Assurance-emploi (AE)

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Citation : SB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 821

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (560300) datée du 5 janvier 2023 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 11 mai 2023
Personne présente à l’audience : Décision rendue selon la preuve au dossier
Date de la décision : Le 9 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-327

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelante ne démontre pas qu’elle avait un motif valable pour justifier son retard à présenter sa demande renouvelée de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1. Cela signifie que sa demande de prestations d’assurance-emploi ne peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt. Une antidate de sa demande de prestations ne doit pas lui être accordéeNote de bas de page 2.

Aperçu

[2] Le 2 juillet 2021, après avoir effectué une période d’emploi s’étant terminée le 18 mai 2021, l’appelante présente une demande renouvelée de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières)Note de bas de page 3. Sa période de prestations a été réactivée à compter du 20 juin 2021Note de bas de page 4.

[3] Le 5 juillet 2021, elle demande à la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) que ses déclarations du prestataire soient traitées à compter du 19 mai 2021Note de bas de page 5.

[4] Le 28 octobre 2022, la Commission l’informe que le renouvellement de sa demande de prestations ne peut pas commencer avant le 20 juin 2021 parce qu’elle a déposé sa demande en retard et qu’elle n’a pas démontré qu’un motif valable justifiait ce retardNote de bas de page 6.

[5] Le 5 janvier 2023, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’avise qu’elle maintient la décision rendue à son endroit, en date du 28 octobre 2022, concernant sa demande d’antidateNote de bas de page 7.

[6] L’appelante soutient avoir le droit de recevoir des prestations à compter du 19 mai 2021.

[7] Elle explique avoir cessé de travailler le 18 mai 2021 et avoir accepté une offre d’emploi d’un autre employeur, le 20 mai 2021. L’appelante précise avoir signé un contrat avec ce nouvel employeur, le 26 mai 2021, et avoir commencé à travailler pour lui le 21 juin 2021. Elle fait valoir que la période écoulée entre le moment où elle a cessé de travailler, le 18 mai 2021, et le moment où elle a commencé à occuper un autre emploi, le 21 juin 2021, n’était pas censée être aussi longue.

[8] L’appelante explique ne pas avoir présenté sa demande de prestations dans le délai prévu parce qu’elle ne pensait pas qu’elle aurait besoin de prestations avant de commencer son nouvel emploi. Elle fait valoir que son retard à demander des prestations s’explique aussi par le fait qu’elle était plus préoccupée par les tâches à effectuer pour occuper ce nouvel emploi (ex. : remplir des documents) que de demander des prestations. L’appelante explique qu’un délai de quatre semaines s’est écoulé avant qu’elle ne reçoive sa première paie de son nouvel employeur. Elle indique qu’après avoir constaté qu’elle allait être plus longtemps que prévu sans salaire, elle a présenté une demande de prestations le 2 juillet 2021. L’appelante fait valoir qu’elle n’a pas beaucoup de connaissances concernant l’assurance-emploi et n’a pas été habituée à se fier à ce type de programmes pour subvenir à ses besoins. Elle explique qu’elle ne croyait pas que demander des prestations en retard pouvait poser un problème pour en recevoir. Le 26 janvier 2023, l’appelante conteste la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal).

Questions préliminaires

[9] L’appelante était absente lors de l’audience tenue par vidéoconférence, le 11 mai 2023. L’audience peut avoir lieu en l’absence du prestataire, si le Tribunal est d’avis qu’il a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 8.

[10] Le 24 mars 2023, un avis d’audience a été envoyé à l’appelante, parcourriel, pour l’informer de la tenue de cette audienceNote de bas de page 9. Dans son avis d’appel présenté le 26 janvier 2023, l’appelante avait donné la permission au Tribunal de communiquer avec elle par courrielNote de bas de page 10.

[11] Le 11 mai 2023, au début de l’audience, le Tribunal a tenté de communiqueravec l’appelante, mais sans succès.

[12] Convaincu que l’appelante a été avisée de la tenue de l’audience du 11 mai 2023, j’ai procédé en son absence, comme le permet l’article 58 des Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale, dans une telle situation.

