Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1151

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelant : A. K.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (459558) datée du 5 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 27 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 6 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1616

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’il avait été congédié parce qu’il avait fait défaut de se conformer à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 (politique).

[4] Le prestataire ne conteste pas que cela s’est produit. Il affirme que, d’après sa compréhension, c’est la cause de son congédiement. Il n’a exprimé aucune autre raison pour laquelle l’employeur aurait pu le congédier.

[5] La Commission a accepté le motif du congédiement invoqué par l’employeur. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[7] Je dois décider si le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour ce faire, je dois trancher deux éléments. Je dois d’abord établir pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[8] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. C’est la raison du congédiement donnée par l’employeur. C’est la compréhension qu’a le prestataire de la raison de son congédiement, bien qu’il ait témoigné qu’il croyait être conforme. Je traiterai de ce dernier point lorsque je discuterai des facteurs d’inconduite ci-dessous. Il n’a fourni aucune preuve d’une autre raison du congédiement. En fait, le témoignage du prestataire au sujet de son emploi à long terme auprès de l’employeur, de ses relations positives avec les gestionnaires et les collègues et de son éthique de travail ne suggère aucun autre motif de congédiement que le non-respect de la politique.

Le motif du congédiement du prestataire est-il une inconduite au sens de la loi?

[9] Le motif du congédiement du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[10] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3 Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 4.

[11] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être congédié à cause de celaNote de bas de page 5.

[12] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[13] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que les facteurs énoncés dans la définition d’inconduite, ci-dessus, ont été prouvés. Les exigences de la politique ont été communiquées en termes clairs au prestataire et répétées. Il a pris la décision voulue de ne pas se faire vacciner. Cela contrevenait à la politique. Il savait qu’il faisait l’objet d’une suspension ou d’un congédiement pour non-conformité. C’est sa non-conformité qui a causé le congédiement.

[14] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il n’a jamais montré de signes d’inconduite pendant son emploi. Il ne croyait pas honnêtement et sincèrement qu’il serait licencié de son emploi. La Directive no 6 n’a jamais mentionné le licenciement, particulièrement pour lui qui travaille à domicile (3-45). Le fait de ne pas se faire vacciner n’a pas nui à sa capacité d’accomplir son travail.

[15] Le prestataire a soulevé un certain nombre d’autres arguments pour étayer sa position. Le Tribunal ne possède pas le pouvoir de tenir compte de ces autres arguments pour trancher le présent appel, comme l’explique le troisième sous-titre ci-après.

[16] Je conclus que la Commission a démontré qu’il y a eu inconduite parce qu’elle a prouvé les facteurs qui définissent l’inconduite aux fins de l’assurance-emploi.

Conclusions de fait relatives à la question de l’inconduite

[17] Le prestataire a travaillé à l’hôpital de l’employeur pendant 10 ans avant son congédiement le 18 novembre 2021. Il n’était pas membre d’un syndicat. Il a travaillé comme spécialiste de l’intégration pour les serveurs de réseau des systèmes informatiques de l’employeur. Au départ, il travaillait sur place dans le bâtiment administratif, mais n’avait aucun contact avec les patients et certains contacts avec sa petite équipe de collègues. Il effectuait son travail à partir du bureau, par ordinateur. Il ne s’agissait pas d’installer ou d’entretenir des ordinateurs individuels ou des postes de travail dans l’hôpital lui-même. Son travail pourrait se faire complètement à distance, y compris à partir de son domicile. Lorsque la COVID-19 s’est déclarée pour la première fois, il a commencé à travailler de la maison selon les directives de l’employeur. L’employeur prévoyait démolir le bâtiment administratif dans lequel il avait travaillé. En août 2021, l’employeur lui a dit qu’il travaillerait à domicile dans un avenir prévisible jusqu’à ce qu’un nouvel immeuble soit construit. L’employeur a dit à la Commission que le prestataire pourrait devoir se présenter dans un autre bureau hospitalier pendant la démolition et la construction, ou même à l’hôpital en cas de sinistre. Rien ne garantissait que le prestataire n’aurait pas à se présenter en personne à l’hôpital.

