Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 221

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (567414) datée du 3 février 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 12 juillet 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 17 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-23-591

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a été suspendu de son emploi. Son employeur affirme qu’il a été suspendu parce qu’il a agi contre sa politique de vaccination : il ne s’est pas fait vacciner.

[4] Bien que l’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme qu’agir contre la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions en litige

[6] L’appelant a-t-il été suspendu ou congédié de son emploi?

[7] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

L’appelant a-t-il été suspendu ou congédié de son emploi?

[8] L’employeur a suspendu l’appelant de son emploi le 1er novembre 2021. Il l’a ensuite congédié le 3 janvier 2022. La raison du congédiement fournie par l’employeur, c’est que l’appelant ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19. Le 16 novembre 2021, l’employeur a produit un relevé d’emploi qui reflète cette situation.

[9] Dans une lettre non datée qu’il a envoyée à l’appelant, l’employeur a indiqué qu’il le suspendait sans solde à compter du 2 novembre 2021 pour non-conformité à une directive donnée dans sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[10] Le 22 décembre 2022, l’employeur a produit un relevé d’emploi modifié. Il a modifié la raison d’émission du relevé d’emploi pour remplacer le congédiement par une période de congé. L’employeur a déclaré à la Commission que sa politique relative à la COVID-19 avait changé et qu’il avait modifié sa décision de congédier l’appelant et décidé de le placer en congé sans solde.

[11] L’appelant affirme que son employeur a remplacé son congédiement par un congé sans solde, ce qu’il n’a pas demandé ni accepté.

[12] Je conclus que le fait que l’employeur ait modifié sa décision de façon à passer d’un congédiement à un congé est la même chose que de la remplacer par une suspension. Je suis d’avis que l’employeur a sanctionné l’appelant parce qu’il n’a pas fait une chose qu’il exigeait de lui. C’est ce que l’employeur a expliqué dans sa lettre à l’appelant.

[13] Je conclus, à partir du relevé d’emploi modifié de l’employeur, qu’il a remplacé la forme de mesure disciplinaire imposée à l’appelant pour remplacer un congédiement par une suspension. De plus, j’estime qu’il importe peu que l’appelant n’ait pas demandé la [traduction] « période de congé » ou qu’il n’y ait pas consenti.

Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi?

[14] J’estime que l’appelant a été suspendu de son emploi parce qu’il a agi contre la politique de vaccination de son employeur.

[15] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas obtenir des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[16] Pour décider si l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pourquoi l’appelant a été suspendu de son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

[17] L’appelant affirme qu’il a agi contre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur et qu’il a donné les raisons pour lesquelles il ne l’a pas respectée. Il dit qu’on ne lui a pas donné d’autre solution que de se faire vacciner.

[18] La Commission affirme que l’appelant ne s’est pas conformé à la politique de son employeur sur le vaccin contre la COVID-19 pour des raisons personnelles.

[19] L’appelant ne conteste pas la raison pour laquelle son employeur l’a suspendu. Même s’il pense que son employeur aurait pu lui proposer des solutions autres que de se faire vacciner, je suis d’avis que l’appelant a été suspendu de son emploi parce qu’il a agi contre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

La raison de la suspension de l’appelant est-elle une inconduite selon la loi?

[20] Selon la loi, la raison de la suspension de l’appelant est une inconduite.

[21] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions des tribunaux) aide à décider si la suspension de l’appelant est le résultat d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en compte quand on examine la question de l’inconduite.

[22] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 5.

[23] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 6.

[24] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et évaluer s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[25] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 9.

[26] Je peux trancher seulement les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à l’appelant. Je n’ai pas à décider si son employeur l’a injustement suspendu ou aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 10. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[27] Dans une décision de la Cour d’appel fédérale qui s’intitule McNamara, un prestataire a affirmé qu’il devrait avoir droit à des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait injustement congédiéNote de bas de page 11. Il avait perdu son emploi à cause de la politique de son employeur sur le dépistage de drogues. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié, car le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de croire qu’il était incapable de travailler de façon sécuritaire parce qu’il aurait consommé de la drogue. De plus, les résultats de son test de dépistage précédent auraient dû être toujours valides.