[13] J’ai attendu plus de 45 minutes après le début de l’audience du 11 mai 2023afin de m’assurer de la présence de l’appelante. En dépit de cette attente, l’appelante n’a pas signifié sa présence. Avant la tenue de l’audience, le Tribunal n’a pas reçu d’avis de la part de l’appelante indiquant qu’il n’allait pas être présente.

[14] La Commission était également absente lors de l’audience bien qu’elle ait étédûment convoquée.

[15] Dans ces circonstances, je rends une décision en fonction de la preuve audossier.

Question en litige

[16] Je dois déterminer si l’appelante avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande renouvelée de prestations afin qu’elle soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 11.

Analyse

[17] En général, pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, il faut présenter une demande pour chaque semaine durant laquelle on n’a pas travaillé et pour laquelle on souhaite recevoir des prestationsNote de bas de page 12. Pour cela, il faut présenter des déclarations à la Commission toutes les deux semaines. Les déclarations sont habituellement faites en ligne. Il y a des délais à respecterNote de bas de page 13.

[18] Une demande de renouvellement de prestations est une demande présentée par un prestataire qui cherche à réactiver une période de prestations établie antérieurement par une demande initiale mise en veilleuse pendant quatre semaines consécutives ou plus. Une demande de renouvellement doit être présentée dans la semaine qui suit la semaine de chômageNote de bas de page 14.

[19] L’antidate d’une demande de prestations d’assurance-emploi permet qu’une demande de prestations présentée en retard soit considérée comme ayant été formulée à une date antérieure à celle à laquelle elle a été déposée dans les faits.

[20] Pour qu’une demande de prestations soit antidatée, le prestataire doit démontrer qu’il avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée, soit la période entre la date antérieure à laquelle il veut que sa demande soit considérée et la date à laquelle il présente sa demandeNote de bas de page 15.

[21] Un motif valable est une raison acceptable selon la Loi pour expliquer le retard. La présentation d’un motif valable signifie qu’une demande de prestations peut être traitée comme ayant été présentée plus tôt.

[22] La Cour d’appel fédérale (la Cour) a établi qu’un prestataire qui ne présente pas sa demande dans les délais prévus doit démontrer qu’il avait un motif valable pour justifier son retard à le faire et qu’il a agi comme une personne raisonnablement prudente l’aurait fait dans la même situationNote de bas de page 16.

[23] Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[24] Selon la Cour, avoir un motif valable, c’est avoir agi comme l’aurait fait une « personne raisonnable », soucieuse de s’enquérir de ses droits et de ses obligations, en vertu de la LoiNote de bas de page 17.

[25] Le prestataire doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations et quelles obligations la Loi lui imposaitNote de bas de page 18. Cela signifie que le prestataire doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible. Si le prestataire ne l’a pas fait, il doit alors démontrer que des circonstances exceptionnelles l’ont empêché de le faireNote de bas de page 19.

Est-ce que l’appelante avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande renouvelée de prestations et pouvant ainsi faire en sorte qu’ellesoit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt?

[26] J’estime que les raisons invoquées par l’appelante de ne pas avoir présenté sa demande renouvelée de prestations dans le délai prévu ne constituent pas un motif valable pouvant justifier un tel retard, au sens de la Loi.

[27] Dans le présent dossier, la preuve indique que le 5 juillet 2021, l’appelante a demandé à la Commission que sa demande de prestations soit traitée à compter du 19 mai 2021, après avoir cessé de travailler le 18 mai 2021Note de bas de page 20.

[28] L’appelante fait valoir qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations. Ses déclarations indiquent les éléments suivants :

