Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1224

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (462770) datée du 12 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 29 août 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 5 septembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-1370

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Je ne suis pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension et son congédiement ultérieur).

[3] Par conséquent, l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour la période où il a été suspenduNote de bas de page 1. Cela signifie également qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour la période après que sa suspension s’est transformée en congédiementNote de bas de page 2.

Aperçu

[4] L’appelant a été suspendu de son emploi le 21 novembre 2021. Il a par la suite été congédié le 31 décembre 2021. L’employeur de l’appelant a déclaré qu’il a été suspendu et congédié par la suite parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 : il n’a pas fourni de preuve de vaccination.

[5] Même si l’appelant ne conteste pas que cela s’est produit, il affirme que son employeur a agi injustement lorsqu’il a décidé de le suspendre et de le congédier par la suite.

[6] La Commission a accepté la raison de la suspension et du congédiement subséquent fournie par l’employeur. Elle a décidé que l’appelant avait été suspendu et qu’il avait perdu son emploi par la suite en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 21 novembre 2021 au 31 décembre 2021 (la période de sa suspension) et qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à partir du 1er janvier 2022 (une fois qu’il a perdu son emploi).

[7] L’appelant a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. Celle-ci a rejeté l’appel de façon sommaire.

[8] L’appelant a ensuite porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel. Celle-ci a conclu que la division générale avait commis une erreur en choisissant de rejeter l’appel de façon sommaire et elle a renvoyé l’affaire à la division générale pour réexamen.

Question en litige

[9] L’appelant a-t-il été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Pour décider si l’appelant a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pourquoi l’appelant a été suspendu et congédié par la suite. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu puis congédié?

[11] Je conclus que l’appelant a été suspendu et congédié par la suite parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur : il n’a pas fourni de preuve de vaccination.

[12] L’appelant et la Commission s’entendent sur la raison pour laquelle l’appelant a été suspendu puis congédié.

[13] La Commission affirme que la raison fournie par l’employeur est la véritable raison de la suspension et du congédiement de l’appelantNote de bas de page 3. L’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant avait été suspendu et congédié par la suite parce qu’il n’avait pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 4. L’appelant convient aussi qu’il a été suspendu et plus tard congédié pour cette raisonNote de bas de page 5.

La raison de la suspension et du congédiement ultérieur de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la loi?

[14] La raison de la suspension et du congédiement ultérieur de l’appelant est une inconduite au sens de la loi.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si la suspension et le congédiement ultérieur de l’appelant ont découlé d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[16] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 7. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 8).

[17] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit suspendu et congédié par la suite pour cette raisonNote de bas de page 9.

[18] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 10.

[19] J’ai seulement le pouvoir de trancher des questions au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si l’appelant a d’autres options en vertu d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si l’appelant a été suspendu à tort et congédié par la suite, ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour l’appelantNote de bas de page 11 (lui offrir des mesures d’adaptation). Je ne peux examiner qu’une seule chose : la question de savoir si ce que l’appelant a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[20] Il y a une affaire de la Cour d’appel fédérale intitulée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas de page 12. M. McNamara a été congédié de son emploi au titre de la politique de son employeur sur le dépistage des drogues. Il a fait valoir qu’il n’aurait pas dû être congédié parce que le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances, notamment parce qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables de croire qu’il était incapable de faire son travail en toute sécurité parce qu’il avait consommé de la drogue, et qu’il aurait dû être couvert par le dernier test qu’il avait passé. Essentiellement, M. McNamara a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que les actions de son employeur liées à son congédiement n’étaient pas correctes.

[21] En réponse aux arguments de M. McNamara, la Cour a déclaré qu’elle a toujours dit que la question dans les cas d’inconduite n’est pas d’établir « si le congédiement d’un employé était ou non injustifié [mais] plutôt […] [d’établir] si l’acte ou l’omission reproché [sic] à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». 

[22] Dans la même affaire, la Cour a ajouté que ce qu’il convient à l’évidence de retenir dans l’interprétation et l’application de la Loi sur l’assurance-emploi « n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a souligné qu’il existe d’autres recours disponibles pour les personnes qui ont été congédiées à tort, « qui permettent d’éviter que » par le truchement des prestations d’assurance-emploi « les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».

