Assurance-emploi (AE)

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Citation : ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 817

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (519735) datée du 23 septembre 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience  : Le 6 avril 2023
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 18 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-3551

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 1. Son exclusion du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 20 février 2022 n’est donc pas justifiée.

Aperçu

[2] Du 12 mars 2018 au 17 janvier 2022 inclusivement, l’appelant a travaillé comme chauffeur pour l’employeur X (l’employeur) et a cessé de travailler pour lui en raison d’un congédiementNote de bas page 2. L’employeur explique avoir congédié l’appelant parce qu’il lui a donné une version des faits contenant plusieurs contradictions et incohérences relativement aux dommages causés au camion qu’il conduisait.

[3] Le 1er juin 2022, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) informe l’appelant qu’il n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi à partir du 20 février 2022, car il a cessé de travailler pour l’employeur le 24 janvier 2022 en raison de son inconduiteNote de bas page 3.

[4] Le 23 septembre 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’avise qu’elle maintient la décision rendue à son endroit le 31 mai 2022Note de bas page 4.

[5] L’appelant soutient ne pas avoir perdu son emploi en raison de son inconduite. Il explique ne pas être responsable des dommages causés au camion qu’il a conduit le 7 janvier 2022 pour un transport de Montmagny à Boucherville. L’appelant déclare que peu de temps après son départ de la cour de l’employeur à Montmagny, il s’est arrêté une première fois dans un stationnement, après avoir constaté que le système de communication du camion ne fonctionnait pas correctement. Il explique qu’après avoir constaté ce problème et après s’être rendu dans un dépanneur situé près de ce stationnement, il est retourné chez l’employeur afin que le problème en question soit corrigé. L’appelant explique que, selon lui, ce fut lors de cet arrêt que son camion a subi des dommages, mais qu’il ne l’a pas constaté à ce moment-là. Il précise que ce n’est pas non plus lorsqu’il est retourné chez l’employeur qu’il l’a constaté, mais lorsqu’il s’est arrêté dans une halte routière, durant son trajet. L’appelant explique que lorsqu’il a rencontré l’employeur pour lui donner sa version, celui-ci lui a dit qu’il avait constaté à l’aide de ses caméras de surveillance, que son camion était déjà endommagé lorsqu’il était revenu peu de temps après son départ, soit avant qu’il ne s’arrête à la halte routière en question. Il indique avoir expliqué à l’employeur que le camion avait donc subi des dommages lors de son premier arrêt, mais que ce n’était pas lui qui les avait causés. L’appelant déclare que l’employeur n’a pas cru sa version et l’a congédié. Il soutient avoir dit la vérité à l’employeur, mais que celui-ci voulait lui faire dire qu’il avait causé les dommages en question, alors que ce n’était pas le cas. Il affirme qu’avant qu’il ne soit congédié, l’employeur lui a fait comprendre que s’il disait qu’il était responsable des dommages causés au camion, il pourrait continuer à travailler. L’appelant souligne que sa version ne manque pas de cohérence comme l’employeur l’a affirmé. Il soutient avoir maintenu sa version selon laquelle il n’était pas responsable des dommages subis par son camion, et ce, jusqu’à son congédiement le 24 janvier 2022. L’appelant précise qu’il ne s’attendait pas à être congédié et qu’il était en état de choc lorsque l’employeur lui a fait cette annonce. Il explique que puisqu’il se retrouvait sans emploi et sans revenu, il a envoyé un courriel à l’employeur, le 10 février 2022, dans lequel il lui indique être responsable des dommages causés à son camion. L’appelant précise avoir donné cette version à l’employeur, car elle correspondait, selon lui, à celle que celui-ci voulait entendre, même si elle ne reflétait la réalité. Il explique avoir donné cette version, car il n’avait plus rien à perdre puisqu’il avait déjà été congédié et qu’il voulait retourner travailler pour l’employeur. Le 31 octobre 2022, l’appelant conteste auprès du Tribunal la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Questions en litige

[6] Je dois déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 5. Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?
  • La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi?

Analyse

[7] Le terme d’inconduite n’est pas défini dans la Loi. Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (la Cour) donnent les caractéristiques de la notion d’inconduite.

[8] Dans l’une de ses décisions, la Cour mentionne que pour constituer de l’inconduite, « l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail »Note de bas page 6.

[9] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. C’est-à-dire qu’elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 7. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle « frôle le caractère délibéré », c’est-à-dire qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 8. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable, c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de malNote de bas page 9.

[10] Il y a inconduite si un prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas page 10.

[11] Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas page 11.

[12] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilitésNote de bas page 12. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 13.

