Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1259

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (472499) datée du 19 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 25 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 12 juin 2023
Numéro de dossier : GE-22-2057

Sur cette page

Décision

[1] C. P. est l’appelante. La Commission de l’assurance-emploi du Canada affirme qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. L’appelante fait appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel de l’appelante. Je conclus qu’elle a cessé de travailler parce que son employeur l’a suspendue. De plus, je conclus qu’elle a été suspendue en raison d’une inconduite au sens de la loi. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension.

Aperçu

[3] L’appelante travaillait pour une compagnie aérienne. Son employeur a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19. Aux termes de la politique, l’employeur s’attendait à ce que tous ses employés présentent une preuve de vaccination contre la COVID-19 ou bénéficient d’une exemption approuvée. L’appelante a demandé une exemption, mais l’employeur a refusé sa demande. L’appelante n’a pas présenté de preuve de vaccination à l’employeur dans les délais prescrits. Son employeur l’a donc mise en congé sans solde.

[4] La Commission affirme que cela signifie que son employeur l’a suspendue. Et la Commission affirme que la raison de sa suspension est une inconduite. La Commission affirme qu’il s’agit d’une inconduite parce que l’appelante connaissait et comprenait la politique de vaccination de son employeur. Elle savait que son employeur la suspendrait si elle ne la respectait pas. La Commission affirme qu’elle a agi délibérément lorsqu’elle a décidé de ne pas suivre la politique.

[5] L’appelante n’est pas d’accord. Elle dit qu’elle n’a rien fait de mal. Elle dit avoir fourni à son employeur tous les renseignements demandés dans le cadre de sa demande d’exemption. Elle affirme que l’employeur a enfreint les modalités de sa convention collective. Elle dit aussi que le vaccin contre la COVID-19 n’est pas sécuritaire.

Question que je dois examiner en premier

J’accepte les documents déposés pendant l’audience

[6] Lors de l’audience, l’appelante a présenté des articles de presse sur le vaccin contre la COVID-19, les exigences du gouvernement canadien en matière de vaccination et un communiqué de presse sur la levée de l’obligation vaccinale pour les voyageurs.

[7] J’ai accepté ces documents, et j’aborderai ci-après leur pertinence par rapport aux questions que je dois trancher en l’espèce. J’ai décidé de les accepter une fois convaincue que cela ne causerait pas un préjudice à la Commission.

Question en litige

[8] L’appelante a-t-elle cessé de travailler en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Pour répondre à la question de savoir si l’appelante a cessé de travailler en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pourquoi l’appelante a cessé de travailler. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle cessé de travailler?

[10] La Commission affirme que je devrais traiter la perte d’emploi de l’appelante comme une suspension. De plus, la Commission affirme que son employeur l’a suspendue parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[11] L’appelante convient qu’elle a cessé de travailler en raison de cette politique de vaccination. Cependant, elle affirme que son employeur l’a forcée à prendre un congé sans solde. Elle soutient qu’un congé forcé n’est pas la même chose qu’une suspension.

[12] Je suis d’accord avec la Commission. Je vais traiter la perte d’emploi de l’appelante comme une suspension. J’estime que son employeur l’a suspendue parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[13] À l’audience, j’ai demandé à l’appelante de plus amples renseignements sur les raisons pour lesquelles elle avait cessé de travailler. Elle a dit qu’elle n’avait pas choisi de prendre congé et qu’elle n’avait pas démissionné. Elle affirme que l’employeur ne l’a pas congédiée. Elle dit être retournée au travail le 1er août 2022. Elle a ajouté qu’elle n’avait pas cessé de travailler en raison d’un manque de travail.

[14] Je conviens que l’appelante n’a pas choisi de quitter son emploi. Je conviens qu’elle n’a pas cessé de travailler en raison d’un manque de travail et que l’employeur ne l’a pas congédiée. L’appelante a plutôt cessé de travailler parce que son employeur a choisi de mettre fin temporairement à son emploi. J’estime que cela équivaut à une suspension.

[15] Je signale que l’appelante a fait référence à des parties du Guide de la détermination de l’admissibilité qui traitent de la mise à pied forcée et du départ volontaire. Cependant, je ne pense pas que ces parties du Guide soient pertinentes à la situation de l’appelante. En effet, elle n’a pas choisi d’arrêter de travailler. De plus, elle n’a pas cessé de travailler en raison d’une fermeture du lieu de travail ou d’une autre pénurie de travail.

[16] Je conclus donc que l’appelante a cessé de travailler en raison d’une suspension.

[17] L’appelante et la Commission s’entendent pour dire que l’appelante a cessé de travailler en raison de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Les deux parties conviennent que l’appelante n’a pas présenté de preuve de vaccination dans le délai prévu et que cela a entraîné sa suspension. Rien dans le dossier d’appel ne laisse croire que l’appelante a cessé de travailler pour une autre raison.

[18] Je vais donc traiter la perte d’emploi de l’appelante comme une suspension. Je dois maintenant décider si la raison de sa suspension est une inconduite au sens de la loi.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[19] Je conclus que l’appelante a cessé de travailler en raison d’une inconduite.

