Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1097

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : A. D.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (512796) datée du 17 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 17 janvier 2023 et le 2 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 12 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-3011

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi, qu’il a ensuite perdu en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension, puis la perte de son emploi). Cela signifie que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a été suspendu de son emploi, puis l’a perdu. Son employeur a suspendu l’appelant, puis l’a congédié parce qu’il est allé à l’encontre de sa politique de vaccination : il n’avait pas d’exemption et n’avait pas dit s’il avait été vacciné.

[4] Même si l’appelant ne conteste pas que cela s’est produit, il affirme qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur ne constitue pas une inconduite. L’appelant estime avoir une croyance religieuse sincère qui aurait dû l’exempter de la politique. Il estime que son employeur lui a injustement refusé une exemption. Il croit aussi que son employeur aurait pu en faire davantage pour répondre à ses besoins. Il estime qu’il aurait pu simplement lui permettre de subir des tests ou de travailler le soir et la fin de semaine. L’appelant croit également que le mot « inconduite » n’a pas été interprété correctement. Il estime que le fait de lui refuser des prestations d’assurance-emploi pour ne pas s’être fait vacciner (ou pour ne pas avoir divulgué son statut vaccinal) va à l’encontre d’autres [traduction] « décisions, y compris celles de la Cour suprême du Canada »Note de bas de page 2. Selon lui, [traduction] « un simple refus de se faire vacciner contre la COVID-19 n’est pas une activité illégale et ne suffit pas pour constituer une inconduite volontaire, particulièrement lorsqu’un employeur n’a pas offert de répondre aux besoins d’un employé qui refuse de divulguer son statut ou de se faire vacciner »Note de bas de page 3.

[5] La Commission a accepté le motif de suspension et de congédiement invoqué par l’employeur. Elle a conclu que l’appelant avait été suspendu de son emploi, puis l’avait perdu en raison de son inconduite. Pour cette raison, elle a décidé que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Question que je dois examiner en premier

Cette affaire a déjà été ajournée

[6] Cette affaire a d’abord été mise au rôle en vue d’une audience par vidéoconférence le 17 janvier 2023. Plusieurs arguments invoqués dans les observations de l’appelant portaient sur la Charte canadienne des droits et libertés (Charte). Au cours de cette audience, j’ai demandé à l’appelant ce qu’il faisait valoir pour invoquer une violation de la Charte. J’ai demandé s’il soutenait qu’un article de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) ou la politique de son employeur allait à l’encontre de la Charte. Au départ, l’appelant a déclaré qu’il plaidait seulement que la politique de son employeur contrevenait à la Charte. J’ai expliqué que je n’avais pas le pouvoir de régler cette question. L’appelant a dit qu’il voulait procéder à l’audience, alors nous l’avons fait.

[7] Plus tard, au cours de la même audience, l’appelant a changé d’avis et a affirmé qu’il contestait qu’un article de la Loi contrevienne à la Charte.

[8] L’audience a donc pris fin à ce moment-là. J’ai expliqué à l’appelant que le Tribunal dispose d’un processus distinct pour les affaires fondées sur la Charte.

[9] Un autre membre du Tribunal a ensuite envoyé à l’appelant des renseignements sur le processus fondé sur la CharteNote de bas de page 4. Le 23 février 2023, l’appelant a renvoyé au Tribunal le dossier contenant ses arguments. Après avoir examiné ses arguments, ce membre a rendu une décision interlocutoire le 4 mars 2023. Le membre a conclu que l’appel serait instruit comme un appel régulier l’est, en fonction de son fondement, et non par le processus d’appel du Tribunal fondé sur la Charte. Le membre a conclu que l’appelant ne contestait pas la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une disposition de la Loi, du Règlement sur l’assurance-emploi ou de la partie 5 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 5.

