Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : OK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1196

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : O. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (506017) datée du 23 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Suzanne Graves
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 15 mars 2023
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 19 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3140

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

[3] Je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur de l’appelant a porté atteinte à ses droits au titre de la Déclaration canadienne des droits, de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de toute autre loi protégeant les droits et libertés. Ces lois sont appliquées par différents tribunaux.

Aperçu

[4] L’appelant travaillait comme ludothérapeute pour un hôpital. Il a été suspendu, puis congédié de son emploi par la suite. L’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant avait été congédié parce qu’il avait agi contre sa politique de vaccination : il ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19.

[5] L’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé, mais il soutient que le fait de refuser une intervention médicale ne peut pas être une inconduite. Il affirme que son employeur lui a demandé d’accepter un traitement médical, bien que son contrat de travail ne l’exigeait pas. En tant que citoyen canadien, il demande que ses droits de la personne soient respectés.

[6] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[7] L’appelant porte la décision de la Commission en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas une partie mise en cause à l’appel

[8] Parfois, le Tribunal envoie une lettre à l’ancien employeur de la partie appelante pour lui demander s’il souhaite être ajouté comme partie mise en cause à l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a écrit à l’employeur de l’appelant pour lui demander s’il souhaitait être mis en cause, mais il n’a pas répondu à la lettreNote de bas de page 2. Pour être ajouté comme partie mise en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme partie mise en cause, car rien dans le dossier n’indique qu’il a un intérêt direct dans l’issue de l’appel.

Je vais accepter les documents déposés après l’audience

[9] L’appelant a envoyé des documents additionnels après l’audienceNote de bas de page 3. J’ai accepté les documents, car ils sont pertinents pour les questions soulevées dans le présent appel. Le Tribunal a envoyé les documents à la Commission, et il lui a donné du temps pour y répondre. La Commission n’a présenté aucun argument en guise de réponse.

Question en litige

[10] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[11] Au Canada, un certain nombre de lois protègent les droits d’une personne, comme le droit à la vie privée ou le droit à l’égalité (non-discrimination). Parmi ces lois figurent la Déclaration canadienne des droits et plusieurs autres lois qui protègent les droits et libertés.

[12] Le Tribunal n’a pas le pouvoir de décider si une mesure prise par un employeur va à l’encontre des droits d’une partie prestataire. Il n’est pas non plus autorisé à rendre des décisions fondées sur la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne ou toute loi provinciale qui protège les droits et libertés.

[13] Cette question ne relève pas de ma compétence. Une partie prestataire doit s’adresser à un autre tribunal ou à une autre cour pour régler cette question. Le rôle du Tribunal est de décider si la personne est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

[14] La loi prévoit qu’une partie prestataire ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 4.

[15] Pour décider si l’appelant a été congédié de son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[16] J’estime que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a agi contre la politique de vaccination de son employeur.

[17] La Commission affirme que l’appelant a été congédié parce qu’il ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19, comme l’exigeait la politique de vaccination de son employeur.

[18] L’appelant ne conteste pas le fait qu’il ait décidé de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19. Il affirme qu’il ne s’est pas fait vacciner parce qu’il ne disposait pas d’assez d’information pour décider en toute connaissance de cause si le vaccin était sécuritaire ou efficace. Il soutient que la décision de son employeur d’imposer une obligation vaccinale n’était pas fondée sur des données scientifiques et que la politique violait ses droits de la personne.

[19] Je conclus que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas fait vacciner, comme l’exigeait la politique sur la COVID-19 de son employeur.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite?

[20] Selon la loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite. Les motifs de ma décision sont énoncés ci-dessous.

[21] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si le congédiement de l’appelant est le résultat d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération quand on examine la question de l’inconduite.

[22] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. Une inconduite comprend également une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il a voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 7.

[23] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 8.

[24] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 9. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait, et sur la question de savoir si sa façon d’agir constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[25] Je peux trancher seulement les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à l’appelant.

[26] Il ne m’appartient pas de décider si l’appelant a été injustement congédié, si la pénalité imposée par l’employeur était trop sévère ou si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 11.

[27] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été congédié en raison de son inconduiteNote de bas de page 12.

Les arguments de la Commission

[28] La Commission soutient qu’il y a eu inconduite parce que les gestes de l’appelant étaient délibérés. Elle affirme qu’il n’est pas pertinent pour le Tribunal d’examiner le caractère raisonnable de la conduite ou de la politique de l’employeur pour rendre une décision. L’employeur avait mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19, et l’appelant a clairement été informé à l’avance des attentes de l’employeur concernant la vaccination.

[29] L’appelant a délibérément choisi de ne pas se faire vacciner. L’employeur a fait part de ses attentes à l’appelant. Donc, la Commission affirme que l’appelant savait ou aurait dû savoir ce qui arriverait s’il ne respectait pas la politique de vaccination.

Les arguments de l’appelant

[30] L’appelant affirme qu’il n’est généralement pas contre les vaccins, mais qu’il est important pour lui d’avoir un consentement éclairé puisqu’il a travaillé dans le domaine médical. Il respecte et suit la loi. Il a déclaré qu’il était tout à fait prêt à faire des tests de dépistage régulièrement et à porter tout l’équipement de sécurité requis pour se protéger et protéger les autres contre la COVID-19.

[31] Il affirme avoir tenté à plusieurs reprises de recueillir des renseignements afin de décider en toute connaissance de cause s’il devait se faire vacciner contre la COVID-19. Cependant, son employeur lui a fourni peu de renseignements, et l’information qu’il a reçue était désuète. Par conséquent, l’employeur n’a pas répondu à ses questions essentielles sur l’efficacité et de la sûreté du vaccin.