[20] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 1 L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 2 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal).Note de bas de page 3

[21] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raison.Note de bas de page 4

[22] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas de page 5

[23] La Commission affirme que la raison de la suspension de l’appelante est une inconduite. La Commission affirme qu’elle connaissait la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Elle savait que l’employeur la suspendrait si elle ne la respectait pas. Elle savait que l’employeur avait refusé sa demande d’exemption. La Commission affirme qu’elle a agi délibérément lorsqu’elle a décidé de ne pas suivre la politique de l’employeur. La Commission affirme donc que la raison de sa suspension est une inconduite.

[24] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme avoir suivi le processus de son employeur pour demander une exemption à la politique. Elle dit avoir demandé une exemption pour motifs religieux de la politique. Elle affirme que la politique de l’employeur a enfreint les modalités de sa convention collective. Elle ajoute qu’elle pense que le vaccin contre la COVID-19 n’est pas sécuritaire.

[25] Je suis d’accord avec la Commission. Je conclus que la raison de la suspension de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[26] L’appelante et la Commission sont d’accord sur bon nombre des faits de base du présent appel.

[27] L’employeur de l’appelante a mis en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19. Aux termes de la politique, l’employeur s’attendait à ce que tous les employés présentent une preuve de vaccination contre la COVID-19 ou bénéficient d’une exemption de vaccination approuvée. La date limite pour se conformer à la politique était le 31 octobre 2021. Selon la politique, l’employeur mettrait en congé sans solde les employés qui refusent de respecter la politique.

[28] L’appelante a présenté à son employeur une demande d’exemption pour motifs religieux. Cependant, l’employeur a refusé sa demande d’exemption. Par conséquent, l’appelante n’avait pas obtenu une exemption approuvée de l’obligation vaccinale. De plus, elle n’a pas présenté de preuve de vaccination dans les délais prescrits.

[29] Puisque personne ne conteste les faits ci-dessus, je les accepte comme étant vrais. Cependant, cela signifie que la raison de la suspension de l’appelante est une inconduite au sens de la loi. Voici pourquoi :

  • L’appelante a lu et compris la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.
  • Elle savait que l’employeur s’attendait à ce qu’elle présente une preuve de vaccination ou qu’elle obtienne une exemption approuvée avant la date limite.
  • Elle savait que la politique indiquait que l’employeur la suspendrait si elle ne s’y conformait pas.
  • Elle savait que l’employeur avait refusé sa demande d’exemption. De plus, elle n’a pas présenté de preuve de vaccination à son employeur dans le délai prévu. Sa conduite était délibérée.
  • Sa conduite, soit le non-respect de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur, a directement entraîné sa suspension.  

[30] Je reconnais que l’appelante a présenté des arguments au sujet de sa convention collective. Elle affirme que la politique et la décision de l’employeur de la mettre en congé sans solde violent les modalités de sa convention collective. Elle a également présenté des arguments au sujet du processus d’exemption de l’employeur. Elle dit avoir suivi toutes les instructions de l’employeur pour demander une exemption. De plus, l’appelante a également présenté des arguments au sujet de l’innocuité du vaccin contre la COVID-19. Elle n’est pas non plus d’accord avec la façon dont son employeur et le gouvernement ont imposé des exigences de vaccination.

[31] Cependant, ces arguments ne relèvent pas de mon pouvoir décisionnel. Je ne peux pas décider si l’employeur a enfreint sa convention collective. Je ne peux pas décider si l’employeur aurait dû accepter sa demande d’exemption. Je ne peux pas me prononcer sur l’efficacité du vaccin ni sur son innocuité. De plus, je ne peux pas prendre de décisions sur la façon dont son employeur ou le gouvernement a mis en œuvre ou levé les exigences de vaccination.

[32] J’ai seulement le pouvoir de rendre des décisions sur l’admissibilité de l’appelante aux prestations d’assurance-emploi. Cela signifie que je peux seulement examiner sa conduite et décider si elle constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 6 L’appelante peut présenter des arguments au sujet de sa convention collective, du processus d’exemption ou de l’innocuité du vaccin contre la COVID-19 à d’autres tribunaux ou à d’autres organismes décisionnels.

[33] Je comprends également que l’appelante n’est pas d’accord sur la question de savoir si certaines décisions de la Cour d’appel fédérale sont pertinentes pour son appel.Note de bas de page 7 Elle affirme que sa situation est différente de celle de ces affaires.

[34] Même si ces décisions ne décrivent pas exactement les mêmes circonstances que celles de l’appelante, elles sont pertinentes. En effet, ces décisions donnent une définition large de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Ces décisions font partie de la loi et je dois les suivre quand je rends une décision au sujet d’une inconduite.

[35] De plus, en respectant ce qu’ont dit ces décisions, je dois pouvoir conclure que la raison de la suspension de l’appelante est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[36] Je rejette l’appel de l’appelante. Je conclus qu’elle a cessé de travailler parce que son employeur l’a suspendue. Et je conclus que la raison de sa suspension est une inconduite au sens de la loi. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension.

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