Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1239

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : A. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 janvier 2023
(GE-22-2760)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Date de la décision : Le 11 septembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-128

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] A. M. est le prestataire dans cette affaire. Il occupait un poste d’inspecteur pour une municipalité. Quand il a arrêté de travailler, il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a exclu le prestataire du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 1er janvier 2022 parce qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1.

[4] La division générale est arrivée à la même conclusionNote de bas de page 2. Elle a établi que le prestataire savait qu’il risquait de perdre son emploi s’il ne respectait pas la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 3. Elle a aussi mentionné qu’elle n’avait pas compétence pour décider si le vaccin contre la COVID-19 était efficace ou si la politique vaccinale était équitable ou raisonnableNote de bas de page 4.

[5] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appelNote de bas de page 5. Il affirme que la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite. Il explique qu’il ne s’agissait pas d’une inconduite délibérée de sa part parce que son employeur a enfreint la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l’OntarioNote de bas de page 6.

Question en litige

[6] Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite?

Analyse

[7] Un appel peut aller de l’avant seulement si la division d’appel accorde d’abord la permission de faire appelNote de bas de page 7.

[8] Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 8. Autrement dit, il doit y avoir un argument défendable qui permettrait à l’appel d’être accueilliNote de bas de page 9.

[9] Voici les moyens d’appel possibles à la division d’appelNote de bas de page 10 :

  • la division générale a agi de façon inéquitable;
  • elle a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a commis une erreur de droit;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[10] Pour que l’appel aille de l’avant, je dois établir qu’il a une chance raisonnable de succès en fonction d’au moins un des moyens d’appel ci-dessus.

Je n’accorde pas au prestataire la permission de faire appel

Le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de compétence

[11] Le prestataire a soutenu que la division générale avait commis une erreur de compétence pour les raisons suivantesNote de bas de page 11 :

  • Ce n’était pas une inconduite parce qu’il s’inquiétait des risques pour sa santé et sa sécurité, lesquels son employeur a ignorés volontairement.
  • Son employeur exigeait qu’il se fasse vacciner contre la COVID-19, mais la vaccination allait le mettre en danger. Il fait valoir que la Loi sur la santé et la sécurité au travail permet à une personne de refuser de travailler si elle a des raisons de croire qu’elle se met en danger ou met une autre personne en danger.
  • L’employeur a enfreint la Loi sur la santé et la sécurité au travail lorsqu’il a omis de donner suite à son refus de travailler.
  • L’employeur a enfreint la Loi sur la santé et la sécurité au travail, car toutes représailles de sa part sont interdites.
  • L’employeur a agi de façon illégale lorsqu’il a suspendu et congédié le prestataire parce que celui-ci ne s’était pas fait vacciner contre la COVID-19.

Critère juridique pour conclure à l’inconduite

[12] La division générale devait décider si la Commission avait prouvé que le prestataire avait été congédié en raison d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

[13] La loi prévoit qu’une personne qui perd son emploi en raison d’une inconduite est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 12.

[14] L’inconduite n’est pas définie précisément dans la Loi sur l’assurance-emploi. Mais la Cour d’appel fédérale a établi une définition de l’« inconduite » dans le contexte de l’assurance-emploi : c’est une conduite délibérée, autrement dit consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 13.

[15] La Cour a ajouté qu’il y a inconduite lorsque la personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’un congédiement pouvait arriverNote de bas de page 14.

[16] Bref, tout acte intentionnel qui peut entraîner la perte d’un emploi est une inconduite.

La division générale a conclu que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite

[17] La division générale a établi que le prestataire a d’abord été mis en congé sans solde le 11 novembre 2021 et qu’il a ensuite perdu son emploi en raison d’une inconduite le 1er janvier 2022Note de bas de page 15. Par conséquent, elle l’a considéré comme exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 2 janvier 2022Note de bas de page 16.

[18] La politique de l’employeur exigeait que le prestataire fournisse une preuve de vaccination contre la COVID-19 au plus tard le 1er janvier 2022Note de bas de page 17. Nul ne conteste que le prestataire a dérogé à la politique : il n’a pas fourni de preuve de vaccination contre la COVID-19 dans le délaiNote de bas de page 18. Le prestataire a déclaré qu’il connaissait la politique et la date limiteNote de bas de page 19.

[19] La division générale a donc établi que le prestataire était au courant de la politique et de la date limite, et qu’il savait que tout non-respect à ce sujet entraînerait son congédiementNote de bas de page 20.

On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence

[20] La division générale a établi qu’elle n’a pas compétence pour évaluer l’équité ou le caractère raisonnable d’une politique en milieu de travail. En faisant référence à une affaire intitulée Paradis, elle a mentionné qu’il existe d’autres moyens pour le prestataire de faire valoir ce type d’argumentNote de bas de page 21.

[21] La division générale a respecté la jurisprudence. Dans l’affaire Paradis, la cour a déclaré que la question de savoir si un employeur a omis de fournir des mesures d’adaptation conformément aux droits de la personne n’est pas pertinente pour trancher une affaire d’inconduite liée à la Loi sur l’assurance-emploi. C’est une question qui appartient à une autre instanceNote de bas de page 22.

