Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NZ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1209

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : N. Z.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 21 juin 2023
(GE-23-277)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 5 septembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-697

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, N. Z. (prestataire), fait appel de la décision de la division générale, qui a rejeté son appel. Elle a conclu que la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada avait prouvé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, la division générale a établi que la prestataire avait fait quelque chose qui lui avait fait perdre son emploi. Elle a conclu que la prestataire ne s’était pas conformée à la politique de vaccination de son employeur.

[3] À cause de l’inconduite, la prestataire a été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[4] Selon la prestataire, la division générale a fait des erreurs de compétence, de procédure, de droit et de fait. Elle fait valoir, à titre d’exemple, que la division générale aurait dû examiner le bien-fondé et la validité de la politique vaccinale de son employeur. Elle soutient également que la division générale a mal interprété ce que signifie une inconduite. Elle affirme que si la division générale n’avait pas mal interprété ce terme, elle aurait conclu qu’elle n’a pas commis d’inconduite.

[5] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il faut que la cause soit défendableNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est closeNote de bas de page 2.

[6] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je refuse à la prestataire la permission de passer à la prochaine étape de l’appel.

Questions en litige

[7] Voici les questions en litige :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale a omis d’exercer sa compétence?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la procédure de la division générale était inéquitable?
  3. c) Est-il possible de soutenir que la division générale a mal interprété ce que signifie une inconduite?
  4. d) Est-il possible de soutenir que la division générale a ignoré l’un ou l’autre des éléments de preuve?

Je refuse à la prestataire la permission de faire appel

[8] La division d’appel accorde la permission de faire appel à moins que l’appel n’ait aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès si la division générale a pu faire une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 3.

[9] Pour ce qui est des erreurs de fait, il faut que la division générale ait fondé sa décision sur une erreur qu’elle a commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Est-il possible de soutenir que la division générale a omis d’exercer sa compétence?

[10] La prestataire soutient que la division générale n’a pas exercé sa compétence. Elle fait valoir que la division générale a non seulement la compétence, mais qu’elle avait également l’obligation d’évaluer si la politique de vaccination de son employeur était raisonnable et avait été mise en œuvre conformément aux principes du droit administratif. La prestataire affirme que la division générale a manqué à son devoir pour établir si la politique de son employeur était valide.

[11] La prestataire affirme que la politique de vaccination de son employeur était invalide parce que celui-ci n’avait pas de processus pour examiner les demandes et accorder des exemptions religieuses. Elle affirme que la politique ne respectait pas les principes du droit administratif, car son employeur ne l’a pas mise en œuvre [traduction] « pleinement [ni] appliquée de façon uniforme pour s’assurer d’inclure un examen équitable des exemptions fondées sur les droits de la personneNote de bas de page 4 ».

[12] La Cour fédérale a abordé cette question dans l’affaire CecchettoNote de bas de page 5. Elle a établi que ni la division générale ni la division d’appel n’ont la compétence d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité d’une politique de vaccination ou de rendre une décision à ce sujet. Cela ne relève tout simplement pas de leur mandatNote de bas de page 6.

[13] La division générale n’a donc pas omis d’exercer sa compétence en n’examinant pas le bien-fondé ou la validité de la politique de vaccination de l’employeur. La division générale n’avait tout simplement pas le pouvoir de trancher cette question.

[14] Je ne suis pas convaincue que la prestataire ait une cause défendable à cet égard.

Est-il possible de soutenir que la procédure de la division générale était inéquitable?

[15] La prestataire soutient que la procédure de la division générale était inéquitable. Cependant, elle n’a relevé aucune injustice ou irrégularité procédurale. Elle ne laisse pas entendre, par exemple, qu’elle n’a pas eu droit à une audience équitable ou que la membre de la division générale a fait preuve de partialité.

[16] La prestataire connaissait sa cause. Elle a reçu les documents en temps opportun. Elle a eu la possibilité de déposer des documents. En effet, la division générale a accepté ceux que la prestataire a déposés après la fin de l’audience.