Question no 1 : Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[13] Dans une lettre adressée à l’appelant, en date du 24 janvier 2022, l’employeur lui explique qu’il est congédié, et ce, rétroactivement au 18 janvier 2022, en lui donnant les explications suivantes :

  1. a) Le 14 janvier 2022, l’employeur a rencontré l’appelant dans le but de discuter et de comprendre sa version des faits à la suite de dommages causés au camion qu’il conduisait le 7 janvier 2022 ;
  2. b) À la suite de l’analyse de sa version des faits donnée le 7 janvier 2022, plusieurs contradictions et incohérences ont été constatées, de même qu’un manque de crédibilité et de collaboration de sa part relativement à l’enquête menée à son sujet ;
  3. c) L’appelant n’a pas été en mesure de fournir des explications plausibles recherchées et au contraire, il a fourni une deuxième version ;
  4. d) L’appelant a été suspendu administrativement, le 18 janvier 2022 ;
  5. e) L’employeur a dû poursuivre son enquête au sujet de l’événement survenu le 7 janvier 2022 ;
  6. f) Malgré « l’ampleur de la situation », l’appelant a eu une deuxième chance de lui dire ce qui était réellement arrivé lors de l’événement en question, mais il a maintenu sa version des faits ;
  7. g) À la lumière des réponses de l’appelant, ses agissements sont tout à fait inacceptables et d’une gravité telle qu’en conséquence, le lien de confiance est définitivement rompu ;
  8. h) L’employeur lui explique n’avoir d’autre choix que de mettre fin à son emploiNote de bas page 14.
  9. [14] Les déclarations de l’employeur à la Commission fournissent également les renseignements suivants :
  10. a) L’appelant était camionneur (chauffeur de train routier). Il a été congédié le 24 janvier 2023 par son supérieur immédiat (responsable de la division locale) et la responsable de la sécurité routière (responsable de la formation, sécurité, conformité et prévention en santé et sécurité du travail)Note de bas page 15 ;
  11. b) Dans sa déclaration du 12 mai 2022 à la Commission, l’employeur (la responsable des ressources humaines) relate que l’appelant serait allé dans la cour de l’entreprise avec le camion et que pour faire marche arrière, il aurait tourné dans un endroit serré et étroit et aurait alors abîmé le camion. Il explique que, le même jour [7 janvier 2022], l’appelant se serait rendu dans une halte routière et aurait informé l’employeur, « par après », qu’il avait eu un accident. L’employeur déclare que selon la version de l’appelant, il se serait arrêté à la halte routière pour aller aux toilettes environ 15 minutes et que lorsqu’il est retourné à son camion, il a constaté que celui-ci avait subi des dommagesNote de bas page 16 ;
  12. c) Dans cette déclaration, l’employeur indique avoir effectué des « recherches approfondies » afin de déterminer ce qui s’était réellement passé. Il déclare avoir discuté avec un témoin qui se trouvait dans la cour lorsque l’appelant avait fait marche arrière avec le camion. L’employeur indique avoir été en mesure de voir que c’est l’appelant qui avait abîmé le camion. L’employeur indique avoir aussi visionné les enregistrements des caméras de surveillance installées dans la cour de l’entreprise. Lorsqu’il a montré les séquences vidéo à l’appelant, celui-ci a nié « l’ensemble des preuves ». L’appelant a toujours affirmé que ce n’était pas lui qui avait causé des dommages au camion. L’employeur indique avoir rencontré l’appelant à deux ou trois reprises entre le jour de l’événement [7 janvier 2022] et le moment de son congédiement afin que celui-ci donne « la vraie version ». L’employeur lui a dit que s’il disait la vérité au sujet des dommages causés au camion, il aurait « une autre chance » et ne serait pas congédié. Puisque l’appelant n’a pas été capable d’admettre ses torts ni de dire la vérité au sujet de l’événement final [événement survenu le 7 janvier 2022], il n’a pas été possible de maintenir son lien de confiance avec lui. L’employeur a mis fin à l’emploi de l’appelant en raison d’un bris du lien de confiance, à la suite de « fautes professionnelles »Note de bas page 17 ;
  13. d) Dans sa déclaration du 12 mai 2022, l’employeur déclare aussi que dans un courriel que l’appelant lui a adressé deux semaines après son congédiement, il lui a « avoué la vérité »Note de bas page 18. Toutefois, il était trop tard pour l’employeur pour revenir en arrière puisque le lien de confiance avec l’appelant était rompuNote de bas page 19 ;
  14. e) Dans sa déclaration du 19 mai 2022, l’employeur (la responsable des ressources humaines) indique que le 7 janvier 2022, en soirée, après sa rencontre disciplinaire avec l’appelant au sujet du bris d’un « diabolo »Note de bas page 20 survenu le 5 janvier 2022 dans la cour de l’entrepriseNote de bas page 21, ce dernier a voulu tourner (« virer ») avec le camion auquel était accrochés la remorque et le « diabolo », mais qu’il ne s’y était pas pris de la bonne façon (pris trop serré). Puisque le chemin était trop étroit pour le faire, le camion et la remorque se sont touchés (« se sont frottés entre eux »), ce qui a causé des dommages sur le camion. L’appelant aurait dû savoir qu’il ne devait pas faire cette manœuvre puisqu’il est expérimenté. L’employeur a vu les gestes de l’appelant à partir des enregistrements des caméras vidéo. Un autre employé a fourni un témoignage verbal à l’employeur. Ce témoin affirme avoir vu l’appelant quitter la cour de l’employeur et que le camion avait subi des dommages. L’employeur croit que les preuves vidéo sont encore disponibles, mais n’en est pas certain. L’événement du 5 janvier 2022 (dommages causés au « diabolo ») ainsi que l'événement final [événement du 7 janvier 2022] représentent sensiblement les mêmes chosesNote de bas page 22 ;
  15. f) Dans sa déclaration du 26 mai 2022, l’employeur (la responsable des ressources humaines) explique que le 7 janvier 2022, après sa rencontre disciplinaire avec l’appelant, celui-ci a quitté la cour de l’entreprise et qu’à ce moment, le camion était en bon état, selon les enregistrements des caméras installées dans la cour de l’entreprise et à la sortie de la cour en question. Environ 15 minutes après son départ, l’appelant est revenu « une seconde fois » dans la cour de l’employeur. L’employeur dit ne pas savoir pourquoi l’appelant est revenu. Il dit croire que l’appelant a paniqué puisqu’il venait de causer des dommages au camion, mais qu’il n’avait pas osé le dire. Sur les enregistrements des caméras placées à la sortie de la cour de l’entreprise, l’employeur a été en mesure de voir qu’à ce moment, des dommages avaient été causés à l’arrière du camion, soit entre le camion et la remorque. Après que l’appelant se soit arrêté à la halte routière de Beaumont-Saint-Michel, il a appelé l’employeur en expliquant qu’il s’était fait rentrer dedans. L’employeur indique ne pas avoir eu accès aux caméras de sécurité lorsque l’appelant s’est stationné près d’un dépanneur, peu de temps après son départ, ni lorsqu’il s’est arrêté à la halte routière. Il précise avoir toutefois accès au système de repérage installé dans le camion (système Isaac). Il explique qu’à l’aide de ce système, il était en mesure de voir que l’appelant s’était stationné au dépanneur situé tout près de la cour de l’entreprise et que celui-ci avait « probablement viré trop serré en voulant reculer ». De plus, les données du système de repérage démontrent que l’appelant a été dans le stationnement à peine deux ou trois minutes, et non 15 minutes, comme celui-ci le prétendNote de bas page 23 ;
  16. g) Dans sa déclaration du 26 mai 2022, l’employeur explique que malgré toutes les « preuves concluantes » qu’il avait recueillies, l’appelant n’a jamais voulu avouer quoi que ce soit. Lorsque d’autres événements se sont produits dans le passé et qui ont mené à des rencontres disciplinaires avec l’appelant, celui-ci reconnaissait les faitsNote de bas page 24.

