Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1147

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : M. B.
Représentant : Philip Cornish
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant : Daniel McRoberts
Représentante : Toronto Transit Commission

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 31 janvier 2023 (GE-22-3080)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 27 juillet 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 22 août 2023
Numéro de dossier : AD-23-221

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit. Ayant examiné la preuve, je suis convaincu que le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] Le prestataire, M. B., travaille comme opérateur de véhicule de transport en commun pour la « Toronto Transit Commission » (TTC). Le 21 novembre 2021, la TTC l’a placé en congé involontaire après qu’il a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi parce que le refus de respecter la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu que le prestataire avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement une perte d’emploi.

[4] Le prestataire a demandé à la division d’appel la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il a soutenu qu’il n’était pas coupable d’inconduite et a soutenu que la division générale avait commis les erreurs suivantes :

  • Elle n’a pas examiné si la politique de vaccination était une condition d’emploi implicite ou expresse, comme l’exigeait une décision de la Cour d’appel fédérale appelée LemireNote de bas de page 1.
  • Elle n’a pas tenu compte de la preuve montrant que la TTC a par la suite rejeté son allégation d’inconduite et rétabli le prestataire.
  • Elle a ignoré les renseignements suivants :
    • la politique de vaccination de la TTC ne prévoyait pas expressément de pénalité;
    • la TTC ne l’a pas avisé comme il se doit qu’il pourrait perdre son emploi s’il ne respectait pas la politique.
  • Elle n’a pas tenu compte d’une affaire de la division générale appelée A.L., même si elle portait sur une situation de fait semblable à la sienneNote de bas de page 2.
  • Elle a fondé ses conclusions sur des dossiers de l’employeur qui n’ont pas été soumis à un contre-interrogatoire.

[5] En mai, j’ai accordé au prestataire la permission de faire appel parce que je croyais qu’il avait un argument défendable concernant au moins une question. Le mois dernier, j’ai tenu une audience pour discuter en détail de ses allégations.

Question en litige

[6] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie prestataire doit démontrer que la division générale a fait l’une des choses suivantes :

  • elle a agi de façon injuste;
  • a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.Note de bas de page 3

[7] Mon travail consiste à décider si l’une ou l’autre des allégations du prestataire correspond aux moyens d’appel autorisés et, dans l’affirmative, si elle est fondée.

Analyse

[8] Je suis convaincu que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte d’un aspect clé du critère d’inconduite. Comme il faut annuler la décision de la division générale pour cette seule raison, je ne vois pas la nécessité d’examiner les autres allégations du prestataire.

On entend par inconduite toute action intentionnelle et susceptible d’entraîner vraisemblablement la perte d’un emploi

[9] Il est important de garder à l’esprit que le terme « inconduite » a un sens précis aux fins de l’assurance-emploi qui ne correspond pas nécessairement à l’usage quotidien du mot. Un employé peut être exclu du bénéfice de l’assurance-emploi en raison d’une inconduite, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il a fait quelque chose de [traduction] « mal » ou de « mauvais ». La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’un prestataire « est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite… »Note de bas de page 4 L’inconduite n’est pas définie par la Loi sur l’assurance-emploi, mais le terme a été interprété par les tribunaux.

[10] La Cour d’appel fédérale a conclu que pour être considérée comme une inconduite, la conduite d’un employé doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 5 L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Il y a inconduite si une partie prestataire peut raisonnablement prévoir que sa conduite l’empêchera de remplir ses fonctions et qu’il y a une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raison.

La prévisibilité implique l’existence d’un lien de causalité entre l’inconduite présumée du prestataire et sa capacité à accomplir ses tâches professionnelles

[11] La division générale a conclu que le prestataire était coupable d’inconduite pour les raisons suivantes : i) il a intentionnellement refusé de se faire vacciner, et ii) il savait ou aurait dû savoir que son refus entraînerait des mesures disciplinaires.Note de bas de page 6

[12] Toutefois, le prestataire fait référence à l’arrêt Lemire, lequel exige que les décideurs s’assurent que l’inconduite présumée d’un employé a une incidence réelle sur son emploi :

Pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et son emploi; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail [c’est moi qui souligne].Note de bas de page 7

[13] Ce passage nous indique que toute inconduite présumée doit établir un lien pertinent avec la capacité d’une partie prestataire d’accomplir ses tâches d’emploi. Autrement dit, l’« inconduite » d’un employé ne peut pas simplement correspondre à tout ce qu’un employeur considère comme un comportement inacceptable. Je souligne que Lemire exige que le lien de causalité soit établi entre l’inconduite de l’employé et son emploi. Elle ne précise pas que le lien de causalité doit être établi entre l’inconduite et le congédiement.