[17] La prestataire a été avisée suffisamment à l’avance de l’audience. La membre de la division générale a donné à la prestataire une occasion pleine et équitable de présenter sa cause à l’audience. Il n’y a rien de la part de la prestataire qui laisse croire que le processus était inéquitable d’une façon ou d’une autre.

[18] En fait, la prestataire soutient que le processus de vaccination de son employeur était inéquitable. Elle affirme que le refus de son employeur de lui accorder une exemption pour des motifs religieux n’était pas un processus équitable et transparent. Elle soutient que l’absence d’un processus équitable enfreignait les principes d’équité procédurale.

[19] Cependant, même si le processus de vaccination de l’employeur était inéquitable, cela ne devient pas, d’une façon ou d’une autre, un manquement procédural de la division générale. De plus, il ne s’agit pas du type de question qui permet à la division d’appel d’intervenir dans la décision de la division générale.

[20] Je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que la division générale a agi de manière inéquitable.

Est-il possible de soutenir que la division générale a mal interprété ce que signifie une inconduite?

[21] La prestataire refuse d’admettre qu’elle a commis une inconduite. Elle soutient que la division générale a mal interprété ce que signifie une inconduite. Selon la prestataire, il n’y a pas eu inconduite parce que la politique de vaccination de son employeur était invalide.

[22] La prestataire fait valoir que la politique n’était pas valide pour les raisons suivantes : 1) son contrat de travail initial n’a jamais exigé la vaccination; 2) aucune mesure d’adaptation n’était prévue; 3) elle affirme que les gens ont le droit de prendre des décisions concernant leur intégrité corporelle et tout traitement médical. Elle affirme qu’elle exerçait simplement son droit constitutionnel de demander une exemption pour motifs religieux et que cela ne constitue pas une inconduite.

[23] La prestataire fait allusion à des décisions d’arbitrage. Dans l’une d’elles, un arbitre a jugé que l’employeur, dans cette affaire, avait fait preuve dediscrimination à première vue envers une infirmière lorsqu’il a appliqué sa politique de vaccination pour refuser l’exemption demandée. L’arbitre a conclu qu’elle aurait dû recevoir une exemptionNote de bas de page 7.

Le contrat de travail de la prestataire

[24] La Cour fédérale a récemment rendu une décision intitulée KukNote de bas de page 8, qui concerne un prestataire qui ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de son employeur. Il a nié qu’il y ait eu une inconduite parce que la politique de vaccination de son employeur ne faisait pas partie de son contrat de travail. Il a donc fait valoir qu’il n’a pas manqué à ses obligations contractuelles lorsqu’il a choisi de ne pas se faire vacciner.

[25] La Cour a écrit :

[traduction]

[34] Comme la Cour d’appel fédérale l’a confirmé dans l’affaire Nelson, il n’est pas nécessaire que le contrat de travail initial contienne une politique écrite pour justifier une inconduite : voir les paragraphes 22 à 26. Une politique écrite communiquée à un employé peut constituer en soi une preuve suffisante de la connaissance objective par l’employé « que le congédiement était une possibilité réelle » de ne pas se conformer à cette politique. Le contrat et la lettre d’offre du demandeur ne contiennent pas les conditions complètes, explicites ou implicites, de son emploi. [...] Il est bien accepté en droit du travail que les employés ont l’obligation de se conformer aux politiques de santé et de sécurité qui sont mises en œuvre par leurs employeurs au fil du temps.

. . .

[37] De plus, contrairement à ce que laisse entendre le demandeur , le Tribunal n’est pas obligé de se concentrer sur le langage contractuel ni d’établir si le prestataire a été congédié de façon justifiée selon les principes du droit du travail lorsqu’il examine une inconduite au sens de la [Loi sur l’assurance-emploi]. Comme je l’ai mentionné plus haut, le critère de l’inconduite porte plutôt sur la question de savoir si un prestataire a intentionnellement commis un acte (ou a omis de commettre un acte) contraire à ses obligations professionnelles.

(Mis en évidence par la soussignée.)

[26] Selon la Cour fédérale, il ne doit pas nécessairement y avoir un manquement à une obligation expresse ou implicite découlant du contrat de travail pour que l’on conclue à l’inconduite. Une inconduite peut survenir même s’il y a eu manquement à une politique qui ne faisait pas partie du contrat de travail.