[15] De son côté, l’appelant soutient ne pas avoir posé de gestes représentant de l’inconduite au sens de la Loi.

[16] Il affirme avoir toujours donné la même version des faits à l’employeur, selon laquelle il n’était pas responsable des dommages causés au camion qu’il conduisait lors de sa journée de travail du 7 janvier 2022, et ce, jusqu’au moment de l’annonce de son congédiement, le 24 janvier 2022. L’appelant affirme que l’employeur n’a pas cru sa version et l’a congédié.

[17] Je considère que la perte d’emploi de l’appelant résulte des gestes qui lui sont reprochés par l’employeur, soit de lui avoir donné une version des faits contenant des contradictions et des incohérences relativement aux dommages causés au camion qu’il conduisait le 7 janvier 2022, selon ce qu’il a concluNote de bas page 25.

[18] Selon la conclusion de l’employeur, le congédiement de l’appelant résulte aussi de ses agissements jugés inacceptables, en lien avec son manque de crédibilité et de collaboration relativement à l’enquête menée à son sujet, de même que de son incapacité à fournir des explications plausiblesNote de bas page 26.

[19] Je dois maintenant déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant a posé les gestes qui lui sont reprochés et le cas échéant, déterminer si ces gestes constituent de l’inconduite au sens de la Loi.

Question no 2 : La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi?

[20] Je considère que l’appelant n’a pas agi de manière à perdre délibérément son emploi. La preuve au dossier ne démontre pas qu’il a commis des gestes représentant de l’inconduite au sens de la Loi.

[21] J’estime le témoignage de l’appelant crédible et j’y accorde une valeur prépondérante. L’appelant dresse un portrait détaillé des circonstances ayant mené à la fin de son emploi le 18 janvier 2022. Il ne se contredit pas. L’appelant fournit des explications précises sur les gestes qui lui ont été reprochés avant qu’il ne soit congédié. Il donne des précisions quant aux motifs l’ayant amené à envoyer un courriel à l’employeur, le 10 février 2022, soit plus de deux semaines après son congédiement, dans lequel il affirme avoir causé les dommages au camion qu’il conduisait. L’appelant explique avoir envoyé ce courriel parce qu’il voulait avant tout reprendre son travail de chauffeur et que cette façon de faire allait le lui permettre en indiquant à l’employeur qu’il était responsable des dommages causés au camion.