[18] Le 17 août 2021, le médecin hygiéniste en chef a publié la Directive no 6. La Directive s’appliquait aux hôpitaux et à d’autres fournisseurs de soins de santé. Elle était fondée sur le risque accru de transmission et la gravité du variant delta de la COVID, ainsi que sur l’impact sur les patients vulnérables et la capacité du système de santé. La Directive exigeait que les hôpitaux se dotent d’une politique de vaccination contre la COVID. Cette politique doit contraindre les employés à fournir une preuve de vaccination complète, une preuve écrite d’une raison médicale pour laquelle ils ne sont pas entièrement vaccinés ou la preuve qu’ils ont suivi une séance de formation avant de refuser la vaccination pour toute raison autre qu’une raison médicale. Les hôpitaux pourraient omettre ou supprimer l’option de la séance de formation et exiger que les employés se conforment à l’une des deux autres options.

[19] La copie de la politique présentée en preuve n’est pas datée. Il renvoie à la Directive no 6. Selon l’employeur, la politique est entrée en vigueur le 7 septembre 2021. À compter de cette date, la politique exige que tout le personnel fournisse une preuve de l’une des trois options suivantes. Il s’agit d’une preuve de statut vaccinal, d’une preuve d’exemption de vaccination pour des raisons médicales ou d’une preuve d’achèvement d’une séance de formation approuvée par l’employeur, d’une consultation obligatoire avant de refuser la vaccination pour toute raison autre que l’exemption médicale, suivie d’un test antigénique régulier. Les exemptions devaient être approuvées par l’employeur. La politique précisait ensuite qu’à compter du 12 octobre 2021, tout le personnel devrait recevoir sa deuxième dose du vaccin et fournir une preuve à l’employeur, à moins que l’employeur n’ait approuvé une exemption médicale de vaccination, « ou conformément aux lois applicables ». À cette date, la séance de formation et la consultation suivies de tests réguliers avaient été abandonnées comme option dans la politique. Le prestataire savait que cette option n’était plus disponible après le 12 octobre. Après cette date, les deux seules options étaient la vaccination ou l’exemption. La politique décrivait les conséquences d’une non-conformité à ses exigences. Un employé qui n’a pas obtenu d’exemption approuvée et qui n’avait pas fourni de preuve qu’il a reçu la deuxième dose du vaccin en date du 12 octobre 2021 sera mis en congé sans solde. Un employé qui se retrouve dans une telle situation avait jusqu’au 9 novembre 2021 pour présenter une preuve de vaccination complète. La non-conformité de la politique [traduction] « pourrait entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. » La politique prévoit qu’elle s’applique à [traduction] « tout le personnel, les entrepreneurs, les étudiants, les bénévoles et toute entreprise ou entité opérant sur le site de l’hôpital ». Le prestataire a témoigné qu’il faisait partie de ce groupe. En réponse à la question de savoir si la politique exigeait une preuve de vaccination de la part du personnel qui travaille à domicile en tout temps, la directrice des relations avec les employés de l’employeur a dit à la Commission que la politique s’appliquait à tout le personnel.

[20] L’employeur a déclaré que la politique avait été communiquée au personnel verbalement et par écrit avant la date d’entrée en vigueur du 7 septembre. L’employeur a fourni une fiche d’information d’une page intitulée « Calendrier de vaccination obligatoire » au 1er septembre 2021. Le prestataire a dit qu’il était au courant de la politique. Il en a reçu une copie au début de septembre 2021 et a lu tout le document. Il s’est conformé à l’exigence de la séance de formation, de la consultation obligatoire avec l’infirmière spécialisée en santé au travail et des tests antigéniques deux fois par semaine. Il a également lu une copie de la Directive no 6. Il croyait que la justification de la directive visant à prévenir la propagation de la COVID ne s’appliquait pas à lui, car il travaillait à domicile et n’avait aucun contact avec des collègues ou des patients. Il n’a demandé aucune exemption de l’exigence de vaccination pour quelque motif que ce soit, parce qu’il pensait qu’il ne serait pas congédié. Il n’a pas reçu le vaccin ni fourni de preuve de vaccination à l’employeur jusqu’à la date de son congédiement.