[22] Dans une affaire intitulée McNamara, la cour a déclaré qu’il faut se concentrer non pas sur le comportement de l’employeur, mais bien sur celui de la personne employée. Au paragraphe 23 de la décision McNamara, on peut lire :

L’employé qui fait l’objet d’un congédiement injustifié a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminéNote de bas de page 23.

[23] Dans une affaire intitulée Dubeau, la cour a déclaré que même si une plainte contre un employeur est légitime, « […] il n’appartient pas aux contribuables canadiens de faire les frais de la conduite fautive de l’employeur par le biais des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 24 ».

[24] À l’audience de la division générale, le prestataire a déclaré qu’il avait déposé un grief contre son employeur parce que ses droits avaient été violés au titre du Code des droits de la personne de l’Ontario et de la Charte canadienne des droits et libertésNote de bas de page 25. Ce recours a débouché sur un règlement [traduction] « sans préjudice » après son congédiement. Le règlement comprenait une indemnisation financière. Il exigeait aussi que l’employeur modifie le relevé d’emploi pour indiquer une suspension non disciplinaire et qu’il rédige une lettre d’emploi. De plus, le prestataire a renoncé à son droit d’être réintégré dans son poste conformément à la convention collectiveNote de bas de page 26.

[25] Même si le prestataire a réglé ses différends avec son employeur, ce n’est pas un facteur déterminant pour savoir s’il a été congédié en raison d’une inconduite dans le contexte de l’assurance-emploi. Selon la cour, il appartient au Tribunal de la sécurité sociale d’analyser la preuve et de tirer une conclusionNote de bas de page 27. C’est exactement ce que la division générale a fait : elle a examiné la preuve, puis a décidé que le prestataire avait été congédié en raison d’une inconduite parce qu’il n’avait pas respecté la politique vaccinale de l’employeur. Par conséquent, il n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi.

[26] La division générale n’était pas liée par les motifs de cessation d’emploi établis par l’employeur et le prestataire. Comme je l’ai mentionné plus haut, la cour a déjà déclaré qu’il existe d’autres moyens de sanctionner la conduite fautive d’un employeur pour éviter que les contribuables en assument les coûts.

[27] La division générale a affirmé à juste titre qu’elle n’avait pas compétence pour décider de l’efficacité du vaccin contre la COVID-19, et que la seule question à trancher était de savoir si le prestataire avait perdu son emploi le 1er janvier 2022 en raison d’une inconduiteNote de bas de page 28. La division générale a fait cette affirmation en réponse aux arguments du prestataire sur les risques pour sa santé et sa sécurité.

[28] Dans sa demande à la division d’appel, le prestataire soutient que son employeur a enfreint plusieurs dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité au travail et qu’il n’aurait pas dû être sanctionnéNote de bas de page 29. Le prestataire se concentre ainsi sur le comportement de l’employeur. Mais l’inconduite ne dépend pas de ce que l’employeur a fait ou n’a pas fait. La division générale a concentré son analyse sur la conduite du prestataire. Et c’est ce qu’elle devait faire. Bref, la division générale n’avait pas le pouvoir de décider si la politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19 était illégale ou si son application contrevenait à la Loi sur la santé et la sécurité au travail.

[29] De plus, la cour affirme que le Tribunal n’a pas à décider si une sanction est justifiée. Il doit se concentrer sur la conduite de la partie prestataire et se demander si elle constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 30.

[30] Je tiens à souligner que la conclusion de la division générale est conforme à la jurisprudence récente. Une décision intitulée Cecchetto concerne des faits semblables et une politique de vaccination contre la COVID-19 imposée par un employeur. Le prestataire dans cette affaire a été suspendu et congédié pour non-conformité. Il n’avait donc pas droit aux prestations d’assurance-emploi. La cour a confirmé le rôle restreint du Tribunal au paragraphe 32 de sa décision :

[traduction]
Le demandeur est visiblement frustré par le fait qu’aucune décision n’ait abordé ce qu’il considère comme des questions de droit ou de fait fondamentales, par exemple, l’intégrité physique, le consentement aux tests médicaux, et la sûreté et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 ou des tests antigéniques. Mais cela ne rend pas la décision de la division d’appel déraisonnable pour autant. La principale faille de son argument est qu’il reproche aux personnes qui ont rendu les décisions de ne pas avoir réglé un ensemble de questions qu’elles ne sont pas légalement autorisées à examiner.

[31] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite. Ce moyen d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. En effet, les arguments que le prestataire a présentés à la division d’appel portent sur la conduite de l’employeur, la politique de vaccination, sa convention collective et la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Ce ne sont pas des questions que la division générale pouvait trancher.

Conclusion

[32] J’ai examiné le dossier, écouté l’enregistrement de l’audience de la division générale et analysé sa décisionNote de bas de page 31. La division générale a tranché les questions qui relevaient de sa compétence. Elle a appliqué les dispositions législatives pertinentes et le critère juridique relatif à l’inconduite, et ce, en se fondant sur la jurisprudence liée à l’inconduite dans un contexte d’assurance-emploiNote de bas de page 32.

[33] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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