[22] Le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquent les éléments suivants

  1. a) L’affirmation de l’employeur selon laquelle il lui a donné deux versions relativement aux dommages subis par le camion qu’il conduisait le 7 janvier 2022 n’est pas vraie. Avant qu’il ne soit congédié, il a donné une seule version à l’employeur, selon laquelle il n’était pas responsable des dommages causés à son camion. Il n’y a aucune incohérence dans la version qu’il a donnée à l’employeur malgré le fait que celui-ci ait conclu qu’elle manquait de cohérence. Il a toujours dit la vérité, mais l’employeur n’a pas voulu le croireNote de bas page 27 ;
  2. b) Le 7 janvier 2022, au début de sa journée de travail, vers 17 h 00, il a d’abord rencontré l’employeur relativement à un événement survenu le 5 janvier 2022 qui n’est pas en lien avec son congédiement. Le 5 janvier 2022, il avait eu des problèmes pour entrer dans la cour de l’employeur avec son camion auquel était accrochés une remorque et un « diabolo » Il avait alors causé des dommages au « diabolo »Note de bas page 28 ;
  3. c) Le 7 janvier 2022, il a commencé son quart de travail vers 18 h 00 ou 19 h 00. Après avoir fait l’inspection de son camion, il a quitté la cour de l’employeur avec son camion auquel une remorque et un « diabolo » étaient accrochés, pour effectuer un transport jusqu’à Boucherville. En raison des conditions météorologiques, il ne pouvait pas attacher une autre remorque à l’arrière du « diabolo » pour conduire ainsi un « train routier », mais pour son voyage de retour, il aurait pu le faire. Il n’a constaté aucun dommage à son camion à ce momentNote de bas page 29 ;
  4. d) Peu de temps après son départ, lorsqu’il a constaté que le système de communication de son camion (ordinateur de bord) ne fonctionnait pas, il s’est arrêté dans le stationnement d’une entreprise se trouvant à environ un ou deux kilomètres de la cour de l’employeur. C’était plus facile pour lui de se stationner à cet endroit, étant donné qu’une remorque et un diabolo étaient accrochés à son camion. Il ne voulait pas avoir à franchir un rond-point (carrefour giratoire) pour se stationner au dépanneur. Lors de cet arrêt, il s’est rendu dans un dépanneur, à pied, situé à environ un demi (½) kilomètre de l’endroit où il avait stationné son camion. Son arrêt à cet endroit a duré une vingtaine de minutes. Il n’a pas constaté de dommages à son camion lors de cet arrêt. C’était le soir, le temps était sombre, il y avait de la neigeNote de bas page 30 ;
  5. e) Il est ensuite retourné chez l’employeur pour régler le problème du système de communication. Il est demeuré dans le camion et un employé a réglé ce problème. Il a ensuite quitté la cour de l’employeur pour reprendre sa route. Avant de le faire, il n’a pas fait une autre inspection de son camion, car il l’avait déjà fait une première fois avant son départ. Il n’a donc pas constaté que son camion avait subi des dommages. Personne chez l’employeur ne lui a dit que des dommages avaient été causés à son camion avant qu’il ne quitte à nouveau la cour de l’entrepriseNote de bas page 31 ;
  6. f) Environ 20 minutes après son départ, il s’est arrêté à la halte routière de Beaumont-Saint-Michel, située à environ 25 kilomètres de la cour de l’employeur. En revenant à son camion, après un arrêt d’une quinzaine de minutes, il a remarqué que celui-ci avait subi des dommages. Selon l’appelant, son camion avait été accroché ou endommagé par un autre camion. Il a alors communiqué avec l’employeur, soit avec son supérieur immédiat (un répartiteur ou « dispatch ») qui l’a référé à la responsable de la sécurité routière chez l’employeur (responsable de la formation, sécurité, conformité et prévention en santé et sécurité du travail). Après avoir indiqué à cette dernière qu’il était en mesure de poursuivre sa route, malgré les dommages qu’avait subis son camion, celle-ci lui a demandé de faire un arrêt à Lévis, le lieu de résidence de cette dernière. La responsable voulait prendre connaissance des dommages en question et prendre des photosNote de bas page 32 ;
  7. g) Après s’être arrêté à Lévis, l’appelant a poursuivi sa route vers Boucherville et est revenu chez l’employeur, à Montmagny, vers 1 h 00 du matin, le 8 janvier 2022 ;
  8. h) Il a rédigé un rapport écrit qu’il a remis à l’employeur, le ou vers le 10 janvier 2022 concernant les dommages subis par son camion. Dans ce rapport, il indique qu’après s’être arrêté à la halte routière de Beaumont-Saint-Michel, il avait remarqué, en revenant à son camion, que celui-ci avait subi des dommages, probablement causés par un autre camion qui l’avait accroché pendant qu’il se trouvait à l’intérieur de la halteNote de bas page 33 ;
  9. i) Le 10 ou le 11 janvier 2022, l’appelant a rencontré l’employeur pour lui donner sa version, soit celle décrite dans le rapport écrit qu’il lui avait remisNote de bas page 34. L’employeur lui a alors dit que c’était « beau » et que tout était « correct ». L’appelant a poursuivi sa semaine de travailNote de bas page 35 ;
