Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1421

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelante : R. B.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (584268) datée du 1er mai 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 août 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 8 septembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-1487

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification lorsqu’elle a pris sa retraite le 30 décembre 2022.

[3] Elle est également inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 2 janvier 2023 au 31 mars 2023 parce qu’elle n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler pendant cette période.

[4] Cela signifie que l’appelante ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[5] L’appelante a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 10 janvier 2023. Dans sa demande, elle a déclaré qu’elle ne travaillait plus parce qu’elle avait pris volontairement sa retraite. Son relevé d’emploi (RE) indiquait que son dernier jour de travail rémunéré était le 30 décembre 2022 et qu’elle avait quitté son emploi.

[6] L’intimée a enquêté sur les raisons pour lesquelles l’appelante a cessé de travailler.

[7] L’appelante a déclaré qu’elle avait choisi de prendre sa retraite après 40 ans de travail à la CIBC (l’employeur) parce que le travail était devenu trop stressant. En outre, elle ne voulait pas perdre ses avantages sociaux en démissionnant. Elle a également dit à la Commission qu’elle avait cherché du travail en discutant avec des amis et des membres de sa famille. Cependant, elle a ajouté qu’elle n’avait postulé aucun emploi ni préparé de curriculum vitæ.

[8] La Commission a décidé que l’appelante avait quitté volontairement son emploi sans justification lorsqu’elle a pris sa retraite. Cela signifiait qu’elle était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour sa demandeNote de bas de page 1.

[9] La Commission a également vérifié si l’appelante était disponible pour travailler.

[10] En vertu de la loi, le prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 2. La disponibilité est une exigence continueNote de bas de page 3. Cela signifie qu’un prestataire doit chercher activement un emploi à temps plein et ne peut établir de conditions personnelles qui limiteraient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[11] La Commission a décidé que l’appelante ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi du 2 janvier 2023 au 28 avril 2023 parce qu’elle n’avait pas cherché adéquatement un emploi et qu’elle n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travaillerNote de bas de page 4.

[12] L’appelante a interjeté appel des deux décisions défavorables concernant sa demande devant le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal).

[13] Je confirme les deux décisions, bien que je modifie la période d’inadmissibilité à la disponibilité comme le recommande la CommissionNote de bas de page 5. Ce sont mes motifs.

Questions en litige

[14] Comme il a été mentionné précédemment, deux décisions défavorables ont été rendues concernant la demande de l’appelante. Elle a interjeté appel de ces deux décisions.

[15] Je dois donc trancher les questions suivantes :

  1. a) L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi sans justification lorsqu’elle a pris sa retraite le 30 décembre 2022?
  2. b) L’appelante était-elle disponible pour travailler du 2 janvier 2023 au 28 avril 2023Note de bas de page 6?

Question en litige no 1 : L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi sans justification lorsqu’elle a pris sa retraite?

[16] Pour répondre à cette question, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois décider si l’appelante a quitté volontairement son emploi. Je dois ensuite décider si elle était fondée à quitter son emploi.

A) L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi?

[17] Oui, elle l’a fait.

[18] L’appelante a répété à plusieurs reprises à la Commission qu’elle avait cessé de travailler parce qu’elle avait choisi de prendre sa retraiteNote de bas de page 7. L’employeur a confirmé que l’appelante avait pris sa retraite le 30 décembre 2022Note de bas de page 8.

[19] À l’audience, l’appelante a déclaré ce qui suit :

  • Comme elle ne pouvait plus composer avec ce poste, elle a décidé de prendre sa retraite.
  • Elle a avisé l’employeur de sa retraite à la fin d’octobre 2022 et a indiqué que le 30 décembre 2022 serait son dernier jour de travail.

[20] L’appelante a amorcé la cessation de la relation d’emploi lorsqu’elle a donné avis de sa retraite et n’est pas revenue après son dernier jour de travail le 30 décembre 2022. Ce faisant, elle a quitté volontairement son emploi à un moment où l’employeur avait du travail pour elle.

[21] Je conclus donc que l’appelante a quitté volontairement son emploi le 30 décembre 2022.

B) L’appelante était-elle fondée à quitter volontairement son emploi?

[22] Non, elle ne l’était pas.