[10] Cela signifie que le dossier m’a ensuite été renvoyé pour que je termine l’audience relative à l’appel de l’appelant au sujet de ses prestations d’assurance-emploi. Cela signifie également, et je l’ai signalé à l’appelant, que je ne tirerais aucune conclusion juridique ni ne prendrais de décision sur les questions fondées sur la Charte qui sont soulevées dans les observations de l’appelant.

[11] L’audience relative au présent appel a été convoquée de nouveau le 2 mai 2023.

[12] Il est à noter qu’avant cette date, l’appelant a eu d’autres occasions de soumettre des documents pour son appel, ce qu’il a fait.

[13] Au cours de l’audience du 2 mai 2023, les renseignements dont l’appelant a témoigné lors de la première audience tenue le 17 janvier 2023 ont été examinés. L’appelant a ensuite eu l’occasion de présenter de nouvelles observations et d’ajouter tout autre renseignement ou argument qu’il souhaitait ajouter.

[14] Pour rendre cette décision, les deux jours de témoignages et toutes les observations de l’appelant ont été pris en compte.

Questions en litige

[15] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations?

[16] Pour répondre à cette question, je dois d’abord décider si l’appelant a quitté volontairement son emploi ou s’il a été congédié. Si je décide que l’appelant a quitté volontairement son emploi, je déterminerai s’il était fondé à quitter son emploi.

[17] Si je décide que l’appelant a été congédié, j’examinerai alors si le motif de la suspension puis du congédiement est une inconduite au sens de la loi.

Analyse départ volontaire ou inconduite

[11] L’appelant affirme que la Commission a commis une erreurNote de bas de page 6 en omettant d’appliquer l’article 29(c) de la Loi à sa situation. L’article 29(c) énonce quelques exemples de motifs justifiant le départ volontaire d’un emploiNote de bas de page 7.

[12] Il y a dans la Loi une disposition qui énonce deux raisons pour lesquelles une personne peut être exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi : (1) quitter volontairement un emploi sans justification et (2) perdre un emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 8. Il est parfois difficile de dire si une personne a démissionné ou si elle a quitté volontairement son emploi. La loi dit que, dans ces situations, je ne suis pas liée par la façon dont la Commission a tranché la questionNote de bas de page 9. L’exclusion peut être fondée sur l’un ou l’autre des deux motifs, pourvu qu’elle soit étayée par la preuveNote de bas de page 10.

[13] Autrement dit, bien que la Commission ait décidé que le prestataire avait été suspendu, puis congédié pour inconduite, je peux examiner la preuve et décider s’il peut en fait s’agir d’un départ volontaire.

[14] Bien que la question à trancher (celle de savoir si l’appelant est exclu du bénéfice des prestations) soit la même, la question de savoir qui doit prouver quoi est différente selon qu’il s’agit d’un départ volontaire sans justification ou d’une inconduite. Je vais donc décider d’abord de quelle situation il s’agit.

L’appelant a-t-il quitté son emploi volontairement ou a-t-il été congédié?

[15] Si l’appelant avait le choix de rester ou de quitter son emploi, il a quitté volontairement son emploiNote de bas de page 11.

[16] La Commission affirme que l’appelant a été suspendu, puis congédié.

[17] L’appelant a dit à la Commission qu’il avait été congédié parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination obligatoire de l’employeurNote de bas de page 12.

[18] À l’audience, j’ai demandé à l’appelant s’il avait le choix de rester ou de quitter son emploi. Il dit avoir senti que les deux perceptions pouvaient être valables. Il affirme que c’est l’employeur qui a pris la décision ultime. Il a convenu que ce n’était pas son choix d’être mis en congé sans solde.

[19] Je conclus que l’appelant n’avait pas le choix de rester ou de quitter son emploi. La Commission a conclu que ce n’était pas volontaire. L’appelant a convenu qu’il n’a pas choisi d’être mis en congé sans solde. Cela signifie que l’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi. Par conséquent, l’article 29 de la Loi ne s’applique pas dans la présente affaire.