[21] L’employeur a placé le prestataire en congé sans solde à compter du 13 octobre 2021. Dans sa lettre au prestataire datée du 20 octobre 2021 (intitulée « Lettre de mesure disciplinaire no 1 »), l’employeur a déclaré que le prestataire ne s’était pas conformé à la politique en ne fournissant pas de preuve de deux doses du vaccin avant le 12 octobre ou une preuve d’une dose et une attestation avant le 12 octobre selon laquelle il recevrait sa deuxième dose d’ici le 9 novembre 2021. La lettre indiquait qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire progressive. Elle mentionnait que la non-conformité à la politique [traduction] « pourrait entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. » Elle précisait qu’il avait jusqu’au 9 novembre 2021 pour présenter une preuve de vaccination. L’employeur a envoyé au prestataire une deuxième lettre, datée du 26 octobre 2021, intitulée « Lettre de mesure disciplinaire no 2 ». La lettre indiquait qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire progressive, répétait l’avertissement de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement et offrait la possibilité prolongée d’obtenir la première dose du vaccin d’ici le 9 novembre avec preuve d’un rendez-vous pour une deuxième dose. L’employeur a envoyé au prestataire une troisième lettre, datée du 3 novembre 2021, intitulée « Lettre de mesure disciplinaire no 3 ». La lettre reprend les points de la lettre précédente et fixe une réunion Zoom obligatoire en date du 19 novembre.

[22] Après avoir mis le prestataire en congé sans solde le 13 octobre 2021, l’employeur l’a congédié le 18 novembre 2021.

[23] La Commission a d’abord décidé le 1er février 2022 que le prestataire avait perdu son emploi le 11 novembre 2021 en raison d’un départ volontaire sans justification ou d’une inconduite. Il est indiqué que [traduction] « comme votre période de prestations commence le 10 octobre 2021, les prestations sont refusées à compter de cette date seulement ». On ne peut dire avec certitude si la Commission parle du 10 octobre ou du 11 novembreNote de bas de page 7. Les observations de la Commission, qui font référence à la fois à la suspension et au congédiement, ne clarifient pas cette question. La lettre de décision en révision datée du 5 avril 2022 n’aide pas non plus. Elle renvoie à une décision datée du 21 janvier 2022, qu’elle maintient. La Commission a parlé au prestataire le 21 janvier, mais aucune décision n’a été énoncée au cours de cette conversation. La lettre de décision réelle est datée du 1er février. Lors d’une conversation téléphonique avec le prestataire le 5 avril 2022, il est clair qu’il conteste la décision de congédiement. Sa demande de révision portait sur son congédiement plutôt que sur son départ.

[24] En raison de cette confusion et de la restriction de la compétence du Tribunal à l’égard de la décision de révision, je ne traiterai dans le présent appel que du congédiement du prestataire à compter du 18 novembre 2021. Sa suspension avant cette date, bien qu’elle soit utile à titre de renseignement général, ne fait pas l’objet de ma décision. Je dois me concentrer sur le congédiement à compter du 18 novembre 2021 et ne pas me prononcer sur la validité de la suspension avant cette date.

Décision sur l’inconduite

[25] La Commission a prouvé les quatre facteurs qui constituent une inconduite aux fins de l’assurance-emploi.

[26] Premièrement, la non-conformité à l’exigence de vaccination obligatoire était délibérée. La décision du prestataire de ne pas se faire vacciner était consciente, voulue et intentionnelle. Il a fait le choix en fonction de ses préoccupations au sujet du vaccin, de la validité de la politique et de sa foi religieuse. Il n’a pas réclamé d’exemption, car il pensait qu’il ne serait pas congédié pour ne pas avoir reçu le vaccin. En ce qui concerne ces préoccupations, le prestataire a été confronté à un dilemme : d’un côté, la pression de se faire vacciner pour conserver son emploi; de l’autre, la pression de respecter les principes de sa foi, ainsi que ses autres préoccupations qui sont demeurées sans réponse. Le prestataire a résolu le problème en optant pour un côté plutôt que l’autre. Malgré des pressions opposées, il a fait le choix intentionnel, voulu et conscient de refuser le vaccin. Ce geste correspond à la définition du caractère délibéré.