[32] L’appelant a déclaré que son employeur a tenté de le pousser à se faire vacciner. Son gérant lui a même crié après, ce qui n’était pas professionnel, lorsqu’il lui a dit [traduction] « Va juste te faire vacciner… » en utilisant un juron. L’appelant a demandé à son employeur s’il était possible d’avoir un congé autoriséNote de bas de page 13. Il lui a aussi demandé pourquoi il ne pouvait pas retourner au travail en se soumettant à des tests de dépistage réguliers, alors qu’il avait déjà contracté la COVID-19 et qu’il s’en était remis.

[33] L’appelant fait valoir que le mandat de vaccination de l’employeur allait à l’encontre de son contrat de travail, lequel ne l’oblige pas à recevoir un quelconque type de traitement médical. Il me demande de tenir compte de la décision du Tribunal dans l’affaire AL c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 14.

[34] Dans l’affaire A. L., le Tribunal a décidé qu’une condition d’emploi est établie au début de la relation d’emploi. Le Tribunal a aussi conclu que si une nouvelle condition doit être établie plus tard, le contrat de travail est ouvert à la négociation. L’appelant fait valoir qu’aucune négociation de ce genre n’a eu lieu.

[35] L’appelant affirme que les deux parties doivent s’entendre sur les modifications apportées au contrat de travail, à moins que la loi exige que l’employeur prenne une mesure précise et que la personne employée s’y conforme. Il ajoute que son employeur a déclaré qu’il avait agi selon le mandat prévu par la Directive no 6, mais qu’en fait, la directive n’exigeait pas de telles actions. Malgré cela, son employeur l’a congédié pour non-respect de sa politique.

[36] L’appelant reconnaît la décision rendue récemment par la Cour fédérale dans l’affaire CecchettoNote de bas de page 15, mais il fait valoir que les faits de cette affaire diffèrent des siens. Il affirme que dans l’affaire Cecchetto, le prestataire n’avait pas tenté de se conformer à la Directive no 6. Cependant, dans son cas, il a respecté toutes les exigences liées aux tests de dépistage que l’employeur lui avait imposées.

[37] L’appelant demande que ses droits à l’intégrité physique en tant que citoyen canadien soient pris en compte. Il fait valoir que d’autres hôpitaux permettent au personnel non vacciné de continuer à travailler. Il affirme également que le fait de refuser une intervention médicale ne peut pas constituer une inconduite.

Mes conclusions

[38] Selon la politique de vaccination de l’employeur, tout le personnel devait fournir une preuve de vaccination complète contre la COVID-19 au plus tard le 1er novembre 2021, à moins d’avoir une exemption documentée fondée sur les droits de la personneNote de bas de page 16.

[39] La politique précise également que toute personne employée qui ne fournit pas une attestation de son statut vaccinal fera l’objet de mesures disciplinaires graduelles, qui peuvent aller du congé sans solde au congédiementNote de bas de page 17.

[40] L’appelant ne conteste pas qu’il était au courant de la politique de vaccination et que l’employeur lui a dit ce qui arriverait s’il ne la respectait pas.

[41] Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour décider si un employeur a violé les droits de la personne et les droits constitutionnels d’une partie prestataire ou si l’employeur aurait dû lui accorder une exemptionNote de bas de page 18. C’est ce que la Cour fédérale a confirmé dans la décision qu’elle a rendue récemment dans l’affaire Cecchetto. Cette affaire portait sur l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 d’un employeurNote de bas de page 19.

[42] Dans l’affaire Cecchetto, la Cour a confirmé la décision de la division d’appel du Tribunal. La division d’appel a décidé que, en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Cour a également déclaré qu’il existe d’autres moyens qui permettraient aux demandes du prestataire de progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[43] Dans le contexte d’une pandémie mondiale, l’employeur de l’appelant a décidé de suivre les recommandations de la santé publique pour modifier les conditions des contrats de son personnel afin d’imposer une politique de vaccinationNote de bas de page 20. La politique de l’employeur exigeait que son personnel soit vacciné contre la COVID-19.

[44] Un employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend le pouvoir d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail. Lorsque l’employeur a mis en place cette politique, elle est devenue une exigence pour l’ensemble de son personnel ainsi qu’une condition d’emploi de l’appelant.

[45] L’appelant a témoigné de façon franche et directe. Je comprends les raisons pour lesquelles il ne veut pas se faire vacciner contre la COVID-19. Cependant, il est bien établi dans la loi qu’une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 21.

[46] J’ai pris connaissance de la décision rendue récemment par la division générale du présent Tribunal dans l’affaire A. L. Cependant, les cours et la division d’appel du Tribunal ont conclu dans des circonstances semblables que le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que l’appelant demande.

[47] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait mis en place une politique de vaccination qui exigeait que le personnel soit vacciné au plus tard le 1er novembre 2021.
  • L’employeur a fait part à l’appelant de ses attentes envers le personnel concernant la vaccination.
  • L’appelant connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

Alors, l’appelant a-t-il été congédié en raison d’une inconduite?

[48] Pour les raisons qui précèdent, je conclus que la Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[49] La décision de l’appelant de ne pas se faire vacciner a mené à son congédiement. Il a agi délibérément. Il savait que son refus de se faire vacciner entraînerait probablement des mesures disciplinaires, dont son congédiement.

Conclusion

[50] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[51] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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