[14] Si l’on s’attend à ce que les prestataires prévoient que leur conduite entraînera vraisemblablement une suspension ou un congédiement, ils devraient avoir la chance de comprendre – comme toute personne raisonnable – pourquoi c’est le cas. En décider autrement reviendrait à soumettre les employés à la merci d’employeurs qui pourraient être tentés de les congédier pour des raisons arbitraires qui n’ont rien à voir avec les conditions essentielles de leur emploi.

[15] En l’espèce, la division générale a conclu que la conduite du prestataire était intentionnelle et qu’elle entraînerait vraisemblablement une suspension ou un congédiement. Toutefois, la division générale n’a pas expliqué pourquoi elle croyait qu’il y avait un lien de causalité entre le refus du prestataire de se faire vacciner et sa capacité à effectuer son travail : [traduction] « Je comprends que le prestataire a soutenu qu’il avait le droit de refuser la vaccination et que ses actions n’équivalaient pas à une inconduite. Toutefois, je dois appliquer le critère juridique relatif à l’inconduite établi par la jurisprudence. »Note de bas de page 8

[16] Cependant, il ne suffisait pas de conclure que le simple fait que le prestataire n’a pas respecté la politique a entraîné son congédiement. La division générale devait aller plus loin. Elle devait également s’assurer que le non-respect des conditions par le prestataire le rendrait incapable de remplir ses conditions d’emploi.

[17] La division générale n’a pas abordé cette question. Elle n’a pas demandé comment le refus du prestataire de se faire vacciner nuisait à sa capacité d’accomplir son travail. Elle n’a pas établi de lien rationnel entre son inconduite présumée et son emploi. C’était une erreur de droit.

Réparation

Il y a deux façons de corriger l’erreur de la division générale

[18] Lorsque la division générale fait une erreur, la division d’appel peut la corriger de l’une des deux façons suivantes : i) elle peut renvoyer l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience, ou ii) elle peut rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.Note de bas de page 9

[19] Lorsqu’il mène ses procédures, le Tribunal doit trouver un équilibre entre la simplicité, l’équité et la rapidité.Note de bas de page 10 De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la personne qui rend la décision doit tenir compte du temps écoulé pour régler la demande de prestations. Près de deux ans se sont écoulés depuis que le prestataire a présenté sa demande d’assurance-emploi. Un renvoi à la division générale retarderait inutilement la résolution de l’affaire.

Le dossier est assez complet pour trancher la présente affaire sur le fond

[20] Je suis convaincu que le dossier dont je dispose est complet. Le prestataire a déposé un grand nombre d’éléments de preuve écrits au Tribunal (y compris sa convention collective), la politique de vaccination de son employeur, ainsi que des lettres et des courriels qui documentent les circonstances qui ont mené à son congédiement. J’ai également eu accès à l’enregistrement de l’audience de la division générale, au cours de laquelle le prestataire a discuté de son emploi, de ce qu’il savait de la politique et du moment où il l’a appris. Je doute que la preuve du prestataire serait sensiblement différente si cette affaire était instruite de nouveau.

[21] Je suis donc en mesure d’évaluer la preuve dont disposait la division générale et de rendre la décision qu’elle aurait dû rendre. Je suis d’avis que même si la division générale avait bien suivi la loi, elle aurait abouti au même résultat. Ayant examiné le dossier moi-même, je suis convaincu que le refus du prestataire de se faire vacciner constituait une inconduite.

Le refus du prestataire de se faire vacciner était une inconduite

[22] Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’inconduite, le Tribunal ne peut pas examiner le bien-fondé d’un différend entre un employé et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste au prestataire, mais les tribunaux l’ont adoptée à maintes reprises, et je suis obligé de la suivre.

L’inconduite comporte quatre éléments essentiels

[23] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Comme je l’ai mentionné, la Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’on entend par inconduite, mais les tribunaux ont établi ce qui constitue essentiellement un critère en quatre parties. Pour qu’il y ait inconduite, ce qui suit doit avoir eu lieu :

  • L’employeur doit avoir une politique.
  • L’employé doit être au courant de la politique.
  • L’employé doit délibérément refuser de se conformer à la politique.
  • L’employé doit être en mesure de prévoir que le refus de se conformer à la politique entraînerait une perte d’emploi.

[24] Comme nous l’avons vu, l’élément de prévisibilité exige un lien de causalité entre l’inconduite et l’emploi. Un employé doit être en mesure de voir comment le non-respect de la politique de son employeur nuirait à sa capacité de faire son travail.

