Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 436

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale — section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (515214) datée du
25 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 22 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 7 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3555

Sur cette page

Décision

[1] C. L. est l’appelant. Je rejette son appel.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a démontré que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension, puis son congédiement). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] L’employeur de l’appelant affirme qu’il a été suspendu puis congédié parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Il a refusé de se faire entièrement vacciner contre la COVID-19.

[4] Même si l’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme que le non-respect de la politique de vaccination de l’employeur ne constitue pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison de l’employeur pour la suspension et le congédiement. La Commission a décidé que l’appelant a été suspendu et congédié en raison de son inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelant était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] L’appelant n’est pas d’accord avec la décision de la Commission de lui refuser des prestations. Il porte en appel cette décision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Questions que je dois examiner en premier

Une partie mise en cause potentielle

[7] Parfois, le Tribunal envoie à l’ancien employeur d’une partie appelante une lettre lui demandant s’il souhaite être ajouté comme partie à l’appel. Pour être une partie mise en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause dans le présent appel. En effet, rien dans le dossier n’indique que cette décision imposerait des obligations légales à l’employeur.

Document envoyé en retard

[8] Dans l’intérêt de la justice, j’ai accepté le document reçu après l’audience du 22 mars 2023.Note de bas de page 2

[9] Pendant l’audience, l’appelant a lu une déclaration écrite. Il a demandé que le document soit ajouté à son dossier d’appel.

[10] Pour respecter les principes de justice naturelle et d’équité procédurale, j’ai donné à l’appelant la permission de présenter une copie de cette déclaration immédiatement après l’audience. Une copie de ce document a été envoyée à la Commission. La Commission aurait eu l’occasion de répondre à cette déclaration si elle s’était présentée à l’audience. J’ai donc conclu qu’en ajoutant le document tardif au dossier d’appel, je ne causerais pas préjudice à l’une ou l’autre des parties.

Questions en litige

[11] L’appelant a-t-il été suspendu et congédié en raison d’une inconduite?

Analyse

[12] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique dans les cas de suspension et de congédiement.Note de bas de page 3

[13] Pour décider si l’appelant a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison il a été suspendu et congédié. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il été congédié?

[14] Personne ne conteste le fait que l’appelant a été suspendu puis congédié parce qu’il a refusé de se faire entièrement vacciner contre la COVID-19 au plus tard le 5 janvier 2022, comme l’exige la politique de l’employeur. Il admet avoir fait un choix personnel de ne pas se faire vacciner. L’appelant a déclaré que c’est la raison pour laquelle il a été suspendu et congédié.

[15] Je conclus donc que l’appelant a été suspendu puis congédié de son emploi parce qu’il a refusé d’être entièrement vacciné contre la COVID-19, comme l’exige la politique de vaccination obligatoire de l’employeur.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la loi?

[16] Oui. Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Voici ce dont j’ai tenu compte.

[17] Pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite de l’appelant était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 4 L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 5

[18] Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 6

[19] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit congédié pour cette raison.Note de bas de page 7

[20] La Commission doit prouver que l’appelant a été congédié en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été congédié en raison d’une inconduite.Note de bas de page 8

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’appelant a été informé de la politique obligatoire de l’employeur le 1er décembre 2021. Cette politique exige que tous les employés soient entièrement vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 5 janvier 2022.
  • L’appelant a fait le choix personnel de ne pas recevoir la deuxième dose.
  • L’appelant savait et comprenait qu’il pouvait être mis en congé sans solde (suspendu) et qu’il pouvait être licencié s’il ne respectait pas la politique.
  • L’appelant n’a pas demandé d’exemption religieuse ou médicale.

[22] L’appelant affirme que la politique obligatoire de l’employeur ne lui permettait pas de donner son consentement éclairé. Cela troublait sa conscience et allait à l’encontre de son droit à l’autonomie corporelle. Il affirme que son employeur a refusé de lui fournir d’autres méthodes de dépistage. Son employeur a refusé de lui permettre de continuer à travailler de la maison. Il a soutenu qu’il cherchait une autre option pour continuer à travailler sans se faire vacciner.

[23] L’appelant affirme que son refus de se faire vacciner contre la COVID-19 n’a pas nui à sa capacité d’accomplir ses tâches. Il travaillait de la maison depuis mars 2020. Il a fait valoir que son congédiement ne cadre pas avec une non-conformité parce qu’il avait réussi à travailler de la maison depuis plus d’un an. 

[24] Lorsqu’une partie prestataire, par ses propres actions, ne peut plus fournir les services qui lui sont demandés en vertu du contrat de travail et, par conséquent, perd son emploi, elle « ne peut faire assumer par d’autres le risque de son chômage, pas plus qu’une personne qui quitte volontairement son emploi ».Note de bas de page 9 Après sa suspension et son congédiement, l’appelant n’a pas été en mesure d’effectuer les services prévus à son contrat de travail, malgré sa capacité continue à le faire. Sa suspension et son congédiement découlaient directement du fait qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur. C’est son refus de respecter la politique, ainsi que la suspension et le congédiement qui en ont découlé, qui ont empêché l’appelant d’exercer ses fonctions.Note de bas de page 10

[25] L’appelant affirme qu’il n’a pas manqué à une obligation expresse ou implicite de son contrat de travail. Selon lui, l’employeur qui a modifié unilatéralement son contrat de travail.