  1. a) Elle n’a pas présenté sa demande de prestations dans le délai prévu parce qu’elle ne pensait pas qu’elle aurait besoin de prestations avant de commencer son nouvel emploiNote de bas de page 21 ;
  2. b) Elle a cessé de travailler le 18 mai 2021 et a accepté une offre d’emploi d’un autre employeur, le 20 mai 2021. Elle a signé un contrat avec ce nouvel employeur, le 26 mai 2021, et a commencé à travailler pour lui le 21 juin 2021Note de bas de page 22 ;
  3. c) La période écoulée entre l’emploi qu’elle a occupé jusqu’au 18 mai 2021 et celui qu’elle a commencé le 21 juin 2021 n’était pas censée être aussi longue. Elle devait commencer à travailler pour son nouvel employeur avant le 21 juin 2021. Elle n’avait pas réalisé qu’elle pouvait présenter une demande de prestations durant cette périodeNote de bas de page 23 ;
  4. d) Son retard à demander des prestations s’explique aussi par le fait qu’elle était plus préoccupée par les tâches à accomplir en vue d’occuper ce nouvel emploi (ex. : remplir des documents) que de demander des prestations. Elle n’a pas pensé à présenter sa demandeNote de bas de page 24 ;
  5. e) Après avoir constaté qu’elle allait être plus longtemps que prévu sans recevoir de salaire de son nouvel employeur, elle a présenté une demande de prestations le 2 juillet 2021Note de bas de page 25 ;
  6. f) Dans sa déclaration du 3 janvier 2023 à la Commission, l’appelante indique ne pas se souvenir d’avoir tenté de remplir ses déclarations du prestataire les 9 et 29 juin 2021, ainsi que le 2 juillet 2021, avant de présenter sa demande renouvelée de prestationsNote de bas de page 26 ;
  7. g) Dans son avis d’appel, l’appelante indique que vers le mois de juin 2021, elle a essayé de se connecter au système de déclarations de la Commission pour remplir ses déclarations du prestataire. Elle se demande pourquoi elle n’a pas continué de le faire et dit ne pas se souvenir de cela exactementNote de bas de page 27 ;
  8. h) Un de ses amis lui a dit qu’elle pourrait avoir le droit de recevoir des prestations durant la période au cours de laquelle elle n’a pas travailléNote de bas de page 28 ;
  9. i) L’appelante dit ne pas avoir beaucoup de connaissances concernant l’assurance-emploi et ne pas avoir été habituée à se fier sur ce type de programmes pour subvenir à ses besoins. Elle n’a pas pensé à communiquer avec la Commission pour avoir plus de renseignementsNote de bas de page 29 ;
  10. j) Elle explique qu’elle ne croyait pas que demander des prestations en retard pouvait poser un problème pour en recevoir. Les gens ne « maîtrisent pas toutes les lois par cœur »Note de bas de page 30 ;
  11. k) Le 1er août 2021, une représentante de la Commission avec laquelle elle a parlé lui a fait des reproches concernant l’emploi qu’elle avait cessé d’occuper en mai 2021. L’appelante lui avait lors demandé s’il était possible de la rappeler puisqu’elle n’avait pas tous les renseignements demandés lors de cet appel. La Commission n’a pas communiqué avec elle par la suite et une décision a été prise à son endroit sans qu’elle n’ait pu s’exprimer clairementNote de bas de page 31.

[29] La Commission fait valoir les éléments suivants :

  1. a) Il y avait lieu de renouveler la demande de prestations de l’appelante au 20 juin 2021 et de refuser sa demande d’antidate au 19 mai 2021Note de bas de page 32 ;
  2. b) L’appelante n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation pour s’enquérir de ses droits et obligations en vertu de la LoiNote de bas de page 33 ;
  3. c) L’appelante ne s’est pas renseignée de ses droits et obligations entre le 19 mai 2021 et le 2 juillet 2021. Elle s’est informée auprès de la Commission le 2 juillet 2021, lorsqu’elle a présenté sa demande de prestations, et le 5 juillet 2021, lorsqu’elle a présenté sa demande d'antidateNote de bas de page 34 ;
  4. d) Bien que l’appelante ait été occupée, qu’elle ne comptait pas sur l’assurance-emploi et qu’elle avait peu de connaissance à ce sujet, son devoir était de présenter sa demande de prestations dans le délai prescrit, ou de s’informer auprès de la Commission du délai pour le faireNote de bas de page 35 ;
  5. e) Elle a fait le choix personnel de tarder à s’occuper de son dossier, sans motif valableNote de bas de page 36 ;
  6. f) Elle a agi de manière insouciante en tardant à présenter sa demande renouvelée de prestationsNote de bas de page 37 ;
  7. g) L’appelante n’a pas démontré que des conditions médicales ou personnelles insurmontables l’ont empêchée de présenter une demande de prestations ou de s’informer de ses droits et obligations dès sa fin d’emploi en mai 2021Note de bas de page 38 ;
  8. h) Les problèmes de communication avec la Commission et les oublis qui lui sont reprochés par l’appelante, de même que les malentendus possibles auxquels celle-ci réfère dans son avis d’appel sont survenus après le 2 juillet 2021, soit après la présentation de sa demande de prestations. Ces éléments n’ont aucune incidence rétroactive sur la période de délai de la demande d’antidate de l’appelante, du 19 mai 2021 au 1er juillet 2021, pendant laquelle celle-ci n’a pas communiqué avec la CommissionNote de bas de page 39.