Analyse : inconduite

[18] Selon la loi, le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi s’il perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique lorsque l’employeur a congédié ou suspendu le prestataireNote de bas de page 13.

[19] Pour répondre à la question de savoir si l’appelant a été suspendu de son emploi, et l’a ensuite perdu en raison de son inconduite, je dois trancher deux éléments. D’abord, je dois déterminer le motif pour lequel l’appelant a été suspendu de son emploi, puis l’a perdu. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pour quel motif l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi, puis l’a perdu?

[20] Je conclus que l’appelant a été suspendu de son emploi, puis l’a perdu, parce qu’il s’est opposé à la politique de vaccination de son employeur.

[21] L’appelant affirme qu’il a été mis en congé pour cette raison. Il a déclaré qu’en raison de sa religion, il ne voulait pas se faire vacciner. Il affirme qu’il s’est conformé à la politique et qu’il a tenté d’obtenir une exemption pour motifs religieux, mais que l’employeur lui a refusé cette exemption. L’appelant estime que son employeur a fait preuve de discrimination à son égard en lui refusant une exemption pour des motifs religieux. À son avis, il ne s’agit pas d’une inconduite pour avoir omis de se conformer à la politique. L’appelant affirme qu’il n’a pas divulgué son statut vaccinal. L’appelant affirme que cela porte atteinte à son autonomie corporelle et à ses libertés garanties par la Charte. À son avis, il devrait avoir droit à des prestations d’assurance-emploi.

Le motif de la suspension, puis du congédiement de l’appelant est‑il une inconduite au sens de la loi?

[22] Le motif de la suspension, puis du congédiement de l’appelant est une inconduite au sens de la loi.

[23] En outre, son relevé d’emploi (RE)Note de bas de page 14 indique que c’est en raison d’un « congé » qu’il a été établi. Je ne suis pas liée par la façon dont l’employeur et l’employé qualifient leur séparationNote de bas de page 15. L’article 31 renvoie à une « suspension » en raison d’une inconduiteNote de bas de page 16. Autrement dit, lorsque l’employeur a décidé de mettre un employé en congé sans solde en raison d’une inconduite, c’est habituellement la même chose qu’une suspension pour l’application de la Loi. Je parlerai du congé sans solde de l’appelant comme étant une suspension parce que c’est le terme qu’utilise la Loi.

[24] La Loi ne dit pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux judiciaires et administratifs) nous montre comment décider si la suspension, puis le congédiement de l’appelant constituent une inconduite au sens de la Loi. Elle énonce le critère juridique applicable à l’inconduite, à savoir les questions et les critères à prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.

[25] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 17. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 18. L’appelant n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 19.

[26] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspendu, puis congédiéNote de bas de page 20.

[27] La loi ne dit pas que je dois tenir compte de la façon dont l’employeur s’est comportéNote de bas de page 21. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela équivaut à une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 22.

[28] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu de son emploi, puis l’a perdu en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu de son emploi, puis l’a perdu en raison d’une inconduiteNote de bas de page 23.

[29] Je ne peux trancher que les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelant a d’autres options au titre d’autres lois. Et il ne m’appartient pas de décider si son employeur l’a congédié à tort ou s’il aurait dû prendre des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à son égardNote de bas de page 24. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que l’appelant a fait ou a omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[30] Dans une affaire dont a été saisie la Cour d’appel fédérale (CAF), intitulée McNamara, l’appelant a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance‑emploi parce que son employeur l’avait congédié à tortNote de bas de page 25. Il avait perdu son emploi en raison de la politique de son employeur en matière de dépistage de drogues. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié, puisque le test de dépistage de drogues n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de penser qu’il n’était pas en mesure de travailler en toute sécurité parce qu’il consommait de la drogue. De plus, les résultats de son dernier test de dépistage de drogue auraient tout de même dû être valides.