[26] Il ne s’agit pas ici de décider si la suspension et le congédiement sont justifiés ou non au sens du droit du travail. Je dois plutôt décider, selon une évaluation objective de la preuve, si les gestes de l’appelant étaient de nature à lui permettre normalement de prévoir qu’ils entraîneraient vraisemblablement sa suspension et son congédiement.Note de bas de page 11

[27] L’appelant savait que la politique exigeait que tout le personnel soit entièrement vacciné contre la COVID-19 au plus tard le 5 janvier 2022. La politique s’appliquait à tout le monde, [traduction] « peu importe où les employés travaillaient ». Il savait également que les employés qui n’étaient pas entièrement vaccinés pouvaient faire l’objet de mesures disciplinaires, y compris un congé sans solde (suspension) et un congédiement.    

[28] Au cours de l’audience, l’appelant a fait référence à une autre décision rendue par un membre de ce Tribunal dans l’affaire intitulée AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada.Note de bas de page 12 Il affirme que son appel est comme celui d’AL parce qu’A.L. a soutenu que son inconduite n’était pas un manquement au devoir. L’appelant affirme qu’aucune loi provinciale ou fédérale ne l’obligeait à se faire vacciner contre la COVID-19, alors la prise du vaccin était volontaire.   

[29] Je remarque qu’A.L. était une employée syndiquée dont la convention collective n’exigeait pas la vaccination contre la COVID-19. L’appelant en l’espèce n’était pas un employé syndiqué. A.L. travaillait dans le domaine des soins de santé directement avec des patients, mais elle travaillait seule à la maison, tout comme l’appelant.  

[30] Cela dit, je ne suis pas tenue de suivre les décisions rendues par ce Tribunal.Note de bas de page 13 Je peux m’y fier pour me guider si je les trouve convaincantes ou utiles.

[31] En toute déférence, je ne suis pas convaincue par les conclusions ou les motifs du membre dans la décision AL. Si je comprends bien, ce membre a rendu sa décision à la lumière de ses conclusions concernant les actions unilatérales de l’employeur, soit la mise en œuvre de la politique, et la question de savoir si le refus du prestataire de se faire vacciner était légalement justifié.

[32] Cependant, la loi ne prévoit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeur.Note de bas de page 14 Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 15

[33] Comme je l’ai mentionné plus haut, je ne suis pas tenue de suivre les autres décisions rendues par ce Tribunal.Note de bas de page 16 Je suis tenue de suivre les décisions rendues par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale.

[34] La Cour fédérale a récemment rendu une décision dans l’affaire intitulée Cecchetto v Procureur général du Canada. La Cour a rejeté une demande de contrôle judiciaire d’un appelant qui a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19.Note de bas de page 17

[35] M. Cecchetto travaillait dans un hôpital. On lui a refusé des prestations d’assurance-emploi parce qu’on a conclu qu’il avait été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite. Ce prestataire n’a pas respecté la directive provinciale exigeant la vaccination contre la COVID-19 des travailleurs hospitaliers.

[36] Dans l’affaire Cecchetto, la Cour a confirmé que le Tribunal de la sécurité sociale n’a ni le mandat ni la compétence d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la politique de vaccination d’un employeur ni de se prononcer sur cette question.

[37] Je ne peux pas décider si l’appelant avait d’autres options en vertu d’autres lois ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour l’appelant.Note de bas de page 18 Ces questions peuvent être traitées devant d’autres instances.Note de bas de page 19 Je ne peux examiner qu’une seule chose : si l’acte ou l’omission de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[38] Je reconnais que l’appelant avait le droit de décider s’il souhaitait être entièrement vacciné contre la COVID-19. Cependant, il savait qu’il s’exposait à des conséquences en refusant de suivre la politique de l’employeur, laquelle indique qu’il doit être vacciné contre la COVID-19. Dans la présente affaire, il s’agissait d’une suspension et d’un congédiement. 

[39] À la lumière des faits décrits ci-dessus, je conclus que la Commission a démontré qu’il y a eu inconduite parce que le refus de l’appelant de se faire entièrement vacciner contre la COVID-19 était délibéré ou intentionnel. Il y avait un lien de cause à effet entre son refus de se faire vacciner et sa suspension (puis son congédiement). Je conclus donc que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[40] La période de prestations de l’appelant a commencé le 10 avril 2022, après son congédiement. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 10 avril 2022.

Conclusion

[41] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu, puis congédié en raison d’une inconduite.

[42] L’appel est rejeté.

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