Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1285

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : S. N.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (565918) datée du 25 janvier 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Greg Skelly
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 25 avril 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 13 mai 2023
Numéro de dossier : GE-23-505

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce qu’il disposait d’autres solutions raisonnables que son départ. Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[3] L’appelant a quitté son emploi de technologue de terrain à Fort McMurray, en Alberta, le 3 octobre 2022 et a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi.

[4] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission) a examiné les raisons du départ de l’appelant. Elle a décidé qu’il avait volontairement quitté son emploi (ou avait choisi de démissionner) sans justification, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations.

[5] Je dois décider si l’appelant a démontré que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[6] La Commission affirme que, plutôt que de partir lorsqu’il l’a fait, l’appelant aurait pu consulter son médecin concernant ses problèmes de santé et prendre un congé si cela lui était recommandé. La Commission a également dit qu’il aurait dû chercher un autre emploi, puis démissionner après l’avoir trouvéNote de bas de page 1.

[7] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il a dû démissionner pour les raisons suivantes :

  • le travail par temps froid en plein champ à son âge;
  • les quarts de douze heures et les longues journées de déplacement;
  • le besoin de soulever une lourde pièce d’équipement radioactive;
  • le fait qu’il tombait souvent malade en raison de faiblesses;
  • le manque de temps pour cuisiner et faire l’épicerie;
  • sa conjointe vivait à Edmonton et était en mauvaise santé;
  • d’autres personnes démissionnaient en raison des conditions difficilesNote de bas de page 2.

Question en litige

[8] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner la question du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties conviennent que l’appelant a quitté volontairement son emploi

[10] J’accepte le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Dans sa demande de prestations, l’appelant affirme qu’il a démissionnéNote de bas de page 3. Et son relevé d’emploi indique qu’il a démissionné le 8 octobre 2022Note de bas de page 4. L’appelant a confirmé dans son témoignage qu’il a quitté volontairement son emploi.

[11] Aucun élément de preuve ne contredit le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi et j’accepte ce fait.

Les parties ne conviennent pas que l’appelant avait une justification

[12] Les parties ne conviennent pas que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a fait.

[13] Selon la loi, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 5. Le fait d’avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à prouver que l’appelant était fondé à le faire.

[14] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Elle précise qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Elle dit aussi que je dois tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 6.

[15] Il appartient à l’appelant de prouver qu’il avait une justification. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 7.

[16] Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient lorsqu’il a démissionné. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 8.

[17] Une fois que j’aurai établi les circonstances qui s’appliquent à l’appelant, celui-ci devra démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 9.

Les circonstances qui existaient lorsque l’appelant a démissionné

[18] L’appelant affirme que trois des circonstances énoncées dans la loi s’appliquent. Il affirme que les conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé ou sa sécurité.

[19] Il a aussi dit dans son témoignage qu’il devait accompagner sa conjointe vers un autre lieu de résidence et qu’il fait un excès d’heures supplémentaires.

[20] Je vais examiner chacune de ces circonstances séparément.

Conditions de travail dangereuses pour la santé et la sécurité

[21] La Loi sur l’assurance-emploi (Loi) prévoit que l’appelant est fondé à quitter volontairement son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable étant donné que ses conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé ou sa sécuritéNote de bas de page 10.

[22] Lorsqu’un appelant affirme qu’il a quitté son emploi parce que des conditions de travail dangereuses ou non sécuritaires lui ont occasionné des problèmes de santé, il doit tenter de résoudre le problème avec l’employeurNote de bas de page 11.

[23] L’appelant affirme qu’il a quitté son emploi parce qu’il avait 65 ans et que l’emploi était trop difficile et le rythme de travail trop rapide. Il a dit qu’il devait quitter son domicile à 6 h et qu’il ne rentrait chez lui qu’à 21 h, car son lieu de travail se trouvait à 80 kilomètres de sa résidence. Il raconte que c’était épuisant physiquement et qu’il a perdu dix (10) kilogrammes pendant ses quatre mois de travailNote de bas de page 12.

[24] Dans son témoignage, il a affirmé qu’il a commencé le 25 mai 2022 et qu’il a travaillé tout l’été avec un appareil radioactif qui pesait 30 livres. Il a dit qu’il devait utiliser un marteau de 10 livres et enfoncer un clou dans le sol avant d’utiliser l’appareil. Le travail se faisait dans le champ ou dans la mine où il n’y avait aucun bâtiment, mais beaucoup de vent.

[25] L’appelant a ajouté qu’il était en mesure de faire le travail quand il a commencé et pendant 4 mois, mais que son état de santé s’est détérioré par la suite. Il a affirmé dans son témoignage qu’il avait passé les tests physiques préalables à l’emploi, mais qu’il était en bonne santé à ce moment-là.