La preuve démontre que le prestataire a commis une inconduite

[25] La preuve dans la présente affaire a établi les faits suivants :

  • Le 1er septembre 2021, la TTC a émis une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.Note de bas de page 11
  • La politique exigeait que tous les employés confirment leur statut vaccinal au plus tard le 20 septembre 2021.Note de bas de page 12
  • Les employés qui n’avaient pas été vaccinés à cette date avaient jusqu’au 30 septembre 2021 pour recevoir une première dose et jusqu’au 30 octobre 2021 pour en recevoir une deuxième.Note de bas de page 13
  • La politique précisait explicitement que la conformité était une condition d’emploi.Note de bas de page 14
  • La TTC a communiqué la politique à tous ses employés par courriel, suivi de notes décrivant les attentes et les conséquences prévues par la politique, dont la possibilité de perte d’emploi.Note de bas de page 15
  • La TTC a rejeté la demande d’exemption religieuse du prestataire.Note de bas de page 16
  • Le 21 novembre 2021, la TTC a mis le prestataire en congé sans solde parce qu’il n’a pas confirmé qu’il était entièrement vacciné.Note de bas de page 17

[26] Compte tenu de la preuve ci-dessus, je suis convaincu que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il était au courant de la politique de son employeur et des mesures disciplinaires qu’il pouvait subir s’il ne la respectait pas. On lui a rappelé à de nombreuses reprises qu’il devait se conformer à la politique. Il a intentionnellement enfreint la politique en refusant de se faire vacciner dans les délais imposés par son employeur. Il savait ou aurait dû savoir que ce refus pouvait entraîner une suspension.

[27] Ce résultat était prévisible parce que i) le prestataire a été explicitement informé qu’il serait suspendu s’il ne respectait pas la politique, et ii) son employeur a clairement indiqué que le fait de ne pas se faire vacciner nuirait à sa capacité d’accomplir ses tâches professionnelles. Voici ce qu’indique le préambule de la politique de la TTC :

[traduction]
Étant donné la propagation continue de la COVID-19, y compris la variante delta en Ontario, il est important que les employés de la TTC soient entièrement vaccinés. D’autres variantes pourraient aussi voir le jour. Les données concluantes démontrent une incidence plus élevée de la COVID-19 parmi la population non vaccinée. D’ailleurs, le niveau de contact entre les individus a augmenté depuis que les entreprises, les services et les activités ont rouvert. Il est important que les employés de la TTC soient entièrement vaccinés afin de se protéger contre les maladies graves causées par la COVID-19 et d’offrir une protection indirecte aux autres, y compris les collègues et les clients.Note de bas de page 18

[28] Les circonstances décrites ci-dessus ont établi un lien de causalité, comme l’exige Lemire, entre l’inconduite présumée du prestataire et sa perte d’emploi. Le prestataire a peut-être cru que son refus de suivre la politique de son employeur ne nuirait pas à son rendement au travail, mais du point de vue de l’assurance-emploi, ce n’était pas à lui de prendre cette décision.

La conduite de l’employeur n’est pas pertinente

[29] Le prestataire a toujours insisté sur le fait qu’il n’a rien fait de mal en refusant de se faire vacciner. Il a accusé la TTC d’avoir tenté d’imposer une nouvelle condition d’emploi sans son consentement. Il a soutenu que le TTC a agi injustement en lui faisant choisir entre son emploi et ce qu’il considérait comme son droit de refuser un traitement médical non testé et potentiellement dangereux.

[30] Malheureusement pour le prestataire, aucun de ces arguments ne peut être retenu. Comme nous l’avons vu, la loi a évolué et exclut maintenant toute considération de la conduite d’un employeur lorsqu’on établit, met en œuvre et applique les politiques en milieu de travail. Dans la présente affaire, la TTC avait une politique, et le prestataire a délibérément refusé de la suivre, sachant que des conséquences s’ensuivraient. C’est tout ce qui importe.

[31] Je n’ai pas le pouvoir de décider si la politique de vaccination de la TTC était raisonnable ou équitable. Je n’ai pas non plus le pouvoir de décider si la politique a enfreint le contrat de travail ou la convention collective du prestataire. En effet, les différends entre un employé et un employeur relèvent du droit du travail et de l’emploi.

[32] Les employés subordonnent souvent volontairement leurs droits lorsqu’ils acceptent un emploi. Par exemple, un employé pourrait accepter de se soumettre régulièrement à des tests de drogues. Un employé peut sciemment renoncer à une partie de son droit à la liberté d’expression, comme son droit de critiquer publiquement son employeur. Pendant la durée de son emploi, l’employeur peut tenter d’imposer des politiques qui empiètent sur les droits de ses employés, mais ceux-ci sont libres de quitter leur emploi s’ils veulent exercer pleinement leurs droits.

[33] S’ils estiment qu’une nouvelle politique viole leur convention collective ou leurs droits de la personne, ils peuvent déposer un grief ou poursuivre leur employeur en justice. Toutefois, le processus de demandes d’assurance-emploi n’est pas le bon endroit pour régler de tels différends.