[30] Dans le présent dossier, je considère que malgré les raisons que l’appelante fait valoir, elle ne démontre pas qu’elle avait un motif valable d’avoir tardé à présenter sa demande renouvelée de prestations ou de se renseigner auprès de la Commission à ce sujet.

[31] La Cour a établi le principe que les prestataires ont le devoir de se renseigner sur leurs droits et obligations et sur les mesures à prendre pour protéger une demande de prestationsNote de bas de page 40.

[32] Je considère que l’appelante n’a pas effectué de démarches en ce sens auprès de la Commission à l’intérieur du délai qui lui a été alloué pour le faire.

[33] Après avoir cessé de travailler le 18 mai 2021, ce n’est que le 5 juillet 2022 qu’elle a demandé une antidate à la Commission pour que sa demande de prestations soit traitée à compter du 19 mai 2021Note de bas de page 41.

[34] Je considère que le fait que l’appelante ne croyait pas qu’elle aurait besoin de recevoir des prestations entre le moment où elle a cessé de travailler, le 18 mai 2021, et le moment où elle a commencé un nouvel emploi, le 21 juin 2021, ne représente pas un motif valable au sens de la Loi pouvant justifier son retard à présenter sa demande de prestations ou à se renseigner auprès de la Commission.

[35] Le fait que l’appelante était plus préoccupée par les tâches qu’elle devait effectuer pour occuper son nouvel emploi (ex. : remplir des documents) que de demander des prestations, et qu’elle n’avait donc pas pensé ou n’avait pas réalisé qu’elle pouvait en demander ne représente pas non plus un motif valable pouvant justifier sa demande d’antidate.

[36] Bien que l’appelante fasse valoir qu’elle n’a pas beaucoup de connaissances au sujet de l’assurance-emploi, la Cour nous informe que la bonne foi et l’ignorance de la Loi ne constituent pas en elles-mêmes un motif valable pour justifier le retard à présenter une demande de prestationsNote de bas de page 42.

[37] Je suis d’avis qu’une personne raisonnable, au sens de la Loi, aurait présenté sans tarder sa demande de prestations et aurait rempli sans tarder ses déclarations du prestataire ou se serait renseignée auprès de la Commission sur son droit de recevoir des prestations.

[38] Je souligne que le Règlement prévoit un délai de trois semaines pour présenter une demandeNote de bas de page 43.

[39] Dans le cas d’une demande de renouvellement de prestations, le Règlement prévoit qu’un prestataire qui n’a pas demandé de prestations durant quatre semaines consécutives ou plus et qui en fait la demande par la suite doit le faire dans la semaine qui suit la semaine de chômageNote de bas de page 44.

[40] J’estime que rien ne démontre que l’appelante avait un empêchement pour présenter sa demande de prestations dans le délai prévu ou pour se renseigner auprès de la Commission à cet effet.

[41] Je considère que la situation de l’appelante n’était pas exceptionnelle et rien ne l’empêchait de prendre une telle initiative.

[42] Les explications de l’appelante de ne pas l’avoir fait dans le délai prévu ne peuvent le soustraire des exigences de la Loi.

[43] Je considère que l’appelante ne démontre pas que les problèmes de communication avec la Commission auxquels elle réfère dans son avis d’appel sont en lien avec sa demande d’antidate. Je souligne qu’elle réfère plutôt à une discussion avec une représentante de la Commission ayant eu lieu le 1er août 2021 et portant sur la fin de son emploi survenue en mai 2021Note de bas de page 45.

Conclusion

[44] Je conclus que l’appelante ne démontre pas qu’elle avait un motif valable pour justifier son retard à présenter sa demande renouvelée de prestations. Sa demande ne peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

[45] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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