[26] Il a ajouté à l’audience que la principale raison pour laquelle il a démissionné le 8 octobre 2022 était qu’il savait que le temps serait de plus en plus froid.

[27] L’appelant a dit à la Commission qu’il avait décidé de partir en raison du vent froidNote de bas de page 13.

[28] L’appelant a expliqué que, lorsqu’il a commencé à travailler, il ne savait pas qu’il passerait toutes ses journées dans le champ même s’il savait qu’il travaillait à la construction de routes. Il a également affirmé à l’audience que ses tâches étaient les mêmes depuis son entrée en fonction le 24 mai 2022, mais que la météo a été un facteur à l’automne.

[29] L’appelant dit également à la Commission qu’il a demandé un transfert, mais qu’il n’a pas obtenu de réponse de son employeurNote de bas de page 14. Dans son témoignage, il a affirmé qu’il avait demandé un transfert vers un endroit plus près de Fort McMurray afin qu’il ait des journées plus courtes, mais qu’il n’avait pas obtenu de mesure d’adaptation.

[30] L’appelant a déclaré à l’audience et dans sa demande de révision qu’il avait attrapé une pneumonie après avoir présenté sa lettre de démission, mais avant son dernier jour de travail prévuNote de bas de page 15.

[31] Après l’audience, l’appelant a présenté des notes médicales que j’ai acceptées. Les notes sont difficiles à lire, mais indiquent certains symptômes du rhume et de la grippe à différentes dates en septembre, octobre et décembre 2022Note de bas de page 16. L’appelant a dit à la Commission que lorsqu’il a consulté son médecin pour une pneumonie, ce dernier ne lui a pas conseillé de quitter son emploiNote de bas de page 17.

[32] Je ne dispose d’aucun élément de preuve démontrant que la perte de poids de l’appelant nuisait à sa santé. Il est probable qu’une activité physique accrue puisse entraîner une perte de poids. Toutefois, si l’appelant était préoccupé, il aurait pu discuter avec un médecin ou modifier ses habitudes alimentaires pour y intégrer plus de calories.

[33] Je ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant que son travail était à l’origine de sa pneumonie. Je peux comprendre qu’une pneumonie puisse être une source de préoccupation, mais il ne s’agit pas d’une infection inusitée et les gens s’en remettent habituellement.

[34] Les notes médicales qui ont été produites n’établissent aucun lien entre son travail ou ses conditions de travail et les infections qu’il a pu avoir avant de quitter son emploi.

[35] Le fait que l’appelant ait demandé d’être transféré plus près de sa résidence à Fort McMurray démontre qu’il ne s’inquiétait pas outre mesure du fait que le travail constituait un réel danger pour sa santé et sa sécurité, mais qu’il cherchait à réduire ses heures de déplacement chaque jour.

[36] L’appelant n’a fourni aucun élément de preuve vérifiable démontrant qu’il existait un danger pour sa santé et sa sécurité.

[37] Je conclus que la situation de l’appelant ne faisait pas partie des circonstances qui constituaient un danger pour sa santé et sa sécurité.

[38] L’appelant accomplissait le même travail pour lequel il avait été embauché sans qu’aucun changement ne soit apporté à ses fonctions.

[39] Le principal problème qui préoccupait constamment l’appelant était le froid qui pouvait être atténué au moyen de vêtements pour l’extérieur fournis par l’employeur ou achetés par l’appelant.

[40] L’appelant n’a donc pas démontré que ses conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé et sa sécurité.

Obligation d’accompagner sa conjointe vers un autre lieu de résidence

[41] La Loi prévoit que l’appelant est fondé à quitter volontairement son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable étant donné qu’il devait accompagner sa conjointe vers un autre lieu de résidenceNote de bas de page 18.

[42] L’appelant a dit dans son témoignage qu’il croit que la nécessité d’accompagner sa conjointe vers un autre lieu de résidence s’applique à lui.

[43] L’appelant affirme dans sa demande de révision que son épouse voulait qu’il revienne à la maisonNote de bas de page 19. Il a également dit dans sa demande d’appel que sa conjointe voulait qu’il quitte son emploiNote de bas de page 20.

[44] J’admets que l’appelant devait vivre à Fort McMurray pour son travail et que la maison familiale où vivait sa conjointe était à Edmonton, en Alberta. Toutefois, rien ne prouve qu’il devait accompagner sa conjointe vers un autre lieu de résidence.

[45] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait l’obligation d’accompagner sa conjointe vers un autre lieu de résidence.

Excès d’heures supplémentaires

[46] Selon la Loi, l’appelant est fondé à quitter volontairement son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable parce qu’il faisait des heures supplémentaires excessivesNote de bas de page 21. À l’audience, l’appelant a affirmé qu’il croit que la circonstance concernant l’excès d’heures supplémentaires s’applique à lui.