[31] En réponse, la CAF a souligné qu’elle a toujours dit que, dans les cas d’inconduite, la question est de savoir si l’acte ou l’omission de l’employé constitue une inconduite au sens de la Loi, et non s’il a été congédié à tortNote de bas de page 26.

[32] La CAF a également affirmé que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé. Elle a souligné que les employés qui font l’objet d’un congédiement injustifié disposent d’autres recours. Ces recours permettent de sanctionner le comportement de l’employeur et d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance‑emploi les contribuables fassent les frais du comportement de l’employeurNote de bas de page 27.

[33] Dans l’affaire plus récente intitulée Paradis, l’appelant a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage de droguesNote de bas de page 28. Il a soutenu qu’il avait été congédié à tort, car les résultats des tests montraient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail. Il a affirmé que l’employeur aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et aux lois provinciales sur les droits de la personne. La Cour s’est appuyée sur l’arrêt McNamara et a affirmé que la conduite de l’employeur n’était pas un facteur pertinent pour trancher la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 29.

[34] De même, dans l’affaire Mishibinijima, l’appelant a perdu son emploi en raison de son alcoolismeNote de bas de page 30. Il a soutenu que son employeur devait lui accorder des mesures d’adaptation parce que l’alcoolisme est considéré comme une déficience. La CAF a encore affirmé que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou n’a pas fait; le fait que l’employeur n’a pris aucune mesure d’adaptation à son égard n’est pas pertinentNote de bas de page 31.

[35] Ces affaires ne concernent pas les politiques de vaccination contre la COVID-19. Cependant, ce qu’elles disent demeure pertinent. Il ne m’appartient pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de déterminer s’il avait raison de congédier l’appelant. Je dois plutôt m’attarder à ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait, et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi.

[36] Il y a également une décision très récente de la Cour fédérale, intitulée CecchettoNote de bas de page 32, dans laquelle le Tribunal a refusé des prestations à l’appelant parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur. La Cour a conclu que le rôle du Tribunal était restreint et qu’il devait tenir compte de l’« inconduite » sous le régime de la Loi.

Ce que disent la Commission et l’appelant

[37] La Commission et l’appelant s’entendent sur les principaux faits dans l’affaire. Ce sont ceux que la Commission doit établir pour démontrer que la conduite de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi.

[38] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination;
  • l’employeur a informé l’appelant en des termes clairs de ses attentes concernant l’obligation de se faire vacciner et de lui dire qu’il s’était fait vacciner; 
  • l’employeur a envoyé des courriels à l’appelant; 
  • l’appelant savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait s’il ne respectait pas la politique.

[39] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • la politique de vaccination de l’employeur était injuste ou allait à l’encontre de la loi;
  • il a le droit à l’autonomie corporelle et le droit de prendre des décisions concernant les procédures médicales;
  • l’employeur aurait dû accorder son exemption pour motifs religieux;
  • l’employeur aurait dû répondre à ses besoins d’une autre façon;
  • l’appelant n’avait pas pensé qu’il pourrait perdre son emploi s’il ne divulguait pas son statut vaccinal.

[40] La politique de vaccination de l’employeur est datée du 28 octobre 2021 et précise qu’elle s’applique à tout le personnelNote de bas de page 33. Cela signifie que la politique s’applique à l’appelant.

[41] La politique exige que tout le personnel fournisse une preuve de vaccination d’ici le 1er janvier 2022. La politique prévoit un processus pour les demandes d’exemption pour des motifs médicaux ou religieux et exige que ces demandes soient soumises d’ici le 15 novembre 2021Note de bas de page 34. La politique exige également que la documentation d’un médecin ou d’un chef religieux soit requise pour que l’exemption soit prise en considérationNote de bas de page 35.

[42] La politique prévoit que [traduction] « nous limiterons l’accès au lieu de travail et mettrons en congé sans solde les employés qui ne peuvent démontrer qu’ils sont vaccinés ou qu’ils bénéficient d’une exemption approuvée »Note de bas de page 36.

