Assurance-emploi (AE)

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Citation : RF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1756

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (562610) datée du 17 janvier 2023 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 27 juin 2023
Personne présente à l’audience : L’appelante
Date de la décision : Le 29 août 2023
Numéro de dossier : GE-23-570

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] Je conclus que l’appelante ne démontre pas qu’elle était justifiée de quitter volontairement son emploiNote de bas de page 1. Il ne s’agissait pas de la seule solution raisonnable dans son cas. Son exclusion du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 31 juillet 2022 est donc justifiéeNote de bas de page 2.

[3] Je conclus que l’appelante ne démontre pas sa disponibilité à travailler à compter du 31 juillet 2022, mais en fait la démonstration à compter du 4 décembre 2022Note de bas de page 3.

Aperçu

[4] De 2003 jusqu’au 29 juillet 2022, l’appelante a travaillé comme « remplaçante de maître de poste » (« adjoint X TO OCC ») pour X (X ou l’employeur) et a cessé de travailler pour cet employeur après y avoir effectué un départ volontaireNote de bas de page 4.

[5] Le 10 août 2022, elle présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières)Note de bas de page 5. Une période de prestations a été établie à compter du 31 juillet 2022Note de bas de page 6.

[6] Le 17 novembre 2022, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) l’avise qu’elle n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi à partir du 31 juillet 2022 parce qu’elle a volontairement quitté son emploi chez l’employeur, le 29 juillet 2022 sans motif valable au sens de la Loi. La Commission l’informe aussi qu’elle ne peut lui verser des prestations à partir du 31 juillet 2022 parce que son désir est de trouver un emploi à temps partiel entre 15 et 20 heures par semaine, et qu’elle n’a pas effectué de recherche active pour un emploi à temps plein. La Commission lui précise qu’elle considère donc qu’elle n’est pas disponible pour travaillerNote de bas de page 7.

[7] Le 17 janvier 2023, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’avise qu’elle maintient les décisions rendues à son endroit, en date du 17 novembre 2022 concernant son départ volontaire et sa disponibilité à travaillerNote de bas de page 8.

[8] L’appelante soutient qu’elle était justifiée de quitter volontairement son emploi. Elle fait valoir qu’avant qu’elle ne cesse de travailler, elle ressentait de la fatigue et se sentait épuisée. L’appelante explique qu’elle avait besoin de repos. Elle indique avoir ressenti du stress dans l’accomplissement de son travail. L’appelante soutient avoir subi du harcèlement de la part de ses supérieures immédiates pour qu’elle quitte son emploi ou pour qu’elle prenne sa retraite.

[9] Concernant sa disponibilité à travailler, l’appelante fait valoir qu’elle voulait toujours travailler, même après avoir quitté l’emploi qu’elle avait. Elle affirme qu’elle était disponible à travailler pour occuper un emploi à temps partiel et qu’elle a effectué des recherches d’emploi. L’appelante indique avoir commencé ses recherches vers la fin de septembre 2022, mais ne peut donner toutes les dates où elle a effectué des recherches. Elle déclare avoir commencé à travailler au début de décembre 2022.

[10] Le 16 février 2023, l’appelante conteste les décisions en révision de la Commission. Ces décisions font l’objet de son recours devant le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal).

Questions en litige

[11] Dans le présent dossier, je dois déterminer si l’appelante était justifiée de quitter volontairement son emploiNote de bas de page 9. Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Est-ce que la fin d’emploi de l’appelante représente un départ volontaire?
  • Si tel est le cas, est-ce que le départ volontaire de l’appelante représentait la seule solution raisonnable dans son cas?

[12] Je dois également déterminer si l’appelante démontre sa disponibilité à travailler à compter du 31 juillet 2022Note de bas de page 10. Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Est-ce l’appelante :
    • Manifeste le désir ou la volonté de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert?
    • Exprime ce désir par des efforts ou des démarches pour trouver cet emploi convenable?
    • A établi des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail?

Analyse

Départ volontaire

[13] La Loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justification. Il ne suffit pas d’avoir un motif valable, c’est-à-dire une bonne raison de quitter un emploi, pour prouver que le départ était fondé.

[14] Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (la Cour) indiquent que le critère qui détermine si le prestataire est fondé de quitter son emploi consiste à se demander si en tenant compte de toutes les circonstances, le prestataire n’avait pas d’autre choix raisonnable que de le quitterNote de bas de page 11.