[23] La loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi s’il n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a faitNote de bas de page 9.

[24] Le fait d’avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas pour prouver l’existence d’une justification.

[25] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Elle indique que vous êtes fondé à quitter votre emploi si vous n’aviez pas d’autre solution raisonnable que de quitter votre emploi au moment où vous l’avez fait.

[26] Il incombe à l’appelante de prouver qu’elle avait une justificationNote de bas de page 10.

[27] Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule option raisonnable était de quitter son emploi le 30 décembre 2022.

[28] Lorsque je décide si elle était fondée à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient au moment où elle a démissionnéNote de bas de page 11.

[29] L’appelante a dit à la Commission ce qui suit Note de bas de page 12:

  1. a) Elle a pris sa retraite parce qu’elle se sentait incapable de s’acquitter de ses fonctions, qui avaient changé d’une manière qui rendait plus difficile pour elle de travailler (page GD3-9). Elle a dit qu’elle n’était pas en mesure de faire face aux changements rapides de la technologie et des procédures, ainsi qu’à la charge de travail et aux échéances (page GD3-10).
  2. b) Elle n’a pas cherché un autre emploi avant de partir parce qu’elle ne voulait pas perdre ses années de service (page GD3-12). Elle a choisi de prendre sa retraite parce que si elle avait démissionné, elle aurait perdu ses prestationsNote de bas de page 13.
  3. c) Elle a travaillé à la CIBC pendant près de 40 ans, mais depuis 2021, son rôle a fait l’objet de nombreux changements.
  4. d) Un changement important a été apporté au volume de travail. En effet, on s’attendait à ce qu’elle assume la charge de travail des employés qui ont démissionné et qui n’ont pas été remplacés.
  5. e) Elle accomplissait le travail de deux ou trois personnes. L’employeur lui a dit qu’il embaucherait du personnel, mais il a fallu plusieurs mois pour trouver un remplaçant.
  6. f) En raison des nouvelles technologies et des nouveaux processus, elle a eu de la difficulté à suivre le rythme parce qu’elle devait acquérir de nouvelles compétences, même si l’employeur ne lui a jamais rien dit sur la façon de suivre le rythme.
  7. g) Elle en a parlé à son employeur et ce dernier lui a conseillé de continuer. L’employeur a également embauché du nouveau personnel, bien qu’il y ait eu beaucoup de roulement.
  8. h) La situation n’a pas changé pendant près d’un an et le stress l’a amenée à démissionner.
  9. i) Elle n’est pas allée voir un médecin à propos du stress, mais c’était la principale cause de sa démission.
  10. j) Elle ne pouvait pas continuer à exécuter le travail parce que c’était trop de stress pour elle.
  11. k) Elle n’a pas pensé à demander un congé.
  12. l) Elle n’a pas demandé de mutation à un autre poste parce qu’elle n’était pas au courant d’autres possibilités et qu’elle ne voulait pas que sa situation ait une incidence sur sa pension.
  13. m) Elle n’a pas cherché d’autre emploi avant de démissionner.
  14. n) Elle a simplement décidé de prendre sa retraite parce qu’elle pensait que c’était sa meilleure option. Elle pourrait continuer de toucher une pension de son employeur, puis chercher un autre emploi.
  15. o) Étant employée depuis plus de 40 ans, elle n’avait jamais pris de congé et elle a choisi de prendre sa retraite. Elle ne pouvait plus composer avec son travail.

[30] À l’audience, l’appelante a déclaré ce qui suit :

  • Lorsqu’elle a donné son avis en octobre 2022, elle a mentionné à l’employeur le motif de sa retraite. Elle a dit que le volume de travail, le roulement du personnel et les nouvelles technologies lui occasionnaient un trop grand stress.
  • Elle n’a pas cherché un autre emploi avant de partir le 30 décembre 2022.
  • Elle était « tellement impliquée » dans son emploi actuel qu’elle n’a pas eu le temps d’en chercher un autre.
  • Elle était très stressée. Elle a communiqué avec son médecin, mais elle n’a pu obtenir de rendez-vous qu’en juin 2023. Elle était trop stressée pour attendre jusque-là.
  • Elle n’a pas communiqué avec le service des ressources humaines (RH) de l’employeur au sujet des problèmes qui lui causaient du stress. Elle n’avait jamais communiqué avec les RH au cours de sa carrière.
  • Elle ne pouvait plus le faire, mais ne voulait pas démissionner parce qu’elle craignait de tomber malade. En outre, elle s’inquiétait au sujet d’autres avantages. Elle a donc décidé de prendre sa retraite après 43 ans de travail.
  • La décision de prendre sa retraite était la décision qu’elle devait prendre.

