Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 150

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (539422) datée du
29 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Stuart O’Connell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 31 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 12 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-22-3703

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il n’avait pas une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant a été placé en congé sans solde ou en période de suspension à compter du 2 novembre 2021 pour avoir refusé de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Entre autres choses, la politique exigeait que l’appelant atteste son statut vaccinal. Il considérait la politique comme déraisonnable et source de division. Il a refusé de s’y conformer.

[4] Son employeur n’a pas indiqué quand l’appelant pourrait retourner au travail ou s’il pouvait le faire. La suspension pour une période indéterminéeNote de bas de page 1 a causé de sérieuses difficultés financières pour l’appelant. Il a remis une lettre de démission le 24 février 2022 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. Il affirme qu’il n’avait d’autre choix que de démissionner parce qu’il devait avoir accès à sa pension pour maintenir un niveau de vie rudimentaire et subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelant. Elle a conclu qu’il avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[6] Je dois décider si l’appelant a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[7] La Commission affirme qu’une solution raisonnable aurait été que l’appelant déclare son statut vaccinal et retourne au travail plutôt que de quitter son emploi.

[8] L’appelant n’est pas d’accord et qualifie la politique de douteuse, arbitraire et polarisante. Il ne pouvait donc pas, en toute conscience, s’y conformer.

Question en litige

[9] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[10] Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter de la question du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

[11] Je constate ce qui suit :

  • L’appelant n’a pas divulgué son statut vaccinal et son employeur n’avait aucun moyen de savoir qu’il était vacciné ou non.
  • L’appelant a été informé de la politique, il était au courant de ce qu’elle exigeait de lui et des conséquences possibles s’il ne la respectait pas. L’appelant est d’accord.
  • L’appelant a fait un choix conscient, délibéré et personnel de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur. Il s’y opposait pour plusieurs raisons et a donc refusé de la respecter.
  • L’appelant a pris des mesures pour contester la politique ou en demander la modification. Il a communiqué avec son syndicat et on lui a dit que celui-ci essayait de régler la question au moyen d’une procédure de grief.
  • La démission de l’appelant était uniquement motivée par un besoin pressant d’obtenir des revenus.
  • L’appelant est demeuré suspendu tant qu’il ne se conformait pas à la politique. Toutefois, il avait la possibilité de retourner au travail à condition de satisfaire aux exigences de la politique. Après qu’il a démissionné, l’employeur a annulé sa politique et a rappelé tout le personnel.

Les parties sont d’accord sur le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi

[12] J’accepte le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Le prestataire reconnaît qu’il a remis sa démission le 24 février 2022. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi

[13] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[14] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[15] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 3.

[16] L’appelant est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 4. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour prendre une décision, je dois examiner toutes les circonstances entourant la démission de l’appelant.

[17] L’appelant affirme avoir quitté son emploi parce qu’il ne pouvait pas subvenir à ses besoins financiers et à ceux de sa famille pendant toute la période prolongée de congé sans solde. L’appelant affirme que quitter son emploi à ce moment-là était la seule solution raisonnable pour lui en raison des difficultés financières causées par le fait qu’il n’a pas reçu de chèque de paie pendant plusieurs mois. Il a démissionné parce qu’il devait avoir accès à sa pension.

[18] L’appelant croyait que la politique de son employeur n’était pas raisonnable. À son avis, si l’objectif de la politique était de préserver la santé et la sécurité, elle n’était pas efficace et n’était pas appuyée par des preuves solides. Un mois après que l’appelant a quitté son emploi, l’employeur a annulé la politique. Selon l’appelant, cela indique que même son employeur a fini par en reconnaître les lacunes.

[19] De plus, l’appelant affirme que le fait d’exiger que le personnel divulgue son statut vaccinal a créé une controverse en milieu de travail sur la question de la vaccination. L’exigence a eu des effets négatifs en milieu de travail. L’appelant affirme qu’en toute bonne conscience, il ne pouvait pas appuyer un processus qui est source de discorde.

[20] La Commission affirme que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce qu’il n’a pas épuisé toutes les solutions raisonnables avant de le faire. Selon la Commission, une solution raisonnable pour l’appelant aurait été de déclarer son statut vaccinal et de retourner au travail plutôt que de quitter son emploi. D’après la Commission, la croyance de l’appelant selon laquelle la politique de son employeur était déraisonnable ou n’avait pas de sens n’est pas pertinente.

[21] Je suis guidé par la décision RR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 367, rendue par la division d’appel du Tribunal :

[32] La Cour fédérale a établi que l’évaluation du bien-fondé, de la légitimité ou de la légalité de la politique de vaccination d’un employeur ne relève pas de la compétence de la division générale. Cela dit, il devrait en aller de même lorsque la question du caractère raisonnable d’une politique de vaccination est soulevée.

[33] Ainsi, la division générale ne devrait avoir aucun rôle à jouer pour décider si une politique de vaccination est raisonnable, que ce soit dans le but d’évaluer l’inconduite ou à d’autres fins, comme pour examiner si un employeur peut imposer unilatéralement une règle ou une politique en milieu de travail. [Mis en évidence par le soussigné.]

[34] Après tout, il semblerait déraisonnable que, d’une part, la division générale n’ait ni le mandat ni la compétence de décider du bien-fondé, de la légitimité ou la légalité d’une politique de vaccination, mais que, d’autre part, elle ait un vaste mandat pour décider du caractère raisonnable de cette politique.

[22] Bien que la décision RR c Commission de l’assurance-emploi du Canada ait examiné la question de savoir si un employeur pouvait imposer unilatéralement une nouvelle règle ou une nouvelle politique dans un contexte syndiqué, j’estime que le raisonnement de la division d’appel, tel qu’énoncé ci-dessus, est valable et s’applique à l’affaire portée à ma connaissance.

[23] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que le Tribunal n’a pas compétence pour évaluer l’efficacité d’un vaccin ou décider si l’employeur a agi de façon équitable ou raisonnable en instaurant des politiques de vaccination ou d’attestation obligatoire. Le fait que la politique d’un employeur soit sans valeur de façon générale n’est pas, sans plus, suffisant pour permettre à une partie prestataire d’établir qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi.

[24] Les difficultés financières qui ont entraîné la démission de l’appelant étaient une conséquence malheureuse du choix personnel qu’il a fait de ne pas se conformer à la politique de son employeur. Dans les circonstances, l’appelant avait une solution de rechange raisonnable : se conformer à la politique et reprendre son emploi.

Conclusion

[25] L’appelant n’a pas prouvé que quitter son emploi était la seule chose raisonnable qu’il pouvait faire dans sa situation. Je conclus qu’il est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification.

[26] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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