[15] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 12. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable.

[16] Pour prendre une décision, je dois examiner toutes les circonstances en cause quand un prestataire quitte son emploi.

Question no 1 : Est-ce que la fin d’emploi de l’appelante représente un départ volontaire?

[17] J’estime que dans le cas présent, la fin de l’emploi de l’appelante représente bien un départ volontaire au sens de la Loi.

[18] Je considère que l’appelante a eu le choix de continuer de travailler pour l’employeur, mais qu’elle a décidé de quitter volontairement son emploi le 29 juillet 2022.

[19] La Cour nous informe que dans le cas d’un départ volontaire, il faut d’abord déterminer si la personne avait le choix de conserver son emploiNote de bas de page 13.

[20] Dans le présent dossier, le témoignage et les déclarations de l’appelante indiquent qu’elle a pris la décision de quitter son emploiNote de bas de page 14.

[21] La preuve au dossier indique que l’appelante a signé un document, en date du 16 février 2022, pour signifier à l’employeur qu’elle donnait sa démission pour prendre sa retraite et que son dernier jour payé allait être le 31 juillet 2022Note de bas de page 15.

[22] L’appelante ne conteste pas le fait qu’elle a quitté volontairement son emploi. Je n’ai aucune preuve du contraire.

[23] Je dois maintenant déterminer si l’appelante était justifiée de quitter volontairement son emploi et s’il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas.

Question no 2 : Est-ce que le départ volontaire de l’appelante représentait la seule solution raisonnable dans son cas?

[24] Dans le cas présent, je considère que l’appelante ne démontre pas qu’elle était justifiée de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Elle n’avait pas de raisons acceptables selon la Loi.

[25] Je considère que le départ volontaire de l’appelante ne représentait pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[26] Le témoignage et les déclarations de l’appelante indiquent les éléments suivants :

  1. a) Elle a pris sa retraite le 31 juillet 2022. En février 2022, elle a signé un document à cet effet, à la demande de l’employeurNote de bas de page 16 ;
  2. b) Elle a travaillé pendant 20 ans pour l’employeur. Elle était remplaçante sur appel (« remplaçante de maître de poste »). Il s’agissait d’un travail à temps partiel. Son travail consistait à accueillir les clients (travail au comptoir) dans différents bureaux de poste de sa région de résidence, de même qu’à manipuler le courrier et les colis, en remplacement du maître de posteNote de bas de page 17 ;
  3. c) Ses conditions de travail sont demeurées les mêmes depuis le début de son emploi. Elle a toujours travaillé sur appel. Elle travaillait habituellement un jour ou deux par semaineNote de bas de page 18 ;
  4. d) Durant ses derniers mois de travail, elle a toutefois travaillé environ 40 heures par semaineNote de bas de page 19 ;
  5. e) Lorsque l’employeur l’appelait pour travailler, elle ne disait jamais non. Elle sait qu’elle effectuait du bon travail. Elle a reçu des félicitations de la part de maîtres de poste qu’elle a remplacés ;
  6. f) Son travail était exigeant physiquement et mentalement. Étant donné son âge, elle trouvait plus difficile de l’accomplir. Elle se sentait fatiguée et épuisée. Elle n’était plus en mesure de soulever des colis. Elle a dû s’adapter à des façons de faire qui variaient d’un bureau de poste à l’autre, à la suite de l’implantation de nouveaux systèmes informatiques. Elle craignait de commettre des erreurs. Elle ressentait du stress et son sommeil était agitéNote de bas de page 20 ;
  7. g) Elle n’a pas discuté avec l’employeur de l’inconfort qu’elle ressentait dans l’accomplissement de son travail. Elle ne lui a pas demandé de congé ou de pouvoir prendre une période de reposNote de bas de page 21 ;
  8. h) Elle indique avoir laissé entendre à l’employeur qu’elle aurait besoin de repos et que celui-ci n’a pas dit non à cette idée. Elle sentait toutefois qu’il avait besoin d’elle, car il n’avait personne d’autre. L’employeur voulait qu’elle travaille le plus longtemps possibleNote de bas de page 22 ;
  9. i) Il n’y a pas de facteurs reliés à sa santé qui l’empêchait d’effectuer son travail. C’est en raison de la fatigue qu’elle ressentait, qu’elle a jugé que le moment était venu de cesser de travaillerNote de bas de page 23 ;
  10. j) Elle n’a pas consulté de médecin avant de quitter son emploiNote de bas de page 24 ;
  11. k) Vers la fin de l’année 2021, avant de signer sa lettre de démission, en février 2022, elle s’est sentie harcelée. Elle dit avoir senti qu’on voulait qu’elle « disparaisse de la place » en référant à deux supérieures immédiates. Elle précise que ce n’était peut-être toutefois pas cela que celles-ci voulaient qu’elle ressenteNote de bas de page 25 ;
  12. l) Les supérieures immédiates en question lui ont fait des commentaires faisant allusion à sa possible retraite. Il s’agissait de commentaires sur son âge et l’invitant à prendre sa retraite (ex. : après s’être familiarisée avec un nouveau système informatique, se faire demander par ses supérieures, si elle avait des « blancs de mémoire » en raison de son âge). Elle a eu l’impression qu’elle n’était plus désirée chez l’employeur. Elle n’a pas parlé avec ce dernier du harcèlement qu’elle a ressentiNote de bas de page 26 ;
  13. m) Elle n’a pas fait de recherche d’emploi avant de quitter celui qu’elle avaitNote de bas de page 27.