[31] La Commission affirme que l’appelante disposait d’un certain nombre de solutions de rechange raisonnables à son départ au moment où elle l’a fait : elle aurait pu consulter un médecin, demander une mutation à un autre poste ou service, demander un congé ou chercher un autre emploi.

[32] Je conviens avec la Commission que l’appelante disposait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait (le 30 décembre 2022).

[33] La question ne consiste pas à savoir s’il était compréhensible que l’appelante quitte son emploi, mais bien de savoir si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. La Commission a prouvé que l’appelante avait d’autres solutions raisonnables que de démissionner lorsqu’elle l’a fait.

[34] J’aborderai à tour de rôle les arguments de la prestataire.

Changements à ses fonctions

[35] La loi prévoit qu’un employé est fondé à quitter son emploi lorsqu’il y a des changements importants dans ses fonctions et que son départ constitue la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 14.

[36] Je conclus qu’en ce qui concerne l’appelante, de telles circonstances n’existaient pas.

[37] La Cour a déclaré que si les conditions d’emploi sont considérablement modifiées, un prestataire pourrait être fondé à quitter son posteNote de bas de page 15. Le tribunal a conclu à l’existence d’une justification si l’employeur a agi unilatéralement d’une manière qui modifie fondamentalement les conditions d’emploi telles qu’elles existaient avant la cessation d’emploiNote de bas de page 16.

[38] Je dois examiner les questions suivantesNote de bas de page 17 : la version des faits de l’appelante appuie-t-elle une conclusion selon laquelle il y a eu des changements importants dans ses fonctions au sens de la loi et, dans l’affirmative, n’y avait-il pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait?

[39] L’appelante a travaillé chez l’employeur pendant plus de 40 ans avant de partir le 30 décembre 2022. À un certain moment en 2021, sa charge de travail a augmenté en raison du roulement du personnel. En outre, elle passait plus de temps à apprendre de nouvelles technologies et de nouvelles procédures en milieu de travail.

[40] Le mot « importante » à l’article 29(c)(ix) de la Loi sur l’assurance-emploi exige que le changement entrepris par l’employeur soit quelque chose d’important et hors de la norme. Les changements mineurs dans les fonctions ne constituent pas un motif valable de quitter un emploi.

[41] Les tâches supplémentaires associées au roulement de personnel au cours des 18 derniers mois de son emploi ne sont pas considérées comme « importantes » parce qu’elles n’ont pas modifié la nature de son rôle et n’étaient pas censées être permanentes. De l’aveu même de l’appelante, lorsqu’elle a soulevé cette question auprès de l’employeur, on lui a certifié qu’il y aurait de nouvelles embauches, et que de nouveaux employés étaient effectivement arrivésNote de bas de page 18. Bien que je comprenne que le processus d’embauche ait pris plus de temps que ne le voulait l’appelante, l’employeur a réagi à ses préoccupations et a pris des mesures pour les apaiser de manière adéquate. Le roulement du personnel ne signifie pas que le poste de l’appelante a été modifié de sorte qu’elle était censée effectuer le travail de deux ou trois employés à l’avenir.

[42] De même, le besoin de l’appelante de s’adapter aux nouvelles technologies et procédures en milieu de travail n’est pas hors du cadre de la norme. Il lui incombait de demander un soutien supplémentaire à l’employeur si elle éprouvait des difficultés dans ces domaines.

[43] Je conclus donc que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle a subi des modifications importantes dans ses fonctions. Je conclus également qu’elle avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi en réaction à la charge de travail et aux changements technologiques qu’elle a subis.

