cette intervention, elle ne pouvait pas marcher. Elle devait se déplacer en fauteuil roulant. Elle avait besoin de soins et de soutienNote de bas de page 13 ;
  4. d) Lorsque sa conjointe s’est blessée, l’appelant travaillait dans un chantier de construction situé à environ 200 kilomètres de chez lui. Il habitait en pension près du chantier où il travaillait, du lundi au vendredi. Il quittait son domicile le dimanche en après-midi pour se rendre au chantier et revenait chez lui le vendredi après-midi. Son horaire de travail était de 7 h 00 à 17 h 30, du lundi au jeudi et de 7 h 00 à midi, le vendredi ;
  5. e) En raison de l’accident de sa conjointe, l’appelant a dû cesser de travailler pour lui apporter les soins et le soutien dont elle avait besoinNote de bas de page 14 ;
  6. f) Il était le seul, dans sa famille, à pouvoir s’occuper de sa conjointe ;
  7. g) Après avoir été informé par la Commission que le certificat médical qu’il lui avait fourni ne lui permettait pas de recevoir les prestations pour proches aidants qu’il avait demandées, il a de nouveau rencontré le médecin qui l’avait rempli. L’appelant lui a demandé s’il pouvait le modifier et répondre « oui » à la question demandant si la vie du patient (la conjointe de l’appelant) était en danger en raison d’une maladie ou d’une blessure. Le médecin lui a répondu qu’il ne pouvait répondre « oui » à cette question, car sa conjointe « n’était pas en danger de mort »Note de bas de page 15 ;
  8. h) L’appelant n’a donc pas été en mesure de fournir un certificat médical à la Commission pouvant satisfaire toutes les exigences prévues à la Loi pour qu’il puisse recevoir des prestations pour proches aidants ;
  9. i) L’appelant ne bénéficie pas, dans le cadre de son emploi, d’une assurance-salaire ou d’un régime d’assurance collectif lui permettant de recevoir une indemnité pour s’occuper de sa conjointe comme il l’a fait. L’assurance que détient l'appelant par le biais de son employeur ne couvre que lui-même en cas de maladie ou de blessure.

[14] Le représentant de l’appelant fait valoir les éléments suivants :

  1. a) Il faut examiner toutes les circonstances à l’origine de la demande de prestations de proches aidants de l’appelant. Ces circonstances sont claires : L’appelant travaille sur un chantier, loin de son domicile, du lundi au vendredi. L’état de sa conjointe fait en sorte qu’en raison des fractures qu’elle a subies, il a été obligé de cesser de travailler, car elle avait besoin de son aide pour s’alimenter, se vêtir et pour s’occuper de ses soins personnels ;
  2. b) Le fait que le médecin ayant rempli le certificat médical ait répondu « non » à la question demandant si la vie du patient est en danger en raison d’une maladie ou d’une blessure, résulte d’une réflexion relativement brève concernant la condition de la conjointe de l’appelant et la possibilité qu’elle avait de s’alimenter et de prendre soin d’elle ;
  3. c) Si on applique à la lettre les conditions prescrites par la Loi, la vie de la conjointe de l’appelant était en danger en raison d’une maladie ou d’une blessure, si une personne proche aidante ne se trouvait pas à proximité d’elle pour en prendre soin (ex. : se nourrir, se vêtir, se laver, etc.). La vie d’une personne, vivant seule, cinq jours par semaine, qui est « immobile » et qui n’est pas en mesure de s’alimenter ni de subvenir à ses besoins de façon autonome, est nécessairement en danger ;
  4. d) En toute bonne foi, l’appelant a présenté une demande pour recevoir des prestations pour proches aidants et pour agir à ce titre auprès de sa conjointe. Il ne pouvait pas présenter une demande de prestations pour recevoir des prestations régulières ou d’autres types de prestations d’assurance-emploi (ex. : prestations de compassion, de maternité, parentales, de maladie, de pêcheur) considérant les circonstances à l’origine de sa demande ;
  5. e) La Loi doit être interprétée de façon large et libérale pour permettre à un prestataire de recevoir des prestations, dont des prestations pour proches aidants ;
  6. f) Une interprétation trop restrictive de la Loi ferait en sorte de compromettre son application à l’égard de gens de bonne foi comme cela est le cas de l’appelant ;
  7. g) L’appelant devrait se qualifier, au sens de la Loi, à titre de proche aidant. Son droit de bénéficier des prestations pour proches aidants devrait être reconnu.

[15] Je considère que les arguments de l’appelant et lesdocuments qu’il présente ne peuvent faire en sorte de lui permettre de recevoir des prestations pour proches aidants.

[16] Pour être admissible à ce type de prestations, un prestataire doit fournir un certificat médical délivré par un médecin ou un infirmier praticien attestant qu’un adulte, membre de la famille du prestataire, est gravement malade, qu’il requiert les soins ou le soutien d’un ou plusieurs membres de sa famille et que la période durant laquelle il requiert les soins ou le soutien est spécifiée dans ce document. Ces trois exigences doivent être satisfaites pour que de telles prestations soient verséesNote de bas de page 16.

[17] Le certificat médical présenté par l’appelant précise que sa conjointe requérait les soins ou le soutien d’un ou plusieurs membres de sa famille de même que la période pendant laquelle il requérait ces soins ou ce soutienNote de bas de page 17. Toutefois, ce document n’indique pas que la conjointe de ce dernier était gravement malade, au sens du RèglementNote de bas de page 18.

[18] Le Règlement spécifie qu’une « personne gravement malade » est une personne dont l’état de santé habituel a subi un changement important et dont la vie se trouve en danger en raison d’une maladie ou d’une blessureNote de bas de page 19.

[19] Le certificat médical fourni par l’appelant ne permet pas d’établir cette conclusion.

[20] De son côté, la Commission explique qu’il n’était pas possible de verser des prestations pour proches aidants à l’appelantNote de bas de page 20. Elle mentionne que l’exigence de fournir un certificat médical signé par un médecin ou un infirmier praticien et attestant qu’un adulte est gravement malade est précisée dans la LoiNote de bas de page 21.

[21] La Commission explique que dans le certificat médical qui lui a été présenté, le médecin n’a pas indiqué que la vie de la conjointe de l’appelant était en danger en raison de la blessure qu’elle avait subieNote de bas de page 22. Elle précise n’avoir aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard et doit refuser de verser des prestations pour proches aidants à l’appelantNote de bas de page 23.

[22] En résumé, je considère que l’inadmissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour proches aidants imposée à l’appelant, à compter du 19 septembre 2022, est justifiée dans les circonstances, puisqu’il ne satisfait pas tous les critères pour recevoir ce type de prestations.

[23] Sans remettre en cause la bonne foi de l’appelant et la sévérité des symptômes qu’il rapporte pour décrire l’état de santé de sa conjointe à la suite de la chirurgie qu’elle a subie, il demeure que la preuve médicale qu’il présente ne démontre pas que la vie de cette dernière se trouvait en danger.

[24] Bien qu’entièrement sympathique à la cause de l’appelant, je demeure lié, comme membre du Tribunal, par des dispositions législatives très claires qui ne me permettent pas d’établir son admissibilité à recevoir des prestations pour proches aidants.

[25] La Cour d’appel fédérale (la Cour) nous informe qu’il n’est pas permis aux arbitres, ce qui inclut le Tribunal, de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 24.

Conclusion

[26] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour proches aidants.

[27] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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