[27] Je considère que les motifs invoqués par l’appelante d’avoir quitté volontairement son emploi ne démontrent pas qu’elle était justifiée de le faire, au sens de la Loi.

[28] Je considère que l’appelante a fait le choix personnel de prendre sa retraite à compter de la fin de juillet 2022.

[29] Je souligne que dans plusieurs de ses déclarations, l’appelante explique qu’elle trouvait plus difficile d’accomplir son travail, qu’elle se sentait épuisée, fatiguée et qu’elle avait conclu que le moment était venu pour elle de cesser de travaillerNote de bas de page 28. Elle le rappelle aussi lors de l’audience.

[30] Bien que l’appelante affirme s’être sentie harcelée et avoir eu l’impression qu’on voulait qu’elle quitte son emploi, elle ne démontre pas avoir vécu une situation de harcèlement pouvant justifier son départ volontaire.

[31] L’appelante relate un événement qui se serait produit vers la fin de l’année 2021 et cours duquel deux supérieures lui auraient fait des commentaires relativement à son âge ou lui aurait demandé si elle avait des « blancs de mémoire ».

[32] J’estime que l’appelante réfère à un événement ponctuel et isolé qui se serait produit plusieurs semaines avant qu’elle ne signe un document, en février 2022, pour indiquer qu’elle allait prendre sa retraite et plusieurs mois avant la fin de juillet 2022, soit le moment où elle allait commencer à s’en prévaloirNote de bas de page 29.

[33] Je souligne que malgré l’événement rapporté par l’appelante au sujet du harcèlement qu’elle dit avoir vécu, elle n’a pas fait de signalement auprès de l’employeur à ce sujet. Elle a continué de travailler jusqu’au moment prévu de sa retraite ou de son départ volontaire, soit jusqu’à la fin de juillet 2022.

[34] L’appelante explique aussi que bien qu’elle se soit sentie harcelée, ce n’était peut-être pas ce que les deux supérieures en question voulaient qu’elle ressente.

[35] Je souligne également que dans sa demande de prestations, l’appelante déclare avoir déjà fourni tous les renseignements concernant son départ volontaire, sans qu’il ne soit fait mention d’un problème de harcèlementNote de bas de page 30.

[36] Je trouve également contradictoire l’affirmation de l’appelante selon laquelle elle a senti que son départ était souhaité lorsqu’elle affirme qu’on voulait qu’elle « disparaisse de la place », étant donné qu’elle indique aussi qu’elle sentait que l’employeur avait besoin d’elleNote de bas de page 31 et qu’il voulait qu’elle travaille le plus longtemps possible. L’appelante indique elle-même qu’elle a travaillé davantage d’heures dans les mois ayant précédé sa retraite.

[37] Je considère que l’appelante ne présente pas d’éléments de preuve convaincants démontrant que son départ volontaire pouvait être justifié par du « harcèlement, de nature sexuelle ou autre »Note de bas de page 32.

[38] Je considère que l’appelante ajoute un motif relié à une question de harcèlement pour tenter de justifier son départ volontaire, mais sans faire la démonstration qu’elle en aurait subi.