[28] La Cour d’appel fédérale a répondu en faisant remarquer qu’elle a toujours affirmé que, dans les dossiers d’inconduite, la question est de savoir si l’action ou l’omission de la personne employée est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, que la personne ait été injustement congédiée ou nonNote de bas de page 12.

[29] La Cour d’appel fédérale a aussi dit que l’interprétation et l’application de la loi se concentrent sur le comportement de la personne employée, et non sur celui de l’employeur. Elle a fait remarquer qu’il y avait d’autres solutions pour les personnes injustement congédiées. Ces solutions pénalisent le comportement de l’employeur au lieu de faire en sorte que les actions de l’employeur coûtent de l’argent aux contribuables en versements de prestationsNote de bas de page 13.

[30] Dans une affaire plus récente intitulée Paradis, un prestataire a été congédié pour avoir échoué à un test de dépistage de droguesNote de bas de page 14. Le prestataire a soutenu qu’il avait été injustement congédié, car les résultats du test montraient qu’il n’avait pas travaillé avec les facultés affaiblies. Il a affirmé que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à sa politique et à la loi provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara et a dit que le comportement de l’employeur n’était pas un facteur pertinent pour évaluer s’il y avait eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 15.

[31] Dans une autre affaire semblable intitulée Mishibinijima, un prestataire a perdu son emploi en raison de son trouble lié à la consommation d’alcoolNote de bas de page 16. Le prestataire a soutenu que son employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation parce que son trouble lié à la consommation d’alcool est considéré comme une déficience. La Cour d’appel fédérale a encore une fois affirmé qu’il fallait se concentrer sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait. Le fait que l’employeur ne lui avait pas offert de mesures d’adaptation n’était pas pertinentNote de bas de page 17.

[32] Ces dossiers ne portent pas sur les politiques de vaccination contre la COVID-19. Mais ce qu’ils disent est tout de même pertinent. Mon rôle n’est pas d’évaluer le comportement ou les politiques de l’employeur et d’établir s’il a eu raison de suspendre l’appelant. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou a omis de faire et décider s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[33] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu inconduite parce que l’employeur n’a pas proposé de solutions autres que de se faire vacciner. Il affirme également que l’employeur n’était pas prêt à assumer la responsabilité s’il subissait les effets indésirables du vaccin.

[34] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Elle affirme que l’appelant connaissait les conséquences de la non-conformité, mais qu’il a pris la décision personnelle de ne pas se faire vacciner, ce qui a entraîné sa suspension.

[35] Je considère que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, parce que l’appelant savait qu’il pouvait perdre son emploi s’il agissait contre la politique de son employeur sur le vaccin contre la COVID-19. Cependant, il a choisi de ne pas se faire vacciner.

[36] Dans sa demande de prestations, l’appelant a déclaré qu’il avait perdu son emploi parce qu’il ne s’était pas fait vacciner contre la COVID-19. Il a dit qu’il avait des problèmes de santé et était père de deux jeunes garçons. L’appelant a déclaré que son employeur n’était pas prêt à autoriser d’autres solutions que la vaccination ou à assumer la responsabilité s’il se faisait vacciner et que quelque chose lui arrivait.

[37] L’employeur a dit à la Commission qu’il avait créé sa politique de vaccination contre la COVID-19 en août 2021, puis qu’il l’avait modifiée environ un mois plus tard. Selon la politique, les personnes employées devaient être entièrement vaccinées au plus tard le 30 octobre 2021.

[38] Conformément à la politique, les personnes employées devaient divulguer leur statut vaccinal au plus tard le 13 septembre 2021, ou assister à une séance de formation obligatoire. Les personnes qui ne pouvaient pas se faire vacciner pour une raison relative à un motif protégé lié aux droits de la personne pouvaient demander à l’employeur de prendre des mesures d’adaptation pour elles. Mais celles qui vont à l’encontre de la politique peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[39] L’employeur a envoyé à la Commission des copies des messages concernant sa politique de vaccination contre la COVID-19 qu’il dit avoir envoyés à ses employés. L’un d’eux est daté du 19 août 2021. Il précise que tout le personnel devra divulguer son statut vaccinal et en fournir la preuve au plus tard le 13 septembre 2021, ou assister à une séance de formation sur les avantages du vaccin. Le message indique qu’au 30 octobre 2021, le personnel doit être entièrement vacciné.