[43] L’appelant a convenu à l’audience que si un employé ne présentait pas de preuve de vaccination, la politique ou l’employeur considérerait l’employé comme non vacciné.

[44] L’appelant affirme qu’il savait au 8 novembre 2021 ce que la politique l’obligeait à faire. L’appelant affirme que, à la même date, il savait qu’il serait mis en congé sans solde s’il n’avait pas d’exemption et qu’il n’avait pas divulgué son statut vaccinal ou ne s’était pas fait vacciner.

Exemption pour des motifs médicaux ou religieux

[45] L’appelant savait que son employeur exigeait que, pour conserver son emploi, il devait obtenir une exemption s’il ne se faisait pas vaccinerNote de bas de page 37. L’appelant a présenté une demande d’exemption pour motif religieux à son employeurNote de bas de page 38. L’appelant affirme avoir présenté la demande vers le 9 novembre 2021. Le 1er décembre 2021, l’employeur a refusé la demande de mesure d’adaptation/d’exemption de l’appelantNote de bas de page 39. Le refus indique qu’il n’y a pas eu d’information de la part d’un chef religieux, ce qui représente une exigence de la politique. L’employeur affirme ensuite qu’il considère la demande de l’appelant comme une préférence personnelle. La lettre de refus de l’exemption rappelle à l’appelant qu’il doit fournir une preuve de vaccination d’ici le 1er janvier 2022, sinon il sera mis en congé sans solde.

[46] L’appelant a témoigné au sujet de ses croyances religieuses sincères en ce qui concerne la vaccination. J’admets que l’appelant refuse de se faire vacciner contre la COVID-19 en raison de ses croyances religieuses.

[47] L’appelant a admis qu’il n’avait pas d’exemption sous le régime de la politique obligatoire de son employeur. Comme il n’y a aucune preuve du contraire, j’accepte le témoignage de l’appelant sur ces points.

Violation du contrat ou de la convention collective

[48] L’appelant affirme que son employeur a violé le contrat de travail en instaurant unilatéralement une politique de vaccination. Comme il a été mentionné précédemment, il ressort clairement des affaires McNamara, Paradis et MishibinijimaNote de bas de page 40 qu’il y a lieu de se concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait.

[49] Récemment, la Cour fédérale a tranché l’affaire CecchettoNote de bas de page 41. Dans cette affaire, le Tribunal (division générale et division d’appel) avait rejeté l’appel de l’appelant pour obtenir des prestations parce qu’il n’avait pas respecté la politique de vaccination de son employeur. La Cour fédérale a conclu que le Tribunal a un [traduction] « rôle étroit et précis à jouer dans le système juridique »Note de bas de page 42. Dans cette affaire, il fallait décider pourquoi l’appelant avait été congédié et s’il s’agissait d’une « inconduite » au sens de la Loi.

[50] La Cour fédérale a également affirmé en des termes clairs qu’un prestataire peut ne pas être satisfait du régime d’assurance‑emploi, ajoutant qu’il dispose [traduction] « d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses allégations »Note de bas de page 43.

[51] Cela signifie que les appelants ont d’autres possibilités s’ils estiment que leur employeur n’agissait pas conformément à leur contrat de travail. Pour cette raison, je n’ai pas le pouvoir de décider du bien‑fondé, de la légitimité ou de la légalité de la politique de vaccination de son employeur. Cela signifie que je ne vais pas décider si l’employeur a enfreint une modalité du contrat, car cela ne relève pas de mon pouvoir.

[52] Encore une fois, je dois me concentrer uniquement sur la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelant a d’autres options au titre d’autres loisNote de bas de page 44. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que l’appelant a fait ou a omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi.

[53] L’appelant soutient qu’il n’y a pas eu inconduite parce qu’il s’est acquitté de toutes les obligations qui étaient exigées de lui en vertu de son contrat de travail. Il affirme que la non‑conformité à la politique de vaccination ne l’a pas empêché de s’acquitter de ses obligations et n’a pas nui à sa capacité de les accomplir.