  10. j) Le 14 janvier 2022, l’appelant rencontre de nouveau l’employeur, car celui-ci voulait avoir plus d’explications concernant sa journée de travail du 7 janvier 2022 et les dommages subis à son camion cette journée-là. Le responsable de la division locale et la responsable de la sécurité routière étaient présents lors de cette rencontre. L’appelant a redonné à l’employeur la même version qu’il lui avait fournie quelques jours auparavant, selon laquelle son camion avait subi des dommages lorsqu’il s’était arrêté à la halte routière de Beaumont-Saint-Michel, mais que ce n’était pas lui qui les avait causésNote de bas page 36. L’employeur lui a dit qu’il y avait un problème avec cette version, car il avait constaté à l’aide des enregistrements des caméras de surveillance dans la cour de l’entreprise, que le camion avait subi des dommages avant qu’il ne se s’arrête à la halte routière en question. L’appelant a alors expliqué à l’employeur que dans ce cas, son camion avait subi des dommages lorsqu’il s’était stationné pour se rendre au dépanneur au tout début de son trajet. L’appelant a expliqué qu’il s’était arrêté peu de temps après son départ après avoir constaté que le système de communication de son camion avait un problème, qu’il s’était alors rendu dans un dépanneur et qu’il était ensuite retourné chez l’employeur pour régler le problème de son système de communication. Malgré les explications qu’il a fournies à l’employeur, celui-ci lui a dit qu’il avait deux versions. L’employeur a conclu qu’il était responsable des dommages causés au camionNote de bas page 37 ;
  11. k) L’appelant affirme que lors de cette deuxième rencontre, l’employeur a fait des suppositions et a élaboré des théories sur ce qui avait pu se produire au sujet des dommages causés au camion. L’employeur a tenté de lui faire dire que c’était lui qui les avait causés. L’employeur ne croyait pas que lorsqu’il s’était arrêté au début de son voyage, il s’était rendu dans un dépanneur. L’employeur lui a fait comprendre que s’il prenait la responsabilité des dommages causés au camion, il pourrait continuer d’occuper son emploiNote de bas page 38 ;
  12. l) Le 18 janvier 2022, l’appelant a d’abord été suspendu et a été congédié le 24 janvier 2022. L’appelant lui a d’abord annoncé verbalement qu’il le congédiait et lui a ensuite remis une lettre de congédiementNote de bas page 39 ;
  13. m) Selon l’appelant, il n’y a aucune incohérence dans la version qu’il a donnée à l’employeur, malgré ce que celui-ci affirme dans la lettre de congédiement qu’il lui a donnéeNote de bas page 40. L’appelant souligne que la première fois qu’il a remarqué que son camion avait subi des dommages, c’est à la halte routière de Beaumont-Saint-Michel. Il a rédigé son rapport en fonction du moment où il a constaté les dommages subis à son camionNote de bas page 41 ;
  14. n) Dans sa déclaration du 25 mai 2022 à la Commission, l’appelant indique avoir l’impression que la version de l’employeur qui lui est résumée se rapporte à l’événement survenu le 5 janvier 2022 et non à celui du 7 janvier 2022 ayant mené à son congédiement. Dans cette déclaration, il indique aussi n’avoir jamais su qu’une personne avait été témoin de l’événement survenu le 7 janvier 2022, en soirée, dans la cour de l’employeurNote de bas page 42 ;
  15. o) Le résumé d’une de ses déclarations à la Commission indiquant qu’il avait rédigé un « constat à l’amiable » relativement à un accrochage survenu avec son camion le 7 janvier 2022 est inexact. Il précise qu’il n’a pas été question de la rédaction d’un « constat à l’amiable » au sujet de cet événementNote de bas page 43 ;
  16. p) L’appelant ne s’attendait pas à être congédié et a été surpris par cette décision. Lorsqu’il a constaté que l’employeur le congédiait, il était « en état de panique, en état de choc ». Il travaillait depuis quatre ans pour l’employeur. Il affirme avoir toujours donné la même version à l’employeur selon laquelle ce n’était pas lui qui avait causé des dommages au camion. Il a dit la vérité à l’employeur et a maintenu sa version des faits, et ce, jusqu’à l’annonce de son congédiement. Il aurait pu dire ce que l’employeur voulait entendre et aurait alors pu continuer de travailler pour luiNote de bas page 44 ;
  17. q) Le 10 février 2022, soit environ deux semaines après son congédiement, il a envoyé un courriel à l’employeur lui indiquant qu’il avait lui-même causé les dommages à son camion, le 7 janvier 2022, en dérapant sur la surface d’un stationnement lorsqu’il a voulu faire un demi-tour pour revenir chez l’employeur, après avoir constaté un problème avec son système de communication. Dans ce courriel, l’appelant précise avoir commis une erreur et indique à l’employeur être toujours disponible à travailler pour luiNote de bas page 45 ;
  18. r) L’appelant explique avoir envoyé ce courriel à l’employeur, car il n’avait plus rien à perdre. Il ne travaillait plus depuis deux semaines, il était sans revenu. Il croyait qu’en envoyant ce courriel à l’employeur et en lui disant ce qu’il voulait entendre, soit qu’il était responsable des dommages causés au camion, cela lui permettrait de retourner travailler pour lui. Il souligne avoir cru que c’était la seule façon de retourner travailler pour l’employeur et avoir été prêt à faire ce « sacrifice » pour le faire, mais que cela n’avait rien donnéNote de bas page 46 ;
  19. s) Le 20 février 2022, l’appelant aussi envoyé un message texte (texto) à l’employeur pour lui offrir une somme de 2 000,00 $ à titre de dédommagement pour les dommages subis au camion, s’il acceptait de le réintégrer dans son emploiNote de bas page 47 ;
  20. t) L’appelant dit avoir fait tout ce qu’il était humainement possible de faire pour recommencer à travailler pour l’employeur.

