Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1189

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (550 579) datée du 3 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Denis Bourgeois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 11 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 28 juin 2023
Numéro de dossier : GE-22-4044

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] L’appelant est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 24 janvier 2019 au 30 janvier 2019 et du 23 mars 2019 au 30 mars 2019. En effet, il était à l’étranger. Il ne répondait à aucune des exceptions prévues par le Règlement sur l’assurance-emploi concernant le fait d’être à l’étranger. Par conséquent, il ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi.

[3] Il a démontré qu’il était disponible pour travailler; il n’est donc pas inadmissible pour cette raison. Cependant, il ne peut pas toucher de prestations à cause de son inadmissibilité parce qu’il était à l’étranger.

Aperçu

[4] L’appelant a perdu son emploi le 30 juin 2018. Il a demandé des prestations régulières de l’assurance-emploi, dont le versement a commencé le 5 août 2018.

[5] Il s’est rendu à l’étranger en janvier 2019 et de nouveau en mars 2019.

[6] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelant était inadmissible au bénéfice des prestations régulières de l’assurance-emploi du 25 janvier 2019 au 29 janvier 2019 et du 25 mars 2019 au 29 mars 2019, parce qu’il était à l’étranger à ces dates.

[7] La Commission a également conclu que l’appelant n’était pas disponible pour travailler. Il faut être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue. Il faut donc que la partie prestataire soit à la recherche d’un emploi.

[8] La décision a entraîné un trop-payé de 1 094 $.

[9] La Commission affirme que l’appelant n’était pas disponible pour travailler.

[10] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il était prêt à travailler et disposé à le faire. Il dit qu’il communiquait avec des employeurs alors qu’il était à l’étranger.

Questions en litige

[11] L’appelant était-il admissible au bénéfice des prestations lorsqu’il était à l’étranger du 24 janvier 2019 au 30 janvier 2019 et du 23 mars 2019 au 30 mars 2019?

[12] L’appelant était-il disponible pour travailler?

Analyse

L’appelant était-il admissible au bénéfice des prestations lorsqu’il était à l’étranger?

[13] L’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations lorsqu’il était à l’étranger.

[14] Les prestations d’assurance-emploi ne sont pas payables aux parties prestataires qui sont à l’étrangerNote de bas de page 1, sauf dans les situations décrites dans le Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[15] C’est à l’appelant qu’il revient de prouver qu’il satisfait aux exigences de l’une ou de plusieurs des exceptions du Règlement sur l’assurance-emploi pour annuler l’interdiction générale de verser des prestations à des personnes qui sont à l’étrangerNote de bas de page 3.

[16] L’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi permet aux parties prestataires de recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elles sont à l’étranger si le voyage est effectué à l’une des fins particulières suivantes :

  • recevoir un traitement médical qui n’est pas promptement disponible au Canada;
  • assister aux funérailles d’un proche parent (sans dépasser sept jours);
  • accompagner un proche parent dans un hôpital pour un traitement médical qui n’est pas disponible au Canada (sans dépasser sept jours);
  • visiter un proche parent qui est gravement malade ou blessé (sans dépasser sept jours);
  • faire une recherche d’emploi sérieuse (sans dépasser 14 jours) ou assister à une véritable entrevue d’emploi (sans dépasser sept jours);

[17] La Commission affirme avoir obtenu des renseignements de l’Agence des services frontaliers du Canada. Les renseignements indiquaient que l’appelant avait voyagé à l’étranger du 24 janvier 2019 au 30 janvier 2019.

[18] À l’audience, l’appelant a expliqué qu’il s’est bel et bien rendu aux États-Unis pour rendre visite à un ami en phase terminale. Il ne s’est pas rendu compte que ce n’était pas permis. Il a dit que cela fait partie de la vie et qu’une personne ne met pas sa vie en suspens parce qu’elle reçoit des prestations d’assurance-emploi. Il croyait devoir lui rendre visite pour des raisons de compassion. Il a dit qu’il pense que cela devrait être permis.

[19] Il a expliqué qu’il avait tellement l’habitude de vérifier le formulaire qu’il n’a même pas pensé à son voyage. Il a simplement coché automatiquement « non » à la question qui lui demandait s’il se trouvait à l’extérieur du Canada.

[20] Il a dit que lorsqu’il a présenté sa demande de prestations, il l’a fait en personne dans un bureau de Service Canada avec l’aide d’une agente ou d’un agent. Il n’a pas lu tous les documents, notamment la partie où il est écrit qu’il faut signaler toute absence du Canada.

[21] Il a ajouté qu’il s’était également rendu en République dominicaine pour des vacances du 23 mars 2019 au 30 mars 2019Note de bas de page 4. Il a dit que c’est une chose que lui et ses proches font chaque année. Encore une fois, il a répondu « non » à la question qui lui demandait s’il avait été absent du Canada. Il a dit qu’il l’avait simplement rempli machinalement sans réfléchir.

[22] Je suis sensible à la situation de l’appelant, surtout au sujet de son ami en phase terminale. Toutefois, je conclus que les raisons pour lesquelles il s’est trouvé à l’étranger ne relèvent d’aucune des exceptions énumérées à l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi (voir le paragraphe 15 ci-dessus). Son ami était un ancien partenaire d’affaires. Il ne faisait pas partie de sa famille immédiate.

[23] L’appelant pense que rendre visite à un ami intime devrait faire partie des exceptions énumérées. Malheureusement, je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire d’ajouter cette situation aux exceptions énumérées et je ne peux pas interpréter la loi d’une façon qui soit contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 5.

[24] L’appelant a souligné qu’il n’a pas sciemment fait de fausses déclarations. Il a dit qu’il s’agissait d’erreurs de bonne foi qu’il a commises en remplissant ses déclarations.

