Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 149

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : M. R.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 12 juillet 2023
(GE-22-3703)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 20 septembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-751

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur, M. R. (prestataire), demande la permission de faire appel de la décision de la division générale. Celle-ci a conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi quand il l’a fait. La division générale a jugé que le départ du prestataire n’était pas la seule solution raisonnable. Par conséquent, il a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[3] Le prestataire refuse d’admettre qu’il avait des solutions raisonnables autres que de quitter son emploi. Il soutient que la division générale a commis des erreurs de fait. Il fait valoir, par exemple, que la division générale n’a pas reconnu que des modifications majeures avaient été apportées à ses conditions d’emploi. En raison de ces modifications, il affirme qu’il était incapable de rester en poste et qu’il a dû partir.

[4] Avant que le prestataire puisse passer à la prochaine étape de l’appel, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il doit y avoir un argument défendableNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, cela met fin à l’affaireNote de bas de page 2.

[5] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je n’accorde pas la permission au prestataire d’aller de l’avant avec son appel.

Question en litige

[6] Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait sur la question de savoir si le départ du prestataire était la seule solution raisonnable dans son cas?

Je n’accorde pas au prestataire la permission de faire appel

[7] La division d’appel doit accorder la permission de faire appel à moins que l’appel n’ait aucune chance raisonnable de succès. Il existe une chance raisonnable de succès s’il y a eu erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 3.

[8] Pour ce qui est des erreurs de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur qu’elle a commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.

Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait sur la question de savoir si le départ du prestataire était la seule solution raisonnable dans son cas?

[9] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs importantes concernant les faits.

[10] Premièrement, le prestataire affirme que la division générale a eu tort de conclure que divulguer son statut vaccinal était une solution raisonnable pour lui. Il dit que c’est inexact, car cela n’aurait pas été suffisant pour lui permettre de retourner au travail. Il affirme que son employeur exigeait également une preuve de vaccination.

[11] En fait, le prestataire fait référence aux arguments de l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada. La division générale a écrit : « La Commission affirme qu’une solution raisonnable aurait été que l’appelant déclare son statut vaccinal et retourne au travail plutôt que de quitter son emploiNote de bas de page 4 ». Cela ne représentait pas les conclusions précises de la division générale.

[12] La division générale a conclu que « se conformer à la politique et reprendre son emploiNote de bas de page 5 » était l’une des solutions pour le prestataire. La division générale n’a pas exposé la politique en détail. Elle a déclaré que « entre autres choses, la politique exigeait que [le prestataire] atteste son statut vaccinalNote de bas de page 6 ». Il en ressort clairement que la division générale a reconnu que la politique de vaccination de l’employeur comportait d’autres exigences. Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’il est possible de soutenir que la division générale a forcément commis une erreur de fait.

[13] Deuxièmement, le prestataire soutient que la division générale a tiré une conclusion contradictoire lorsqu’elle a dit que « [aucune des parties] n’a compétence pour évaluer l’efficacité d’un vaccin » et, par la suite, en disant qu’il avait la solution raisonnable de se conformer à la politique de vaccination.

[14] De ce fait, je comprends que le prestataire affirme que la division générale a respecté le fait qu’il avait le droit de refuser de se faire vacciner en raison de ses croyances. Cela étant, il affirme ensuite que la vaccination n’était pas une solution raisonnable.

[15] Le prestataire n’était pas d’accord avec la politique de vaccination de son employeur. Il la jugeait trop intrusive, inéquitable, déraisonnable et inutile. Même s’il n’avait aucune exemption pour raisons religieuses ou de santé, la politique était déraisonnable parce qu’il travaillait à l’extérieur. Il croyait que la COVID-19 ne représentait pas un problème de santé ou de sécurité. Si la politique portait sur la santé et la sécurité, il a souligné que son employeur permettait à certaines personnes non vaccinées de continuer à travailler. Le prestataire estimait également que la politique a entraîné de la dissidence dans le milieu de travailNote de bas de page 7.

[16] Même si les croyances du prestataire faisaient de la vaccination une solution de rechange déraisonnable, il est clair, d’après la division générale, qu’elle a conclu qu’il y avait d’autres solutions raisonnables. La division générale a mentionné qu’elle donnait simplement une solution de rechange.

