Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1028

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale — section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission
de l’assurance-emploi du Canada (554413) datée du
1er décembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Noonan
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 17 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 8 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-59

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Après révision, la Commission a avisé l’appelant, D. N., qu’elle ne peut pas lui verser de prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 28 août 2022. Après avoir examiné sa demande, elle a conclu qu’il y était inadmissible parce qu’il a quitté volontairement son emploi chez X le 25 août 2022 sans justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission est d’avis que quitter volontairement son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. L’appelant affirme avoir choisi de quitter son emploi chez X en raison de l’environnement toxique et parce qu’il devait déménager d’Ontario à Terre-Neuve pour obtenir du soutien pour son épouse invalide (GD3-26). Le Tribunal doit décider si l’appelant doit se voir refuser des prestations parce qu’il a volontairement quitté son emploi sans justification au sens de l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Questions en litige

[3] Question en litige no 1 : Est-ce que l’appelant a volontairement quitté son emploi chez X le 25 août 2022?

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, était-il fondé à le faire?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à la page GD-4.

[5] Une partie appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle quitte volontairement un emploi sans justification (Loi sur l’assurance-emploi, paragraphe 30(1)). Il y a justification à quitter volontairement un emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, la seule solution raisonnable dans le cas de la partie appelante était de quitter son emploi ou de prendre congé (Loi, article 29(c)).

[6] Il incombe à l’intimée de prouver que le départ était volontaire. Une fois que cela est établi, le fardeau revient à l’appelant de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi. Pour établir qu’il était fondé à quitter son emploi, l’appelant doit démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances (Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190; Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17). Le terme « fardeau » vise à indiquer quelle partie doit étayer suffisamment sa position afin de satisfaire au critère juridique. Dans la présente affaire, le fardeau de la preuve correspond à la prépondérance des probabilités. Il faut donc établir qu’il est « plus probable qu’improbable » que les événements se soient déroulés de la manière décrite.

Question en litige no 1 : Est-ce que l’appelant a quitté volontairement son emploi chez X le 25 août 2022?

[7] Pour que le départ soit volontaire, c’est l’appelant qui doit décider de mettre fin à sa relation avec son employeur.

[8] Pour décider si l’appelant a quitté volontairement son emploi, il faut se demander s’il avait le choix de rester ou de partir (Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56).

[9] Les deux parties conviennent que l’appelant a quitté volontairement son emploi chez X le 25 août 2022. 

[10] Comme il avait le choix de revenir ou non, je conclus que l’appelant a quitté volontairement son emploi chez X le 25 août 2022.

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, l’appelant était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

[11] Non.

[12] L’appelant a déclaré qu’il avait quitté son emploi parce qu’il était prêt à prendre sa retraite. De plus, le fait qu’une nouvelle personne dirige la compagnie l’a convaincu qu’il était temps de quitter son emploi.

[13] Il trouvait stressant le milieu de travail sous la nouvelle direction. Il travaillait plusieurs heures par jour, six jours par semaine. Il a dit à son superviseur qu’il avait besoin d’embaucher plus d’employés.

[14] Il songeait depuis longtemps à prendre sa retraite et à déménager à Terre-Neuve. Finalement, il a déménagé le 4 septembre 2022.

[15] Il a expliqué qu’il avait quitté son poste pour déménager à Terre-Neuve et obtenir un certain soutien pour s’occuper de son épouse invalide.

[16] Plutôt que de demander un congé de maladie, un congé autorisé ou toute autre forme de mesure d’adaptation, il a décidé de prendre sa retraite et de déménager.