[54] L’appelant a noué une relation d’emploi avec son employeur vers 2008. On constate que c’était avant la pandémie. Cela signifie que l’employeur n’avait pas de politique en cas de pandémie.

[55] L’appelant a convenu, lorsqu’il a été embauché, de respecter toutes les politiques de l’employeur, et non seulement celles avec lesquelles il était d’accord.

[56] L’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, notamment d’élaborer et d’instaurer des politiques en milieu de travail. Quand l’employeur a fait de cette politique une exigence pour l’ensemble de son personnel, elle est devenue du même coup une condition expresse d’emploi pour l’appelantNote de bas de page 45.

[57] De plus, il ressort clairement de la décision Cecchetto qu’un employeur peut adopter unilatéralement une politique de vaccination sans le consentement de l’employéNote de bas de page 46.

[58] L’appelant affirme également que la convention collective traite des politiques de licenciement. Il tient de tels propos parce qu’il a reçu une indemnité de départ qui définit la façon dont il a été libéré de son emploi. C’était sans cause, dit-il. Encore une fois, je ne suis pas liée par la façon dont l’employeur et l’employé qualifient leur séparationNote de bas de page 47.

[59] L’appelant soutient également que ce qui s’est passé pour lui était semblable à un congédiement déguisé. Il affirme qu’en vertu du Code canadien du travail, la modification unilatérale des conditions d’emploi par l’employeur équivaut à un congédiement déguisé.

[60] Il prétend en outre que son employeur n’a pas réussi à prendre des mesures d’adaptation adéquates. Il estime que son employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation à son égard tant que celles‑ci n’imposaient pas une contrainte excessive.

[61] En plus des arguments relatifs au congédiement déguisé et aux mesures d’adaptation, l’appelant estime que son employeur est allé à l’encontre de la Loi sur la santé publique (LSP) du ManitobaNote de bas de page 48. L’article 97 prévoit que malgré d’autres dispositions de la LSP, rien n’exige qu’une personne reçoive un traitement ou soit immunisée. L’appelant affirme qu’en raison de la LSP, il n’aurait pas dû être tenu d’être immunisé.

[62] L’appelant affirme également que son employeur est allé à l’encontre de la loi en tentant de lui communiquer ses renseignements médicaux personnels. L’appelant faisait référence à la question de savoir s’il était vacciné ou non.

[63] Encore une fois, je dois me concentrer uniquement sur la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelant a d’autres options au titre d’autres loisNote de bas de page 49. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que l’appelant a fait ou a omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi.

[64] L’appelant pourrait disposer d’autres moyens de faire valoir ses allégations de congédiement déguisé. L’appelant a également d’autres possibilités s’il n’estime pas que l’employeur agissait conformément à d’autres lois comme la LSP. Je ne vais pas décider si l’employeur a contrevenu à une autre mesure législative. Ces questions doivent être traitées par la cour ou le tribunal compétent. C’est ce qu’a indiqué en termes clairs la Cour fédérale dans la décision CecchettoNote de bas de page 50.

[65] Encore une fois, mon rôle n’est pas d’interpréter la convention collective ni de soupeser la question de savoir si une indemnité de départ aurait dû être versée ou non et si cela signifie qu’il a été congédié sans motif valable. Je dois examiner la Loi et la jurisprudence connexe et décider si ce qui s’est produit était une inconduite au sens de la Loi.

Charte et droits de la personne

[66] L’appelant estime que la politique de l’employeur allait à l’encontre de plusieurs lois. À son avis, la politique de son employeur contrevient à la Charte et aux lois sur les droits de la personne. L’appelant estime que le congé sans solde équivalait à un congédiement déguisé par son employeur.

