Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ED c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 247

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décisions découlant de la révision de la Commission
de l’assurance-emploi du Canada (546003 et 537325)
datées du 13 octobre 2022 (communiquées par
Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 20 juillet 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 27 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-22-3603, GE-22-3604

Sur cette page

Décision

[1] E. D. est l’appelant. La Commission de l’assurance-emploi du Canada affirme qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. L’appelant fait appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel de l’appelant. Je conclus que la raison de sa suspension est une inconduite au sens de la loi. Cela signifie qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant qu’il était en congé sans solde.

[3] Je conclus également que je n’ai pas le pouvoir de décider s’il était fondé à quitter son emploi. En effet, la Commission a seulement rendu sa décision initiale sur cette question. La Commission n’a pas encore rendu de décision de révision sur cette question. La loi me permet d’instruire un appel sur une question seulement après la révision de la Commission. L’appelant devrait demander à la Commission de réviser sa décision s’il n’est pas d’accord avec sa décision initiale sur la question de savoir s’il était fondé à quitter son emploi.

Aperçu

[4] L’employeur de l’appelant a mis en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19. Aux termes de la politique, l’employeur s’attendait à ce que tous les employés présentent une preuve de vaccination contre la COVID-19 ou bénéficient d’une exemption approuvée de la politique. L’appelant a demandé une exemption à la politique, mais l’employeur a refusé sa demande. Ainsi, son employeur s’attendait à ce que l’appelant présente une preuve de vaccination contre la COVID-19, mais l’appelant ne l’a pas fait. L’employeur l’a donc mis en congé sans solde. Après environ six mois de congé sans solde, l’appelant a démissionné.

[5] La Commission affirme que le congé sans solde signifie que l’employeur a suspendu l’appelant. La Commission affirme que la raison de la suspension est une inconduite. En effet, la Commission affirme que l’appelant était au courant de la politique et savait que l’employeur le suspendrait s’il ne respectait pas la politique. La Commission affirme qu’il a agi délibérément lorsqu’il a choisi de ne pas suivre la politique de l’employeur.

[6] La Commission affirme également que je n’ai pas le pouvoir de rendre une décision sur la question de savoir si l’appelant était fondé à quitter son emploi en juillet 2022. En effet, la Commission affirme qu’elle n’a pas encore révisé cette question.

[7] En ce qui concerne mon pouvoir de rendre une décision sur la question de savoir s’il était fondé à quitter son emploi, l’appelant n’a présenté aucun argument. Cependant, il affirme qu’il n’a pas été suspendu en raison d’une inconduite. Il dit qu’il a le droit de prendre ses propres décisions en matière de vaccination. Il ne croit pas que le vaccin contre la COVID-19 est sécuritaire et efficace.

Question que je dois examiner en premier

L’appelant et la Commission s’entendent sur la date du début de la période de prestations

[8] L’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi environ trois mois après son dernier jour de travail. Il a demandé à la Commission de traiter sa demande comme s’il l’avait présentée immédiatement après son dernier jour de travail. La Commission appelle cela l’antidatation d’une demande.

[9] La Commission a d’abord refusé d’antidater la demande de l’appelant. Cependant, au cours du processus de révision, la Commission a modifié sa décision. Elle a décidé d’antidater la demande de l’appelant et de la traiter comme s’il l’avait présentée immédiatement après son dernier jour de travail.

[10] Lorsque l’appelant a déposé son appel au Tribunal, il a joint la lettre de révision à la décision d’antidatation. Par conséquent, le Tribunal a créé un appel pour la question de l’antidatation. Cependant, lors de l’audience, l’appelant a déclaré qu’il ne voulait pas faire appel de la décision de la Commission concernant l’antidatation de sa demande. Il a dit qu’il était d’accord avec la décision de la Commission de commencer sa période de prestations immédiatement après son dernier jour de travail.

[11] Je ne déciderai donc pas si l’appelant avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi. La décision de la Commission d’antidater la demande de l’appelant à son dernier jour de travail demeurera en vigueur.

Question en litige

[12] D’abord, je dois décider si la raison pour laquelle l’appelant a cessé de travailler est une inconduite. Autrement dit, son employeur l’a-t-il suspendu en raison d’une inconduite?

[13] Je vais ensuite examiner la démission de l’appelant. Je vais décider si j’ai le pouvoir d’instruire un appel sur cette question.

Analyse

Inconduite

[14] Selon la loi, une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique dans les cas de suspension et de congédiement.Note de bas de page 1

[15] Pour répondre à la question de savoir si l’appelant a cessé de travailler en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pourquoi l’appelant a cessé de travailler. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il cessé de travailler?