[44] Les changements apportés à la charge de travail de l’appelante et les nouvelles technologies et procédures qui ont commencé en 2021 (en pleine pandémie mondiale de COVID-19) ont fait en sorte qu’elle devait apporter des ajustements. Cependant, elle était une employée de longue date et l’employeur a répondu à ses préoccupations liées à sa charge de travail lorsqu’elle les a soulevéesNote de bas de page 19. Ces éléments montrent qu’elle était une employée appréciée.

[45] Il arrive dans de nombreuses affaires que le tribunal impose aux prestataires de l’assurance-emploi de tenter de régler des problèmes liés au milieu de travail avec leur employeur ou l’obligation de chercher un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter un emploiNote de bas de page 20. Je ne peux faire fi de cette obligation.

[46] Une solution de rechange raisonnable au départ de l’appelante aurait été de parler à l’employeur lorsqu’elle éprouvait des difficultés avec la technologie et les nouvelles procédures liées au travail à domicile pendant la pandémie et de demander une formation et un soutien supplémentaires.

[47] Une autre solution raisonnable aurait été que l’appelante parle à l’employeur si sa charge de travail demeurait trop lourde après l’arrivée du nouveau personnel et demande de l’aide supplémentaire. Il incombait à l’appelante de communiquer avec le service des ressources humaines de l’employeur et/ou avec son gestionnaire au sujet de tout problème lié à la formation ou au roulement du nouveau personnel. Elle devait faire comprendre à l’employeur que la solution d’embaucher plus de personnel demeurait problématique et lui donner une chance de rectifier la situation. D’autant plus que l’employeur était en train d’embaucher plus de personnel.

[48] Je conviens avec la Commission qu’une autre solution raisonnable aurait été que l’appelante demande à l’employeur de la muter à un autre poste. Compte tenu de ses 40 ans et plus de service, elle était manifestement une employée appréciée et aurait pu explorer la possibilité d’occuper un rôle différent au sein de l’organisation.

[49] Une solution raisonnable supplémentaire autre que de quitter son emploi aurait été que l’appelante continue de travailler jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi convenable ailleurs – d’autant plus qu’elle devait composer avec les changements depuis 2021.

[50] L’appelante n’a exploré aucune de ces solutions raisonnables.

[51] Je conclus donc que l’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que ses fonctions avaient subi des modifications importantes de sorte qu’elle n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi le 30 décembre 2022. Cela signifie qu’elle n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi en raison de modifications importantes de ses fonctions.

Stress en milieu de travail

[52] Selon la loi, un prestataire qui vit des conditions de travail qui constituent un danger pour sa santé ou sa sécurité est fondé à quitter son emploi s’il n’avait d’autre solution raisonnable que de démissionnerNote de bas de page 21.

[53] Je conclus qu’en ce qui concerne l’appelante, de telles circonstances n’existaient pas.

[54] Lorsque l’effet préjudiciable sur la santé d’un prestataire est invoqué comme justification, le prestataire doit généralement : a) fournir des preuves médicalesNote de bas de page 22; b) tenter de régler le problème avec l’employeurNote de bas de page 23; et c) tenter de trouver un autre emploi avant de quitter son emploiNote de bas de page 24.

[55] J’accepte le témoignage de l’appelante selon lequel elle se sentait dépassée et stressée au moment où elle a démissionné. Toutefois, elle n’a pas de note du médecin ni de preuve médicale à l’appui du fait que son emploi mettait sa santé en danger ou qu’elle devait quitter son emploi pour des raisons médicales. De son propre aveu, elle n’a pas consulté son médecin avant de lui donner avis et de démissionner en prenant volontairement sa retraite. Si elle devait quitter son emploi pour des raisons de santé, il lui incombait de consulter un médecin avant de le faire.

[56] De même, l’appelante n’a pas tenté de résoudre ses problèmes de charge de travailNote de bas de page 25 ou les problèmes qu’elle éprouvait avec les nouvelles technologies et procédures (les causes de son stress) auprès de l’employeur ni de chercher activement du travail avant de quitter son emploi.

[57] Je conclus donc que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait vécu des conditions de travail qui constituaient un danger pour sa santé de sorte qu’elle n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi le 30 décembre 2022.

