Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c LM, 2023 TSS 1299

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Isabelle Thiffault
Partie intimée : L. M.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 6 avril 2023
(GE-22-3869)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 septembre 2023
Personne présente à l’audience : Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 27 septembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-374

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et son choix était irrévocable.

Aperçu

[2] L. M. (prestataire), l’intimée, a demandé et reçu des prestations de maternité, suivies de prestations parentales de l’assurance-emploi. Elle a sélectionné les prestations parentales prolongées dans sa demande de prestations, ce qui lui permet de recevoir des prestations à un taux moins élevé sur une plus longue période.

[3] La prestataire a précisé dans son formulaire de demande qu’elle voulait recevoir 52 semaines de prestations parentales. Le premier versement de prestations parentales de la prestataire a été effectué le 24 septembre 2021. La prestataire est retournée au travail après environ un an de congé de maternité et a continué de recevoir des prestations.

[4] La prestataire a communiqué avec l’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, pour lui demander de passer à l’option standard. La Commission a rejeté la demande de la prestataire. Elle a dit qu’il était trop tard pour changer d’option après le versement des prestations parentales. La prestataire a demandé une révision et la Commission a maintenu sa décision.

[5] La prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal et a obtenu gain de cause. La division générale a décidé que la prestataire voulait choisir les prestations parentales standards et qu’elle voulait un an de prestations de maternité et de prestations parentales combinées. Comme c’est ce qu’elle avait l’intention de faire, la division générale a conclu qu’elle avait choisi les prestations parentales standards.

[6] La Commission a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et qu’elle a fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes en accueillant l’appel.

[7] J’ai décidé que la division générale avait commis une erreur de droit. J’ai également décidé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, à savoir que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et que ce choix était irrévocable.

Questions en litige

[8] Je me suis concentrée sur les questions suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne respectant pas la jurisprudence contraignante?
  2. b) Dans l’affirmative, quelle est la meilleure façon de corriger l’erreur de la division générale?

Analyse

[9] Je peux intervenir dans la présente affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc vérifier si la division générale aNote de bas de page 1 :

  • omis d’offrir une procédure équitable;
  • omis de décider d’une question qu’elle aurait dû trancher ou décidé d’une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • mal interprété ou appliqué la loi;
  • fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

Contexte

[10] Il existe deux types de prestations parentales :

  • Prestations parentales standards - le taux de prestations est de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la partie prestataire, jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 35 semaines de prestations sont payables à un parent.
  • Prestations parentales prolongées - le taux des prestations est de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable des prestataires, jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 61 semaines de prestations sont payables à un parent.

[11] La prestataire a présenté une demande de prestations de maternité et de prestations parentales le 9 juin 2021Note de bas de page 2.

[12] La prestataire a dit qu’elle voulait recevoir des prestations parentales immédiatement après les prestations de maternité. Elle a choisi l’option des prestations parentales prolongées. On lui a demandé combien de semaines de prestations elle souhaitait recevoir, et elle a choisi 52 semaines dans le menu déroulantNote de bas de page 3.

[13] Le premier versement de prestations parentales prolongées de la prestataire a été effectué le 12 septembre 2021Note de bas de page 4. La prestataire est retournée au travail le 1er juin 2022, mais elle a continué de recevoir des prestations. Le 8 septembre 2022, la prestataire a informé la Commission qu’elle était retournée au travail. Cela a entraîné un trop-payé de prestationsNote de bas de page 5. 

[14] La prestataire a demandé une révision et a dit qu’elle avait l’intention de prendre un an de congé de maternité. Elle a fait une erreur dans la demande lorsqu’elle a choisi les prestations parentales prolongéesNote de bas de page 6.

[15] La Commission a déclaré qu’il était trop tard pour que la prestataire change d’option parce qu’elle avait déjà reçu des prestations parentales. La prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal.

La décision de la division générale

[16] La division générale a accueilli l’appel de la prestataire. Elle a conclu que celle-ci avait commis une erreur lorsqu’elle a choisi les prestations parentales prolongées dans son formulaire de demande et qu’elle avait l’intention de choisir les prestations parentales standardsNote de bas de page 7.

[17] La division générale a conclu que la prestataire avait choisi l’option prolongée dans son formulaire de demande. Elle a également conclu qu’elle devait tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents pour déterminer l’option de prestations parentales qu’il est probable que la prestataire ait choisieNote de bas de page 8.