[67] Au Canada, un certain nombre de lois protègent les droits d’une personne. La Charte est l’une de ces lois. Il y a aussi la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne et un certain nombre de lois provinciales qui protègent les droits et libertés.

[68] Comme il a été expliqué à l’appelant pendant l’audience, ces lois sont appliquées par différentes cours et différents tribunaux. Le Tribunal peut se demander si un article de la Loi (ou de ses règlements) porte atteinte aux droits garantis par la Charte. Comme il est indiqué dans les questions préliminaires, l’appelant a fait une contestation fondée sur la Charte au sujet de la Loi, ce qui a été rejeté par ordonnance interlocutoire.

[69] L’appelant a déclaré à l’audience qu’il estime également que la politique de son employeur a enfreint la Charte ou les droits de la personne.

[70] L’appelant s’est fait dire qu’il n’est pas de ma compétence (en mon pouvoir) de décider si une mesure prise par un employeur contrevient à la Charte ou aux lois sur les droits de la personne. Il s’est fait dire également qu’il devrait s’adresser à une autre cour ou à un autre tribunal pour régler ces types de questions.

[71] L’appelant a également mentionné qu’il estime que l’employeur qui demande ses renseignements médicaux va à l’encontre de l’Alberta Health Information Act et de l’Alberta Human Rights Act.

[72] Encore une fois, je dois me concentrer uniquement sur la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelant a d’autres options au titre d’autres loisNote de bas de page 51. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que l’appelant a fait ou a omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi.

Efficacité et caractère raisonnable de la politique ou de l’employeur offrant des mesures d’adaptation

[73] Il ne m’appartient pas de trancher les questions relatives à l’efficacité du vaccin ou au caractère raisonnable de la politique de l’employeur ni de décider si l’employeur aurait dû offrir ou non des mesures d’adaptation à l’appelant.

[74] L’appelant pourrait avoir des options pour poursuivre ces différentes demandes. Ces questions doivent être traitées par la cour ou le tribunal compétent. C’est ce qu’a indiqué en des termes clairs la Cour fédérale dans la décision CecchettoNote de bas de page 52.

Congédiement

[75] L’appelant affirme qu’il ignorait qu’il pourrait être congédié pour ne pas avoir divulgué son statut vaccinal. L’appelant convient qu’il savait, bien avant que cela ne se produise, qu’il pouvait être mis en congé sans solde.

[76] L’employeur a écrit à l’appelant le 22 avril 2022 au sujet du congé sans soldeNote de bas de page 53. La lettre indique que l’emploi prendra fin le 2 mai 2022 si l’appelant continue de choisir de ne pas être vacciné après le 30 avril 2022. La lettre indique également que si l’appelant choisit de se faire vacciner et de recevoir une dose avant le 30 avril 2022, il pourrait retourner au travail.

[77] L’appelant affirme qu’il a accepté l’indemnité de départ et la cessation de son emploi vers le 29 avril 2022. L’appelant convient qu’il a pris la décision de continuer de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur.

[78] Je conclus que l’appelant savait qu’il allait être mis en congé sans solde. Je conclus également que l’employeur a ensuite avisé l’appelant que s’il continuait d’être non vacciné (ou ne divulguait pas son statut), son emploi prendrait fin. L’appelant a convenu qu’il avait pris la décision continue de ne pas se conformer à la politique de son employeur. Cela signifie qu’il a fait un choix conscient, voulu et intentionnel. Cela signifie que son travail a pris fin.