[16] La Commission affirme que l’appelant a cessé de travailler en raison d’une suspension. La Commission affirme que son employeur l’a suspendu parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[17] L’appelant affirme que son employeur l’a mis en congé sans solde. Il convient qu’il s’agit de la même chose qu’une suspension. Il convient également que la raison de la suspension est qu’il n’a pas respecté la politique de l’employeur concernant la COVID-19. Il n’a pas présenté de preuve de vaccination à son employeur et il n’avait pas réussi à obtenir une exemption approuvée de la politique.

[18] L’appelant et la Commission sont donc tous deux d’accord pour dire que l’appelant a cessé de travailler en raison d’une suspension. Son dernier jour de travail était le 29 janvier 2022. Il a dit à la Commission qu’il avait démissionné le 27 juillet 2022. J’estime que cela signifie que la suspension de l’appelant s’étend du 29 janvier au 27 juillet 2022.

[19] L’appelant et la Commission conviennent que la raison de la suspension est la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[20] Je dois donc décider si les gestes posés par l’appelant – le non-respect de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur – constituent une inconduite au sens de la loi.  

La raison de la suspension de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la loi?

[21] Je conclus que la raison de la suspension de l’appelant est une inconduite au sens de la loi.

[22] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 2 L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 3 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).Note de bas de page 4

[23] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raison.Note de bas de page 5

[24] La Commission doit prouver que l’appelant a cessé de travailler en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a cessé de travailler en raison d’une inconduite.Note de bas de page 6

[25] La Commission affirme que la raison de la suspension de l’appelant est une inconduite. La Commission affirme qu’il connaissait la politique de son employeur. Il savait que l’employeur allait probablement le suspendre s’il ne respectait pas la politique. De plus, la Commission affirme qu’il a agi délibérément lorsqu’il a refusé de prouver qu’il était vacciné contre la COVID-19.

[26] L’appelant n’est pas d’accord. Il dit qu’il a le droit de prendre sa propre décision au sujet de la vaccination. Il ne pense pas que le vaccin contre la COVID-19 soit sécuritaire et efficace. Il dit avoir cotisé au régime de l’assurance-emploi et qu’il devrait recevoir des prestations.

[27] Je suis d’accord avec la Commission. Je conclus que la raison de la suspension de l’appelant est une inconduite au sens de la loi. 

[28] L’appelant et la Commission sont d’accord sur la plupart des faits de base du présent appel.

[29] L’employeur a mis en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19. L’appelant indique avoir pris connaissance de la police en octobre 2021. Aux termes de la politique, l’employeur s’attendait à ce que tous les employés présentent une preuve de vaccination ou bénéficient d’une exemption approuvée de la politique.

[30] L’appelant convient que l’employeur lui a dit qu’il pouvait perdre son emploi ou faire l’objet d’une suspension s’il ne respectait pas la politique. Il a demandé une exemption à la politique, mais l’employeur a refusé sa demande d’exemption. L’appelant affirme que son employeur lui a dit avant la date limite de vaccination qu’il refusait sa demande d’exemption. Il savait que l’employeur s’attendait maintenant à ce qu’il présente une preuve de vaccination avant la date limite.

[31] Malgré cela, l’appelant a choisi de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 et il n’a donc pas fourni de preuve de vaccination à son employeur dans le délai prévu. Il convient que c’est la raison pour laquelle l’employeur l’a suspendu en le plaçant en congé sans solde.

[32] Je peux accepter les faits ci-dessus comme étant véridiques parce que l’appelant et la Commission sont d’accord sur ces faits. Cependant, si j’accepte ces faits, je dois conclure que la raison pour laquelle l’appelant a cessé de travailler est une inconduite au sens de la loi. En effet :

  • L’appelant comprenait la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Il savait qu’il devait présenter une preuve de vaccination ou obtenir une exemption approuvée avant la date limite.
  • Il savait que l’employeur allait probablement le suspendre s’il ne respectait pas la politique.
  • Il savait que l’employeur avait refusé sa demande d’exemption.
  • Malgré cela, il a agi délibérément lorsqu’il a choisi de ne pas suivre la politique et de ne pas montrer de preuve de vaccination à son employeur.
  • Ses gestes, soit le non-respect de la politique de vaccination de l’employeur, ont mené à sa suspension.

[33] Par conséquent, cela signifie que la raison de la suspension de l’appelant est une inconduite au sens de la loi.

