Assurance-emploi (AE)

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Citation : AA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1653

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (592093) datée du 13
juin 2023 rendue par la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 28 septembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 4 octobre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2230

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli avec modifications.

[2] L’appelant a démontré qu’il était disponible pour travailler du 20 février 2023 au 20 mars 2023. Il est admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant cette période.

Aperçu

[3] Le 10 mars 2023, l’appelant a présenté une demande d’assurance-emploi. Il a alors expliqué qu’il détenait un permis de travail lui permettant pour travailler au Canada pour l’employeur X, mais qu’il avait cessé d’occuper son emploi le 17 février 2023 en raison d’un manque de travail.

[4] Le 10 juillet 2023, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a décidé que l’appelant est inadmissible aux prestations régulières d’assurance‑emploi à compter du 20 février 2023 parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Elle précise que l’appelant n’a pas démontré avoir fait des démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi et elle l’informe également qu’il est responsable de demander une modification aux restrictions indiquées sur son permis de travail.

[5] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, l’appelant doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que l’appelant doit être à la recherche d’un emploi.

[6] L’appelant fait valoir qu’il était disponible pour travailler, mais que son permis de travail lui permettait de travailler seulement pour X.

[7] Je dois déterminer si l’appelant était disponible pour travailler. L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

Question en litige

[8] L’appelant était-il disponible pour travailler à compter du 20 février 2023 ?

Analyse

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[9] Le droit énonce les critères que je dois considérer pour déterminer si les démarches de l’appelant sont habituelles et raisonnables.Note de bas de page 1 Je dois déterminer si ces démarches sont soutenues et si elles visent à trouver un emploi convenable. Autrement dit, l’appelant doit avoir persévéré à chercher un emploi convenable.

[10] Je dois aussi évaluer les démarches que l’appelant a faites pour se trouver un emploi. Le Règlement présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi que je dois considérer, commeNote de bas de page 2 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, des banques d’emploi en ligne ou auprès de bureaux de placement;
  • communiquer avec des employeurs éventuels;
  • présenter des demandes d’emploi.

[11] La Commission fait valoir que le permis de travail dont dispose l’appelant limite indûment ses chances de se trouver un emploi puisqu’il le restreint à travailler pour le seul employeur indiqué sur le permis.

[12] La Commission affirme également que l’appelant n’a pas fait de démarches pour se trouver un autre emploi. Elle soulève que même si l’appelant mentionne dans son avis d’appel avoir fait des démarches pour se trouver un emploi, il a déclaré à deux reprises à un employé de la Commission qu’il ne l’avait pas fait parce qu’il avait un permis de travail qui le limitait à un seul employeur et parce que son arrêt de travail était de courte durée.

[13] Lors de l’audience, l’appelant a expliqué qu’il travaille pour X depuis 4 ans. Chaque année, il est mis à pied pour une courte période, soit environ deux semaines. Cependant, cette année après deux semaines d’arrêt de travail, l’employeur lui a dit qu’il ne recommencerait pas à travailler avant une ou deux semaines parce qu’il attendait des matériaux.

[14] L’appelant explique qu’étant donné que le délai s’est prolongé, il a présenté une demande d’assurance-emploi parce que sa femme ne travaille pas et qu’il devait subvenir aux besoins de sa famille. Il indique que c’est la première fois qu’il demande des prestations et qu’il l’a fait parce que sa situation financière était difficile.

[15] L’appelant a recommencé à travailler le 20 mars 2023 et il demande des prestations pour les quatre semaines pendant lesquelles il ne recevait aucun revenu.

[16] Étant donné les circonstances exposées par l’appelant lors de l’audience, je constate que l’information fournie par l’employeur lui laissait croire qu’il recommencerait à travailler après un très court délai, soit deux semaines.

[17] Bien sûr, en général, le fait d’attendre d’être rappelé par son employeur ne constitue pas une démarche valable au sens de la Loi pour démontrer sa disponibilité. Néanmoins, dans ce cas très particulier, le délai de deux semaines qui s’est prolongé à quatre semaines était très court et le fait que ce délai ait été repoussé après les deux semaines d’arrêt de travail prévu n’est pas imputable à l’appelant. Bien au contraire, l’appelant croyait être rappelé rapidement et il ne recevait aucune rémunération pendant cette période. Je suis d’avis qu’il ne doit pas être pénalisé pour cette situation.

