Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : LD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1205

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire
appel

Partie demanderesse : L. D.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 8 juin 2023
(GE-22-4105)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 5 septembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-687

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi. L’employeur affirme qu’elle a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à sa politique de vaccination contre la COVID-19. On ne lui a pas accordé d’exemption. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue et avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Elle a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de la congédier dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande maintenant la permission de porter en appel la décision de la division générale à la division d’appel. Selon la prestataire, la division générale a ignoré le fait que la Commission n’avait pas évalué sa demande de prestations de façon équitable.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10]  La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.   

[11]  Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès? 

[12]  La prestataire soutient que la division générale a ignoré le fait que la Commission n’avait pas évalué sa demande d’assurance-emploi de façon équitable. Elle soutient que sa demande d’assurance-emploi a été rejetée le 21 août 2022. Elle a déposé des enregistrements pour appuyer son affirmation. Elle soutient que les dossiers montrent que l’agent de la Commission a parlé à son employeur le 22 août 2022. Elle veut savoir où on a indiqué dans la documentation que sa demande d’assurance-emploi a été rejetée le 23 août 2022.

Le rôle de la division générale et la conduite de la Commission

[13] Devant la division générale et dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire a exprimé son insatisfaction quant à la façon dont la Commission a traité l’enquête sur sa demande de prestations.

[14] La division générale et la division d’appel n’ont pas compétence pour enquêter sur la conduite de la Commission dans le cadre du traitement de la demande de prestations de la prestataire.

[15] Le rôle de la division générale est d’examiner les éléments de preuve qui lui sont présentés par les deux parties, de décider quels sont les faits pertinents à la question de droit dont elle est saisie, et d’énoncer, dans sa décision écrite, sa propre décision indépendante à cet égard. La division générale n’est pas liée par la façon dont l’employeur ou la Commission caractérise le licenciement.

La question de l’inconduite

[16] Le 23 août 2022, la Commission a envoyé une lettre de décision à la prestataire.Note de bas de page 1 La lettre indique que la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Le 16 septembre 2023, la prestataire a demandé la révision de la décision initiale rendue par la Commission le 23 août 2022.Note de bas de page 2

[17] Le 14 novembre 2022, la Commission a maintenu sa décision initiale d’inconduite.Note de bas de page 3 La prestataire a porté la décision découlant de la révision en appel à la division générale.

[18] La division générale devait décider si la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite à partir de la preuve dont elle disposait.

[19] La notion d’inconduite ne signifie pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[20] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[21] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi parce qu’elle avait refusé de suivre la politique. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption. La prestataire a refusé intentionnellement; c’était délibéré. Il s’agissait de la cause directe de son congédiement.

[22] La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[23] En s’appuyant sur le témoignage de la prestataire, les courriels de l’employeur et une lettre datée du 12 novembre 2021, la division générale a conclu que la prestataire savait qu’elle pouvait être congédiée.Note de bas de page 4

[24] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[25] Une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Note de bas de page 5 On considère également comme une inconduite au sens de la Loi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une entreprise.Note de bas de page 6

[26] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Il n’appartient pas au Tribunal de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été congédiée.

[27] La question de savoir si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation pour la prestataire ou si la politique de son employeur a porté atteinte à ses droits relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation qu’elle demande.Note de bas de page 7

[28] Récemment, la Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[29] Le prestataire dans l’affaire Cecchetto a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a fait valoir qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire estimait qu’il faisait l’objet de discrimination en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a soutenu qu’il avait le droit de préserver son intégrité physique et que ses droits avaient été violés selon la loi canadienne et internationale.Note de bas de page 8

[30] La Cour fédérale a confirmé qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 9 La Cour a précisé qu’il existe d’autres façons de faire avancer adéquatement les revendications du prestataire dans le cadre du système juridique.

[31] L’affaire Cecchetto a depuis été suivie de deux autres décisions de la Cour fédérale concernant les cas de vaccin : Milovac et Kuk.Note de bas de page 10 Ces décisions soulignent qu’il n’appartient pas au Tribunal d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la politique de vaccination de l’employeur ni de rendre une décision à ce sujet.

[32] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de fournir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les affaires d’inconduite à l’assurance-emploi.

[33] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[34] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[35] La division générale ne semble avoir commis aucune erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite conformément à la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 11

[36] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance si une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu’en vertu de la Loi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[37] La prestataire soutient que l’employeur a rappelé au travail certains employés non-vaccinés après la levée de l’exigence de vaccination fédérale en juin 2022. Ce fait ne change pas la nature de l’inconduite qui a mené au congédiement de la prestataire.Note de bas de page 12 

[38] Après avoir examiné le dossier d’appel et la décision de la division générale ainsi que les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je n’ai d’autre choix que de conclure que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La prestataire n’a pas invoqué de motif qui correspond aux moyens d’appel susmentionnés et qui pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[39] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.