Assurance-emploi (AE)

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Citation : CP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1657

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (593462) datée du
27 juin 2023 rendue par la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (communiquée par
Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 28 septembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 6 octobre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2154

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté avec modifications.

[2] L’appelant n’est pas admissible à recevoir des prestations du 16 septembre 2022 au 18 novembre 2022 pendant l’arrêt de travail dû à un conflit collectif.

Aperçu

[3] L’appelant a présenté une demande de prestations après avoir cessé d’occuper son emploi en raison d’un manque de travail et une période de prestations a été établie au 27 mars 2022. Le 15 septembre 2022, l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison d’un lock-out décrété par son employeur, X.

[4] En vertu d’une entente intervenue et approuvée par le Conseil canadien des relations industrielles, l’appelant a continué à travailler à temps partiel à compter du 16 septembre 2022 afin de maintenir les services essentiels.

[5] Entre le 21 novembre 2022 et le 12 décembre 2022, l’appelant a occupé un emploi à la Ville de Lévis. Il a également conservé son emploi auprès de X.

[6] Le 14 janvier 2023, l’appelant a demandé le renouvellement de sa période de prestations qui avait été établie au 27 mars 2022. Ce renouvellement a été établi à compter du 11 décembre 2022.

[7] Cependant, lorsqu’il a transmis sa demande de prestations, l’appelant a répondu « non » à la question à savoir s’il avait travaillé pour un employeur pour lequel il était en grève ou en lock-out depuis la présentation de sa demande.Note de bas de page 1

[8] Le 27 juin 2023, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a avisé l’appelant qu’il n’avait pas droit aux prestations du 16 septembre 2022 au 18 novembre 2022 parce qu’en date du 21 novembre 2022, il avait commencé un emploi régulier.

[9] L’appelant n’est pas d’accord avec la Commission. Il affirme qu’il y a un conflit collectif au travail et que ce conflit perdure. Il indique qu’il ne comprend pas pourquoi la Commission rend une décision portant sur une période antérieure à sa demande alors qu’il a commencé à travailler pour la Ville de Lévis le 21 novembre 2022. Cependant, il indique qu’à compter du 21 novembre 2022, cette situation a été réglée avec la Commission.

[10] Le 17 août 2023, la Commission a transmis des arguments au Tribunal. Elle indique qu’elle a rendu une décision indiquant qu’elle ne considérait pas que l’appelant occupait un emploi sur une base régulière à compter du 21 novembre 2022, mais seulement à compter du 7 février 2023. Elle indique également qu’elle n’est pas certaine que l’appelant demande des prestations pour la période du 16 septembre 2022 au 18 novembre 2022.

[11] Je dois déterminer si l’appelant est admissible à recevoir des prestations pendant le conflit collectif au travail.

Question que je dois déterminer en premier

[12] Étant donné que la demande de prestations est renouvelée au 11 décembre 2022 et puisque la décision révisée par la Commission porte sur la période du 16 septembre 2022 au 18 novembre 2022, la Commission aurait dû rendre une décision portant sur l'antidatation de la demande au 16 septembre 2022.

[13] Cependant, afin de ne pas alourdir inutilement le processus pour l’appelant, je prends la question de l’antidatation sous réserve.

[14] Je comprends que le 11 décembre 2022, l’appelant a cessé d’occuper son emploi à la Ville de Lévis en raison d’un manque de travail. Comme je l’ai indiqué à l’appelant lors de l’audience, je m’en tiendrai à la période ciblée par la Commission dans sa décision révisée. Je comprends également que l’appelant souhaite vérifier s’il est possible de recevoir des prestations pendant un conflit collectif qui perdure.

[15] Comme indiqué lors de l’audience, la compétence du Tribunal concerne le litige exposé dans la décision révisée par la Commission, c’est-à-dire l’inadmissibilité aux prestations pendant l’arrêt de travail dû à un conflit collectif pour la période du 16 septembre 2022 au 18 novembre 2022.Note de bas de page 2

Questions en litige

[16] Afin de déterminer si l’appelant est admissible à recevoir des prestations pendant un conflit collectif, je dois répondre à ces questions :

[17] L’appelant a-t-il participé au conflit qui a mené à l’arrêt de travail ?

