Assurance-emploi (AE)

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Citation : YG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 461

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : Y. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (563357) datée du 13 décembre 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 22 août 2023
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 15 septembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-867

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que le refus de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) de prolonger la période prévue de 30 jours pour présenter une demande de révision est justifiéNote de bas de page 1.

Aperçu

[2] Le 31 octobre 2022, l’appelant présente une demande de révision d’une décision rendue par la Commission, en date du 9 septembre 2020Note de bas de page 2.

[3] La décision rendue par la Commission le 9 septembre 2020 porte sur la disponibilité à travailler de l’appelant. Cette décision lui indique aussi que s’il doit de l’argent, il recevra un avis de detteNote de bas de page 3.

[4] Le 13 décembre 2022, la Commission l’informe qu’elle ne réviserait pas la décision rendue à son endroit, en date du 9 septembre 2020. Elle lui indique avoir étudié les raisons qu’il lui a fournies pour justifier sa demande de révision hors délai, mais a déterminé qu’elles ne satisfaisaient pas aux exigences du Règlement sur les demandes de révisionNote de bas de page 4.

[5] L’appelant explique avoir présenté sa demande de révision de la décision rendue par la Commission, en date du 9 septembre 2020, après le délai prévu pour le faire, parce que ce fut très difficile de communiquer avec elle par téléphone et qu’il n’a pas été en mesure de parler avec un de ses représentants malgré les nombreux appels effectués. Il affirme s’être aussi présenté à plus d’une reprise dans un Centre Service Canada (bureau d’assurance-emploi), mais que les renseignements qui lui ont été donnés ne lui ont pas permis de régler son problème pour recevoir des prestations. L’appelant affirme n’avoir obtenu qu’un numéro de téléphone qui l’a finalement amené à remplir un document pour demander une révision de la décision de la Commission. Il explique avoir également attendu avant de présenter sa demande de révision, car il voulait savoir s’il pouvait recevoir des prestations de la Prestation canadienne d’urgence (PCU), ce qui lui aurait permis de rembourser la somme d’argent qui lui était réclamée pour des prestations versées en trop. Le 20 mars 2023, l’appelant conteste la décision de la Commission du 13 décembre 2022 devant le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal).

Question en litige

[6] Je dois déterminer si le refus de la Commission de prolonger la période de 30 jours prévue pour présenter une demande de révision est justifiéNote de bas de page 5.

Analyse

[7] Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission peut lui demander de la réviser dans les trente jours suivant la date à laquelle cette décision lui est communiquée, ou dans le délai supplémentaire que celle-ci peut accorder, et selon les modalités prévues par règlementNote de bas de page 6.

[8] La Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révisionNote de bas de page 7.

[9] La Commission doit aussi être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire pour présenter cette demande ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie dans les « cas particuliers » suivants : a) la demande de révision est présentée après l’expiration du délai de trois cent soixante-cinq jours suivant le jour où l’intéressé a reçu communication de la décision ; b) elle est présentée par une personne qui a fait une autre demande de prestations après que la décision lui a été communiquée ; c) elle est présentée par une personne qui a demandé à la Commission d’annuler ou de modifier la décision en vertu de l’article 111 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[10] Je précise que compte tenu de la question en litige soulevé dans le présent dossier, mon rôle se limite à déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire lorsqu’elle a refusé la demande de l’appelant de prolonger la période de révision de 30 joursNote de bas de page 9.

[11] La Cour d’appel fédérale (la Cour) a établi le principe selon lequel on ne devrait pas interférer avec les décisions discrétionnaires de la Commission à moins que celle-ci n’ait pas exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaireNote de bas de page 10.

[12] La Cour a également défini « de façon judiciaire », comme agissant de bonne foi, en tenant compte de tous les facteurs pertinents et en ignorant tous les facteurs non pertinentsNote de bas de page 11.

[13] La Cour fédérale a confirmé que la décision de la Commission relative à une prolongation de délai pour la présentation d’une demande de révision est une décision discrétionnaireNote de bas de page 12.

[14] Dans le présent dossier, je considère que la Commission démontre avoir exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en refusant d’accorder à l’appelant une prolongation de la période prévue de 30 jours pour présenter une demande de révision.