[27] Le prestataire a déclaré que la Commission n’avait pas prouvé le caractère délibéré. Il a déclaré que même s’il hésitait à propos du vaccin, il n’ignorait pas la politique. Il a tout de même décidé de ne pas se faire vacciner. Cependant, il n’a pas désobéi à la politique. Sa décision n’était donc pas délibérée. Cet argument ne peut pas être retenu. D’abord, il a désobéi à la politique, qui était claire : se faire vacciner ou obtenir une exemption. Il ne l’a pas fait. Par conséquent, il a désobéi à la politique. Deuxièmement, l’argument repose sur une fausse séparation entre la décision de ne pas se faire vacciner et les conséquences de cette décision. Le geste qui constitue l’inconduite alléguée (dans le présent appel, le fait de ne pas être vacciné ou exempté) ne peut être séparé des effets qu’il a sur l’emploi. Les deux doivent être pris en compte dans l’évaluation du caractère délibéréNote de bas de page 8. La Commission a prouvé le facteur du caractère délibéré.

[28] Deuxièmement, le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il risquait réellement d’être suspendu ou congédié en raison de sa non-conformité à l’exigence de vaccination. Le prestataire a reçu, lu et compris la politique et la Directive no 6. Il a compris que le test antigénique n’était plus une option pour lui après le 12 octobre. Après cette date, les seules options étaient la vaccination ou l’exemption. Comme il n’a pas demandé d’exemption, la seule option qui lui restait était la vaccination. La politique était claire. Si un employé n’avait pas reçu la deuxième dose du vaccin en date du 12 octobre, il devait être mis en congé sans solde afin que son statut vaccinal soit réexaminé. La non-conformité de la politique pourrait entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. Le prestataire savait, au 13 octobre 2021, qu’il serait suspendu parce qu’il était effectivement suspendu à cette date et que son accès à son ordinateur de travail avait été bloqué. À un moment donné (page GD3-41), le prestataire a dit qu’il suivait la Directive no 6. Cela s’inscrit dans son témoignage selon lequel il se conformait et, comme la Directive no 6 n’exigeait pas la suspension ou le licenciement, il ignorait qu’il pourrait être congédié. L’argument n’est pas retenu. La Directive no 6 s’adresse aux hôpitaux et non au personnel. Elle exige que les hôpitaux se dotent d’une politique de vaccination et offre trois options. L’absence d’autorisation pour les hôpitaux d’inclure des mesures disciplinaires, y compris la suspension et le licenciement, n’empêche pas les hôpitaux d’inclure ces mesures disciplinaires dans leur propre politique. Les employeurs doivent disposer d’un mécanisme pour faire respecter le mandat. Le prestataire devait se conformer à la politique et non à la Directive no 6.