[17] À son audience, il a confirmé qu’il avait choisi de prendre sa retraite de X en raison du climat de travail toxique et afin de déménager à Terre-Neuve où des amis et des membres de sa famille pourraient l’aider à s’occuper de son épouse. Il a expliqué que son environnement de travail était stressant depuis des années et qu’il était ainsi en raison des nombreux changements au niveau de la direction de l’entreprise et un manque de personnel chevronné. Il devait former les nouveaux employés et il devait rester tard pour terminer son travail. Il travaillait plusieurs heures par jour, jusqu’à 6 jours par semaine, ce qui était trop ardu pour quelqu’un de son âge qui devait en plus s’occuper de son épouse. Il n’était pas tenu de faire des heures supplémentaires, c’était un choix personnel. Il avait parlé à son superviseur à de nombreuses reprises au fil des années au sujet de l’embauche d’un plus grand nombre de personnes, mais le personnel embauché démissionnait ou n’était pas compétent. Son superviseur était en congé lié au stress lorsqu’il a choisi de prendre sa retraite et il n’a parlé à personne de ses préoccupations.

[18] L’appelant a déclaré que son épouse invalide n’a pas besoin de soins constants, mais elle a besoin d’aide pour nettoyer et se laver. Il a confirmé qu’il est capable de travailler à temps plein lorsque son épouse est à la maison, mais le fait d’avoir des gens pour l’aider facilite les choses.

[19] Il songeait depuis longtemps à déménager. Il s’est décidé finalement à déménager lorsqu’il a appris qu’il y aurait encore des changements chez son employeur. Il aimait son emploi et n’avait pas envisagé de démissionner avant de faire le choix de déménager. Il a confirmé qu’il aurait choisi de déménager, qu’il y ait ou non des problèmes au travail. Le déménagement à Terre-Neuve n’était pas urgent, mais il y réfléchissait depuis des années.

[20] L’appelant a déclaré que son épouse et lui prévoyaient de déménager depuis un certain temps, alors une fois qu’il a appris que X allait peut-être faire d’autres changements (au niveau de la direction), il a décidé qu’il était temps pour lui de passer à autre chose. Ultimement, c’était l’incident définitif qui l’a amené à démissionner (GD3-28-30).

[21] L’appelant a confirmé lors de son audience qu’il avait quitté volontairement son emploi.

[22] Après avoir travaillé 38 ans chez cet employeur, il trouvait l’emploi stressant : son superviseur était absent et il devait composer avec les nouveaux employés inexpérimentés.

[23] Son médecin ne lui a pas conseillé de quitter son emploi quand il l’a fait.

[24] Il ne reçoit pas une pension d’entreprise.

[25] Son épouse avait subi une série de chirurgies importantes au dos. Étant donné qu’il travaillait à temps plein, il estimait qu’il n’était pas été en mesure de lui fournir le soutien dont elle avait besoin. Le fait qu’elle a 5 sœurs habitant à X (à Terre-Neuve), a persuadé l’appelant qu’il était temps de prendre sa retraite.

[26] Compte tenu de l’état de santé de son épouse et de sa situation au travail, il a décidé de devancer sa retraite.

[27] En évoquant son milieu de travail stressant, l’appelant a fait référence à l’article 29(c)(iv) (conditions de travail dangereuses pour la santé ou la sécurité), ce qui lui sert de justification pour avoir démissionné lorsqu’il l’a fait. Toutefois, s’il estimait que sa santé posait problème, il incombait à l’appelant – non à l’employeur – de tenter de régler cela en cherchant des solutions raisonnables avant de se placer dans une situation de chômage et d’avoir besoin de l’aide du régime d’assurance-emploi. Je ne dispose d’aucun élément de preuve qui signalerait une telle tentative de la part de l’appelant. Canada (Procureur général) c Hernandez, 2007 CAF 20.

[28] Je conclus que rien ne prouve que les circonstances d’emploi ou l’emploi en général étaient intolérables au point où il devait partir quand il l’a fait.

[29] Son médecin ne lui a pas conseillé de démissionner avant qu’il le fasse et prenne sa retraite.

[30] Le fait de conserver son emploi le temps de trouver un nouvel emploi est généralement considéré comme une solution raisonnable à choisir au lieu de prendre une décision unilatérale de quitter un emploi (Graham, 2011 CAF 311; Campeau, 2006 CAF 376).