[23] Dans le présent dossier et en fonction de la preuve présentée, je considère que les circonstances liées au congédiement de l’appelant ne démontrent pas qu’il a délibérément choisi de perdre son emploi. Son congédiement ne résulte pas d’actes délibérés de sa part.

[24] J’estime que la preuve recueillie auprès de l’employeur ne démontre pas que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[25] Je considère que dans la lettre de congédiement de l’appelant, l’employeur ne décrit pas en termes mesurables et observables les gestes qu’il lui reproche, soit d’avoir donné une version des faits contenant des contradictions et des incohérences relativement aux dommages causés au camion qu’il conduisait le 7 janvier 2022Note de bas page 48.

[26] L’employeur n’indique pas dans cette lettre quelle version l’appelant lui a donnée, avant de le congédier. Il ne décrit pas non plus les incohérences et les contradictions qu’il dit constater relativement à cette versionNote de bas page 49.

[27] Bien que dans cette même lettre, l’employeur reproche aussi à l’appelant d’avoir donné une deuxième version, il ne précise pas quelle était cette deuxième version et n’explique pas non plus pourquoi il ne l’a pas retenueNote de bas page 50.

[28] Cette lettre réfère également à des gestes inacceptables que l’appelant aurait commis, associés à un manque de crédibilité et de collaboration de sa part, relativement à l’enquête menée par l’employeur à son sujet, qui ne sont pas non plus décrits en termes mesurables et observables (ex. : exemples concrets des gestes inacceptables, moments où ils se seraient produits et comment ils auraient été constatés)Note de bas page 51.

[29] Cette lettre ne fournit pas non plus de précisions au sujet de l’incapacité de l’appelant, selon l’employeur, de lui fournir des explications plausibles quant aux gestes qui lui sont reprochésNote de bas page 52.

[30] Je suis d’avis qu’il ne suffit pas de faire une série de reproches et d’allégations sans fournir une preuve convaincante pour les étayer, comme l’employeur l’a fait à l’endroit de l’appelant dans la lettre de congédiement qu’il lui a adressée, pour démontrer qu’il s’agit d’actes répréhensibles représentant de l’inconduite au sens de la Loi.

[31] Je trouve également contradictoires les déclarations de l’employeur à la Commission quant aux conclusions qu’il tire sur les causes des dommages subis par le camion que conduisait l’appelant le 7 janvier 2022. Ces contradictions concernent à la fois les preuves que l’employeur dit détenir à ce sujet et l’endroit, de même que le moment où les dommages auraient été causés.

[32] En effet, dans sa déclaration du 12 mai 2022 à la Commission, l’employeur indique avoir été en mesure de voir que l’appelant avait lui-même causé les dommages au camion après avoir visionné les enregistrements des caméras de surveillance placées dans la cour de son entreprise et après avoir discuté avec un témoin de l’événementNote de bas page 53. Dans cette même déclaration, l’employeur affirme qu’après avoir montré à l’appelant les séquences vidéo provenant des caméras de surveillance installées dans la cour de l’entreprise, celui-ci a « nié l’ensemble des preuves » et a « toujours affirmé » que ce n’était pas lui qui avait causé les dommages au camionNote de bas page 54.

[33] Dans cette déclaration, l’employeur indique ensuite que deux semaines après avoir congédié l’appelant, celui-ci a « avoué la vérité » dans un courriel qu’il lui a envoyéNote de bas page 55 en expliquant qu’il avait causé les dommages au camion lorsqu’il s’était rendu dans un dépanneurNote de bas page 56.

[34] Dans cette déclaration, l’employeur présente deux versions. Il n’explique toutefois pas pourquoi il considère que la « vérité » sur les causes des dommages subis au camion réfère au moment où l’appelant s’est rendu dans un dépanneur, peu de temps après son départ, si les enregistrements provenant des caméras de surveillance placées dans la cour de l’entreprise démontrent que c’est à cet endroit que les dommages avaient été causés.

[35] L’employeur n’explique pas non plus pourquoi, avant de congédier l’appelant, il n’a pas retenu sa version selon laquelle il avait constaté que son camion avait subi des dommages seulement après s’être arrêté dans une halte routièreNote de bas page 57. J’estime qu’il s’agit d’une version plausible.

[36] Dans sa déclaration du 19 mai 2022 à la Commission, soit plusieurs mois après avoir pris connaissance du courriel de l’appelant du 10 février 2022, l’employeur réitère sa version selon laquelle il a « vu », à partir des enregistrements de ses caméras de surveillance, que le 7 janvier 2022, en soirée, avant son départ, ce dernier avait causé des dommages à son camion en voulant effectuer une manœuvre dans la cour de l’entrepriseNote de bas page 58. L’employeur souligne alors qu’un employé lui a dit avoir été témoin que l’appelant avait quitté la cour de l’entreprise alors que le camion était endommagéNote de bas page 59. Dans cette même déclaration, l’employeur dit croire que les preuves des enregistrements vidéo de cet événement sont encore disponiblesNote de bas page 60. L’employeur n’a pas fourni les preuves de ces enregistrements.