[29] En ce qui concerne le licenciement, la preuve de la possibilité de congédiement est moins claire. Selon la politique, les employés qui ne se conforment pas « seront mis en congé sans solde » à compter du 12 octobre 2021. Toutes les mentions de licenciement, dans la politique et dans les trois lettres de mesures disciplinaires envoyées au prestataire, mentionnaient [traduction] « peuvent entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement ». Au départ, le personnel et certains gestionnaires pensaient que le licenciement constituait une menace en l’air, un argument alarmiste. Le prestataire a témoigné qu’il ne pensait pas qu’il serait congédié. Il a témoigné que l’employeur n’avait pas déclaré résolument que les gens seraient congédiés. Le 13 octobre, l’employeur a mis le prestataire en congé sans solde. À ce moment-là, le prestataire aurait dû savoir que le licenciement pour défaut de se faire vacciner était une possibilité réelle et non un argument alarmiste. Il s’est retrouvé en congé sans solde. Dans les trois lettres de mesures disciplinaires suivantes, on lui a communiqué les étapes à suivre pour conserver son emploi et la date limite du 9 novembre pour faire le premier pas. Le prestataire a témoigné qu’il a interprété les trois lettres de mesures disciplinaires comme un simple argument alarmiste. On lui a précisé dans chaque cas quelle serait la conséquence du défaut de procéder à la première étape avant le 9 novembre, soit un licenciement possible. Sa pensée selon laquelle il ne serait pas congédié n’était pas raisonnable dans les circonstances. Il a parlé à l’employeur de la possibilité d’un congédiement. Ce dernier lui a répondu que les mesures disciplinaires seraient décidées au cas par cas, jusqu’au licenciement. Son gestionnaire lui a dit qu’il ne croyait pas que le prestataire serait congédié. Le prestataire a présumé qu’il serait mis à pied, puis qu’il retournerait au travail ultérieurement. Le prestataire a présumé qu’il ne serait pas congédié parce qu’il n’avait aucun contact en personne avec d’autres employés. Il a témoigné qu’il se conformait à la politique et à la Directive no 6 parce qu’il n’était pas en contact avec d’autres personnes. Comme la politique visait à prévenir la propagation de la COVID et qu’il n’a eu aucun contact en personne avec ses collègues, il n’était pas visé par la politique. En ce qui concerne la Directive no 6, il croyait qu’il n’était pas visé par la Directive non plus. Lorsqu’on lui a demandé à l’audience si la Directive no 6 indiquait que les personnes non vaccinées n’étaient pas autorisées à travailler, il ne s’en souvenait pas. La Directive no 6 ne prévoyait pas expressément que les employés qui ne s’y conformaient pas devaient être suspendus ou congédiés ou faire l’objet d’autres mesures disciplinaires. Elle ne prévoyait pas non plus expressément que les employés qui ne s’y conformaient pas ne pouvaient se présenter à l’hôpital pour travailler. Cependant, la raison d’être de la Directive no 6 permet d’inférer que le retrait des employés non vaccinés ou non exemptés des hôpitaux était nécessaire pour appuyer cette raison d’être. Le fait que le prestataire croyait qu’il ne serait pas congédié était fondé sur un trop grand nombre de fausses hypothèses de sa part. Ces hypothèses n’annulaient pas la possibilité de licenciement énoncée dans la politique et dans les trois lettres. Il aurait dû savoir dans la lettre du 3 novembre, au plus tard, que le congédiement était une véritable possibilité. Puisque ce facteur dans la définition de l’inconduite exige que le prestataire connût ou ait dû connaître la possibilité d’un congédiement, la Commission a prouvé ce facteur.

[30] Troisièmement, le prestataire savait ou aurait dû savoir que son manquement pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur. Il serait évident pour le prestataire, une fois qu’il a été suspendu et que son accès au système informatique de l’employeur a été bloqué, qu’il ne pouvait exécuter aucune de ses obligations envers l’employeur. Le fait de ne pas être vacciné comme l’exigeait la politique constituait un manquement à une obligation envers l’employeur. Le prestataire a témoigné que sa capacité d’exécuter ses obligations n’était pas affaiblie, de sorte qu’il n’y avait aucune entrave à cette capacité auprès de l’employeur. Il a déclaré que c’était son argument fort. Comme il travaillait à distance, ses obligations n’étaient aucunement altérées. Bien que les capacités personnelles du prestataire soient demeurées intactes et qu’il ait travaillé à distance, une fois suspendu ou congédié, il ne pouvait plus s’acquitter de ses obligations. La prestation de services aux termes d’un contrat de travail est une condition essentielle de l’emploi.Note de bas de page 9 Sa non-conformité l’empêchait de travailler. Il s’agit là d’une façon importante de nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur. S’il s’était conformé, il aurait continué à travailler. En outre, il est bien établi que la non-conformité voulue à la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas de page 10. La Commission a prouvé cet élément de l’inconduite.

