Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1214

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (490208) datée du 15 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Noonan
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 24 février 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 2 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-2500

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Décision

[1] L’appel concernant le congé volontaire est accueilli, mais l’appel concernant la disponibilité est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, K. M., a été informée, après la révision de la Commission, qu’elle ne pouvait pas recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 3 janvier 2021, parce qu’elle avait volontairement pris congé de son emploi en Ontario à X le 2 janvier 2021, et ce, sans justification aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission est d’avis que des solutions raisonnables s’offraient à l’appelante et qu’elle aurait pu s’abstenir de prendre ce congé. De plus, l’appelante a été informée qu’elle n’avait pas prouvé sa disponibilité pour le travail pendant qu’elle suivait un programme de formation. L’appelante affirme qu’elle ne pouvait pas travailler pendant son stage en raison d’une directive gouvernementale l’en empêchant (voir la page GD3-63 du dossier d’appel). Le Tribunal de la sécurité sociale doit décider deux choses : si l’appelante ne peut pas recevoir de prestations parce qu’elle a volontairement pris un congé sans justification aux termes de l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi; si elle doit être déclarée inadmissible en application des articles 18 et 50 de la Loi sur l’assurance-emploi et des articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’assurance-emploi, parce qu’elle n’a pas prouvé sa disponibilité pour le travail, alors qu’elle suivait un programme de formation à temps plein.

Questions en litige

[3] Question no 1 : Le congé débutant le 2 janvier 2021 était-il volontaire?

Question no 2 : Si le congé était volontaire, l’appelante était-elle fondée à le prendre?

Question no 3 : L’appelante souhaitait-elle retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert?

Question no 4 : L’appelante faisait-elle des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail?

Question no 5 : L’appelante a-t-elle établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire trop) ses chances de retourner sur le marché du travail?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans le document GD4 du dossier d’appel.

[5] Une personne est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle prend volontairement un congé sans justification. Voir l’article 32(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. Par contre, une personne est fondée à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Voir l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[6] L’intimée a d’abord le fardeau de prouver que le congé était volontaire. Ensuite, le fardeau revient à l’appelante : elle doit prouver qu’elle était fondée à prendre ce congé. Pour établir qu’elle était fondée à le prendre, l’appelante doit démontrer que c’était la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances (voir les décisions Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190 et Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17). Le terme « fardeau » est utilisé pour indiquer la partie qui doit fournir une preuve suffisante de sa position pour satisfaire au critère juridique. Dans la présente affaire, le fardeau de la preuve repose sur la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il faut se demander s’il est plus probable qu’improbable que les événements se soient déroulés comme ils ont été décrits.

[7] Pour décider si une personne était fondée à prendre congé au titre de l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi, il faut se demander si, compte tenu de toutes les circonstances et selon la prépondérance des probabilités, son congé était la seule solution raisonnable dans son cas (voir les décisions White, 2011 CAF 190; Macleod, 2010 CAF 301; Imran, 2008 CAF 17; et Astronomo, A-141-97). Une personne qui quitte son emploi doit démontrer qu’elle n’avait aucune autre option (voir la décision Tanguay, A-1458-84).

[8] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans le document GD4 du dossier d’appel.

[9] On présume qu’une personne inscrite à un programme de formation à temps plein n’est pas disponible pour travailler. Cette présomption de fait peut être réfutée par une preuve de circonstances exceptionnelles (voir la décision Cyrenne, 2010 CAF 349).

[10] Cette présomption signifie qu’une personne n’est pas disponible pour travailler si elle suit un programme de formation à temps plein de sa propre initiative. Pour réfuter cette présomption, l’appelante doit démontrer, par des preuves de recherche d’emploi, que son intention principale est d’accepter immédiatement un emploi convenable, ou qu’elle est prête à prendre toutes les mesures nécessaires, même à abandonner ses études. Elle doit démontrer par ses actions que ses études sont moins importantes que le travail et qu’elles ne constituent pas un obstacle à la recherche ou à l’obtention d’un emploi convenable.

[11] Une personne inscrite à un programme de formation à temps plein, sans qu’une autorité désignée par la Commission l’ait dirigée vers ce programme, doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. Elle doit aussi satisfaire aux exigences de disponibilité applicables à toute personne qui demande des prestations régulières d’assurance-emploi. La personne doit chercher un emploi de façon continue et démontrer que ses études n’ont pas restreint sa disponibilité, ce qui réduirait considérablement ses chances de trouver un emploi.