[23] Une décision plus récente qui suit l’affaire McNamara est Paradis c Canada (Procureur général)Note de bas de page 13. Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage de drogue. M. Paradis a fait valoir qu’il avait été congédié à tort, que les résultats des tests montraient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et aux lois provinciales sur les droits de la personne. La Cour s’est appuyée sur l’affaire McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur n’est pas un facteur pertinent lorsqu’il s’agit de décider de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 14.

[24] Une autre affaire semblable de la Cour est Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 15. M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a fait valoir que, comme la dépendance à l’alcool a été reconnue comme une invalidité, son employeur était tenu de lui fournir des mesures d’adaptation. La Cour a répété que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou omis de faire, et que le fait que l’employeur n’a pas pris de mesures d’adaptation pour son employé n’est pas un facteur pertinentNote de bas de page 16.

[25] Ces cas ne concernent pas les politiques de vaccination contre la COVID-19. Mais les principes dans ces cas-là sont toujours pertinents. Mon rôle n’est pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de décider s’il avait raison de suspendre puis de congédier l’appelant. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou omis de faire et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[26] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant savait que son employeur avait une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et qu’il savait qu’il pouvait être suspendu et congédié par la suite s’il ne la suivait pas, mais il a choisi de ne pas la suivre malgré tout en refusant de fournir une preuve de vaccination comme l’exigeait la politiqueNote de bas de page 17.

[27] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que son employeur a agi injustement en instaurant une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 qui ne faisait pas partie de son contrat de travail initial, en lui demandant de suivre la politique même s’il était en congé de maladie, et en rejetant ses demandes d’exemption médicale et religieuse de la politiqueNote de bas de page 18.

[28] L’employeur de l’appelant a transmis à la Commission les documents suivants concernant sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 :

  • Une copie de la politique, qui est entrée en vigueur le 7 septembre 2021Note de bas de page 19, et qui disait ce qui suit :
    • [traduction]

      Tous les employés doivent confirmer leur statut vaccinal au plus tard le 20 septembre 2021 et avoir reçu deux doses d’un vaccin approuvé contre la COVID-19 au plus tard le 30 octobre 2021Note de bas de page 20.

    • Les employés peuvent également demander des mesures d’adaptation au titre de la politiqueNote de bas de page 21.
    • Les employés doivent respecter la politique comme condition d’emploiNote de bas de page 22.
  • Un courriel aux employés, daté du 29 septembre 2021. Voici ce qu’il dit :
    • [traduction]

      Les employés ont maintenant jusqu’au 6 octobre 2021 pour divulguer leur statut vaccinalNote de bas de page 23.

  • Un courriel aux employés, daté du 15 octobre 2021, qui disait ce qui suit :
    • [traduction]

      Les employés ont maintenant jusqu’au 20 novembre 2021 pour recevoir deux doses du vaccin approuvé contre la COVID-19Note de bas de page 24.

    • À compter du 21 novembre 2021, les employés qui n’auront pas reçu de deuxième dose seront immédiatement mis en congé sans solde et ils auront tout au plus jusqu’au 30 décembre 2021 pour se conformer à la politiqueNote de bas de page 25.
    • À compter du 31 décembre 2021, les employés qui ne sont toujours pas vaccinés se verront congédiés de leur emploi avec motifNote de bas de page 26.
    • Les employés qui ne divulguent pas leur statut vaccinal seront considérés comme non vaccinés selon la politiqueNote de bas de page 27.
  • Un courriel aux employés, daté du 28 octobre 2021, qui disait ce qui suit :
    • [traduction]

      Les employés qui sont en invalidité de courte durée (c’est-à-dire en congé de maladie) doivent quand même suivre la politiqueNote de bas de page 28.