[58] Je conclus qu’une solution de rechange raisonnable à son départ aurait été de consulter son médecin au sujet de la nécessité éventuelle d’un congé ou de quitter son emploi pour des raisons médicales. Je conclus également que les solutions de rechange raisonnables énoncées aux paragraphes 46 à 49 qui précèdent s’appliquent également à cet argument.

[59] L’appelante n’a exploré aucune de ces solutions raisonnables.

[60] Je conclus donc que l’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que ses conditions de travail mettaient en danger sa santé de sorte qu’elle n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi le 30 décembre 2022. Cela signifie qu’elle n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi pour des raisons de santé.

Conditions de travail intolérables

[61] Des conditions de travail insatisfaisantes ne justifient de quitter son emploi que lorsqu’il est si manifestement intolérable qu’un prestataire n’a d’autre choix que de partir lorsqu’il l’a faitNote de bas de page 26. Cependant, avant de partir, le prestataire est fortement tenu de chercher des solutions à des conditions intolérablesNote de bas de page 27.

[62] Je conclus que de telles circonstances n’existaient pas pour l’appelante au 30 décembre 2022.

[63] Je reconnais que l’appelant en avait assez de couvrir les autres membres du personnel et qu’elle avait de la difficulté à suivre les changements technologiques et de procédures pendant la pandémie. Cependant, ce ne sont pas des conditions en milieu de travail qui pourraient être considérées comme manifestement intolérables. L’appelante a eu affaire à eux depuis 2021, lorsqu’elle a donné son avis en octobre 2022 et a quitté son emploi le 31 décembre 2022. Il n’y a pas eu d’incident final. Il y a seulement eu une prise de conscience graduelle que le travail devenait trop exigeant pour elle.

[64] Pourtant, l’appelante n’a pris aucune mesure pour atténuer ces conditions de travail insatisfaisantes.

[65] Elle a décidé de prendre volontairement sa retraite plutôt que de démissionner parce qu’elle ne voulait pas perdre ses avantages sociaux.

[66] Je reconnais les raisons personnelles de l’appelante pour invoquer la retraite comme excuse pour quitter son emploi. Toutefois, je ne peux pas ignorer qu’elle s’est volontairement mise en situation de chômage sans prendre d’abord des mesures pour préserver cet emploi.

[67] Une solution raisonnable aurait été que l’appelante parle à l’employeur et l’informe du niveau de stress qu’elle ressentait et donne à l’employeur l’occasion d’examiner des options pour résoudre ses préoccupations – tant sur le plan de la dotation que sur le plan de la technologie. Le fait qu’elle n’ait pas permis à l’employeur de régler les problèmesNote de bas de page 28 témoigne du manque d’intérêt de l’appelante à préserver cet emploi.

[68] La décision de quitter un emploi pour des raisons personnelles, comme le stress lié à une charge de travail accrue en raison du roulement du personnel et des nouvelles technologies et procédures (comme l’a décrit l’appelante), pourrait bien constituer un motif valable de quitter un emploi. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a clairement statué qu’un motif valable de quitter un emploi n’est pas la même chose que l’exigence législative de « justification »Note de bas de page 29; et qu’il est possible qu’un prestataire ait un motif valable de quitter son emploi, mais pas de « justification » au sens de la loiNote de bas de page 30.

[69] En outre, la Cour d’appel fédérale a statué sans équivoque que le fait de quitter son emploi pour améliorer sa situation – qu’il s’agisse de la nature du travail, de la rémunération ou d’autres facteurs liés au mode de vie – ne constitue pas une justification au sens de la loiNote de bas de page 31.

[70] Je conclus que l’appelante a pris personnellement la décision de quitter son emploi.

[71] Bien que je comprenne le désir de l’appelante de se retirer d’une situation stressante, elle ne peut s’attendre à ce que ceux qui cotisent à la caisse d’assurance-emploi assument les coûts de sa décision unilatérale de quitter son emploi à cette fin.

[72] Une solution de rechange raisonnable au départ aurait été d’informer l’employeur de ses préoccupations et de lui donner la possibilité de les résoudre (ou de continuer à travailler à les résoudre, comme dans la situation des nouveaux employés). Une autre solution raisonnable aurait été de continuer à travailler jusqu’à ce qu’elle trouve un emploi convenable ailleurs.