[12] Les facteurs suivants peuvent servir à évaluer la disponibilité pour le travail :

  1. a) les exigences de participation aux cours;
  2. b) la volonté de la partie prestataire d’abandonner ses études pour accepter un emploi;
  3. c) la question de savoir si elle a déjà travaillé à des heures irrégulières;
  4. d) la présence de circonstances exceptionnelles qui lui permettraient de travailler tout en étant aux études;
  5. e) les frais associés aux études.

[13] Une personne est disponible pour travailler si elle : 1. désire retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui est offert; 2. exprime ce désir par des démarches pour trouver un emploi convenable; 3. évite d’établir des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Ces trois éléments sont pris en considération avant de rendre une décision (voir les décisions Faucher, A-56-96 et Faucher, A-57-96).

Congé volontaire

Question no 1 : Le congé débutant le 2 janvier 2021 était-il volontaire?

[14] Non.

[15] Pour que le congé soit volontaire, l’appelante devait l’obtenir de sa propre initiative.

[16] Dans la présente affaire, c’est l’employeur qui a mis l’appelante en congé le 2 janvier 2021. À l’audience, l’appelante a déclaré que son employeur l’avait informée qu’elle ne pouvait pas garder son emploi parce qu’elle avait un stage à l’hôpital et que la directive provinciale lui interdisait de travailler dans deux établissements de soins de santé différents. Elle savait que son emploi l’attendrait à la fin de son programme.

[17] Comme le congé n’était pas une initiative de l’appelante, ce qui aurait été essentiel pour établir qu’il était volontaire, je conclus qu’elle n’a pas volontairement pris ce congé.

Question no 2 : Si le congé était volontaire, l’appelante était-elle fondée à le prendre?

[18] Cette question est inutile étant donné ce qui précède.

Disponibilité

[19] Une personne est disponible pour travailler si elle : 1. désire retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui est offert; 2. exprime ce désir par des démarches pour trouver un emploi convenable; 3. évite d’établir des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Ces trois éléments sont pris en considération avant de rendre une décision (voir les décisions Faucher, A-56-96 et Faucher, A-57-96).

Question no 3 : L’appelante souhaitait-elle retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert?

[20] Non.

[21] D’après ses déclarations et observations, l’appelante ne cherchait pas d’emploi depuis le début de son congé.

[22] Je juge qu’elle n’avait pas le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert, car elle était déterminée à terminer son programme de formation.

Question no 4 : L’appelante faisait-elle des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail?

[23] Non.

[24] L’absence de recherche d’emploi de la part de l’appelante ne peut pas être considérée comme des démarches raisonnables et habituelles aux termes de l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi.

[25] Je considère que l’appelante n’a pas démontré, pendant toute la période visée, qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenable.

[26] Je juge que les actions de l’appelante, ou son inaction dans ce cas-ci, ne démontrent pas un désir sincère de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

Question no 5 : L’appelante a-t-elle établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[27] Oui.

[28] L’appelante a initialement déclaré à Service Canada qu’elle n’était pas disponible. Cette déclaration restreint sérieusement sa disponibilité (voir les décisions Duquet, 2008 CAF 313 et Gauthier, 2006 CAF 40).

[29] Je considère que l’appelante suivait un programme de formation de sa propre initiative, ce qui impose des conditions quant à sa recherche d’un emploi convenable.

[30] L’appelante affirme qu’elle n’était pas disponible pour travailler en dehors de son horaire de stage, car cela nécessiterait qu’elle travaille dans un deuxième établissement de soins de santé.

[31] L’appelante a déclaré qu’elle n’abandonnerait pas son programme de formation pour accepter un emploi à temps plein.

[32] Toutefois, la politique de son programme prévoit que l’horaire de stage ne dépasse pas 40 heures par semaine.

[33] La déclaration initiale de l’appelante à Service Canada, à savoir qu’elle n’était pas disponible et qu’elle n’avait pas cherché d’emploi à temps plein, impose de sérieuses restrictions quant à sa disponibilité (voir les décisions Duquet, 2008 CAF 313 et Gauthier, 2006 CAF 40).