[18] L’appelant l’a-t-il financé ?

[19] Était-il directement intéressé par ce conflit ?

Analyse

Conflit collectif au travail

[20]  Les faits non contestés démontrent qu’il y a un conflit collectif au travail.Note de bas de page 3 Selon la Cour d’appel fédérale, lorsque les employés et l’employeur négocient une convention collective, il y a un conflit collectif.Note de bas de page 4

[21] Le syndicat des débardeurs du port de Québec (section 1614) et X négociaient le renouvellement d’une convention collective lorsque l’employeur a décrété un lock-out le 15 septembre 2022. À ce jour, le lock-out est toujours en vigueur.

[22] L’article 36 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’un prestataire n’est pas admissible à recevoir des prestations s’il perd son emploi ou s’il ne peut reprendre son emploi en raison d’un conflit collectif.

[23] Cette disposition indique également qu’un travailleur placé dans cette situation n’est pas admissible à recevoir des prestations avant la fin de l’arrêt de travail ou, si cette date est antérieure à la fin de l’arrêt de travail, à compter du jour où il a commencé à exercer ailleurs, d’une façon régulière, un emploi assurable.

[24] La Loi prévoit également que la disposition ne sera pas applicable si un prestataire fait la démonstration de ces trois élémentsNote de bas de page 5 :

  • il ne participe pas au conflit collectif qui a mené à l’arrêt de travail;
  • il ne le finance pas;
  • et, il n’y est pas directement intéressé.

[25] Les faits démontrent que :

  • Le 30 juin 2022, X a conclu une entente avec le Syndicat des débardeurs du port de Québec dans le but de maintenir les services essentiels;
  • Le 14 juillet 2022, le Conseil canadien des relations industrielles a accepté cette entente;
  • Le 15 septembre 2022, X a décrété un lock-out;
  • Selon l’entente intervenue, l’appelant doit être disponible pour travailler afin de maintenir les services essentiels. Étant donné cette situation, l’appelant travaillait à temps partiel et ses heures de travail hebdomadaires étaient variables;
  • Le 21 novembre 2022, l’appelant a commencé à occuper un emploi ailleurs. 

L’appelant a-t-il participé au conflit qui a mené à l’arrêt de travail ?

[26] Lors de l’audience, l’appelant a indiqué qu’avant que l’employeur décrète un lock-out, le syndicat négociait avec l’employeur le renouvellement de la convention collective dans le but d’améliorer ses conditions de travail.

[27] Le 13 avril 2023, l’appelant a déclaré à un employé de la Commission qu’il y avait une ligne de piquetage sur les lieux du travail et qu’il recevait une indemnité pour chaque jour de piquetage à laquelle il participait.

[28] Comme la division d’appel du Tribunal l’a déjà déterminé, le verbe « participer » sous-entend que l’employé est « impliqué » dans le conflit collectif.Note de bas de page 6

[29] Ainsi, en participant aux lignes de piquetage, l’appelant était impliqué dans le conflit.

[30] Étant donné l’entente survenue pour maintenir les services essentiels, l’appelant explique qu’il devait travaillait à temps partiel et qu’il devait rester disponible pour l’employeur. Il affirme que cette situation était difficile financièrement et il a commencé un emploi à temps plein à la Ville de Lévis le 21 novembre 2022 afin de subvenir à ses besoins.

[31] Même si je comprends que le conflit collectif perdure et que cette situation a des répercussions importantes pour lui, les faits démontrent que l’appelant a participé au conflit qui a mené à l’arrêt de travail et qu’il est impliqué dans le conflit collectif.

[32] Je conclus que l’appelant a participé au conflit qui a mené à l’arrêt de travail.

L’appelant a-t-il financé le conflit de travail ?