Les autres arguments de l’appelant

[79] L’appelant a présenté de nombreuses causes différentes au sujet desquelles il contestait la façon dont l’inconduite était interprétéeNote de bas de page 54. Il soutient que l’inconduite doit faire l’objet de plus d’une action et se fonde sur un dossier d’arbitrage en matière de travailNote de bas de page 55. Il invoque également R. c ArthursNote de bas de page 56, qui est encore une fois un arbitrage en matière de travail porté en appel. L’appelant affirme que cela démontre que l’employeur doit tenir compte des croyances religieuses. Encore une fois, respectueusement, ce n’est pas l’objet de l’appel. Les autres affaires auxquelles l’appelant a renvoyé sont également semblables. Il soutient que les causes invoquées démontrent qu’il a l’autonomie de décider s’il se fait vacciner. Il estime qu’une directive a été émise par le gouvernement fédéral à l’intention de la Commission, de sorte qu’elle n’a pas été impartiale pour trancher sa demande. Il estime aussi qu’un ministre fédéral qui émet une directive va à l’encontre de la Charte. Encore une fois, il ne m’appartient pas de me prononcer au sujet de tous ces éléments. Comme il a été mentionné précédemment, l’appelant peut décider s’il veut intenter des actions devant un tribunal judiciaire ou un tribunal administratif qui a le pouvoir de régler ces questions.

Éléments de l’inconduite?

[80] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[81] Il n’est pas contesté que l’employeur avait une politique de vaccination. L’appelant était au courant de la politique de vaccination. Je conclus que l’appelant a choisi lui‑même de ne pas se faire vacciner ou de ne pas divulguer son statut vaccinal à son employeur. Il s’ensuit que son choix de ne pas se faire vacciner (ou de ne pas divulguer son statut) était conscient, voulu et intentionnel.

[82] L’appelant n’avait pas d’exemption sous forme de mesure d’adaptation. Son employeur a précisé en des termes clairs que l’employé non vacciné qui ne jouissait d’aucune exemption serait mis en congé sans soldeNote de bas de page 57.

[83] La politique de l’employeur exige que tous les employés divulguent leur statut vaccinal et que soit ils aient une exemption, soit ils se fassent vacciner. L’appelant n’a pas divulgué son statut vaccinal, il ne s’est pas fait vacciner et il n’avait pas d’exemption. Il n’a donc pas respecté la politique de son employeur. Pour cette raison, il ne pouvait pas se rendre au travail pour s’acquitter de ses obligations envers son employeur. Il s’agit d’une inconduite.

[84] L’appelant a admis qu’il savait qu’en ne divulguant pas son statut vaccinal ou en ne se faisant pas vacciner, ou en n’ayant pas d’exemption, il serait mis en congé sans solde. Il savait donc qu’il était réellement possible qu’il soit mis en congé sans solde (une suspension).

[85] L’inconduite de l’appelant, à savoir l’omission de divulguer son statut vaccinal, de se faire vacciner ou d’obtenir une exemption, a mené à sa suspension, puis à la perte de son emploi.

[86] Je conclus que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant connaissait l’existence de la politique de vaccination obligatoire et qu’il ne s’est pas conformé à cette politique ni n’a obtenu d’exemption. L’appelant savait qu’en ne se conformant pas à la politique, il ne serait pas autorisé à se présenter au travail. En conséquence, il ne pourrait pas exercer ses fonctions auprès de son employeur. L’appelant savait également qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raison.

Prestations d’assurance-emploi

[87] L’appelant croit également que, parce qu’il a cotisé à l’assurance‑emploi pendant des années, il devrait avoir droit à des prestations. L’assurance‑emploi est un régime d’assurance et, comme pour d’autres régimes d’assurance, il faut satisfaire à certaines exigences pour toucher des prestations. Le régime d’assurance‑emploi vise à aider les travailleurs qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, se retrouvent sans emploi et sont incapables de trouver un autre emploi. Je ne crois pas que cela s’applique dans la présente situationNote de bas de page 58.

Donc, l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[88] Selon les conclusions que j’ai tirées plus haut, je conclus que l’appelant a été suspendu de son emploi, puis l’a perdu, en raison d’une inconduite.

[89] Cela s’explique par le fait que les actes de l’appelant ont mené à sa suspension. Il a agi délibérément. Il savait que le refus de dire s’il s’était fait vacciner allait probablement mener à sa suspension.

Conclusion

[90] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu, puis a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[91] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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