Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1148

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante (prestataire) : M. B.
Partie défenderesse (Commission) : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie mise en cause :  

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (495564) datée du 22 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gerry McCarthy
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 25 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 31 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3080

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Décision

Question no 1 (inconduite)

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu et a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension et la perte de son emploi). Par conséquent, le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 22 novembre 2021 au 30 décembre 2021 et exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 26 décembre 2021.Note de bas de page 1

Question no 2 (disponibilité pour travailler)

[3] L’appel est accueilli sur ce point seulement.

[4] Le prestataire a démontré qu’il était disponible pour travailler à compter du 22 novembre 2021.

Aperçu

Question no 1

[5] Le prestataire travaillait comme opérateur de véhicule de transport en commun pour la « Toronto Transit Commission ». Il a été placé en congé sans solde à compter du 21 novembre 2021. Il a ensuite été congédié de son emploi le 31 décembre 2021. L’employeur a déclaré que le prestataire avait été mis en congé sans solde, puis congédié, parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccination.

[6] La Commission a accepté la raison de l’employeur pour avoir mis le prestataire en congé sans solde et l’avoir congédié. Elle a décidé que le prestataire avait été suspendu et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé qu’il était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 22 novembre 2021 au 30 décembre 2021 et qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à partir du 26 décembre 2021.

[7] La Commission affirme que la conduite du prestataire était délibérée et qu’il savait que sa conduite pouvait entraîner de graves conséquences disciplinaires.

[8] Le prestataire affirme que ses gestes ne constituaient pas de l’inconduite. Il ajoute que la politique de vaccination de l’employeur a enfreint sa convention collective et qu’il n’y avait pas de consentement éclairé.

Question no 2

[9] La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations à compter du 22 novembre 2021, parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Une partie prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie qu’une partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[10] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[11] La Commission affirme que le prestataire n’était pas disponible pour travailler, parce qu’il n’a pas approfondi ses recherches d’emploi et ne s’est pas montré disposé à accepter des types d’emploi moins favorables.

[12] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’il cherchait différents types de travail du début de janvier 2022 à mars 2022. Il ajoute qu’il a commencé à effectuer des travaux de peinture et de rénovation au début de mars 2022.

Questions que je dois examiner en premier

Documents présentés après l’audience

[13] Le prestataire a déposé des documents supplémentaires qui ont été reçus après l’audience. J’ai accepté ces documents, qui figurent dans le dossier d’appel (GD14-1 à GD14-11).

L’observateur n’a pas assisté à l’audience

[14] L’agent du greffe m’a informé qu’un observateur assisterait à l’audience. J’ai attendu l’heure prévue pour le début de l’audience et l’observateur ne s’est pas présenté. Nous avons donc procédé à l’audience sans l’observateur.

Question no 1

[15] Le prestataire a-t-il été suspendu et congédié en raison d’une inconduite?

Analyse

[16] Pour décider si le prestataire a été suspendu et a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a été suspendu et a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu et congédié?

[17] Je conclus que le prestataire a été suspendu et a perdu son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur.

[18] La Commission affirme que la raison fournie par l’employeur est la raison de la suspension et du congédiement du prestataire. L’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait été mis en congé sans solde, puis congédié parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccination.

[19] Le prestataire ne conteste pas le fait qu’il a été mis en congé sans solde, puis congédié parce qu’il n’a pas respecté la politique de l’employeur. Toutefois, le prestataire affirme que ses gestes ne constituaient pas de l’inconduite.

[20] Je conclus que le prestataire a été suspendu et congédié parce qu’il n’a pas respecté la politique.

La raison de la suspension et du congédiement du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[21] La raison de la suspension et du congédiement du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[22] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 2 L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 3 Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.Note de bas de page 4

[23] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu et congédié pour cette raison.Note de bas de page 5

[24] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu et a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu et a perdu son emploi en raison d’une inconduite.Note de bas de page 6

[25] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire savait que sa conduite pouvait entraîner de graves conséquences disciplinaires.

[26] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il a la liberté de choisir de ne pas se faire vacciner.

[27] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, car elle a démontré que le prestataire savait que le fait de ne pas se faire vacciner allait à l’encontre de la politique de vaccination de l’employeur (GD3B-31). De plus, la Commission a fourni une copie de la politique de vaccination de l’employeur qui précisait que les employés qui n’étaient toujours pas vaccinés au plus tard le 31 décembre 2021 seraient congédiés pour un motif valable (GD3A-48 et GD3A-49). Je comprends que le prestataire a soutenu qu’il avait le droit de refuser la vaccination et que ses actions n’équivalaient pas à une inconduite. Toutefois, je dois appliquer le critère juridique relatif à l’inconduite établi par la jurisprudence (mentionnée ci-dessus). Autrement dit, je ne peux pas ignorer la loi, même dans les cas les plus sympathiques.Note de bas de page 7

Témoignage et observations supplémentaires du prestataire

[28] Je comprends que le prestataire a soutenu que la politique de l’employeur contrevenait à sa convention collective et manquait de consentement éclairé. Néanmoins, la question de savoir si la politique de l’employeur était équitable ou raisonnable ne relevait pas de ma compétence. Le prestataire avait d’autres moyens de présenter ces arguments.Note de bas de page 8  

[29] Je reconnais également que le prestataire a soutenu que le vaccin contre la COVID-19 n’était pas efficace et qu’il causait de nombreux problèmes. Cependant, il ne relève pas de ma compétence de me prononcer sur l’efficacité du vaccin contre la COVID-19.Note de bas de page 9 Bref, la seule question que je devais trancher était celle de savoir si le prestataire avait été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite.