[40] Le deuxième message de l’employeur, envoyé le 6 octobre 2021, porte sur la suite des choses. Il précise qu’à compter de la semaine du 1er novembre 2021, les membres du personnel qui ne sont pas entièrement vaccinés devront rencontrer leurs gestionnaires ou superviseurs et que s’ils n’ont pas reçu les deux doses du vaccin, ils seront suspendus sans solde pendant six semaines. Après cette échéance, le 13 décembre 2021, les personnes employées qui ne fournissent pas de preuve de vaccination complète seraient congédiées.

[41] L’appelant a déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir vu ces messages. Cependant, il a confirmé qu’il en connaissait le contenu parce que l’employeur en avait parlé au personnel. L’appelant a dit que l’employeur avait fait faire à ses employés une [traduction] « marche à la mort d’un mois et demi », au cours de laquelle on avait dit que si les gens ne se faisaient pas vacciner, ils seraient congédiés.

[42] Je conclus, à partir du témoignage de l’appelant, qu’il connaissait la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Il a déclaré qu’entre le 19 août et le 31 octobre 2021, l’employeur lui a dit que les personnes employées qui n’étaient pas vaccinées seraient congédiées. Même si l’appelant peut ne pas avoir vu les messages écrits de l’employeur, je considère qu’il connaissait les échéances et les conséquences de l’opposition à la politique.

[43] L’appelant a déclaré avoir parlé à son médecin de la vaccination en raison de ses problèmes de santé. Il a ajouté qu’à cause de ses problèmes de santé, il n’était pas prêt à se faire injecter un vaccin expérimental. Il a ajouté qu’il connaissait de nombreuses personnes en bonne santé qui ont eu un cancer et qui sont mortes un mois après s’être fait vacciner. Cependant, l’appelant a dit que son médecin n’était pas disposé à mettre son permis d’exercer la médecine en jeu pour appuyer une demande de mesures d’adaptation médicales.

[44] L’appelant a déclaré que son employeur n’était pas prêt à signer son avis de responsabilité ni à fournir au personnel une preuve indiquant que le vaccin était sécuritaire. Il a affirmé que l’employeur avait simplement dit que les personnes employées devaient se faire vacciner, sinon elles seraient congédiées. L’appelant a déclaré que certains employés avaient des preuves médicales ou religieuses montrant qu’ils n’étaient pas en mesure de se faire vacciner, mais que l’employeur n’a offert de mesures d’adaptation à personne.

[45] L’appelant a dit effectuer son travail à l’extérieur et avoir très peu de contacts avec d’autres personnes. Il a ajouté qu’il avait toujours respecté les consignes de distanciation sociale. L’appelant a expliqué en quoi consistait son emploi. Il a déclaré qu’il aurait pu continuer à porter le masque lorsqu’il était à l’extérieur et pratiquer la distanciation sociale. Il a dit que la seule inconduite qui s’est produite était de la part de l’employeur.

[46] Je retiens que l’appelant avait des préoccupations au sujet de la vaccination contre la COVID-19. Je comprends également qu’il estime que son employeur aurait pu lui offrir des solutions autres que la vaccination, d’autant plus qu’il travaillait à l’extérieur. Cependant, ce n’est pas mon rôle de décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou s’il aurait dû offrir des mesures d’adaptation à l’appelant. Je n’ai pas non plus à décider si le vaccin est sécuritaire et efficace.

[47] Je conclus que la décision de l’appelant de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 et de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur était délibérée. Il a fait le choix conscient, délibéré et intentionnel de ne pas se faire vacciner. Il l’a fait en sachant qu’il serait suspendu. Voilà pourquoi je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite.

Alors, l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[48] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[49] En effet, les agissements de l’appelant ont mené à sa suspension. Il a agi délibérément. Il savait que son refus de se faire vacciner allait probablement entraîner sa suspension.

Conclusion

[50] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[51] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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