[15] La Commission fait valoir les éléments suivants :

  1. a) L’appelant avait connaissance de la décision de la Commission, en date du 9 septembre 2020, et il a tardé jusqu’au 31 octobre 2022 pour présenter une demande de révisionNote de bas de page 13 ;
  2. b) L’appelant n’a pas fourni une explication raisonnable pour justifier le retard à demander une révision. Il a déclaré avoir attendu plus de deux ans pour présenter sa demande de révision parce qu’il n’arrivait pas à obtenir la ligne téléphonique pour parler à un représentant. Lorsqu’il s’est rendu dans un bureau de l’assurance-emploi (Centre Service Canada), les représentants avec lesquels il avait parlé ne pouvaient pas l’aider pour présenter une demande de prestations de la PCU. Il attendait de recevoir des prestations de la PCU pour rembourser sa dette au lieu de demander une révision dans les délaisNote de bas de page 14 ;
  3. c) L’appelant n’a pas démontré une intention constante de demander une révision. Son dossier montre qu’entre la date de l’avis de décision de la Commission, le 9 septembre 2020, et la date de sa demande de révision, le 31 octobre 2022, seule une demande d’accès aux documents de l’appelant, en lien avec une demande de révision, a été faite par l’Aide juridique en 2021 (27 octobre 2021). L’appelant n’a pris aucune autre mesure par la suite pour demander une révisionNote de bas de page 15 ;
  4. d) Bien que la demande de révision ait été présentée après l’expiration du délai de 365 jours suivant le jour où l’appelant a été avisé de la décision initialeNote de bas de page 16, les critères se rapportant aux chances raisonnables de succès et d’absence de préjudice, prévus à l’article 1(2) du Règlement sur les demandes de révision dans un tel cas n’ont pas été évalués parce que les critères prévus à l’article 1(1) du Règlement sur les demandes de révision, n’ont pas été satisfaitsNote de bas de page 17 ;
  5. e) La Commission soutient avoir exercé son pouvoir discrétionnaire en refusant d’accorder un délai supplémentaire à l’appelant pour présenter sa demande de révision. Elle fait valoir que toutes les circonstances pertinentes ont été considérées au moment de refuser le retard de l’appelant à présenter sa demandeNote de bas de page 18.

[16] Le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquent les éléments suivants :