[33] L’appelant est débardeur. Les faits démontrent qu’il est membre du Syndicat des débardeurs du port de Québec, local 2614.

[34] Il a affirmé lors de l’audience qu’à titre de membre du syndicat, il payait une cotisation.

[35] Le 13 avril 2023, il a expliqué à un employé de la Commission que son syndicat avait utilisé une partie de ses cotisations syndicales pour lui verser une compensation financière. Il indique alors avoir reçu une compensation de 400 $.

[36] Ces éléments démontrent qu’à titre de membre du syndicat, l’appelant a participé au financement du conflit.

L’appelant était-il directement intéressé par ce conflit ?

[37] Lors de l’audience, l’appelant a indiqué que le syndicat demandait à l’employeur des améliorations à ses conditions de travail dans le cadre des négociations pour le renouvellement de la convention collective des débardeurs. Il a expliqué que les demandes du syndicat visaient particulièrement les heures de travail effectuées ainsi que le salaire.

[38] Ainsi, en négociant un horaire de travail ou une augmentation salariale, l’appelant, à titre de travailleur syndiqué, est directement intéressé dans ce conflit.

[39] Il est directement intéressé dans ce conflit puisque les objectifs des demandes du syndicat, ainsi que les résultats des négociations, concernent directement sa condition de travailleur.

[40] Étant donné que le syndicat qui le représente négocie des modifications aux conditions de travail des débardeurs qui amélioreront sa condition, je ne peux conclure qu’il n’était pas directement intéressé par le conflit collectif qui a eu lieu pendant l’arrêt de travail.

[41] Cependant, je comprends très bien les explications de l’appelant indiquant que le conflit collectif perdure et qu’une telle situation a des répercussions importantes pour lui. Malheureusement, au sens de la Loi, lorsqu’un employé cesse d’occuper son emploi temporairement en raison d’un conflit collectif dans lequel il est directement intéressé, il ne peut recevoir des prestations.

[42] Je conclus que l’appelant était directement intéressé par ce conflit.

L’appelant est-il admissible à recevoir des prestations ?

[43] J’estime que l’appelant n’est pas admissible à recevoir des prestations en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la Loi du 16 septembre 2022 au 18 novembre 2022.

[44] J’ai bien compris que cette situation est décevante ou inquiétante, d’autant plus que le conflit collectif perdure encore à ce jour. Cependant, une autre instance est responsable d’encadrer les relations de travail et mon rôle consiste simplement à déterminer si l’appelant est admissible à recevoir des prestations pendant l’arrêt de travail dû au conflit collectif.

[45] Même si je comprends qu’un lock-out est imposé et que cette situation est difficile, au sens de la Loi, il n’est pas admissible à recevoir des prestations pendant la période du 16 septembre 2022 et le 18 novembre 2022.

[46] En ce sens, dans son cas, l’appelant a travaillé quelques heures à temps partiel afin d’assurer les services essentiels et cette situation ne lui permet pas non plus de recevoir des prestations.

[47] Conformément au paragraphe 36(1)a) de la Loi, l’appelant n’est pas admissible à recevoir des prestations pendant un arrêt de travail dû à un conflit collectif. Bien que la Commission ait indiqué dans sa décision qu’il n’était pas admissible pendant cette période parce qu’il avait débuté un emploi assurable ailleurs, je conclus que l’appelant n’est pas admissible pendant l’arrêt de travail en raison d’un conflit collectif.

[48] L’appelant n’a pas démontré qu’il ne participait pas et qu’il ne finançait pas le conflit collectif ayant mené à l’arrêt de travail le 15 septembre 2022. Il n’a pas non plus démontré qu’il n’était pas directement intéressé par ce conflit collectif. Ainsi, le paragraphe 36(1) de la Loi s’applique.

Conclusion

[49] L’appelant n’était pas admissible à recevoir des prestations pendant l’arrêt de travail dû à un conflit collectif du 16 septembre 2022 au 18 novembre 2022.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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