Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1201

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : J. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 26 janvier 2023 (GE-22-3050)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Date de la décision : Le 1er septembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-125

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas plus loin.

Aperçu

[2] J. B. est la prestataire dans la présente affaire. Elle travaillait comme préposée au service à la clientèle. Lorsqu’elle a cessé de travailler, elle a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 19 décembre 2021 parce qu’elle avait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1.

[4] La division générale est arrivée à la même conclusionNote de bas de page 2. Elle a expliqué que la prestataire avait été suspendue, puis qu’elle avait perdu son emploi parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination de l’employeurNote de bas de page 3.

[5] La prestataire veut maintenant obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel à la division d’appelNote de bas de page 4. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de fait importantes, car le fait que l’employeur a modifié le relevé d’emploi prouve qu’il n’y a pas eu d’inconduiteNote de bas de page 5. Elle affirme que le gouvernement n’a pas fait d’enquête et qu’il a pris une décision arbitraire qui a eu des répercussions financières et émotionnelles sur elle. Elle veut aussi que le Tribunal révise la décision parce qu’elle lui a causé de grandes difficultés.

[6] Je rejette la demande de permission de faire appel parce qu’elle n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 6.

Question en litige

[7] Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite?

Analyse

[8] L’appel peut aller de l’avant seulement avec la permission de la division d’appelNote de bas de page 7.

[9] Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 8. En d’autres termes, il doit y avoir un moyen (argument) qui permettrait de soutenir que l’appel a une chance d’être accueilliNote de bas de page 9.

[10] À la division d’appel, on peut invoquer les moyens d’appel suivants :

  • la division générale a agi de façon injuste;
  • elle a excédé ses pouvoirs ou refusé de les exercer;
  • elle a fait une erreur de droit;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 10.

[11] Pour que l’appel de la prestataire aille de l’avant, je dois conclure qu’au moins l’un des moyens d’appel lui donne une chance raisonnable de succès.

[12] Il y a erreur de fait lorsque la division générale « a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 11 ».

[13] Par conséquent, je peux intervenir si la division générale a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire. Pour ce faire, il faut que j’examine certaines des questions suivantesNote de bas de page 12 :

  • Est‑ce que l’une des principales conclusions de la division générale contredit carrément la preuve?
  • Y a‑t-il des éléments de preuve qui pourraient rationnellement appuyer l’une des principales conclusions de la division générale?
  • La division générale a‑t-elle ignoré des éléments de preuve importants qui allaient à l’encontre de l’une de ses principales conclusions?

[14] Seules certaines erreurs de fait me permettront de modifier la décision. Il faut qu’elles soient assez importantes, de sorte que la division générale s’est fondée sur elles pour tirer une conclusion qui a eu une incidence sur l’issue de la décision.

Je refuse la permission de faire appel

[15] Selon la prestataire, la décision de la division générale contient les erreurs de fait suivantes :

  • D’abord, elle s’est entendue avec l’employeur. En conséquence, il a modifié le relevé d’emploi pour indiquer « Congédiement sans motif valable », ce qui prouve qu’il n’y a pas eu d’inconduite.
  • Ensuite, le gouvernement n’a pas fait d’enquête. Il a pris une décision arbitraire qui a eu des répercussions financières et émotionnelles sur elle. De plus, l’employeur n’a pas répondu aux demandes de discussion du gouvernement.
  • Enfin, le Tribunal devrait réviser sa décision parce qu’elle lui a causé de grandes difficultés.

[16] Selon la Loi sur l’assurance-emploi, en cas de suspension due à une inconduite, les prestataires ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 13. Cette règle s’applique aussi en cas de congédiement pour inconduiteNote de bas de page 14.

[17] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite, mais la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont déterminé la direction à suivre. Cette dernière définit l’« inconduite » comme une conduite délibérée, c’est‑à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 15. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 16.

[18] La Cour d’appel fédérale a ajouté qu’il y a inconduite si la personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers l’employeur et que la possibilité de se faire renvoyer était bien réelleNote de bas de page 17.

On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait

[19] Il est impossible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire. Par conséquent, je refuse de donner à la prestataire la permission de faire appel. Voici pourquoi. 

[20] En premier lieu, la division générale devait décider pourquoi la prestataire avait cessé de travailler.

[21] Elle a interrogé la prestataire au sujet de l’entente conclue avec son employeur. La prestataire a déclaré que [traduction] « c’était entre elle et son employeur » et que c’était une histoire [traduction] « privéeNote de bas de page 18 ». La division générale a expliqué que, comme la prestataire ne voulait pas en dire plus sur l’entente conclue avec son employeur, elle ne pouvait pas en tenir compteNote de bas de page 19.

[22] La division générale a aussi demandé à la prestataire pourquoi elle n’était pas allée travailler le 20 décembre 2021. La prestataire a répondu que son employeur lui avait [traduction] « dit de ne pas rentrerNote de bas de page 20 ».