  1. a) Il a reçu la décision rendue à son endroit par la Commission, en date du 9 septembre 2020, lui indiquant qu’elle ne le considérait pas disponible à travailler, qu’elle refusait de lui verser des prestations et que s’il devait de l’argent, il allait recevoir un avis de detteNote de bas de page 19 ;
  2. b) Lorsqu’il a reçu la décision de la Commission, il croyait qu’il allait pouvoir recevoir des prestations de la PCU afin de rembourser la somme d’argent qui pouvait lui être réclamée pour des prestations versées en tropNote de bas de page 20 ;
  3. c) Dans son avis d’appel, l’appelant indique qu’il ne conteste pas la décision selon laquelle il n’était pas disponible à travailler et déclare être d’accord pour rembourser la somme d’argent représentant les prestations lui ayant été versées en trop, mais à la condition qu’il reçoive des prestations de la PCU pour la période en cause (période pour laquelle des prestations lui ont été versées)Note de bas de page 21 ;
  4. d) Vers novembre 2020, après avoir reçu un avis de dette d’Emploi et Développement social Canada, en date du 31 octobre 2020Note de bas de page 22, il a communiqué à plusieurs reprises avec la Commission. Après avoir reçu cet avis de dette, il s’est aussi renseigné sur son admissibilité au bénéfice des prestations de la PCU ;
  5. e) En novembre et décembre 2020, il a effectué plusieurs appels à la Commission lorsqu’il recevait des avis de la part d’une agence de recouvrement, en plus de l’avis de dette qui lui avait été envoyé. Il souligne avoir effectué ses démarches durant la pandémie de COVID-19Note de bas de page 23. Ce fut très difficile de communiquer avec la Commission par téléphone. Lors de ses appels, le temps d’attente était très long (ex. : deux heures d’attente). Il n’a pas attendu de pouvoir parler à des représentants de la CommissionNote de bas de page 24 ;
  6. f) À la suite de ses appels à la Commission, il s’est présenté dans un Centre Service Canada, à deux reprises, soit à l’automne 2020, de même qu’au printemps 2021Note de bas de page 25 ;
  7. g) À l’automne 2020, lorsqu’il s’est rendu dans un Centre Service Canada, il a été informé qu’il devait d’abord prendre un rendez-vous avant de pouvoir rencontrer un représentant ;
  8. h) Au printemps 2021, lorsqu’il s’est de nouveau présenté dans un Centre Service Canada, un représentant lui a donné un numéro de téléphone pour qu’il puisse expliquer son cas (Centre d’appel de la gestion des créances). Lorsqu’il a communiqué au numéro qui lui avait été donné, il n’a pas été en mesure de régler le problème pour recevoir des prestationsNote de bas de page 26 ;
  9. i) À la suite d’une discussion avec un représentant de la Commission, il a décidé de présenter une demande de révisionNote de bas de page 27 ;
  10. j) La Commission l’a par la suite informé qu’il pouvait présenter un appel devant le Tribunal ;
  11. k) Il n’était pas en « pleine forme » lorsqu’il a fait ses démarches pour contester la décision de la Commission du 9 septembre 2020. Cela l’a « épuisé » de faire des démarches et de ne pas trouver la solution à son problème pour recevoir des prestations. Lorsqu’il s’est renseigné auprès de la Commission, il n’a pas été référé aux bons endroits. Cela a « été long » avant qu’il ne soit informé des démarches à faire pour contester la décision de la Commission. Dans son avis d’appel, il indique être encore très malade à la suite d’une chirurgie qu’il a subieNote de bas de page 28 ;
  12. l) En 2021, bien que l’Aide juridique ait présenté une demande d’accès à l’information dans son dossier d’assurance-emploi, il n’a toutefois pas été en mesure de bénéficier de ses services par la suiteNote de bas de page 29.

[17] Dans le cas présent, la preuve démontre que l’appelant n’a pas respecté le délai de 30 jours qui lui était alloué pour présenter une demande de révision de la décision de la Commission du 9 septembre 2020.

Explication raisonnable

[18] Je considère que l’appelant ne fournit pas une explication raisonnable pouvant justifier son retard à présenter une demande de révision de la décision rendue par la Commission, le 9 septembre 2020.

[19] J’estime que l’appelant a eu la possibilité de lire le contenu de cette décision. Elle lui indique, entre autres, qu’il disposait d’un délai de 30 jours pour demander à la Commission d’en faire la révisionNote de bas de page 30. Ce document lui précise aussi que s’il doit de l’argent, il recevra un avis de dette et des instructions pour le remboursementNote de bas de page 31. Cette décision lui spécifie également de ne pas attendre que le recouvrement de la somme d’argent qui lui est réclamée commence et de présenter sa demande de révision le plus tôt possible, s’il est en désaccord avec celle-ciNote de bas de page 32.

[20] Je suis d’avis que lorsque la Commission a rendu sa décision, le 9 septembre 2020, rien n’empêchait l’appelant de présenter sa demande de révision à l’intérieur du délai prévu de 30 jours.

[21] Je considère qu’à la suite des raisons qu’il a fournies à la Commission pour expliquer son retard à présenter sa demande de révision, l’appelant n’apporte aucun élément nouveau démontrant qu’il n’était pas en mesure de le faire dans le délai prévu.

[22] À l’exception du fait qu’il ne se sentait pas en « pleine forme » au moment de contester la décision du 9 septembre 2020 et que ces démarches l’avaient épuisé, l’appelant réitère les mêmes motifs fournis à la Commission pour expliquer son retard à présenter sa demande de révision.

[23] Ses motifs sont les suivants : ne pas avoir été en mesure d’obtenir la ligne téléphonique pour parler à un représentant de la Commission, ne pas avoir obtenu l’aide souhaitée lorsqu’il s’est rendu dans un Centre Service Canada, et parce qu’il attendait de recevoir des prestations de la PCU pour rembourser la somme d’argent qui lui était réclamée pour des prestations versées en trop.