[39] J’estime que c’est en toute connaissance de cause que l’appelante a choisi d’annoncer, en février 2022, qu’elle prendrait sa retraite à la fin de juillet 2022.

[40] En résumé, je considère que le départ volontaire de l’appelante relève avant tout d’un choix personnel, car elle a décidé de prendre sa retraite. Elle a ainsi créé sa propre situation de chômage.

[41] J’estime que l’appelante avait d’autres choix que celui de quitter son emploi.

[42] Si le souhait de l’appelante était de continuer de travailler malgré l’annonce de sa retraite, une solution raisonnable, au sens de la Loi, aurait été, par exemple, qu’elle demande à l’employeur de pouvoir la reporter à une date ultérieure et de continuer de travailler pour lui.

[43] Une autre solution raisonnable aurait été que l’appelante discute avec l’employeur de l’état de fatigue qu’elle ressentait dans l’accomplissement de ses tâches, de même que du harcèlement qu’elle dit avoir ressenti dans son milieu de travail.

[44] Ce faisant, une solution aurait pu être apportée par l’employeur sur l’une ou l’autre de ces questions. Toutefois, l’appelante a choisi de ne pas faire de démarches en ce sens.

[45] J’estime que l’appelante ne démontre pas qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[46] L’appel n’est pas fondé sur cette question.

Disponibilité à travailler

[47] Deux articles de la Loi indiquent qu’un prestataire doit démontrer qu’il est disponible à travaillerNote de bas de page 33. Les articles en question traitent tous deux de la disponibilité, mais il s’agit de deux inadmissibilités distinctesNote de bas de page 34.

[48] D’une part, un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin, et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 35.

[49] D’autre part, pour démontrer la disponibilité à travailler, la Commission peut exiger du prestataire qu’il prouve qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 36.

[50] Pour déterminer si un prestataire est disponible à travailler, je dois considérer les critères spécifiques énoncés dans la Loi permettant d’établir si ses démarches pour trouver un emploi convenable constituent des démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 37. Selon ces critères, les démarches doivent être : 1) soutenues, 2) orientées vers l’obtention d’un emploi convenable et 3) compatibles avec neuf activités spécifiques qui peuvent être utilisées pour aider les prestataires à obtenir un emploi convenableNote de bas de page 38. Ces activités sont entre autres les suivantes : évaluer les possibilités d’emploi, s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, des banques d’emploi en ligne ou auprès de bureaux de placement, communiquer avec des employeurs éventuels et présenter des demandes d’emploiNote de bas de page 39.

[51] Les critères servant à déterminer ce qui constitue un emploi convenable sont les suivants : 1) L’état de santé et les capacités physiques du prestataire lui permettent de se rendre au lieu de travail et d’effectuer le travail, 2) L’horaire de travail n’est pas incompatible avec les obligations familiales du prestataire ou ses croyances religieuses, 3) La nature du travail n’est pas contraire aux convictions morales ou aux croyances religieuses du prestataireNote de bas de page 40.

[52] La notion de « disponibilité » n’est pas définie dans la Loi. Des décisions rendues par la Cour ont établi des critères qui permettent d’établir la disponibilité d’une personne à travailler de même que son admissibilité ou non à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 41. Ces trois critères sont :

  • Le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert ;
  • La manifestation de ce désir par des efforts pour trouver cet emploi convenable ;
  • Le non-établissement ou l’absence de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travailNote de bas de page 42.

[53] La question de savoir si, oui ou non, une personne qui suit un cours à plein temps est disponible pour travailler est une question de fait qu’il faut régler à la lumière des circonstances particulières à chaque cas, mais en fonction des critères énoncés par la Cour. L’attitude et la conduite du prestataire doivent être prises en considérationNote de bas de page 43.

[54] Dans le présent dossier, l’appelante ne satisfait pas les critères énoncés par la Cour pour démontrer sa disponibilité à travailler à compter du 31 juillet 2022. Elle ne démontre pas que ses démarches pour trouver un emploi à compter de ce moment étaient habituelles et raisonnables.

[55] J’estime toutefois qu’elle satisfait les critères en question à compter du 4 décembre 2022 et qu’elle démontre, à compter de ce moment, que ses démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables.

Question no 1 : Est-ce que l’appelante manifeste le désir ou la volonté de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert?