[27] La Cour fédérale a clairement précisé dans cette affaire que le critère de l’inconduite est de savoir si une partie prestataire a intentionnellement commis un acte (ou a omis de commettre un acte) contraire à ses obligations professionnelles. Il s’agit d’un critère très restreint et précis. Les tribunaux ont toujours affirmé que la division générale doit se concentrer sur les actions de la partie prestataire et sur la question de savoir si elle connaissait ou aurait dû prévoir les conséquences de son action ou de son inaction.

La demande de mesures d’adaptation de la prestataire

[28] En ce qui concerne l’argument de la prestataire sur les mesures d’adaptation, comme la Cour d’appel fédérale l’a affirmé dans l’affaire MishbinijimaNote de bas de page 9, l’absence de mesures d’adaptation prises par un employeur n’est pas pertinente à la question de l’inconduite.

Le droit de la prestataire de prendre ses propres décisions

[29] Pour ce qui est de l’argument de la prestataire selon lequel elle avait le droit de prendre ses propres décisions concernant la vaccination, la Cour fédérale a affirmé dans les décisions Kuk et Cecchetto qu’il s’agissait également d’un élément non pertinent à la question de l’inconduite.

Dans la décision Cecchetto, la Cour fédérale a écrit :

[traduction]

Même si [M. Cecchetto] est manifestement frustré parce qu’aucun des décideurs n’a abordé ce qu’il considère comme les questions juridiques ou factuelles fondamentales qu’il a soulevées, par exemple en ce qui concerne l’intégrité corporelle, le consentement à des tests médicaux, et l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 ou des tests antigéniques, la décision de la division d’appel n’est pas déraisonnable pour autant. Le problème principal de l’argument de [M. Cecchetto] est qu’il reproche aux décideurs de ne pas traiter un ensemble de questions qu’ils ne sont pas autorisés, selon la loi, à aborderNote de bas de page 10.

[30] Dans une autre affaire, intitulée MilovacNote de bas de page 11, la Cour fédérale a confirmé qu’en ce qui concerne les politiques de vaccination, les questions fondées sur la Charte ne relèvent pas, à juste titre, de la division générale.

Résumé sur la question de savoir si la prestataire a une cause défendable

[31] Je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que la division générale a mal interprété ce que signifie une inconduite.

Est-il possible de soutenir que la division générale a ignoré l’un ou l’autre des éléments de preuve?

[32] La prestataire soutient que la division générale a ignoré certains éléments de preuve et s’est concentrée sur des faits non pertinents. La prestataire affirme que si le point de vue de la division générale n’avait pas été faussé, elle aurait conclu qu’elle n’avait pas commis d’inconduite.

[33] La prestataire indique que la division générale a négligé le fait qu’elle était une excellente employée. Elle souligne l’excellence de son rendement au travail depuis 18 ans. Elle dit que la division générale a également ignoré le fait qu’elle s’était pleinement conformée à tous les autres protocoles. Elle passait régulièrement des tests, portait des masques, maintenait la distanciation sociale et faisait du travail à distance.

[34] La prestataire soutient que la division générale n’aurait pas dû se concentrer exclusivement sur le fait qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de son employeur, sans tenir compte également de son excellent rendement au travail, du fait qu’elle a respecté tous les autres protocoles de sécurité et du fait que son employeur n’a pas fourni de mesures d’adaptation.

[35] Comme les tribunaux l’ont établi et comme je l’ai mentionné plus haut, ces considérations ne sont pas pertinentes à la question de l’inconduite. La division générale devait se concentrer sur la question de savoir si la prestataire avait adopté une conduite qui lui permettait ou aurait dû lui permettre de prévoir qu’elle entraînerait probablement une suspension ou un congédiement.

[36] Je ne suis pas convaincue que la prestataire ait une cause défendable selon laquelle la division générale a ignoré certains éléments de preuve. Cet élément de preuve n’était tout simplement pas pertinent à la question de l’inconduite.

Conclusion

[37] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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