[73] L’appelante n’a pas envisagé l’une ou l’autre de ces solutions raisonnables.

[74] Je conclus donc que l’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu’elle subissait des conditions de travail si manifestement intolérables qu’elle n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi le 30 décembre 2022. Cela signifie qu’elle n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi parce que son lieu de travail était devenu intolérable.

[75] Cela signifie en outre qu’elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

C) Conclusion sur l’exclusion pour départ volontaire

[76] L’appelante avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi le 30 décembre 2022. Elle ne s’est pas prévalue de ces solutions raisonnables et n’a donc pas prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi.

[77] Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 30 décembre 2022.

Question en litige no 2 : L’appelante a-t-elle prouvé sa disponibilité pour travailler?

[78] Non, elle ne l’a pas fait.

Question préliminaire

[79] Compte tenu de mes conclusions à la question 1 qui précède, l’appelante ne peut recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi pour la demande qu’elle a déposée le 10 janvier 2023.

[80] Par conséquent, il n’est pas strictement nécessaire que je rende une décision sur la disponibilité de l’appelante parce que cette décision, favorable ou non à l’appelante, ne peut modifier son exclusion du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi relativement à sa demande. Autrement dit, mes conclusions sur la question de la disponibilité de l’appelante pour travailler n’ont aucune incidence sur mes conclusions selon lesquelles l’appelante n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi pour les motifs énoncés à la question en litige 1 qui précède.

[81] Toutefois, étant donné que l’appelante a abordé la question de la disponibilité dans ses documents d’appel et à son audience, je procéderai à l’analyse de la disponibilité à des fins d’exhaustivité.

Analyse de la disponibilité

[82] En vertu de la loi, pour être considérée comme étant disponible pour travailler aux fins des prestations régulières d’assurance-emploi, l’appelante doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 32.

[83] Rien ne prouve que l’appelante a été médicalement ou autrement incapable de travailler. Je passerai donc directement à l’analyse de la disponibilité pour évaluer si l’appelante avait droit à des prestations régulières d’assurance-emploi du 2 janvier 2023 au 28 avril 2023Note de bas de page 33.

[84] La Cour d’appel fédérale a affirmé que la disponibilité doit se vérifier par l’analyse de trois éléments :

  1. a) le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. b) la manifestation de ce désir par des démarches pour se trouver cet emploi convenable;
  3. c) le fait de ne pas établir de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 34.

[85] Ces trois éléments sont communément appelés les « éléments de l’arrêt Faucher », d’après l’affaire dans laquelle la Cour les a énoncés pour la première fois. Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois me pencher sur l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas de page 35.

[86] La Cour a également déclaré que la disponibilité est établie pour chaque jour ouvrable d’une période de prestationsNote de bas de page 36.

[87] J’accepte la décision de la Commission selon laquelle l’appelante a prouvé sa disponibilité à compter du 1er avril 2023Note de bas de page 37. Je conclus cependant qu’elle n’a satisfait à aucun des éléments de l’arrêt Faucher du 2 janvier 2023 au 30 mars 2023.

a) Désir de retourner sur le marché du travail

[88] L’appelante n’a pas démontré qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait devenu disponible.

[89] Lors de sa première entrevue avec la Commission le 7 mars 2023, l’appelante a déclaré qu’elle croyait que la retraite était la meilleure option pour elle. Elle a souligné qu’elle pouvait continuer de toucher une pension de son employeur et ensuite chercher un autre emploiNote de bas de page 38 (mis en évidence par la soussignée).

[90] L’appelante a également déclaré qu’elle cherchait du travail en discutant avec des amis et des parents et qu’elle n’avait postulé aucun emploi depuis qu’elle a quitté son emploi le 30 décembre 2022, mais qu’elle avait l’intention de trouver bientôt un emploi à temps pleinNote de bas de page 39. Elle a dit qu’elle aimerait travailler dans le secteur du commerce de détail et peut-être dans le secteur bancaire, mais qu’elle étudie actuellement ses options.