[37] Dans sa déclaration du 26 mai 2022 à la Commission, l’employeur affirme alors que le 7 janvier 2022, à son départ de la cour de l’entreprise, le camion de l’appelant n’avait pas de dommages, mais que c’était lorsque ce dernier était revenu peu de temps après son départ que les dommages en question avaient été constatésNote de bas page 61. Dans cette même déclaration, l’employeur affirme que selon son « système de repérage », il a été en mesure de voir que l’appelant s’était stationné au dépanneur et qu’il avait « probablement viré trop serré en voulant reculer » ce qui avait causé des dommages au camionNote de bas page 62. L’employeur ajoute que malgré « toutes les preuves concluantes », l’appelant n’a jamais voulu avouer quoi que ce soitNote de bas page 63.

[38] Je trouve que de telles contradictions et imprécisions nuisent à la crédibilité des déclarations de l’employeur quant à la description des gestes qu’il attribue à l’appelant au sujet des dommages causés à son camion et aux reproches qu’il lui fait, de surcroît, d’avoir changé de version et de manquer de crédibilité.

[39] Je considère que les affirmations de l’employeur ne démontrent pas que lorsqu’il a décidé de congédier l’appelant, le 24 janvier 2022, celui-ci lui a donné une version des faits contenant des contradictions et des incohérences relativement aux dommages causés au camion qu’il conduisait le 7 janvier 2022.

[40] Je considère que c’est plutôt l’employeur qui change sa version en s’appuyant sur le contenu du courriel que l’appelant lui a envoyé le 10 février 2022, environ deux semaines après son congédiement, dans lequel ce dernier indique avoir lui-même causé les dommages à son camion, le 7 janvier 2022, en effectuant une manœuvre de demi-tour.

[41] Je souligne que l’employeur n’a pas congédié l’appelant en se basant sur ce courriel puisque son congédiement est survenu le 24 janvier 2022Note de bas page 64.

[42] J’estime que l’employeur s’appuie sur le contenu de ce courriel pour conclure, a posteriori, que les dommages en question avaient « probablement » été causés par ce dernier lorsqu’il s’était rendu dans un dépanneurNote de bas page 65 et qu’il lui avait ainsi « avoué la vérité »Note de bas page 66.

[43] Je trouve d’ailleurs paradoxales les affirmations de l’employeur sur ce point, étant donné que dans ses déclarations des 12 et 19 mai 2022 à la Commission, soit plusieurs mois après avoir pris connaissance de ce courriel, l’employeur a tout de même affirmé qu’il avait des preuves provenant des enregistrements de ses caméras vidéo démontrant que l’appelant avait lui-même causé les dommages à son camion alors qu’il se trouvait dans la cour de l’entrepriseNote de bas page 67.

[44] Je souligne que l’employeur n’a pas fourni à la Commission les preuves probantes dont il dit avoir pris connaissance et démontrant, selon lui, que l’appelant avait lui-même causé les dommages en question. L’employeur affirme aussi avoir fait des « recherches approfondies », avoir rencontré l’appelant à deux ou trois reprises après l’événement du 7 janvier 2022 et que celui-ci avait nié « l’ensemble des preuves »Note de bas page 68.

[45] Je considère que les déclarations de l’employeur portent également à croire qu’il confond l’événement du 7 janvier 2022 avec un autre événement concernant l’appelant, s’étant produit deux jours plus tôt, et qui avait mené à une rencontre avec ce dernier avant le début de son quart de travail le 7 janvier 2022.

[46] Je considère que le courriel de l’appelant du 10 février 2022 ne représente pas un changement de sa version avant qu’il ne soit congédié, étant donné le contexte dans lequel il a envoyé ce message et le moment où il l’a fait. J’estime qu’il ne s’agit pas d’une admission de sa part selon laquelle il a lui-même causé les dommages au camion qu’il conduisait.

[47] J’accepte les explications de l’appelant selon lesquelles il a envoyé ce courriel, car il croyait qu’en disant à l’employeur ce qu’il voulait entendre, soit de reconnaître qu’il était responsable des dommages causés au camion, cela lui permettrait de continuer à travailler pour lui et qu’il n’avait plus rien à perdre en le lui transmettant.

[48] Je souligne que les déclarations de l’employeur indiquent qu’il a lui-même dit à l’appelant que s’il « disait la vérité » au sujet des dommages causés au camion, il aurait « une autre chance » et ne serait pas congédiéNote de bas page 69.

[49] Je n’accorde donc pas de poids au contenu du courriel de l’appelant du 10 février 2022 pour déterminer dans quelle mesure celui-ci aurait, selon l’employeur, changé sa version des faits sur la cause des dommages subis au camion qu’il conduisait le 7 janvier 2022. Il en est de même du texto que l’appelant a envoyé à l’employeur, le 20 février 2022, pour lui offrir de le dédommager pour les dommages subis au camion.