[18] Ainsi, étant donné les circonstances particulières, dans ce cas-ci, je m’appuie sur la décision suivante : CUB72440. Cette décision véhicule le principe voulant qu’étant donné le très court délai pendant lequel l’appelant devait cesser d’occuper ses fonctions, attendre d’être rappelé par son employeur constituait la meilleure démarche pour se trouver un emploi. Ce délai a été repoussé après le délai prévu de deux semaines et aucun employeur ne voulait l’embaucher pour une période aussi courte.

[19] Je conclus que l’appelant a démontré sa disponibilité à travailler du 20 février 2023 au 20 mars 2023.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[20] La jurisprudence établit trois éléments à examiner pour déterminer si un prestataire est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelant doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 3 :

  • montrer qu’il veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  • faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
  • démontrer l’absence de conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire qui limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[21] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelant.Note de bas de page 4

Vouloir retourner travailler

[22] L’appelant a montré qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[23] La Commission fait valoir que l’appelant ne voulait pas retourner travailler parce que son permis de travail le limitait à un seul employeur et qu’il n’a pas démontré avoir effectué des démarches pour se trouver un emploi.

[24] Je suis d’avis que l’appelant avait le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’il a cessé d’occuper son emploi. D’ailleurs, il était prêt à reprendre son emploi dès que c’était possible. Il s’attendait à reprendre son emploi deux semaines après avoir cessé de l’occuper. Cependant, l’employeur lui a dit que ce délai serait repoussé d’une semaine ou deux semaines supplémentaires. Au moment de sa mise à pied le 17 février 2023, l’appelant ne savait pas qu’il ne recommencerait pas à travailler deux semaines plus tard.

[25] Ainsi, je suis d’avis que l’appelant avait le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi lui serait offert. La période d’arrêt de travail prévue au départ devait être d’une durée de deux semaines.

[26] Je dois maintenant évaluer s’il a effectué des démarches d’emploi concrètes pour se trouver un emploi.Note de bas de page 5

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[27] L’appelant a la responsabilité de chercher activement un emploi convenable afin de pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 6

[28] La Commission soutient que l’appelant n’a pas fait de démarches pour se trouver un emploi et que son permis de travail le limitait indûment à réintégrer le marché du travail.

[29] Il est vrai que le dossier de la Commission démontre que l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas fait de démarches d’emploi. Cependant, je note également que, le 11 avril 2023, lorsqu’il a été informé des démarches à effectuer par un employé de la Commission, l’appelant était d’accord. Lors de l’audience, il explique qu’il aurait fait les démarches suggérées par la Commission s’il avait su que l’arrêt de travail serait plus long que prévu.

[30] Si la période prévue de mise à pied avait été plus longue, l’appelant soutient qu’il aurait amorcé une recherche active d’emploi et qu’il aurait demandé un permis de travail lui permettant de travailler pour un autre employeur.

[31] Les prestations d’assurance-emploi servent à pallier une situation de chômage lorsqu’un travailleur est à la recherche d’un emploi convenable et qu’il a l’intention d’obtenir cet emploi convenable. L’appelant doit démontrer sa disponibilité en effectuant des démarches d’emploi pendant tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[32] Dans ce cas, j’estime que la décision CUB72440 est applicable. Même si un prestataire doit prouver qu’il a fait des démarches d’emploi tout jour ouvrable de sa période de prestations et qu’il ne peut se soustraire à ses responsabilités en invoquant qu’il attendait d’être rappelé par son employeur, dans ce cas-ci, l’employeur avait dit à l’appelant que la mise à pied serait d’une période d’environ deux semaines et, au terme de ce délai, l’employeur l’a informé que cette mise à pied serait prolongée d’une semaine ou deux. Le principe véhiculé dans la décision, CUB72440, s’applique précisément à un cas particulier comme celui de l’appelant.