[91] Lors de son entrevue de révision du 1er mai 2023, après le refus de ses prestations d’assurance-emploi, l’appelante a déclaré qu’elle avait postulé un emploi à la fin de mars 2023 et qu’elle s’était présentée à une entrevue, mais qu’elle n’avait pas réussiNote de bas de page 40. Elle a également présenté une demande d’emploi à un gymnase, mais attendait toujours que cet employeur communique avec elle. Elle avait maintenant un compte en ligne avec « Indeed », mais n’avait pas téléchargé son curriculum vitæ ni postulé d’emploi.

[92] De l’aveu même de l’appelante, au cours des quatre mois écoulés depuis qu’elle s’est retrouvée sans emploi, elle n’a postulé que deux emplois.

[93] Dans son avis d’appel déposé le 29 mai 2023, l’appelante a déclaré qu’elle était actuellement à la recherche d’un emploiNote de bas de page 41 (mis en évidence par la soussignée).

[94] L’appelante a déclaré ce qui suit à l’audience :

  • Après sa retraite le 30 décembre 2023, elle a commencé à avoir recours au « réseautage » avec ses amis et sa famille « par le bouche à oreille ». Elle a fait savoir aux gens qu’elle cherchait un emploi à temps plein et qu’elle s’intéressait aux postes de service à la clientèle dans un contexte de vente au détail.
  • Vers la fin de mars 2023, elle a préparé son curriculum vitæ.
  • Elle a communiqué avec un employeur au cours de la semaine de relâche et a communiqué de nouveau avec cet employeur par la suite. Elle a été convoquée pour un entretien d’embauche, qui n’a cependant pas porté ses fruits.
  • En avril 2023, elle s’est rendue au centre commercial pour voir si quelqu’un embauchait.
  • À la même période, elle a déposé un curriculum vitæ au centre de conditionnement physique local parce qu’une offre d’emploi était affichée sur son site Web.
  • En mai 2023, elle s’est inscrite à Indeed parce qu’elle n’avait pas reçu de réponse de ses deux demandes d’emploi.

[95] La preuve montre que l’appelante n’était pas pressée de reprendre le travail après sa retraite. Elle n’a préparé son curriculum vitæ que trois mois après avoir quitté son emploi. De plus, elle n’a commencé à postuler un emploi qu’après le refus de sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[96] Je conclus donc que l’appelante n’avait pas le désir de reprendre le travail dès qu’un emploi convenable était disponible, à compter du 2 janvier 2023Note de bas de page 42 et jusqu’à la fin de mars 2023, parce qu’elle ne voulait pas travailler tout de suite après avoir pris sa retraite.

[97] J’admets que l’appelante travaillait depuis plus de 40 ans et qu’elle n’avait pas pris de congé important. Pour satisfaire au premier élément de l’arrêt Faucher, cependant, elle doit prouver qu’elle voulait reprendre le travail dès qu’un emploi convenable serait offert. Pour ce faire, elle doit démontrer son désir de retourner sur le marché du travail chaque jour ouvrable de sa période de prestations, qui a débuté le 1er janvier 2023.

[98] Elle ne l’a pas fait.

[99] J’accepte la décision de la Commission selon laquelle sa disponibilité a été prouvée après le 31 mars 2023, parce que c’est à ce moment que l’appelante a finalement préparé son curriculum vitæ et a commencé à postuler des emplois. Son défaut de prendre ces mesures au cours des trois premiers mois de sa retraite démontre qu’elle n’avait pas le désir de retourner au travail dès qu’un emploi convenable était disponible.

[100] Je conclus donc que l’appelante n’a pas satisfait au premier élément de l’arrêt Faucher.

b) Démarches de recherche d’emploi

[101] Pour satisfaire au deuxième élément de l’arrêt Faucher, l’appelante doit prouver qu’elle effectuait assez de démarches pour trouver un emploi convenable pour chaque jour ouvrable pendant sa période de prestations, à compter du 2 janvier 2023.

[102] Elle ne l’a pas fait.

[103] La preuve relative aux démarches de recherche d’emploi de l’appelante est énoncée aux paragraphes 89 à 94 qui précèdent.

[104] D’après la jurisprudence, le facteur déterminant dans l’évaluation de la disponibilité est une recherche d’emploi active, sérieuse, continue et intensive, démontrée par un relevé vérifiable des demandes d’emploiNote de bas de page 43.