[56] Je considère que l’appelante ne démontre pas son désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui aurait été offert à compter du 31 juillet 2022. Elle démontre toutefois sa volonté de le faire à compter du 4 décembre 2022, soit à partir du moment où elle a commencé à travailler.

[57] La preuve au dossier indique que l’appelante a quitté volontairement son emploi, le 31 juillet 2022, pour prendre sa retraiteNote de bas de page 44.

[58] L’appelante explique avoir pris sa retraite de l’emploi qu’elle occupait, mais ne pas avoir pris sa retraite du travailNote de bas de page 45.

[59] Elle fait valoir qu’elle veut encore travaillerNote de bas de page 46.

[60] Elle souligne qu’il faut qu’elle travaille et qu’elle a toujours gagné sa vieNote de bas de page 47.

[61] L’appelante explique être disponible pour travailler à temps partielNote de bas de page 48.

[62] Elle précise être prête à occuper un emploi moins exigeant physiquement et intellectuellement que celui qu’elle a occupé avant de prendre sa retraiteNote de bas de page 49.

[63] L’appelante déclare avoir commencé à travailler le 4 décembre 2022Note de bas de page 50.

[64] Bien que l’appelante exprime sa disponibilité à travailler, j’estime qu’elle ne manifeste pas le désir ou la volonté de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui aurait été offert depuis le 31 juillet 2022.

[65] Il demeure qu’elle occupait un emploi auquel elle a renoncé à compter du 29 juillet 2022 pour prendre sa retraite.

[66] Je considère toutefois qu’elle démontre son désir de retourner sur le marché du travail depuis le 4 décembre 2022, car elle occupe un emploi depuis cette date.

Question no 2 : Est-ce que l’appelante exprime ce désir par des efforts ou des démarches pour trouver cet emploi convenable?

[67] Je considère que l’appelante ne manifeste pas son désir de retourner sur le marché du travail par des efforts ou des démarches pour trouver un emploi convenable depuis le 31 juillet 2022, mais démontre en avoir fait, à compter du 4 décembre 2022.

[68] L’appelante déclare avoir effectué des recherches dans le but d’occuper un emploi correspondant à ses capacités physiques et à son âge, soit un emploi convenable pour elleNote de bas de page 51.

[69] Elle déclare que sa priorité est d’occuper un emploi à temps partiel, représentant 15 à 20 heures de travail par semaineNote de bas de page 52.

[70] Elle précise ne pouvoir donner toutes les dates des recherches qu’elle a effectuées.

[71] Lors de l’audience, l’appelante indique les avoir commencées vers la fin de septembre 2022.

[72] Elle déclare avoir effectué ses recherches d’emploi auprès de quincailleries (ex. : Home Hardware, Rona), d’un établissement hôtelier (ex. : X) et de l’organisme X (poste à X).

[73] Elle indique avoir également effectué ses recherches dans un journal et en consultant son entourage.

[74] Dans sa déclaration du 16 août 2022 à la Commission, l’appelante indique avoir présenté une demande d’emploi dans une bibliothèque (X)Note de bas de page 53.

[75] Dans sa déclaration du 15 novembre 2022 à la Commission, elle indique ne pas faire d’efforts pour rechercher un emploiNote de bas de page 54. Elle déclare aussi ne pas avoir effectué de recherches depuis la cessation de son emploi à la fin de juillet 2022, à l’exception de s’être renseignée auprès d’un magasin (magasin Rossy)Note de bas de page 55.

[76] L’appelante indique avoir trouvé un emploi en novembre 2022.

[77] Elle déclare occuper un emploi dans le domaine de l’entretien ménager depuis le 4 décembre 2022Note de bas de page 56. L’appelante précise accomplir jusqu’à 16 heures de travail par semaine dans le cadre de cet emploiNote de bas de page 57. Elle souligne avoir accumulé plusieurs centaines d’heures de travail depuis le début de son emploi.

[78] Dans le cas présent, j’estime que du 31 juillet 2022 au 3 décembre 2022, l’appelante n’a pas effectué des « démarches habituelles et raisonnables » dans la « recherche d’un emploi convenable », des démarches soutenues, orientées vers l’obtention d’un emploi convenable et compatible avec neuf activités spécifiques pouvant être utilisées pour aider les prestataires à obtenir un emploi convenableNote de bas de page 58.

[79] Je trouve contradictoires les affirmations de l’appelante au sujet des recherches d’emploi qu’elle indique avoir effectuées.