[18] À la lumière de la preuve, elle a conclu qu’il était plus probable que la prestataire ait choisi les prestations standards parce qu’elle avait l’intention de s’absenter du travail pendant un an. Comme il s’agissait de son intention, elle a conclu que la prestataire avait en fait choisi de recevoir les prestations parentales standardsNote de bas de page 9.

Appel de la Commission à la division d’appel

[19] La Commission soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs dans sa décision. Elle affirme que la division générale a commis une erreur de droit en ne respectant pas la jurisprudence pertinente de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale. La Commission dit que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que la prestataire avait choisi de recevoir les prestations parentales standards parce que c’était ce qu’elle avait l’intention de faire.

[20] La prestataire n’a pas assisté à l’audience ni déposé d’observations écrites.

La division générale a commis une erreur de droit en ne respectant pas la jurisprudence contraignante

[21] Dans sa décision, la division générale n’a pas fait référence à la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Karval ni tenu compte de cette décisionNote de bas de page 10. Plus précisément, elle n’a pas mentionné ni appliqué les conclusions de la Cour fédérale concernant les références claires au taux de prestations et à l’irrévocabilité d’un choix dans le formulaire de demande.

[22] Dans la décision Karval, la Cour fédérale a conclu qu’il incombe à la partie prestataire de lire attentivement les options disponibles et d’essayer de les comprendre. Si quelque chose n’est pas clair, la partie prestataire devrait s’informer auprès de la Commission. La Cour fédérale a conclu que les questions du formulaire de demande ne prêtent pas objectivement à confusion et qu’il ne manque pas d’information dans les explications qui y figurentNote de bas de page 11.

[23] Dans l’affaire Karval, la Cour fédérale a déclaré que les différents taux de prestations (55 % de la rémunération hebdomadaire pour les prestations standards et 33 % pour les prestations prolongées) et l’irrévocabilité du choix sont clairement énoncés dans le formulaire de demandeNote de bas de page 12.

[24] La décision Karval est contraignante. Cela signifie que la division générale devait l’examiner. Si la division générale a choisi de ne pas suivre les principes énoncés dans cette décision, elle devait expliquer pourquoiNote de bas de page 13.

[25] La décision Karval précise qu’une partie prestataire qui lit attentivement le formulaire de demande verrait que le taux des prestations prolongées sera réduit à 33 % de la rémunération hebdomadaire. La partie prestataire verrait aussi que son choix serait irrévocable une fois que des prestations ont été verséesNote de bas de page 14.

[26] Dans une décision récente rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Procureur général) c Hull, la Cour a conclu que les principes énoncés dans l’affaire Karval s’appliquaient malgré les différences de fait. Dans cette affaire, la prestataire a également demandé 52 semaines de prestations parentales prolongées, ce qui représente une année de prestations de maternité et de prestations parentales combinées. La Cour a confirmé le principe énoncé dans la décision Karval selon lequel « il n’existe aucun recours juridique pour les prestataires ayant fondé leur choix sur une mauvaise compréhension du régime de prestations parentalesNote de bas de page 15 ».

[27] La division générale a conclu que la prestataire avait choisi par erreur les prestations prolongées parce qu’elle voulait demander 52 semaines de prestations de maternité et de prestations parentales combinées. La division générale a commis une erreur de droit en omettant de suivre les décisions contraignantes de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale lorsqu’elle a rendu cette décision.

[28] Comme j’ai conclu que la division générale a commis une erreur, je n’ai pas à me pencher sur les autres arguments de la Commission.

Je vais corriger l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[29] À l’audience devant moi, la Commission a soutenu que je devais rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 16.

[30] Je suis d’accord. J’estime qu’il s’agit d’un cas approprié pour remplacer ma propre décision. Les faits ne sont pas contestés et le dossier de preuve est suffisant pour me permettre de rendre une décision.

La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et son choix était irrévocable

[31] La division d’appel et la division générale ont rendu un certain nombre de décisions concernant le choix des prestations parentales standards ou prolongées. Dans bon nombre de ces décisions, le Tribunal a examiné le type de prestations que la partie prestataire a effectivement choisi. Lorsque le formulaire de demande contient des renseignements contradictoires, le Tribunal a décidé quelle option il était plus probable que la partie prestataire ait choisie. Dans d’autres cas, le Tribunal a tenu compte de l’intention de la partie prestataire en faisant son choix.

[32] La décision rendue récemment par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Hull portait sur l’interprétation appropriée des articles 23(1.1) et 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi. L’article 23(1.1) prévoit qu’une partie prestataire doit choisir les prestations standards ou prolongées lorsqu’elle présente une demande de prestations parentales. L’article 23(1.2) prévoit que le choix est irrévocable dès que des prestations sont versées.