[47] Toutefois, à l’audience, l’appelant a aussi dit qu’il savait avant de commencer que cet emploi l’amènerait à faire des heures supplémentaires. Il a précisé dans son témoignage combien d’argent il avait gagné au cours des quatre mois où il a travaillé là-bas et que, compte tenu du salaire, il serait resté s’il le pouvait.

[48] Rien ne prouve que, dans le cadre de son emploi de technologue de terrain à Fort McMurray, en Alberta, il a fait des heures supplémentaires excessives. Les journées de travail de 12 heures seraient davantage la norme que l’exception dans ce type d’environnement de travail.

[49] L’appelant l’a reconnu lorsqu’il a mentionné le montant d’argent qu’il avait gagné pendant qu’il travaillait à Fort McMurray.

[50] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il devait faire des heures supplémentaires excessives compte tenu de son emploi et de son lieu de travail.

[51] Par conséquent, l’appelant n’a pas démontré que ses conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé et sa sécurité, qu’il avait l’obligation d’accompagner son épouse vers un autre lieu de résidence ou qu’il devait faire des heures supplémentaires excessives.

L’appelant avait d’autres solutions raisonnables

[52] Je dois maintenant décider si l’appelant n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait.

[53] L’appelant soutient qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable parce qu’il était malade, qu’il perdait du poids et qu’il travaillait à l’extérieur dans le froid, et que l’hiver approchait.

[54] L’appelant a dit qu’il n’avait pas demandé de congé à son employeur, car il avait dit que le travail serait le même à son retour. Il a dit qu’il ne pouvait pas travailler d’octobre à mars en raison de la météo.

[55] L’employeur a dit à la Commission qu’il n’y avait pas d’autre emploi auquel il pouvait transférer l’appelant. Les emplois de technologue de terrain étaient tous des emplois à l’extérieurNote de bas de page 22.

[56] Comme je l’ai mentionné précédemment, l’appelant a demandé un transfert plus près de Fort McMurray, car cela réduirait son temps de déplacement et sa journée de travail.

[57] La Commission n’est pas d’accord et dit que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce qu’il avait des solutions de rechange raisonnables. Plus précisément, elle indique que l’appelant aurait pu consulter un médecin avant de démissionner pour voir s’il pourrait obtenir un congé pour raisons médicalesNote de bas de page 23.

[58] La Commission affirme qu’elle a confirmé auprès de l’employeur que l’appelant ne lui avait pas mentionné que le travail physique constituait un problème. L’employeur a ajouté que l’appelant aurait pu demander un congé, mais qu’il ne l’a pas faitNote de bas de page 24.

[59] Je conclus que l’appelant a bel et bien demandé un transfert de manière informelle à ses supérieurs, mais je conclus également qu’il n’a pas demandé de congé.

[60] Il ressort clairement de la preuve et du témoignage de l’appelant qu’il voulait écourter sa journée de travail, même s’il savait qu’il devrait encore travailler à l’extérieur. Je le crois lorsqu’il a affirmé dans son témoignage qu’il avait parlé à ses supérieurs de l’idée d’obtenir un poste plus près de sa résidence.

[61] Il est tout aussi évident que l’appelant n’a pas demandé de congé, car il ne croyait pas qu’il lui serait accordé. Toutefois, lors de la discussion de la Commission avec l’employeur, celui-ci a affirmé que l’appelant aurait pu demander un congéNote de bas de page 25.

[62] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter volontairement son emploi.

[63] Il aurait pu consulter son médecin afin qu’il évalue sa capacité à continuer de travailler. Ou voir si un traitement médical ou la prévention de maladies qu’il aurait pu avoir l’aurait aidé, ou si le médecin aurait pu recommander une période de congé de maladie.

[64] L’appelant aurait pu demander un congé à son employeur pour se reposer, ce qui lui aurait peut-être permis de continuer à travailler. Il aurait également pu utiliser ce temps pour obtenir un autre emploi avant de démissionner.

[65] De plus, l’appelant aurait pu demander à son employeur de l’équipement pour temps froid plus efficace pour l’aider à se protéger des intempéries.

[66] L’appelant aurait également pu utiliser ses congés prévus pour chercher et obtenir un autre emploi avant de quitter son emploi.

[67] Je suis donc d’avis qu’il n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi au sens de la Loi.

[68] Même si je comprends que l’appelant estimait qu’à l’âge de 65 ans le travail et les conditions météorologiques étaient difficiles, la question que je dois trancher demeure de savoir s’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

[69] Compte tenu des circonstances qui existaient lorsque l’appelant a démissionné, ce dernier avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait, pour les motifs susmentionnés.

[70] Cela signifie que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[71] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations.

[72] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.