    • Tout employé qui était en congé d’invalidité de courte durée approuvé avant la mise en œuvre de la politique et qui demeure absent ainsi que non conforme à sa politique en date du 20 novembre 2021 verra son absence examinée avant le 20 novembre 2021 afin que son admissibilité aux prestations d’invalidité de courte durée soit évaluéeNote de bas de page 29.
    • Tout employé qui est allé en congé d’invalidité de courte durée après la mise en œuvre de la politique et qui ne s’y conforme pas à compter du 20 novembre 2021 sera placé en congé sans solde à compter du 21 novembre 2021Note de bas de page 30.
    • Les employés ont commencé à recevoir des lettres les informant que leurs demandes de mesures d’adaptation avaient été refusées. Ces employés ont deux semaines pour se conformer à la politiqueNote de bas de page 31.
    • Les employés qui ont attendu après le 29 octobre 2021 pour demander une mesure d’adaptation (médicale et non médicale) et qui ne respectent toujours pas leur politique à compter du 20 novembre 2021 seront mis en congé sans solde pendant que leur demande est évaluéeNote de bas de page 32.
  • Un courriel aux employés, daté du 17 novembre 2021, qui dit ce qui suit :
    • [traduction]

      La date limite pour suivre sa politique est la fin de la journée du 20 novembre 2021Note de bas de page 33.

    • Tous les employés ont jusqu’à ce moment-là pour recevoir deux doses de vaccin et mettre à jour leur statut avec une preuve de vaccinationNote de bas de page 34.
    • À compter du 21 novembre 2021, les employés qui n’auront pas reçu de deuxième dose seront immédiatement mis en congé sans solde et ils auront jusqu’au 30 décembre 2021 pour se conformer à la politiqueNote de bas de page 35.
    • À compter du 31 décembre 2021, les employés qui ne sont toujours pas vaccinés seront congédiés pour un motif valableNote de bas de page 36.
    • Les employés qui ne divulguent pas leur statut vaccinal seront considérés comme non vaccinés selon la politiqueNote de bas de page 37.

[29] L’appelant a déclaré ce qui suit :

  • Il connaissait la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 38.
  • Il n’a pas fourni de preuve de vaccination avant la date limite fixée par son employeurNote de bas de page 39. Il a entendu des choses positives au sujet du vaccin contre la COVID-19, mais aussi des choses négatives, et il voulait obtenir les bonnes informations à ce sujet avant de se faire vaccinerNote de bas de page 40.
  • Il a pris un congé de maladie le 7 octobre 2021Note de bas de page 41.
  • Il a entendu parler de la politique environ au moment où il est parti en congé de maladie. Son superviseur lui a dit que tout irait bien lorsqu’il retournerait au travailNote de bas de page 42.
  • Il a reçu une lettre en octobre 2021 indiquant que les employés non vaccinés seraient mis en congé sans solde à compter du 21 novembre 2021Note de bas de page 43.
  • Il a reçu une autre lettre à la fin de novembre 2021 indiquant que les employés non vaccinés en congé sans solde seraient congédiés pour motif valable le 31 décembre 2021Note de bas de page 44.
  • Il a demandé des exemptions médicales et religieuses à la politique en novembre 2021, mais son employeur a rejeté ces demandes verbalementNote de bas de page 45.
  • Son employeur a injustement rejeté ses demandes d’exemption. Il lui a fourni des éléments de preuve montrant que ses croyances religieuses sont sincèresNote de bas de page 46. Il leur a aussi clairement dit qu’il avait des préoccupations médicales et des problèmes de santé mentale et qu’il voulait parler au spécialiste de la santé au travail avant de se faire vacciner, mais qu’il ne pouvait pas obtenir de rendez-vous avant février 2022Note de bas de page 47.
  • Son employeur a injustement présenté sa politique. Elle ne faisait pas partie de son contrat de travail initial, alors il n’aurait pas dû avoir à la suivreNote de bas de page 48.
  • Son employeur lui a injustement demandé de suivre leur politique même s’il était en congé de maladie et qu’il était aux prises avec du stress et de l’anxiétéNote de bas de page 49.
  • Une autre décision de la division générale du Tribunal (GE-22-1889, qui est AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada) appuie ses argumentsNote de bas de page 50.
  • Il a le droit de ne pas se faire vacciner et exercer ce droit n’est pas une inconduiteNote de bas de page 51.
  • Il a cotisé à l’assurance-emploi pendant des années et il estime que le système lui a fait défaut. Il a des factures et des impôts qu’il a de la difficulté à payer parce qu’on lui a refusé des prestationsNote de bas de page 52.

[30] Je compatis avec l’appelant, mais je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons qui suivent.