[34] J’estime que l’appelante ne suivait pas un programme de formation approuvé par une autorité désignée par la Commission. Elle avait décidé elle-même de s’inscrire à ce programme, afin d’avoir plus de possibilités d’emplois à temps plein ou d’études supérieures.

[35] Lorsqu’une personne n’est pas disponible pour travailler et que cela découle de raisons personnelles, celles-ci ne peuvent pas constituer un motif valable pour refuser un emploi convenable (voir la décision Bertrand, A-613-81).

[36] J’appuie les efforts de l’appelante pour terminer ses études, mais j’estime qu’elle n’a présenté aucune preuve de circonstances exceptionnelles qui réfuteraient la présomption de non-disponibilité qui s’applique aux personnes qui suivent un programme de formation à temps plein. Elle n’est donc pas admissible aux prestations pour la période visée.

[37] En soi, une simple déclaration de disponibilité ne suffit pas pour qu’une personne s’acquitte du fardeau de la preuve (voir les décisions CUB 18828 et 33717).

[38] Ni le Tribunal ni la Commission n’ont le pouvoir de déroger à des dispositions législatives et à des conditions claires imposées par la Loi sur l’assurance-emploi ou le Règlement sur l’assurance-emploi pour des raisons d’équité ou de compassion, ou des circonstances financières ou atténuantes.

Annulation

[39] L’appelante a eu des prestations versées en trop, ce qui a occasionné un trop-payé. Elle veut que ce trop-payé soit annulé. C’est une décision qui revient à la Commission, car le Tribunal n’a pas compétence en la matière.

[40] La Commission a le pouvoir de réduire ou d’annuler un trop-payé, mais ce n’est pas automatique : il faut présenter une demande à la Commission. La personne visée doit préciser les répercussions actuelles et éventuelles de la dette sur sa situation financière et expliquer le stress lié à la dette et ce qui a causé cette dette.

[41] La décision de la Commission à ce sujet ne peut pas être portée en appel devant le Tribunal. Seule la décision de la Commission qui a causé le trop-payé peut être soumise à une révision prévue à l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi. La responsabilité de la partie prestataire de rembourser un trop-payé et ses intérêts ne peut pas faire l’objet d’une révision parce qu’il ne s’agit pas d’une décision de la Commission et que la partie « prestataire » devient « débitrice ». Le recours concernant cette question consiste à demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale du Canada.

[42] Ce processus doit être amorcé par l’appelante. Elle doit tout d’abord demander à la Commission d’annuler sa dette.

[43] Je n’ai pas le pouvoir de réduire ou d’annuler le trop-payé. Le Tribunal n’a pas compétence pour trancher les questions de réduction ou d’annulation de dettes.

[44] L’appelante demande l’annulation du trop-payé. Je suis d’accord avec la position de la Commission. La loi précise que sa décision concernant l’annulation d’une somme due ne peut pas être portée en appel devant le Tribunal. Par conséquent, je ne peux pas trancher les questions relatives aux demandes d’annulation ou de réduction d’un trop-payé.

[45] La Cour fédérale du Canada a compétence pour juger un appel relatif à une annulation. Par conséquent, si la prestataire souhaite faire appel au sujet de sa demande d’annulation du trop-payé, elle doit le faire auprès de la Cour fédérale du Canada.

[46] Enfin, je ne vois rien dans le dossier qui indique que la Commission a informé l’appelante du programme de remise de dette offert par l’Agence du revenu du Canada. Si le remboursement immédiat du trop-payé au titre de l’article 44 de la Loi sur l’assurance-emploi cause des difficultés financières à l’appelante, elle peut appeler le Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence au 1-866-864-5823. Elle pourrait se faire proposer des options de remboursement adaptées à sa situation financière.

Conclusion

[47] Après avoir examiné attentivement toutes les circonstances, je conclus que l’appelante a prouvé selon la prépondérance des probabilités que son congé était la seule solution raisonnable au moment où il est survenu. L’appel concernant le congé volontaire est donc accueilli. Cependant, après avoir tenu compte de toutes les circonstances, je conclus que l’appelante n’a pas réussi à réfuter la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler pendant qu’elle suivait son programme de formation. L’appel concernant la disponibilité est donc rejeté.

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