[31] Quatrièmement, la non-conformité à l’exigence de vaccination par le prestataire constituait la cause de sa suspension, puis de son congédiement. Comme il a été mentionné précédemment, c’est ainsi que le prestataire a compris la raison pour laquelle il a été suspendu, puis congédié. Rien n’indiquait qu’il existait d’autres motifs de suspension et de congédiement. La Commission a également prouvé cet élément.

[32] Le prestataire a mentionné le principe du bénéfice du douteNote de bas de page 11. Le principe s’applique dans les cas d’inconduite. Il indique que si la preuve au sujet d’une circonstance qui mènerait à l’exclusion du bénéfice des prestations d’assurance-emploi est équilibrée de part et d’autre, le prestataire obtient le bénéfice du doute. Ce principe ne s’applique pas dans le présent appel, car les paragraphes précédents montrent que la preuve n’est pas équilibrée de façon égale. La preuve appuie une conclusion d’inconduite pour toutes les circonstances entourant les éléments qui définissent l’inconduite.

Réponse aux autres arguments du prestataire qui n’ont pas été abordés dans la décision

[33] Dans l’évaluation de ces arguments, le point de départ de l’analyse réside dans le pouvoir limité du Tribunal de trancher les appels en matière d’assurance-emploi. Contrairement aux cours supérieures, le Tribunal n’a pas une vaste compétence ou autorité pour juger de la plupart des questions de fait ou de droit dont il peut être saisi. La section de l’assurance-emploi de la division générale du Tribunal n’a compétence que pour statuer sur une décision précise découlant d’une révision de la CommissionNote de bas de page 12. Dans le cas d’un appel de cette décision en particulier, le Tribunal peut rejeter l’appel, confirmer, annuler ou modifier la décision de la Commission en tout ou en partie ou rendre la décision que la Commission aurait dû rendreNote de bas de page 13. Ainsi, dans les affaires d’assurance-emploi, les pouvoirs du Tribunal sont limités à la révision des décisions que la Commission rend en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi et de son règlement d’application. La section de l’assurance-emploi de la division générale du Tribunal doit respecter les limites de ce cadre.

[34] Le prestataire affirme que l’employeur a enfreint le contrat de travail, a modifié unilatéralement et substantiellement les conditions d’emploi et l’a congédié injustement. C’est l’employeur qui s’est livré à une inconduite. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de se prononcer sur ces questions dans le cadre d’un appel en matière d’inconduiteNote de bas de page 14. Les recours du prestataire relèvent des tribunaux judiciaires et non du Tribunal.

[35] Le prestataire affirme que l’employeur a dû prouver au moyen d’une preuve approfondie d’expert que la politique était étayée rationnellement par la science. L’exigence de vaccination complète n’est ni éthique ni raisonnable, de sorte qu’elle n’est pas exécutoire. Le Tribunal n’a pas compétence pour évaluer la validité scientifique, la validité éthique ou le caractère raisonnable de la politique d’un employeur. Je ne peux pas statuer qu’un employeur aurait dû faire quelque chose de différent dans ses politiques. Sa compétence ne s’étend pas non plus à rendre une décision qui modifierait la politique de l’employeur. Le prestataire demande ici que j’annule totalement la politique en la déclarant inexécutoire. Je n’ai pas le pouvoir de faire ça.

[36] Le prestataire a renvoyé aux décisions de deux arbitres concernant des politiques de vaccination contre la grippe. Ces décisions ont été prises dans le cadre de la procédure de règlement des griefs en vertu d’une convention collective conclue entre un syndicat et un employeur. Les arbitres se sont prononcés sur la question de savoir si les politiques violaient les termes de la convention collective. Les arbitres n’avaient pas le pouvoir de statuer sur l’inconduite aux fins de l’assurance-emploi. Ces deux décisions n’aident pas le prestataire.