[25] Je conclus qu’il n’était pas admissible au bénéfice des prestations pendant le temps qu’il a passé à l’étranger.

L’appelant était-il disponible pour travailler?

[26] Même si j’ai déjà établi que l’appelant était inadmissible parce qu’il était à l’étranger, je vais examiner sa disponibilité, car cet élément faisait également partie de l’appel.

[27] Deux articles de loi différents exigent que la partie prestataire démontre qu’elle était disponible pour travailler. La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible selon ces deux articles. Ce dernier doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[28] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 6. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 7 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[29] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la partie prestataire personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 8. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 9. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[30] La Commission a établi que l’appelant était inadmissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[31] Je vais maintenant examiner moi-même ces deux articles pour établir si l’appelant était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[32] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de l’appelant étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 10. Je dois vérifier si ses démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, l’appelant doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[33] Je dois aussi évaluer les démarches que l’appelant a faites pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 11 :

  • Faire du réseautage;
  • S’inscrire à des outils de recherche d’emploi ou à des banques d’emplois ou agences de placement en ligne;
  • Communiquer avec des employeurs éventuels.

[34] La Commission affirme que l’appelant n’en a pas fait assez pour essayer de trouver un emploi.

[35] L’appelant n’est pas d’accord. Il a dit qu’il était en communication avec des employeurs éventuels. Il a affirmé qu’il avait son téléphone et son ordinateur. Il a dit qu’il était en communication avec des employeurs éventuels. Il a expliqué qu’il était prêt à revenir au Canada si une possibilité d’emploi se présentait. Il a dit qu’il l’avait fait dans le passé. Une fois, alors qu’il était en vacances à New York, on lui a offert une affectation. Il a dit qu’il avait immédiatement pris un avion et qu’il s’était rendu à Vancouver. Il a dit qu’il aurait fait la même chose si une telle occasion s’était présentée.

[36] À l’audience, il a dit qu’il s’était inscrit à des sites Web d’emplois comme celui qui affiche les emplois de Nouvelle-Écosse et qu’il faisait partie d’un groupe permettant à des personnes retraitées de recevoir des alertes d’emplois.

[37] L’appelant a dit qu’il était en communication avec des employeurs éventuels. Il a dit que deux employeurs en particulier, X et X, auraient pu lui envoyer du travail à tout moment. Il a expliqué qu’en fin de compte, ils n’ont pas eu de travail pour lui pendant qu’il était à l’étranger. Il a déclaré que depuis le début de la pandémie, le travail en matière d’insolvabilité avait ralenti en raison de l’aide financière des gouvernements. Il a travaillé avec ces entreprises dans le passé.

[38] Il a dit qu’il travaillait et qu’il avait de nombreuses relations dans son domaine. Il a communiqué son intérêt pour que les gens sachent qu’il était disponible pour travailler.

[39] L’appelant affirme que ses démarches étaient suffisantes pour démontrer qu’il était disponible pour travailler.

[40] Je suis d’accord avec l’appelant. Je suis d’avis que ses démarches étaient suffisantes pour démontrer qu’il était disponible pour travailler.

[41] Les gens de son domaine savaient qu’il cherchait du travail. Il consultait des sites Web et recevait des alertes d’offres d’emploi.

[42] La Commission n’a présenté aucune preuve pour expliquer pourquoi elle l’a déclaré inadmissible au titre de l’article 50 et des articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’assurance-emploi. Elle ne lui a pas demandé de fournir la preuve de sa recherche d’emploi ni d’expliquer comment il s’y prenait pour trouver un emploi.

[43] L’appelant a prouvé que les démarches qu’il faisait pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[44] La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour décider si l’appelant était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelant doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 12 :

  1. a) qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable était offert.
  2. b) qu’il a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) qu’il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner au travail.

[45] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelantNote de bas de page 13.

Vouloir retourner travailler

[46] L’appelant a démontré qu’il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[47] À l’audience, l’appelant a répété qu’il voulait travailler. Je trouve son témoignage crédible.

[48] Il a pris des mesures comme communiquer avec des employeurs et s’inscrire sur des sites Web. Il a emporté son téléphone cellulaire et son ordinateur avec lui pendant son absence. Cela montre qu’il voulait se trouver un emploi.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[49] L’appelant a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[50] Pour m’aider à tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné les activités de recherche d’emploi mentionnées ci-dessus. Ces activités me servent seulement de points de repère pour rendre une décision sur cet élémentNote de bas de page 14.

[51] Les démarches de l’appelant pour trouver un nouvel emploi comprenaient l’inscription à des outils de recherche d’emploi, la communication avec des employeurs éventuels et le réseautage. J’ai expliqué ces raisons ci-dessus lorsque j’ai examiné si l’appelant avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

[52] Ces efforts étaient suffisants pour répondre aux exigences de ce deuxième élément.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[53] L’appelant n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[54] J’estime qu’il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler. Comme je l’ai mentionné plus tôt, il était prêt à revenir au Canada immédiatement s’il se voyait offrir un emploi. Il a déjà démontré qu’il interromprait ses vacances pour aller travailler. Je n’ai aucune raison de croire qu’il ne le ferait pas de nouveau.

[55] La Commission n’a fourni aucun élément de preuve indiquant le contraire.

Alors, l’appelant était-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[56] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que l’appelant a démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[57] L’appelant a démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus que l’appelant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[58] Toutefois, il est inadmissible parce qu’il ne répondait à aucune des exceptions prévues par le Règlement sur l’assurance-emploi concernant le fait d’être à l’étranger. Par conséquent, il ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi.

[59] Cela signifie que l’appel est accueilli en partie.

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