[80] En effet, lors de l’audience, l’appelante affirme avoir commencé ses recherches d’emploi vers la fin de septembre 2022. Dans sa déclaration du 16 août 2022 à la Commission, elle mentionne avoir cherché un emploi dans une bibliothèqueNote de bas de page 59, pour indiquer ensuite, dans sa déclaration du 15 novembre 2022, qu’elle ne faisait pas d’efforts pour en trouver unNote de bas de page 60.

[81] De telles contradictions nuisent à la crédibilité de son témoignage quant à ses recherches d’emploi et le moment où elle les aurait effectuées.

[82] Étant donné ces contradictions et les imprécisions données par l’appelante sur les dates ou les moments de ses recherches d’emploi, je considère que ce n’est que lorsqu’elle a commencé à travailler, le 4 décembre 2022, qu’elle démontre avoir fourni des efforts pour trouver un emploi.

[83] Pour évaluer la disponibilité à travailler de l’appelante, et les démarches qu’elle a effectuées dans sa recherche d’un emploi convenable, je retiens que cette dernière occupait un emploi à temps partiel, sur appel, lorsqu’elle a travaillé pour X et qu’elle occupe également un emploi à temps partiel, depuis le 4 décembre 2022.

[84] Je considère que l’emploi à temps partiel qu’elle occupe depuis le 4 décembre 2022 représente son emploi habituel et que c’est un emploi convenable dans son cas.

[85] Bien que l’article 9.002(1) du Règlement décrive les critères servant à déterminer ce qui constitue un emploi convenableNote de bas de page 61, il ne définit pas autrement ou avec plus de précisions l’expression « emploi convenable ».

[86] Je précise qu’en plus de ces critèresNote de bas de page 62, la Loi énonce aussi des caractéristiques décrivant ce qui constitue un emploi « non convenable »Note de bas de page 63. Je considère que les critères énoncés dans le RèglementNote de bas de page 64 et ces caractéristiquesNote de bas de page 65 doivent être examinés en concomitance pour être en mesure de déterminer ce qui constitue un emploi convenable, en fonction de la situation d’un prestataire.

[87] Ces caractéristiques indiquent entre autres qu’un emploi non convenable est un emploi d’un genre différent de celui exercé par un prestataire dans le cadre de son occupation ordinaireNote de bas de page 66. L’article 6(4)c) de la Loi précise aussi que cet emploi d’un genre différent, ou non convenable, comporte des conditions moins favorables ou un salaire inférieur à celui qu’un prestataire pouvait raisonnablement s’attendre d’obtenir, en tenant compte des conditions et du salaire dont il aurait bénéficié s’il avait continué d’occuper son emploi précédent. L’article 6(5) de la Loi élargit le type d’emplois pouvant être convenables puisqu’après un délai raisonnable, les dispositions prévues à l’article 6(4)c) de la Loi cessent de s’appliquer.

[88] En me basant sur les caractéristiques énoncées dans la Loi pour décrire ce qu’est un emploi non convenableNote de bas de page 67, je suis d’avis qu’un emploi convenable représente entre autres, un emploi du même genre (ex. : nature de l’emploi, rémunération et conditions d’emploi) que celui exercé par un prestataire dans le cadre de son occupation ordinaire ou habituelleNote de bas de page 68.

[89] Dans ce contexte, j’estime que le fait que l’appelante occupe un emploi à temps partiel depuis le 4 décembre 2022 représente le genre d’emploi qu’elle exerce dans le cadre de son occupation ordinaire puisqu’il s’agit de son emploi habituel depuis plus de 20 ans.

[90] La Cour nous informe aussi que la notion d’emploi convenable est en partie définie par rapport à la situation personnelle du prestataireNote de bas de page 69.

[91] Pour évaluer la disponibilité à travailler de l’appelante, je tiens ainsi compte des caractéristiques propres à son cas, selon lesquelles l’emploi qu’elle occupe est à temps partiel.

[92] La Commission soutient que l’intention réelle de l’appelante n’est pas de réintégrer le marché du travail dans les plus brefs délais parce qu’elle n’a pas effectué de recherche active pour obtenir un emploi à temps plein, mais plutôt de trouver un emploi à temps partiel représentant 15 à 20 heures de travail par semaineNote de bas de page 70.

