Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1204

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (531365) datée du 12 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 2 février 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 3 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3393

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Il est donc inadmissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeur affirme l’avoir suspendu parce qu’il a agi contre la politique de vaccination établie au travail : il ne s’est pas fait vacciner.

[4] Le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, mais il affirme que s’opposer à la politique vaccinale de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension que l’employeur a fournie. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc déclaré inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

[6] Le prestataire affirme que la vaccination ne faisait pas partie de son contrat lors de son embauche. Il dit qu’il travaille de chez lui, dans une région éloignée du pays, loin de ses collègues. Il est d’avis que le vaccin exigé est inefficace et dangereux. Il soutient qu’il n’y a pas de lien direct entre son emploi et son refus du vaccin.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique que la personne ait été congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[9] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois évaluer deux choses. D’abord, je dois établir la raison de sa perte d’emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[10] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a agi contre la politique vaccinale de son employeur.

[11] Le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé.

[12] La Commission affirme que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a dérogé à la politique vaccinale de l’employeur.

[13] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il s’est opposé à cette politique vaccinale.

La raison de la suspension du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[14] Selon la loi, la raison de la suspension du prestataire est une inconduite.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) m’aide à décider si la suspension du prestataire est le résultat d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique relatif à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les facteurs à prendre en compte quand on examine une affaire d’inconduite.

[16] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit qualifié d’inconduite en droitNote de bas de page 5.

[17] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’il perde son emploi pour cette raisonNote de bas de page 6.

[18] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et me demander si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[19] Je peux trancher seulement les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options au prestataire. Et ce n’est pas à moi non plus de décider si l’employeur a mis fin à son emploi injustement ou s’il aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 9. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[20] La Commission doit prouver selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit alors démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 10.

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination.
  • Le prestataire était au courant de la politique.
  • Le prestataire comprenait que le non-respect de la politique entraînerait sa suspension.
  • Son refus de se conformer à la politique est délibéré et voulu.
  • Il y a un lien direct entre son refus du vaccin et sa suspension.

[22] Le prestataire affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite pour les raisons suivantes :

  • La vaccination ne faisait pas partie de son contrat lors de son embauche. Il s’appuie sur une autre affaire du TribunalNote de bas de page 11.
  • Il travaille de chez lui, loin de ses collègues. Son refus du vaccin n’a aucune incidence négative sur eux.
  • Le vaccin exigé est inefficace et dangereux.
  • Il n’y a pas de lien direct entre son emploi et son refus du vaccin.

[23] Le prestataire a déclaré qu’il ne s’est pas fait vacciner.

[24] Il affirme que la politique de son employeur exigeait qu’il soit entièrement vacciné contre la COVID-19 au plus tard le 31 mars 2022. Il précise que toute personne non vaccinée était suspendue pendant trois mois à compter du 1er avril 2022. Il ajoute qu’à la fin de la suspension, toute personne qui ne respectait toujours pas la politique allait être congédiée.

[25] Le prestataire affirme avoir reçu une copie de la politique écrite à l’automne 2021. Il dit aussi que son employeur lui a donné de nombreux avertissements concernant l’obligation de se faire vacciner et les conséquences s’il ne le faisait pas.

[26] Le prestataire soutient qu’il a fait part de ses inquiétudes au sujet du vaccin à son employeur. Il précise qu’il a expliqué à son employeur qu’il se trouvait à l’autre bout du pays et qu’il pouvait continuer à travailler de chez lui de façon sûre et efficace. Il dit ne pas avoir eu de nouvelles de son employeur après.

[27] Le prestataire affirme que la possibilité d’exemption de nature médicale ou religieuse ne s’appliquait pas vraiment à sa situation.

[28] Le 1er avril 2022, l’employeur a écrit au prestataire. La lettre disait ce qui suit :

  • Le prestataire allait être mis en congé sans solde du 1er avril au 30 juin 2022.
  • Il devait fournir une preuve d’une première dose de vaccin au plus tard le 28 janvier 2022 et d’une deuxième dose au plus tard le 4 mars 2022.
  • Il n’a pas prouvé qu’il était vacciné.
  • Si le prestataire se faisait entièrement vacciner pendant son congé, l’employeur pouvait lui permettre de revenir au travail avant la fin du congéNote de bas de page 12.

[29] Le prestataire explique qu’il était censé être congédié à la fin de son congé. Cependant, le 30 juin 2022, son employeur lui a annoncé qu’il devait se préparer à revenir au travail. Le prestataire dit qu’il est de retour au travail depuis le 11 juillet 2022 et qu’il continue de travailler pour cet employeur.

[30] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique qui exigeait la vaccination complète contre la COVID-19.
  • L’employeur a informé le prestataire des attentes qu’il avait envers son personnel à propos du vaccin.
  • Le prestataire a déclaré qu’il était au courant de la politique et de ses conséquences.
  • Le prestataire a déclaré qu’il avait reçu des avertissements au sujet de la politique et de ses conséquences.
  • L’employeur a remis une lettre de suspension au prestataire pour lui faire part de ses attentes.
  • Le prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique vaccinale de son employeur.

[31] Le prestataire s’appuie sur une autre décision du Tribunal, où le non-respect de la politique de l’employeur sur la vaccination obligatoire ne constituait pas une inconduite. Cependant, la Cour fédérale a récemment déclaré que cette décision n’établissait aucune règle universelle qui s’appliquerait à d’autres situations, qu’elle faisait l’objet d’un appel et qu’elle n’avait pas force obligatoire pour la CourNote de bas de page 13. Je ne suis pas non plus liée par les autres décisions du Tribunal. Je ne suivrai pas cette décision. En effet, il ne m’appartient pas de décider si un employeur peut modifier lui-même le contrat de travail d’une personne. D’autres recours judiciaires s’offrent peut-être au prestataire.

Alors, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[32] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[33] En effet, les actions du prestataire ont mené à sa suspension. Il a agi délibérément. Il savait que le refus de se faire vacciner allait probablement lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[34] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi il est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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