[31] Je conclus que l’appelant a posé les gestes qui ont mené à sa suspension et à son congédiement ultérieur, car il savait que son employeur avait une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et ce qu’il devait faire pour la suivre.

[32] J’estime également que les gestes de l’appelant étaient intentionnels, car il a pris la décision consciente de ne pas suivre la politique de son employeur.

[33] Des éléments de preuve montrent que l’appelant était au courant de la politique de son employeur. Il a dit aussi qu’il connaissait la politique, comme je l’ai mentionné plus haut. Il a également demandé des exemptions médicales et religieuses, ce qui montre qu’il connaissait la politique et ses exigences.

[34] Il y a également des éléments de preuve qui montrent que l’appelant a choisi de ne pas suivre la politique de son employeur. Il a dit qu’il ne s’était pas fait vacciner avant les dates limites prévues par la politique (le 20 novembre 2021 et le 30 décembre 2021), comme je l’ai mentionné plus haut.

[35] Je reconnais que l’appelant affirme que son employeur aurait dû approuver sa demande d’exemption médicale parce qu’il avait des préoccupations de santé et des problèmes de santé mentale qu’il souhaitait aborder en prenant rendez-vous avec le spécialiste en santé au travail de son employeur, mais qu’il n’avait pas pu le voir avant les dates limites prévues par la politique.

[36] Je reconnais également que l’appelant affirme que son employeur aurait dû approuver sa demande d’exemption religieuse parce qu’il lui a fourni des éléments de preuve montrant que ses croyances religieuses sont sincères.

[37] Et je reconnais que l’appelant affirme que la politique de son employeur ne faisait pas partie de son contrat de travail initial, et qu’il n’aurait donc pas dû avoir à la suivre.

[38] Malheureusement, je juge que ces arguments ne sont pas pertinents dans la présente affaire  parce qu’ils se rapportent à des choses que l’employeur de l’appelant a faites ou omis de faire. Comme je l’ai mentionné plus haut, la Loi sur l’assurance-emploi et la Cour disent que je dois me concentrer sur les actions de l’appelant (et non sur celles de l’employeur) au moment d’analyser l’inconduite. Cela signifie que je peux seulement regarder ce que l’appelant a fait ou omis de faire jusqu’à sa suspension et son congédiement ultérieur.

[39] Autrement dit, je ne peux pas vérifier si l’employeur de l’appelant a agi injustement pour les raisons qu’il avance. Si l’appelant veut poursuivre ces arguments, il doit le faire auprès d’un autre tribunal ou d’une autre instance.

[40] Je reconnais également que l’appelant affirme qu’il a le droit de ne pas se faire vacciner et que l’exercice de ce droit n’est pas une inconduite.

[41] Je suis d’accord avec l’appelant pour dire qu’il a le droit de choisir de se faire vacciner ou non. Cependant, je conclus que sa décision d’exercer ce droit constitue toujours une inconduite. Je considère que sa décision est délibérée puisqu’elle impliquait un choix conscient et intentionnel de sa part de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19, même si la politique de son employeur l’exigeait, et la Cour affirme qu’un geste délibéré peut être considéré comme une inconduite, comme il a été expliqué ci-dessus.

[42] De plus, je reconnais que l’appelant estime qu’une autre décision de la division générale du Tribunal (que j’appellerai la décision AL) appuie ses arguments. Il affirme que l’appelant dans AL se trouvait dans une situation semblable à la sienne (il a été congédié parce qu’il n’avait pas suivi la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur) et qu’il a obtenu gain de cause, alors il devrait lui aussi obtenir gain de causeNote de bas de page 53.

[43] Je souligne que je ne suis pas lié par les décisions antérieures du Tribunal. Par conséquent, je peux décider moi-même si je suis d’accord avec ces décisions et si elles appuient l’appel d’une partie appelante.

[44] Dans la présente affaire, je note également que la division d’appel du Tribunal a récemment infirmé la décision AL. La formation composée de trois membres a conclu à l’unanimité que le membre de la division générale qui a accueilli l’appel de A. L. avait commis deux erreurs. Premièrement, il a interprété le sens d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Deuxièmement, il a outrepassé sa compétence en décidant du bien-fondé d’un différend entre un employeur et un employé, ce qui ne relève pas de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 54.