[34] La Cour fédérale a établi que, même si un employé a une plainte légitime contre son employeur, « il n’appartient pas aux contribuables canadiens de faire les frais de la conduite fautive de l’employeur par le biais des prestations d’assurance-emploi ».Note de bas de page 19

Une affaire récente confirme l’interprétation de la loi par la division générale

[35] Une décision récente a confirmé cette approche à l’égard de l’inconduite dans le contexte précis de la vaccination obligatoire contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, Cecchetto portait sur le refus d’un prestataire de respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.Note de bas de page 20 La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à évaluer ces questions :

[traduction]
Malgré les arguments du demandeur, il n’y a aucun fondement pour infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur le vaccin contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.Note de bas de page 21

[36] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il y avait d’autres façons, dans le système juridique, par lesquelles le prestataire aurait pu faire valoir son congédiement injustifié ou ses revendications en matière de droits de la personne.

[37] Dans la présente affaire, comme dans l’affaire Cecchetto, les questions qui importent sont de savoir si le prestataire a enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si cette infraction était délibérée et si elle était susceptible d’entraîner son congédiement. Dans ce cas, il y a de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

La jurisprudence citée par le prestataire a peu, voire aucune, incidence sur sa cause

[38] Je vais conclure en commentant brièvement certaines des affaires sur lesquelles le prestataire s’est fié pour appuyer sa demande de prestations :

  • Le prestataire a cité une affaire appelée KVP, qui, selon lui, empêche un employeur d’imposer unilatéralement une règle ou une politique à moins que ce ne soit raisonnable, conforme à la convention collective et accepté par le syndicat.Note de bas de page 22 Comme ce critère juridique a été élaboré dans le contexte du droit du travail et de l’emploi, j’ai estimé qu’il n’était pas utile pour interpréter la Loi sur l’assurance-emploi.
  • Le prestataire a cité une affaire appelée A.L., qui a permis à une prestataire de toucher des prestations d’assurance-emploi, même si elle aussi avait été suspendue pour avoir refusé la vaccination contre la COVID-19. Comme cette affaire avait été tranchée par la division générale, je n’ai pas eu à la suivre. De toute façon, la division d’appel l’a récemment annulée.Note de bas de page 23
  • Le prestataire a cité une affaire appelée Astolfi, qui, selon lui, permet aux décideurs de tenir compte de la conduite d’un employeur lorsqu’ils examinent si une partie prestataire de l’assurance-emploi a sciemment enfreint les règles du milieu de travail.Note de bas de page 24 Cette affaire implique toutefois un ensemble particulier de faits qui limitent son application. En effet, dans l’affaire Astolfi, l’employeur ciblait un seul employé, mais dans le cas du prestataire, la politique de vaccination de la TTC s’appliquait à tout son personnel.
  • Le prestataire a cité une affaire appelée Boulton, qui dit qu’un règlement ultérieur entre l’employé et l’employeur peut réfuter la preuve d’inconduite.Note de bas de page 25 Toutefois, Boulton soutient également qu’un tel règlement doit contenir une indication claire que la conclusion antérieure d’inconduite était erronée. Dans la présente affaire, la TTC a réintégré le prestataire,Note de bas de page 26 et il soutient que le rétablissement a démontré qu’il n’était pas coupable d’inconduite. Toutefois, la TTC avait explicitement indiqué que l’offre de réintégration est acceptée [traduction] « sous toutes réserves du grief de principe en cours contestant la mise en œuvre de la vaccination obligatoire contre la COVID-19 [c’est moi qui souligne] ». À mon avis, cela ne satisfait pas au critère énoncé dans l’arrêt Boulton.

[39] Finalement, le prestataire a fait valoir que, puisque l’inconduite n’est pas définie par la Loi sur l’assurance-emploi, elle devrait recevoir une [traduction] « interprétation équitable, large et libérale » conforme aux instructions de la Cour suprême du Canada dans un arrêt de principe appelé Rizzo Shoes.Note de bas de page 27 Je conviens qu’en tant que loi réparatrice, la Loi sur l’assurance-emploi doit être interprétée de façon généreuse dans la mesure du possible, mais il est important de se rappeler que l’affaire Rizzo Shoes porte principalement sur les principes d’interprétation législative. Bien que la Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’on entend par une inconduite, les tribunaux ont comblé le vide en établissant un critère détaillé pour le concept. En tant que membre d’un tribunal administratif, je suis obligé d’appliquer ce critère.

Conclusion

[40] Je rejette l’appel. La division générale a commis une erreur de droit en omettant d’examiner s’il y avait un lien de causalité entre l’inconduite présumée du prestataire et son emploi. Cependant, je pense que la division générale aurait rendu la même décision même si elle n’avait pas commis cette erreur. Après avoir examiné le dossier, j’ai conclu qu’aux fins de la détermination de l’admissibilité à l’assurance-emploi, le refus du prestataire de se faire vacciner constituait une inconduite.

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