[33] J’estime que l’appelant a manifesté son désir de retourner sur le marché du travail par des efforts significatifs pour se trouver un emploi convenable chaque jour ouvrable de sa période de prestations du 20 février 2023 au 20 mars 2023 parce qu’attendre d’être rappelé par son employeur par cette période constituait le moyen le plus sûr de réintégrer le marché du travail dans les meilleurs délais.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[34] La Commission soutient que l’appelant présente des conditions personnelles qui limitent indûment ses chances de retourner travailler parce que son permis de travail le restreint à travailler pour un seul employeur et qu’il ne peut occuper un autre emploi.

[35] Cependant, la Commission est d’accord pour dire que ce n’est pas tant le permis de travail qui limite indûment les chances de l’appelant de se trouver un emploi, mais bien l’absence de démarches d’emploi ou l’absence de démarches dans le but d’obtenir un permis de travail qui lui permettrait de travailler pour un autre employeur qui limite ses chances de retourner travailler.

[36] Les faits démontrent que l’appelant détient un passeport de la Tunisie. Un permis de travail lui permettant de travailler au Canada lui a été délivré pour la période du 16 décembre 2022 au 15 novembre 2023.Note de bas de page 7 Les conditions de ce permis prévoient notamment que l’appelant doit quitter le Canada au plus tard le 15 novembre 2023, qu’il ne peut exercer un autre emploi que celui de soudeur et qu’il ne peut travailler pour un autre employeur que X.

[37] Cette condition personnelle ne vient limiter indûment l’appelant à trouver un emploi convenable que s’il n’amorce aucune démarche d’emploi et s’il n’amorce aucune démarche pour obtenir la permission de travailler pour un autre employeur lorsqu’il est mis à pied. Dans les faits, dans le cas où un employeur met fin à un tel contrat de travail d’un travail, il pourrait lui remettre une lettre de décharge et le travailleur pourrait alors amorcer des démarches dans le but de faire autoriser un permis de travail par un autre employeur autorisé.

[38] Ce n’est pas le cas de l’appelant. L’appelant a été mis à pied pour une très courte période, d’abord deux semaines puis deux autres et, pour cette raison, il attendait d’être rappelé par son employeur X.

[39] Ainsi, c’est le fait de restreindre sa disponibilité à un seul employeur et non pas le permis de travail en tant que tel qui limite indûment les chances de l’appelant de se trouver un emploi convenable.

[40] Dans ce cas-ci, l’appelant a été mis à pied le 17 février 2023 et, comme les trois dernières années, l’employeur lui a dit qu’il reviendrait au travail environ deux semaines plus tard. Cependant, ce n’est pas ce qui s’est produit cette année. L’employeur lui a plutôt dit, au terme du délai prévu, que la mise à pied serait prolongée pour une ou deux semaines supplémentaires puisqu’il n’avait pas reçu les matériaux qu’il attendait. Pour cette raison, l’appelant a présenté une demande de prestations le 10 mars.

[41] Si l’appelant avait été avisé qu’il était mis à pied pendant une longue période, il soutient qu’il aurait alors amorcé des démarches pour se trouver un emploi et il aurait pu faire autoriser un permis de travail par un autre employeur.

[42] Cependant, l’appelant savait qu’il était mis à pied pour une période de deux semaines et comme les trois dernières années, il s’attendait à reprendre son emploi après ce court délai. Il ne pouvait prévoir que le délai de retour au travail serait prolongé.

[43] Je donne un poids prépondérant aux déclarations de l’appelant faites lors de l’audience. Étant donné les circonstances exposées, je suis d’avis que les chances de l’appelant de se trouver un emploi convenable n’étaient pas limitées par une condition personnelle.

Alors, l’appelant était-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[44] Je dois appliquer les critères permettant de déterminer si l’appelant était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et s’il peut recevoir des prestations à compter du 20 février 2023.

[45] Dans le cas actuel, j’ai évalué l’attitude de l’appelant, mais j’ai également soupesé les circonstances entourant la mise à pied ainsi que les semaines d’arrêt de travail supplémentaires annoncées par l’employeur au terme de ce délai.

[46] J’estime que dans certaines circonstances, une personne mise à pied pendant une courte période pourrait considérer la promesse de retour au travail comme le moyen le plus probable d’obtenir un nouvel emploi.Note de bas de page 8

[47] Pour cette raison et selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que l’appelant a démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire.

Conclusion

[48] Par conséquent, l’appel est accueilli pour la période du 20 février 2023 au 20 mars 2023.

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