[50] J’estime que l’appelant a fait preuve de transparence dans la version qu’il a donnée à l’employeur et qu’il a maintenu cette version jusqu’à ce qu’il soit congédié, en lui expliquant qu’il n’avait pas lui-même causé les dommages en question. Je considère que sa version est constante, détaillée et cohérente, mais que l’employeur a décidé de ne pas la retenir.

[51] Le fait que l’appelant ait pu apprendre de l’employeur que son camion pouvait avoir subi des dommages lorsqu’il s’était rendu dans un dépanneur et non pas à la halte routière où il s’était ensuite arrêté, ne représente pas un changement de sa version. J’estime qu’il est plausible que l’appelant n’ait pas constaté que son camion avait subi des dommages lorsqu’il s’est arrêté dans un dépanneur, au début de son voyage, avant de retourner chez l’employeur.

[52] Je considère que l’employeur ne présente pas de preuves ni d’explications convaincantes pouvant démontrer que l’appelant était responsable des dommages en question et qu’il n’a pas voulu le reconnaître. Je suis d’avis que l’employeur tente plutôt de lui faire porter le blâme, sans expliquer pourquoi il n’a pas retenu sa version.

[53] La Commission soutient que l’appelant a commis le geste qui lui est reproché et qui a entraîné son congédiement, soit d’avoir menti sur les circonstances des dommages causés au camion, le 7 janvier 2022, parce qu’il a reconnu avoir commis ce gesteNote de bas page 70.

[54] Selon elle, il est plus probable qu’improbable que les informations données par l’appelant dans son courriel du 10 février 2022 sont véridiques et qu’elles sont cohérentes avec les faits recueillis par l’employeur, soit que le camion était endommagé lors de son « deuxième passage » à l’entrepriseNote de bas page 71.

[55] Je ne retiens pas les arguments de la Commission sur ces aspects.

[56] J’estime que la Commission tire de telles concluions à partir du courriel que l’appelant a envoyé à l’employeur, deux semaines après son congédiement, et ce, sans tenir compte des motifs à l’origine de l’envoi de ce courriel et sans tenir compte non plus de la version cohérente et constante qu’il a fournie avant d’être congédié.

[57] Je considère également que la Commission occulte les contradictions dans les déclarations faites par l’employeur les 12 et 19 mai 2022, soit plusieurs mois après avoir pris connaissance du courriel du 10 février 2022, selon lesquelles il avait des preuves provenant des enregistrements de ses caméras vidéo démontrant que l’appelant avait lui-même causé les dommages à son camion alors qu’il se trouvait dans la cour de l’entrepriseNote de bas page 72.

[58] J’estime que la Commission ne démontre pas à partir des éléments de preuve recueillis auprès de l’employeur que l’appelant lui aurait menti sur les circonstances liées aux dommages subis par son camion ni qu’il a changé sa version, avant qu’il ne soit congédié.

[59] Je ne retiens donc pas l’argument de la Commission selon lequel l’appelant a « consciemment fourni de fausses informations à son employeur et dissimulé sa responsabilité » relativement aux dommages subis par son camionNote de bas page 73.

[60] Je considère que les affirmations de l’employeur ne démontrent pas que l’appelant a commis des gestes inacceptables, associés à un manque de crédibilité et de collaboration, relativement à l’enquête menée à son sujet par l’employeur, ni qu’il a été incapable de lui fournir des explications plausibles quant aux gestes qui lui sont reprochés.

[61] En résumé, je considère que l’appelant n’a pas posé de gestes ayant un caractère conscient, délibéré ou intentionnel et pouvant être associés à de l’inconduite.

[62] J’estime que l’appelant ne pouvait savoir que sa conduite allait à l’encontre de ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour les actes qui lui ont été reprochés.

[63] Je considère que l’appelant n’a pas consciemment choisi d’ignorer les normes de comportement que l’employeur avait le droit d’exiger à son endroit. L’appelant n’a pas manqué à une obligation fondamentale résultant expressément ou implicitement du contrat de travail.

[64] La Commission ne prouve pas que l’appelant a intentionnellement perdu son emploi. Je suis d’avis que dans le cas présent, la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si les gestes posés par l’appelant représentent de l’inconduite.

[65] La Cour nous informe que la Commission doit prouver l’existence d’éléments de preuve démontrant l’inconduite d’un prestataireNote de bas page 74.

[66] Je considère que la preuve recueillie par la Commission est insuffisante et n’est pas suffisamment circonstanciée pour conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[67] Je considère que la Commission ne prend pas en compte la version de l’appelant, incluant son témoignage crédible, précis et détaillé, relativement aux gestes qui lui ont été reprochés et aux circonstances ayant mené à son congédiement.

[68] Je suis d’avis que la Commission s’est montrée rapidement satisfaite des déclarations de l’employeur pour conclure que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

[69] La Cour nous indique aussi qu’il doit être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataireNote de bas page 75.

[70] J’estime que l’appelant n’a pas été congédié en raison d’actes qu’il a posés de manière volontaire et délibérée.

[71] Selon la Loi, la raison du congédiement de l’appelant n’est pas une inconduite.

Conclusion

[72] L’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite.

[73] En conséquence, la décision de la Commission de l’exclure du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 20 février 2022 n’est pas justifiée.

[74] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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