[105] La preuve ne permet pas de conclure que les démarches de recherche d’emploi de l’appelante ont déjà atteint ce niveau entre le 2 janvier 2023 et le 31 mars 2023.

[106] L’appelante n’a même pas préparé son curriculum vitæ ni présenté une demande d’emploi avant la fin de mars 2023. Elle n’a postulé que 2 emplois pendant les 4 mois ayant suivi immédiatement sa retraite (soit entre le 2 janvier 2023 et le 28 avril 2023Note de bas de page 44). On ne peut pas dire que l’appelante a effectué des démarches soutenues ou qu’elles démontrent des efforts continus pour trouver un emploi pour chaque jour ouvrable de sa période de prestations.

[107] Je conclus donc que l’appelante n’a pas satisfait au deuxième élément de l’arrêt Faucher.

c) Limiter indûment les chances de retourner au travail

[108] Pour satisfaire au troisième élément, l’appelante doit prouver qu’elle n’avait pas établi de conditions personnelles qui limitaient ses chances de retourner au travail pour chaque jour ouvrable de sa période de prestations, à compter du 2 janvier 2023.

[109] Elle ne l’a pas fait.

[110] L’appelante a pris sa retraite le 30 décembre 2022 et n’a fait aucune démarche pour trouver du travail pendant trois mois. Il a fallu attendre à la fin de mars 2023 pour que l’appelante prépare son curriculum vitæ et communique avec un employeur. Le refus de sa demande de prestations d’assurance-emploi semble l’avoir incitée à commencer à chercher du travail. Cela montre que l’appelante prenait une pause de son travail (et de sa recherche d’emploi) après sa retraite.

[111] Je reconnais le désir de l’appelante de prendre une pause – surtout après avoir pris sa retraite avec plus de 40 ans de service. Toutefois, la disponibilité d’un emploi convenable est une question objective. Elle ne peut dépendre des raisons précises fournies par un prestataire pour restreindre sa disponibilité, même si celles-ci peuvent susciter des préoccupations favorablesNote de bas de page 45.

[112] En prenant une pause de trois mois du travail (et de la recherche d’emploi), l’appelante limitait ses chances de retourner au travail tout de suite après sa retraite. Ce choix personnel limitait ses chances de retourner au travail.

[113] Je conclus donc que la décision de l’appelante de prendre une pause de trois mois de travail (et de recherche de travail) constituait une condition personnelle qui restreignait et limitait indûment ses chances de retourner sur le marché du travail après sa retraite. Toutefois, j’accepte la décision de la Commission selon laquelle l’appelante a retiré cette condition personnelle et était prête à travailler (et à chercher du travail) après le 31 mars 2023.

[114] Cela signifie qu’elle n’a pas satisfait au troisième élément de l’arrêt Faucher du 2 janvier 2023 au 31 mars 2023.

d) Conclusion au sujet des éléments de l’arrêt Faucher

[115] L’appelante doit satisfaire aux trois éléments de l’arrêt Faucher pour prouver sa disponibilité sous le régime de l’article 18 de la Loi. D’après mes constatations, elle n’a pas satisfait aux trois éléments au cours de la période du 2 janvier 2023 au 31 mars 2023.

[116] Je conclus donc que l’appelante n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable du 2 janvier 2023 au 31 mars 2023. Cela signifie qu’elle n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi pendant cette période.

[117] Je comprends la déception de l’appelante de ne pas pouvoir recevoir des prestations d’assurance-emploi après avoir cotisé au régime d’assurance-emploi pendant de nombreuses années. Toutefois, il ne suffit pas de cotiser au régime d’assurance-emploi. Tous les prestataires doivent respecter les modalités de la Loi pour recevoir des prestations. Et si un prestataire ne peut prouver sa disponibilité pour travailler, il sera inadmissible aux prestations d’assurance-emploi, peu importe le nombre d’années pendant lesquelles il a cotisé au programme.

Conclusion

[118] L’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification lorsqu’elle a pris sa retraite le 30 décembre 2022.

[119] Elle est également inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 2 janvier 2023 au 31 mars 2023 parce qu’elle n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler pendant cette période.

[120] Cela signifie que l’appelante ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[121] L’appel est rejeté.

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