[33] Dans l’affaire Hull, la prestataire avait sélectionné l’option des prestations parentales prolongées dans son formulaire de demande et elle avait demandé 52 semaines de prestations parentales après les prestations de maternité. La prestataire a reçu des prestations parentales prolongées pendant plusieurs mois avant de se rendre compte de son erreur. Elle avait été déroutée par le formulaire de demande et avait l’intention de recevoir des prestations de maternité et des prestations parentales combinées pendant un an. La division générale a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, elle avait choisi de recevoir les prestations parentales standards.

[34] Dans l’affaire Hull, la Cour a déclaré ce qui suit :

La question de droit pour l’application du paragraphe 23(1.1) de la Loi sur l’AE est la suivante : le mot « choisit » s’entend-il du choix de prestations parentales que la prestataire indique dans son formulaire de demande ou du choix que la prestataire « avait l’intention » de faireNote de bas de page 17?

[35] La Cour a conclu que le choix d’une partie prestataire est celui qu’elle indique dans son formulaire de demande, et non ce qu’elle pouvait avoir l’intention de choisirNote de bas de page 18. Elle a également conclu qu’une fois que le versement des prestations parentales a commencé, le choix ne peut pas être révoqué par la partie prestataire, la Commission ou le TribunalNote de bas de page 19.

[36] En appliquant la décision de la Cour dans l’affaire Hull à la situation de la prestataire, il est clair qu’elle a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées. C’est l’option choisie dans le formulaire de demande. Elle a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées pendant 52 semaines. Une fois que le versement de ces prestations a commencé, le choix était irrévocable.

[37] Il est clair que la prestataire n’avait pas l’intention de demander 52 semaines de prestations parentales prolongées après les 15 semaines de prestations de maternité. Je suis d’accord avec la division générale et la prestataire pour dire que la preuve laisse entendre qu’elle a toujours eu l’intention de prendre un congé d’un an.

[38] Malheureusement, la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Hull a clairement indiqué que la case choisie dans le formulaire de demande et le nombre de semaines indiqué constituent le choix, peu importe l’intention de la partie prestataire.

[39] Dans l’affaire Hull, la Cour a déclaré que le choix fait par la prestataire dans sa demande entre les prestations parentales standards et les prestations parentales prolongées. Je comprends que la date de retour au travail de la prestataire contredit ce choix. Toutefois, la loi exige qu’un choix soit fait entre les prestations standards et les prestations prolongées au moment de présenter une demande de prestations, et la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il s’agit du choix de la prestataire, même si ce n’est pas ce qu’elle avait l’intention de faireNote de bas de page 20.

[40] Le Parlement a choisi de ne pas inclure d’exceptions à l’irrévocabilité du choix. Il est malheureux pour la prestataire qu’une simple erreur dans un formulaire de demande puisse avoir des conséquences financières importantes pour elle. Je suis sensible à sa situation. Toutefois, je dois appliquer la loi telle qu’elle est écriteNote de bas de page 21. Je conclus que la loi et la jurisprudence confirment qu’un choix ne peut pas être révoqué sur la base d’une erreur.

[41] Dans l’affaire Hull, la Cour a déclaré ce qui suit :

[…] lorsque la prestataire indique dans le formulaire de demande son choix du type de prestations parentales et du nombre de semaines pendant lesquelles elles seront versées, et dès lors que ces prestations sont versées, il est impossible de changer, modifier, annuler ou révoquer ce choix. Le versement des prestations rend donc le choix irrévocableNote de bas de page 22.

[42] Les parties prestataires peuvent modifier leur choix après avoir présenté leur formulaire de demande, mais avant le versement des prestations parentales. Elles peuvent créer un compte auprès de Service Canada pour vérifier la date de début et le taux de leurs prestations de maternité et de leurs prestations parentales. Cela leur permet de s’assurer que le choix qu’elles ont fait dans leur formulaire de demande correspond à leur intention.

[43] Je comprends que le choix de prestations parentales prolongées de la prestataire était une erreur. Elle avait l’intention de choisir les prestations standards. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a clairement indiqué que son intention au moment où elle a rempli le formulaire n’est pas pertinente pour son choix.

[44] La prestataire a choisi les prestations parentales prolongées dans son formulaire de demande. C’était son choix et, après que des prestations lui ont été versées, il est devenu irrévocable.

Conclusion

[45] L’appel est accueilli. La prestataire a choisi les prestations parentales prolongées et son choix était irrévocable.

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