[37] Le prestataire affirme que l’employeur a enfreint de nombreuses lois. Dans son avis d’appel, le prestataire renvoie au Guide de la détermination de l’admissibilité (le Guide) de la Commission pour plusieurs arguments et aux lois plus générales. Je traiterai brièvement des arguments fondés sur le Guide dans ce paragraphe. Le Guide n’est pas une loi; il exprime plutôt l’interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi et du Règlement par la Commission. Le prestataire renvoie d’abord au chapitre 6, qui porte sur le départ volontaire. Il renvoie à la section 6.5.10, qui traite des changements importants dans les fonctions du travail. Ce chapitre ne s’applique pas dans cet appel. Le chapitre traite des employés qui ont quitté volontairement leur emploi et de la question de savoir s’ils étaient fondés à démissionner en raison de changements importants dans leurs fonctions. Dans le présent appel, le prestataire n’a pas démissionné, il a été suspendu, puis congédié pour inconduite. Le prestataire renvoie ensuite au chapitre 7, qui traite de l’inconduite. Il se fonde sur le point 7.2.4, « Éléments à considérer pour conclure qu’il y a inconduite ». J’ai examiné les arguments avancés par le prestataire en vertu de ce chapitre dans la décision sur l’inconduite susmentionnée.

[38] En ce qui concerne les autres lois que l’employeur aurait enfreintes, le prestataire renvoie à la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de la personne (la Déclaration), affirme que les droits de la personne et les libertés fondamentales doivent être entièrement respectés et que les intérêts et le bien-être de la personne devraient avoir priorité sur le seul intérêt de la science ou de la société. Il affirme également qu’il a droit à l’intégrité corporelle et à la vie privée, et qu’il a le droit de consentir à un traitement médical. La Déclaration est un traité international. Tout recours que le prestataire demande en vertu de la Déclaration doit être présenté devant les tribunaux judiciaires ou les organismes internationaux. En ce qui touche le respect total des droits de la personne et des libertés fondamentales, le Canada dispose de lois sur les droits de la personne partout au pays, ainsi que de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). En ce qui concerne les droits de la personne, le recours incombe aux divers organismes de défense des droits de la personne aux niveaux fédéral, provincial et territorial. En ce qui a trait à la Charte, le prestataire n’a pas soulevé cette question comme motif dans le présent appel. Le Tribunal a une compétence limitée pour statuer sur l’application de la Charte à la Loi et au Règlement. Cette compétence exige qu’un appelant demande au Tribunal d’inclure une contestation fondée sur la Charte dans son appel. S’il démontre qu’il a identifié une loi précise qui, selon lui, viole la Charte et qu’il a exposé un argument constitutionnel pour justifier l’audition d’une contestation de cette loi, le Tribunal peut être saisi de l’appel, y compris la contestation fondée sur la Charte. Comme il n’y a pas de contestation fondée sur la Charte dans le présent appel, je ne peux me prononcer sur l’incidence de la Charte sur les articles sur l’inconduite de la Loi. L’argument suivant est que les intérêts et le bien-être de la personne devraient avoir priorité sur le seul intérêt de la science ou de la société. Ce n’est pas un énoncé correct de la loi. Bien que notre loi accorde une grande valeur aux droits et libertés individuels, ils ne sont pas absolus. La Charte le reconnaît à l’article premierNote de bas de page 15. Le port de la ceinture de sécurité et du casque est obligatoire sur les voies publiques. Des restrictions obligatoires pendant la pandémie de COVID-19, comme les confinements et la vaccination, ont été imposées. Une décision judiciaire récente a confirmé l’exigence de vaccination obligatoireNote de bas de page 16. Le prestataire affirme également qu’il a le droit à l’intégrité corporelle et à la vie privée et qu’il a le droit de consentir à un traitement médical. C’est exact. Cependant, il ne s’agit pas d’un droit absolu, comme nous l’avons vu plus haut. Les questions de protection de la vie privée relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires ou des organismes de protection de la vie privée, et non du Tribunal. Le droit de consentir à un traitement médical concerne la relation entre le professionnel de la santé traitant et le patient. Le patient a le droit de refuser le traitement. Le prestataire a exercé ce droit en refusant de se faire vacciner.

Donc, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[39] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci-dessus, j’estime que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[40] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite à compter du 18 novembre 2021. C’est pourquoi elle a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[41] L’appel est donc rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.