[17] Cela veut dire qu’il y avait d’autres solutions. Cependant, la division générale n’a pas mentionné la plus évidente : le prestataire aurait pu rester en poste tout en cherchant et en attendant d’obtenir un autre emploi avant de quitter le sien.

[18] Autrement dit, même si la division générale a commis une erreur en concluant que la vaccination était une solution raisonnable, cela n’invalidait pas sa conclusion générale selon laquelle d’autres solutions s’offraient au prestataire. Pour cette raison, je ne suis pas convaincue qu’il existe un argument défendable à ce sujet.

[19] Enfin, le prestataire affirme que la division générale n’a pas reconnu que des modifications importantes apportées à son emploi l’ont forcé à le quitter. La preuve ne confirme pas cette affirmation selon laquelle les modifications apportées à son emploi étaient la raison pour laquelle il a démissionné.

[20] L’employeur a suspendu le prestataire. Une fois qu’il a cessé de travailler, le prestataire aurait pu prolonger son absence. En effet, il est demeuré en congé pendant plusieurs mois, du 2 novembre 2021 jusqu’aux environs de mars 2022. Il est demeuré employé pendant environ quatre mois. Son statut n’a pas changé. Il aurait pu prolonger sa suspension indéfiniment tout en recherchant un autre emploi.

[21] Ce qui a poussé le prestataire à quitter son emploi, c’est qu’il faisait face à des difficultés financières. Il ne pouvait plus subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. La division générale a conclu qu’il avait dû quitter son emploi pour avoir accès à sa pension.

[22] Je ne suis pas convaincue que le prestataire puisse soutenir que la division générale n’a pas reconnu que des modifications majeures apportées à son emploi l’ont forcé à démissionner. Il ressort clairement de la preuve que des considérations financières ont amené le prestataire à quitter son emploi.

[23] Dans une note de bas de page, il était implicite dans la décision de la division générale que les motifs financiers du prestataire ne constituaient pas une justification. Cela concorde avec la jurisprudence établie selon laquelle les considérations financières ne sont pas des motifs valables.

[24] Dans une affaire intitulée CampeauNote de bas de page 8, la Cour d’appel fédérale a conclu que « la bonne foi et l’insuffisance du revenu ne constituent pas une justification [...] [autorisant la prestataire] à abandonner son emploi et à en faire supporter le coût au système d’assurance-emploiNote de bas de page 9 ».

[25] La Cour d’appel a réaffirmé ces principes à plusieurs reprises : pensons aux décisions RichardNote de bas de page 10, MurugaiahNote de bas de page 11, LapointeNote de bas de page 12 et GrahamNote de bas de page 13, pour ne citer que quelques exemples. M. Richard a quitté son emploi pour un emploi saisonnier dans un autre domaine où il pourrait améliorer sa situation financière. La Cour d’appel a écrit :

[13] Le conseil arbitral s’est mépris lorsqu’il a accepté comme justification du fait de quitter volontairement un emploi le désir d’un travailleur d’améliorer son sort financièrement.

[14] La jurisprudence est pourtant claire sur la question et la [Commission] se plaint qu’elle ne soit pas suivie. Combien de fois faudra-t-il le répéter pour que les juges-arbitres le comprennent et le juge-arbitre en chef s’assure qu’ils l’ont compris? Si noble et légitime que soit le désir d’un travailleur d’améliorer son sort, ce désir ne constitue pas, aux fins des articles 29 et 30 de la Loi [sur l’assurance-emploi], une justification légale de quitter volontairement son emploi.

[Mis en évidence par la soussignée.]

[26] M. Murugaiah a quitté deux emplois pour déménager dans une autre ville afin de chercher un travail mieux adapté à sa formation récente. Mme Lapointe a quitté son emploi pour améliorer nettement ses conditions de travail dans une région où les emplois permanents se font rares. De même, M. Graham a quitté son emploi à temps partiel après la fin du trimestre. Il est retourné chez lui pour trouver un emploi d’été à temps plein et économiser sur les frais de subsistance.

[27] Dans chaque affaire, les prestataires ont quitté leur emploi pour avoir des conditions économiques plus favorables. La Cour d’appel fédérale a conclu que le désir des prestataires d’améliorer leur situation financière peut correspondre à une bonne raison de quitter un emploi, mais non à une justificationNote de bas de page 14.

Conclusion

[28] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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