[45] Je suis d’accord avec les conclusions de la division d’appel. Je juge également que le membre de la division générale qui a accueilli l’appel d’A. L. est allé bien au-delà de ce sur quoi le Tribunal devrait se concentrer lorsqu’il a tiré ses conclusions sur l’inconduite.

[46] Je note que la Cour a récemment déclaré dans une autre décision que AL n’établit aucun type de règle générale qui s’applique à d’autres situations de fait et qu’elle n’est donc pas tenue de la suivreNote de bas de page 55.

[47] Pour ces raisons, je ne suivrai pas AL et je ne lui accorderai pas beaucoup d’importance dans la présente affaire.

[48] Ainsi, même si je reconnais les préoccupations de l’appelant au sujet de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur, je juge que la preuve démontre qu’il a pris la décision consciente de ne pas la suivre. Il n’a pas fourni de preuve de vaccination même si la politique exigeait que les membres du personnel le fassent, comme je l’ai mentionné plus haut, ce qui montre que ses actions étaient intentionnelles.

[49] Je juge également que l’appelant savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique de son employeur pouvait entraîner sa suspension et son congédiement ultérieur.

[50] Des éléments de preuve montrent que l’employeur de l’appelant lui a dit qu’il serait suspendu s’il ne respectait pas sa politique. L’appelant a déclaré avoir reçu un courriel en octobre 2021 disant que les membres du personnel non vaccinés seraient mis en congé sans solde le 21 novembre 2021, comme je l’ai mentionné plus haut.

[51] Il y a aussi des éléments de preuve montrant que l’employeur de l’appelant lui a dit par la suite qu’il serait congédié s’il ne respectait pas sa politique. L’appelant a dit avoir reçu un courriel à la fin de novembre 2021 indiquant que l’employé non vacciné en congé sans solde serait congédié avec motif le 31 décembre 2021, comme je l’ai mentionné plus haut.

[52] Je reconnais que l’appelant affirme que son employeur lui a demandé de suivre sa politique même pendant qu’il était en congé d’invalidité de courte durée (congé de maladie), puis qu’il l’a suspendu et congédié par la suite parce qu’il ne l’a pas fait.

[53] Malheureusement, j’estime que la preuve montre que l’appelant devait tout de même suivre la politique de son employeur pendant qu’il était en congé d’invalidité de courte durée. Comme je l’ai mentionné plus haut, l’employeur de l’appelant a déclaré que tout membre du personnel qui partait en congé d’invalidité de courte durée après la mise en œuvre de la politique et qui ne se conformait pas à la politique à compter du 20 novembre 2021 serait placé en congé sans solde le 21 novembre 2021. Comme je l’ai mentionné plus haut, la politique a été mise en œuvre le 7 septembre 2021. L’appelant est parti en congé de maladie le 7 octobre 2021. À mon avis, cela signifie qu’il est parti en congé d’invalidité de courte durée après la mise en œuvre de la politique et qu’il devait donc la suivre.

[54] Comme l’appelant devait tout de même respecter la politique de son employeur même pendant qu’il était en congé de maladie, j’estime que cela signifie qu’il aurait dû savoir qu’il pouvait être suspendu et congédié plus tard s’il ne respectait pas la politique.

[55] Je comprends que l’appelant est contrarié que son employeur lui ait fait suivre sa politique même s’il était aux prises avec des défis en santé mentale et qu’il a dû prendre un congé de maladie en partie pour cette raisonNote de bas de page 56. Malheureusement, comme je l’ai mentionné plus haut, je dois me concentrer uniquement sur les actions de l’appelant lors de l’analyse de son inconduite, de sorte que ce que son employeur a fait ou omis de faire dans cette situation n’est pas pertinent dans la présente affaire. Si l’appelant souhaite poursuivre ces arguments, il doit le faire auprès d’un autre tribunal ou d’une autre instance.