[23] La division générale a rejeté l’argument avancé par la prestataire, soit qu’elle avait cessé de travailler parce qu’elle s’était entendue avec son employeurNote de bas de page 21. La division générale a jugé que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire avait été suspendue et congédiée pour non-respect de la politique de vaccinationNote de bas de page 22. Cette conclusion concorde avec la preuve au dossier, y compris la politique de l’employeur sur la vaccination obligatoire et la lettre de congédiementNote de bas de page 23.

[24] Dans sa décision, la division générale a écrit que l’employeur avait produit trois relevés d’emploiNote de bas de page 24 : un le 8 janvier 2022, un autre le 9 mars 2022 et un autre le 24 mai 2022. Sur chaque relevé d’emploi, la raison pour laquelle il avait été produit était différente : congé, autre : politique de vaccination et, finalement, congédiement sans motif valable.

[25] Toutefois, la division générale a décidé ceci : « Toute entente conclue entre l’employeur et la prestataire avant ou après le fait ne peut pas changer la raison pour laquelle la prestataire ne travaille plusNote de bas de page 25. » Elle a précisé que l’employeur avait adopté une politique de vaccination qui obligeait le personnel à s’y conformer au plus tard le 20 décembre 2021, sous peine de congé sans solde ou de congédiement.

[26] Personne ne conteste le fait que la prestataire connaissait la politique, qu’elle l’a lue, qu’elle a choisi de ne pas la suivre et qu’elle savait que cela entraînerait une suspension et un congédiementNote de bas de page 26. C’est ce qui est arrivé : la prestataire a été suspendue, puis congédiéeNote de bas de page 27.

[27] La division générale a décidé qu’il n’appartient pas à l’employeur et à la prestataire de décider s’il y a inconduite. Il lui fallait plutôt analyser l’ensemble de la preuve et appliquer la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudenceNote de bas de page 28.

[28] La Cour d’appel fédérale a déjà confirmé que l’existence même d’une entente ne permet pas de trancher la question de savoir si une personne a été congédiée pour inconduiteNote de bas de page 29.

[29] La division générale a évalué les éléments de preuve avant de décider pourquoi la prestataire avait cessé de travailler. Elle a tenu compte de tous les relevés d’emploi et des éléments de preuve qui se contredisaient quant à la raison pour laquelle la prestataire a cessé de travailler.

[30] Pour déterminer la raison de la fin de l’emploi, la division générale n’était pas obligée de choisir celle décrite par la prestataire et son employeur. Elle était libre d’évaluer la preuve et de tirer des conclusions fondées sur la preuve.

[31] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a examiné les éléments présentés par la prestataire, soit les relevés d’emploi et l’entente qu’elle a conclue avec son employeurNote de bas de page 30. Elle a expliqué pourquoi elle préférait certains éléments de preuve et ses conclusions concordaient avec ceux‑ci. Cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès.

On ne peut pas soutenir que le « gouvernement » n’a pas fait d’enquête ni que l’employeur n’a pas envoyé de réponse

[32] La prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission de lui refuser des prestations d’assurance-emploi ni avec la démarche qu’elle a suivie pour examiner sa demande. Le dossier montre que la Commission a tenté de communiquer avec l’employeur à quelques reprises, mais qu’elle n’a jamais eu de réponseNote de bas de page 31.

[33] Le Tribunal n’a aucun pouvoir d’enquête. La compétence de la division d’appel se limite à décider si la division générale a fait une erreur révisableNote de bas de page 32. Dans une affaire similaire qui portait aussi sur une politique de vaccination, la Cour d’appel fédérale a affirmé que le Tribunal a un rôle restreint et précis à jouer, un rôle qui consiste à déterminer les raisons du congédiement et à voir si ces raisons constituent une inconduiteNote de bas de page 33. C’est exactement ce que la division générale a fait dans la présente affaire.

[34] La prestataire n’a soulevé aucune erreur révisable qui me permettrait de modifier la décision. L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Aucun autre argument ne pourrait me permettre d’accorder la permission de faire appel

[35] Je reconnais que le souhait de la prestataire est que son dossier soit réexaminé, car elle connaît des difficultésNote de bas de page 34. Toutefois, faire appel à la division d’appel n’est pas une nouvelle occasion de faire examiner son appel. Je ne peux pas réévaluer les éléments de preuve dans le but d’en arriver à une conclusion différente qui serait plus favorable à la prestataireNote de bas de page 35.

[36] J’ai examiné le dossier, lu la décision de la division générale et écouté l’enregistrement audio de son audienceNote de bas de page 36. Je n’ai trouvé aucun élément de preuve pertinent que la division générale aurait peut-être ignoré ou mal interprété. De plus, la division générale a appliqué les articles pertinents de la Loi sur l’assurance-emploi et les bonnes décisions de jurisprudenceNote de bas de page 37.

Conclusion

[37] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait.

[38] La permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

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