[30] Je reconnais que le prestataire a ajouté que l’employeur avait rejeté sa demande d’exemption pour motifs religieux. Je reconnais que le prestataire était frustré et contrarié par l’employeur. Néanmoins, la question de savoir si la politique était juste ou raisonnable ne relevait pas de ma compétence.Note de bas de page 10

[31] Enfin, le prestataire a fourni des documents montrant que l’employeur l’avait réintégré. Toutefois, la seule question dont je suis saisi est celle de savoir si le prestataire a été suspendu de son emploi le 21 novembre 2021, puis congédié le 31 décembre 2021 en raison d’une inconduite. 

Donc, le prestataire a-t-il été suspendu et congédié en raison d’une inconduite?

[32] À la lumière de mes conclusions ci-dessus, je conclus que le prestataire a été suspendu et congédié en raison d’une inconduite.

Conclusion

Question no 1

[33] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu et a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire était inadmissible et exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[34] Par conséquent, l’appel est rejeté.

Question no 2

[35] Le prestataire était-il disponible pour travailler?

Analyse

[36] Deux articles de loi différents exigent que les prestataires démontrent qu’ils étaient disponibles pour travailler. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible aux termes de ces deux articles. Il doit remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[37] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenable.Note de bas de page 11 Le Règlement sur l’assurance-emploi énonce des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnables ».Note de bas de page 12 Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[38] Deuxièmement, la Loi prévoit qu’une personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenable.Note de bas de page 13 La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle était « disponible » en ce sens.Note de bas de page 14 Je vais examiner ces facteurs ci-dessous.

[39] La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[40] Je vais maintenant examiner moi-même ces deux articles pour décider si le prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[41] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches du prestataire étaient habituelles et raisonnables.Note de bas de page 15 Je dois vérifier si ses démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, le prestataire doit avoir continué à essayer de trouver un emploi convenable.

[42] Je dois aussi tenir compte des démarches que le prestataire a faites pour se trouver un emploi. Le Règlement dresse la liste des neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. Voici quelques exemples de ces activitésNote de bas de page 16 :

  • évaluation des possibilités d’emploi;
  • inscription à des outils de recherche d’emploi ou à des banques d’emplois ou agences de placement en ligne;
  • communication avec des employeurs éventuels.

[43] La Commission affirme que le prestataire n’a pas fait assez d’efforts pour trouver un emploi. Plus précisément, la Commission affirme qu’il n’a pas voulu faire plus de recherches d’emploi ni accepter des types d’emploi moins favorables.

[44] Le prestataire n’est pas d’accord. Le prestataire a déclaré qu’il évaluait les possibilités d’emploi dans divers domaines et qu’il communiquait avec des employeurs potentiels. Il affirme que ses démarches ont suffisamment prouvé qu’il était disponible pour travailler.

[45] Je juge que le prestataire a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi, car il a communiqué avec de nombreux employeurs au sujet de son travail (y compris « Uber ») et a fini par effectuer des travaux de peinture et de rénovation au début de mars 2022. Je comprends que la Commission a fait valoir que le prestataire n’a pas voulu faire plus de recherches d’emploi ni accepter des types d’emploi moins favorables. Toutefois, le prestataire a examiné divers types d’emplois et a commencé à effectuer des travaux de peinture et de rénovation en mars 2022. 

[46] En somme, le prestataire a prouvé que ses démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[47] La jurisprudence établit trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si le prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. Le prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 17 : 

  1. a) Il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. b) Il a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire trop) ses chances de retourner travailler.

[48] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois examiner l’attitude et la conduite du prestataire.Note de bas de page 18

Vouloir retourner travailler

[49] Le prestataire a démontré qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert. Je tire cette conclusion parce que le prestataire a déclaré avoir communiqué avec de nombreux employeurs au sujet d’emplois potentiels à compter du début de janvier 2022. De plus, le prestataire a déclaré qu’il a commencé à effectuer des travaux de peinture et de rénovation au début de mars 2022.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[50] Le prestataire a fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[51] J’ai tenu compte de la liste d’activités de recherche d’emploi présentée ci-dessus pour décider de ce deuxième élément. Pour cet élément-ci, cette liste est fournie à titre indicatif seulement.Note de bas de page 19

[52] Parmi les démarches que le prestataire a faites pour trouver un nouvel emploi, mentionnons l’évaluation des possibilités d’emploi en ligne, la communication avec les employeurs et la présentation de demandes d’emploi. J’ai expliqué ces raisons ci-dessus lorsque j’ai examiné si le prestataire avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

[53] Ces démarches étaient suffisantes pour répondre aux exigences de ce deuxième élément, parce que le prestataire a communiqué avec de nombreux employeurs (y compris « Uber ») au sujet d’un emploi potentiel.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[54] Le prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[55] Le prestataire affirme qu’il ne l’a pas fait parce qu’il a postulé à divers emplois et qu’il a fini par effectuer des travaux de peinture et de rénovation au début de mars 2022.

[57] La Commission affirme que le prestataire n’a pas voulu faire plus de recherches d’emploi ni accepter des types d’emploi moins favorables.

[58] Je conclus que le prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler. Je tire cette conclusion parce que le prestataire a examiné des emplois potentiels dans divers domaines. Je reconnais que la Commission a soutenu que le prestataire était moins disposé à chercher et à accepter des types de travail moins favorables. Toutefois, le prestataire a démontré qu’il n’a pas limité indûment ses chances de retourner travailler parce qu’il a postulé auprès de divers employeurs (y compris « Uber ») et qu’il a commencé à effectuer des travaux de peinture et de rénovation au début de mars 2022.

Donc, le prestataire était-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[59] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que le prestataire a démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

Question no 2

[60] Le prestataire a démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi.

[61] Cela signifie que l’appel est accueilli sur la deuxième question seulement.

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