[56] Je reconnais également que l’appelant affirme que son employeur a rejeté verbalement ses demandes d’exemption médicale et religieuse. Il n’y a aucune lettre de l’employeur de l’appelant à ce sujet au dossier, et la Commission ne semble pas lui avoir posé de questions à ce sujet lorsqu’elle a pris la paroleNote de bas de page 57. Puisqu’il n’y a aucune preuve pour réfuter ce que l’appelant dit, je conclus qu’il est probable que l’employeur de l’appelant a seulement rejeté verbalement ses demandes d’exemption médicale et religieuse.

[57] Malgré cela, je juge que l’appelant aurait quand même dû savoir qu’il pouvait être suspendu et congédié par la suite s’il ne respectait pas la politique de son employeur. En effet, il n’y a aucune preuve démontrant que l’employeur de l’appelant devait aviser les membres du personnel par écrit que leur demande d’exemption avait été refusée avant de les suspendre ou de les congédier s’ils n’avaient pas respecté la politique.

[58] Je juge plutôt que la preuve (plus précisément le courriel que l’employeur de l’appelant a envoyé le 28 octobre 2021) montre seulement que les membres du personnel commençaient à recevoir des lettres au sujet de leurs demandes d’exemption à la fin d’octobre 2021, comme je l’ai mentionné plus haut. Cependant, j’estime que cela ne signifie pas que tous les membres du personnel touchés recevaient des lettres ou qu’ils en recevraient. J’estime qu’il est raisonnable de croire que si l’employeur de l’appelant devait aviser les membres du personnel par écrit que leur demande d’exemption a été rejetée, il y aurait une preuve claire à cet égard quelque part, comme dans la politique elle-même ou dans l’un des courriels envoyés au personnel.

[59] Étant donné l’absence de preuve claire que les membres du personnel étaient censés recevoir des lettres de refus d’exemption, j’estime que le fait que l’employeur de l’appelant lui a dit verbalement que ses demandes d’exemption étaient refusées aurait dû être suffisant pour lui faire comprendre qu’il devait quand même respecter sa politique dans les délais appropriés et qu’il serait suspendu et congédié par la suite s’il ne le faisait pas.

[60] Je reconnais que l’appelant s’oppose à la façon dont son employeur a traité ses demandes d’exemption religieuse et médicale, y compris la façon dont il lui a communiqué sa décision concernant ces demandes. Mais encore une fois, comme je l’ai mentionné plus haut, je dois me concentrer uniquement sur les actions de l’appelant lors de l’analyse de l’inconduite, de sorte que la conduite de son employeur n’est pas pertinente dans la présente affaire.

[61] Dans l’ensemble, je juge que la preuve montre que l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il pouvait être suspendu et congédié par la suite pour ne pas avoir respecté la politique de son employeur, pour les raisons mentionnées ci-dessus.

[62] Par conséquent, je conclus que la conduite de l’appelant constitue une inconduite au sens de la loi parce qu’il a posé les gestes qui ont mené à sa suspension et à son congédiement (il n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur), que ses gestes étaient intentionnels et qu’il savait ou aurait dû savoir qu’ils mèneraient à sa suspension et à son congédiement.

Alors, l’appelant a-t-il été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite?

[63] Selon mes conclusions précédentes, je juge que l’appelant a été suspendu et congédié par la suite en raison d’une inconduite.

[64] En effet, les actions de l’appelant ont mené à sa suspension et à son congédiement par la suite. Il a agi délibérément en ne fournissant pas la preuve de vaccination comme l’exigeait la politique de son employeur. Il savait ou aurait dû savoir qu’en agissant ainsi, il risquait d’être suspendu puis congédié.

[65] Je reconnais que l’appelant affirme qu’il est admissible à l’assurance-emploi parce qu’il y a cotisé pendant de nombreuses années et qu’il a maintenant des difficultés financières parce qu’on refuse de lui verser des prestations.

[66] Je comprends l’argument de l’appelant et je suis vraiment sensible à sa situation. Malheureusement, l’assurance-emploi n’est pas une prestation qui est versée automatiquement. Comme pour tout autre régime d’assurance, il faut remplir certaines conditions pour avoir droit aux prestations. Dans la présente affaire, l’appelant ne remplit pas ces conditions puisqu’il a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite.

Conclusion

[67] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite. Par conséquent, il est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant la période de sa suspension, et il a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi dès que sa suspension a entraîné son congédiement.

[68] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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