[24] L’appelant ne démontre pas que des raisons d’ordre médical ont pu l’empêcher de présenter sa demande de révision à l’intérieur du délai alloué pour le faire.

[25] Je suis d’accord avec la conclusion de la Commission selon laquelle l’appelant n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier son retard à présenter sa demande de révision.

Intention constante de demander une révision

[26] Je considère que l’appelant ne démontre pas qu’il avait l’intention constante de présenter une demande de révision de la décision du 9 septembre 2020.

[27] Je considère que l’appelant a eu la possibilité de demander une révision de cette décision, mais qu’il a choisi de ne pas s’en prévaloir.

[28] Dans la décision du 9 septembre 2020, l’appelant a été informé de l’existence d’un délai de 30 jours pour demander une révision suivant la date de cette décisionNote de bas de page 33.

[29] La preuve au dossier démontre qu’un avis de dette lui a aussi été envoyé en date du 31 octobre 2020Note de bas de page 34.

[30] Ce n’est que le 31 octobre 2022, soit plus de deux ans après avoir reçu la décision de la Commission, qu’il a présenté sa demande de révisionNote de bas de page 35.

[31] Je considère que la Commission a correctement évalué que l’appelant n’a pas manifesté d’intention constante de demander une révision de la décision qu’elle a rendue le 9 septembre 2020.

Chances raisonnables de succès et préjudice pouvant être causé aux parties

[32] Étant donné que la demande de révision a été présentée plus de 365 jours après que l’appelant ait été avisé de la décision du 9 septembre 2020, la Commission a expliqué qu’elle devait être convaincue que cette demande avait des chances raisonnables de succès, et que l’autorisation du délai supplémentaire pour faire une telle demande ne lui porterait pas préjudice, à elle, ni d’ailleurs à une autre partieNote de bas de page 36.

[33] Dans son argumentation, la Commission explique ne pas avoir évalué si la demande de révision de l’appelant avait des chances raisonnables de succèsNote de bas de page 37. Elle indique ne pas avoir évalué non plus si l’autorisation du délai supplémentaire pourrait lui porter un préjudice ou en causer à une autre partieNote de bas de page 38.

[34] La Commission précise ne pas avoir évalué ces éléments, étant donné que les critères prévus au Règlement sur les demandes de révision sur l’explication raisonnable justifiant le retard à présenter une demande de révision et l’intention constante de demander cette révisionNote de bas de page 39 n’ont pas été satisfaits dans le cas de l’appelantNote de bas de page 40.

[35] Lors de l’audience, l’appelant ne présente pas d’éléments de preuve nouveaux et pertinents pouvant démontrer que sa demande de révision avait des chances raisonnables de succès sur la question en litige à laquelle réfère la décision de la Commission du 9 septembre 2020, soit sa disponibilité à travaillerNote de bas de page 41.

[36] L’appelant ne présente pas non plus d’argument sur la question du préjudice pouvant être causé à la Commission ou à une autre partie si sa demande de révision était acceptée.

Pouvoir discrétionnaire de la Commission

[37] Je suis d’avis que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire lorsqu’elle a refusé la demande de l’appelant de prolonger la période de révision de 30 jours puisque toutes les circonstances pertinentes ont été considérées au moment de refuser le retard de ce dernier à présenter sa demande.

[38] J’estime qu’en rendant sa décision, la Commission a tenu compte de tous les facteurs pertinents et a exclu ceux qui ne l’étaient pas.

[39] Ces facteurs réfèrent aux aspects suivants : l’absence d’une explication raisonnable de l’appelant pour son retard à présenter sa demande de révision et le fait qu’il n’avait pas l’intention constante de demander cette révision.

[40] J’estime également que l’appelant ne démontre pas que la Commission s’est appuyée sur des facteurs non pertinents pour refuser de prolonger la période de 30 jours pour présenter une demande de révision.

[41] Je considère que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en refusant d’accorder à l’appelant une prolongation du délai pour présenter sa demande de révision.

Conclusion

[42] Je conclus que le refus de la Commission de prolonger la période prévue de 30 jours pour présenter une demande de révision est justifié.

[43] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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