[93] Elle fait également valoir que même si l’appelante a déclaré avoir trouvé un emploi, il reste que c’est un emploi représentant quelques heures par semaineNote de bas de page 71.

[94] Selon la Commission, l’appelante n’a pas démontré qu’elle fournissait les efforts nécessaires pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 72.

[95] Je ne retiens pas les arguments de la Commission relativement au fait que l’appelante n’a pas effectué de recherches pour occuper un emploi à temps plein.

[96] Je souligne que la Loi n’exige pas spécifiquement qu’un prestataire soit disponible pour un travail à temps plein pour démontrer sa disponibilité à travailler.

[97] La Cour nous informe que la disponibilité d’une personne s’apprécie par jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel elle peut prouver qu’elle était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 73.

[98] Je considère que bien que l’appelante ne démontre pas être disponible à travailler pour chaque jour ouvrable de sa période de prestations, du 31 juillet 2022 au 3 décembre 2022 inclusivement, elle en fait la démonstration à compter du 4 décembre 2022.

[99] Je souligne que la Loi prévoit également que lorsqu’un prestataire est inadmissible pour certains jours ouvrables dans une semaine, le taux hebdomadaire de prestations est réduit proportionnellementNote de bas de page 74.

[100] Je considère que la disponibilité à travailler de l’appelante ne s’est pas traduite par des recherches d’emploi soutenues auprès d’employeurs potentiels, dans le but de trouver un emploi convenable, au cours de la période du 31 juillet 2022 au 3 décembre 2022 inclusivement.

[101] La Cour nous informe qu’il appartient au prestataire de prouver sa disponibilité à travailler. Afin d’obtenir des prestations d’assurance-emploi, un prestataire doit chercher activement un emploi convenable, même s’il lui semble raisonnable de ne pas le faireNote de bas de page 75.

[102] J’estime toutefois que l’appelante démontre sa disponibilité à travailler pour occuper un emploi convenable à compter du 4 décembre 2022.

[103] À compter de cette date, elle s’est acquittée de sa responsabilité de chercher activement un emploi convenable.

Question no 3 : Est-ce que l’appelante a établi des conditions personnelles ayant pu limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail?

[104] J’estime que l’appelante a établi des « conditions personnelles » qui ont eu pour effet de limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail pour occuper un emploi convenable, au cours de la période du 31 juillet 2022 au 3 décembre 2022.

[105] J’estime que les conditions personnelles que l’appelante a imposées au cours de cette période sont avant tout liées au fait qu’elle a choisi de quitter son emploi à la fin de juillet 2022 pour se prévaloir de sa retraite et qu’elle a choisi le moment qui lui convenait avant de recommencer à travailler.

[106] Je considère que le choix de l’appelante de se prévaloir de sa retraite à compter du 31 juillet 2022 s’est fait au détriment de sa volonté et de ses efforts pour demeurer sur le marché du travail dans le but d’occuper un emploi convenable à compter de cette date, et ce, jusqu’au 3 décembre 2022. Elle ne démontre pas avoir effectué de recherches d’emploi soutenues jusqu’au moment d’occuper un emploi, le 4 décembre 2022.

[107] J’estime que du 31 juillet 2022 au 3 décembre 2022, l’appelante a imposé des conditions personnelles ayant eu pour effet de limiter de manière excessive ses chances de réintégrer le marché du travail pour occuper un emploi convenable durant cette période.

[108] Je considère qu’elle n’impose plus de telles limites depuis le 4 décembre 2022.

[109] En résumé, l’appelante ne démontre pas qu’elle est disponible à travailler du 31 juillet 2022 au 3 décembre 2022.

[110] Elle en fait toutefois la démonstration lorsqu’elle a commencé à occuper un emploi à compter du 4 décembre 2022.

[111] L’appel est partiellement fondé sur la question de la disponibilité à travailler.

Conclusion

[112] Je conclus, compte tenu de toutes les circonstances, que l’appelante ne démontre pas qu’elle était justifiée de quitter volontairement son emploi. Il ne s’agissait pas de la seule solution raisonnable dans son cas. Son exclusion du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 31 juillet 2022 est donc justifiée.

[113] Je conclus que l’appelante ne démontre pas sa disponibilité à travailler du 31 juillet 2022 au 3 décembre 2022. Elle fait toutefois la démonstration qu’elle est disponible à le faire à compter du 4 décembre 2022.

[114] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.

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