[31] L’appelant a pris sa retraite et a déménagé à Terre-Neuve. Il a indiqué qu’il envisageait depuis des années de retourner à Terre-Neuve.

[32] L’appelant, en faisant référence à la demande de soutien pour son épouse invalide, cite l’article 29(c)(v) (nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent) comme étant une justification pour avoir quitté son emploi lorsqu’il l’a fait. Cependant, rien ne m’indique qu’il devait immédiatement fournir des soins à son épouse, car il s’occupait déjà d’elle et voulait simplement obtenir un peu plus de soutien de sa famille à Terre-Neuve.

[33] Aucun élément de preuve médicale ne m’indique que l’épouse de l’appelant avait besoin de soins à temps plein, ce qui aurait obligé l’appelant à quitter son emploi quand il l’a fait. En fait, l’appelant a déclaré qu’il voulait seulement recevoir un peu plus d’aide.

[34] Tout le monde a le droit de quitter un emploi, mais cette décision ne rend pas automatiquement la personne admissible à des prestations d’assurance-emploi. Une personne qui est admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi sera tôt ou tard appelée à prouver qu’elle satisfait aux conditions de la Loi.

[35] Dans la présente affaire, l’appelant n’a pas cherché d’autres solutions raisonnables auprès de son employeur pour régler ses préoccupations concernant ses conditions de travail et sa santé. De plus, il n’a pas cherché un autre emploi avant de démissionner. En fait, il a pris sa retraite.

[36] Je considère que l’appelant a fait un choix personnel de quitter son emploi au moment où il l’a fait et que, même s’il s’agissait peut-être d’un motif valable pour lui, cela ne répond pas à la norme de justification requise pour permettre le versement des prestations.

[37] Je conclus que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables à sa disposition autre que celle de quitter son emploi quand il l’a fait. Il n’a pas cherché d’autres solutions raisonnables auprès de son employeur pour régler ses préoccupations concernant ses conditions de travail et sa santé. De plus, il n’a pas cherché un autre emploi avant de démissionner. Son départ à ce moment n’était conforme à aucune des raisons permises énumérées à l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[38] Comme déclaré dans la décision Canada (PG) c Gagné, CAF A-385-10, [traduction] « on doit accorder beaucoup plus de poids aux déclarations initiales parce que la partie prestataire a donné des renseignements de façon plus spontanée que dans ses déclarations subséquentes, faites dans l’intention d’infirmer une décision antérieure défavorable. »  

[39] Le terme « justification » à l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi n’est pas synonyme de « raison » ou de « motif ». Il ne suffit pas pour un prestataire de prouver qu’il était raisonnable de quitter son emploi. Le caractère raisonnable peut être un « motif valable », mais ce n’est pas nécessairement une « justification » (Tanguay A-1458-84).

[40] Même si une partie prestataire a quitté son emploi pour ce qui peut être considéré comme une bonne raison, ce n’est pas suffisant pour établir l’existence d’une « justification », au sens de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Imran 2008 CAF 17).

[41] Ni le Tribunal ni la Commission n’ont le pouvoir discrétionnaire ou l’autorité d’outrepasser les dispositions et conditions légales claires imposées par la Loi sur l’assurance-emploi ou son Règlement en se fondant sur l’équité, la compassion, les circonstances financières ou autres circonstances atténuantes.

Conclusion

[42] Après avoir examiné attentivement toutes les circonstances, je conclus que l’appelant n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le fait de démissionner était la seule solution raisonnable dans son cas. La question n’est pas de savoir s’il était raisonnable pour l’appelant de quitter son emploi, mais celle de savoir si le départ était la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui (Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 129). Étant donné que l’appelant a quitté volontairement son emploi, j’estime que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui au moment où il l’a fait et qu’il ne remplit donc pas le critère de justification prévu à l’article 29 ni aux dispositions énoncées à l’article 30 de la Loi. L’appel est rejeté.

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