Départ volontaire

Ai-je le pouvoir d’instruire un appel sur la question du départ volontaire?

[34] Je conclus que je n’ai pas le pouvoir d’instruire un appel sur la question du départ volontaire. En effet, la Commission n’a pas encore révisé sa décision initiale.

[35] Il y a un processus à suivre lorsqu’une partie prestataire n’est pas d’accord avec une décision concernant ses prestations d’assurance-emploi. Elle doit d’abord demander à la Commission de réviser sa décision. C’est ce qu’on appelle une demande de révision.Note de bas de page 7 Si la partie prestataire n’est toujours pas d’accord avec la décision de la Commission après la révision, elle peut faire appel au Tribunal.Note de bas de page 8

[36] On ne peut pas sauter l’étape de la révision. Une partie prestataire ne peut pas demander au Tribunal de rendre une décision sur ses prestations d’assurance-emploi avant que la Commission ait révisé sa décision. Si le Tribunal tente de rendre une décision sur une question avant que la Commission ne procède à une révision, alors le Tribunal outrepasse sa compétence. C’est une erreur. Le Tribunal n’est pas autorisé à le faire.

[37] Autrement dit, le Tribunal n’a pas le pouvoir de rendre une décision sur une question avant que la Commission ait révisé cette question.

[38] La Commission affirme que je n’ai pas le pouvoir d’instruire un appel sur la question du départ volontaire. Elle dit avoir seulement rendu une décision initiale, et n’a pas encore rendu de décision de révision sur cette question.

[39] À l’audience, j’ai expliqué les arguments de la Commission sur cette question et j’ai demandé à l’appelant de répondre. Cependant, il n’a présenté aucun argument précis sur cette question.

[40] Je suis donc d’accord avec la Commission. J’estime que la preuve démontre que la Commission n’a pas encore rendu de décision de révision sur cette question.

[41] Je conviens que la lettre de décision de révision contient des renseignements sur la décision de la Commission sur la question du départ volontaire. Mais je pense qu’il s’agit probablement d’une erreur. En effet, il n’y a aucun élément de preuve dans le dossier d’appel qui montre que la Commission a d’abord rendu une décision initiale, puis une décision de révision sur la question du départ volontaire.

[42] L’appelant a dit à la Commission qu’il a démissionné le 27 juillet 2022, et qu’il a demandé une révision le 8 août 2022. Cela me montre qu’il est peu probable que la Commission ait eu assez de temps pour rendre une décision initiale, puis une décision de révision sur la question du départ volontaire.

[43] Les comptes rendus de conversation de la Commission montrent également que la Commission a appris que l’appelant avait quitté son emploi alors qu’elle révisait sa décision sur la question de savoir si l’employeur l’avait suspendu pour inconduite.

[44] Ainsi, même si la Commission a utilisé la lettre de décision de révision pour aviser l’appelant de sa décision sur la question de savoir s’il était fondé à quitter son emploi, je juge qu’il s’agit probablement de la première décision de la Commission sur cette question.

[45] De plus, il n’y a aucune preuve qui montre que la Commission a procédé à la révision de cette décision initiale sur la question du départ volontaire. Aucun élément de preuve ne montre qu’un deuxième agent de la Commission a révisé la décision. Aucun élément de preuve ne montre qu’un nouvel agent de la Commission a recueilli des renseignements auprès de l’appelant ou de son employeur pour savoir s’il a choisi de quitter son emploi, ni s’il était fondé à quitter son emploi.

[46] Sans décision de révision, je n’ai pas le pouvoir d’instruire un appel sur la question du départ volontaire. Par conséquent, je ne vais pas aborder la question du départ volontaire dans la présente décision.

[47] Si l’appelant n’est pas d’accord avec la décision de la Commission concernant le départ volontaire, il peut demander à la Commission de réviser sa décision. S’il n’est toujours pas d’accord avec la décision de la Commission après sa révision, il peut déposer un nouvel appel au Tribunal.

Conclusion

[48] Je rejette l’appel de l’appelant. Je conclus qu’il a cessé de travailler parce que son employeur l’a suspendu. Et je conclus que la raison de sa suspension est une inconduite au sens de la loi. Par conséquent, il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension, soit du 29 janvier au 27 juillet 2022.

[49] Je ne vais pas décider si l’appelant a quitté son emploi ni s’il était fondé à quitter son emploi. En effet, je conclus que la Commission n’a pas encore révisé sa décision initiale sur cette question. Je n’ai pas le pouvoir de rendre des décisions sur cette question avant que la Commission ait d’abord révisé sa décision initiale.  

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