Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1703

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (470700) datée du 27 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Angela Ryan Bourgeois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 septembre 2023
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 22 septembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-1494

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] L’appelant a prouvé qu’il avait été disponible pour travailler à partir du 1er juin 2022. Par conséquent, il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter de cette date. Il n’y a toutefois pas droit du 17 janvier 2022 au 31 mai 2022, c’est-à-dire qu’il demeure inadmissible aux prestations pour cause de non-disponibilité au regard de cette période.

Aperçu

[3] Un prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue. Autrement dit, la personne doit être à la recherche d’un emploi.

[4] L’appelant a cessé de travailler en janvier 2022. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 21 janvier 2022, et une période de prestations débutant le 17 janvier 2022 a été établie à son profit.

[5] En mars 2022, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a tenté de communiquer avec l’appelant pour discuter de sa disponibilité pour travailler, en vain. La Commission a donc décidé que l’appelant, n’ayant pas prouvé sa disponibilité pour travailler, était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 17 janvier 2022.

[6] L’appelant a demandé à la Commission de réviser sa décision. Après avoir parlé à l’appelant, la Commission a décidé qu’il n’avait toujours pas prouvé sa disponibilité pour travailler. Selon elle, l’appelant n’était pas disposé à accepter un emploi convenable.

[7] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il était disponible pour travailler. L’appelant doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait été disponible pour travaillerNote de bas de page 1.

Question que je dois examiner en premier

J’ai accepté les documents envoyés après l’audience

[8] L’appelant m’a parlé de démarches qu’il avait faites pour trouver un emploi. Je lui ai accordé un délai pour fournir des éléments de preuve qui corroboreraient ce qu’il m’a dit. L’appelant a fourni des documents (RGD05) dans ce délai. J’ai accepté les documents. Des copies en ont été remises à la Commission. Plus d’une semaine s’est écoulée depuis, et la Commission n’a émis aucune inquiétude relativement à ces documents soumis après l’audience.

Question en litige

[9] L’appelant avait-il été disponible pour travailler?

Analyse

[10] Il existe deux articles de loi distincts obligeant les prestataires à démontrer leur disponibilité pour travailler. La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible selon ces deux articles. Il doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[11] Premièrement, la Loi sur l’ assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 2. Le Règlement sur l’assurance-emploi énonce des critères qui précisent ce que signifient des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 3 ». J’examinerai ces critères ci-dessous.

[12] Deuxièmement, la Loi prévoit qu’une personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 4. La jurisprudence précise ce que la partie prestataire doit prouver à trois égards pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 5. Je vais examiner ces facteurs ci-dessous.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[13] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de l’appelant étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 6. Je dois vérifier si ses démarches ont été constantes et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, l’appelant doit avoir cherché sans cesse un emploi convenable.

[14] Je dois aussi tenir compte des démarches que l’appelant a faites pour trouver un emploi. Le Règlement dresse la liste de certaines activités en matière de recherche d’emploi dont il me faut tenir compte. Ces activités incluentNote de bas de page 7 :

  • l’évaluation des possibilités d’emploi;
  • la participation à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi;
  • la communication avec des employeurs éventuels;
  • la présentation de demandes d’emploi.

[15] La Commission soutient que l’appelant, par ses démarches, ne cherchait pas à obtenir un emploi convenable. Elle dit qu’il essayait de trouver une meilleure occasion d’emploiNote de bas de page 8.

[16] L’appelant dit qu’il essayait de trouver un emploi convenable dans le domaine de la construction ou dans le domaine de la santé et de la sécurité sur les chantiers de construction.

[17] Je conclus que l’appelant faisait des démarches habituelles et raisonnables. Ses démarches visaient à trouver un emploi convenable et ont été constantes.

[18] Je conclus que l’appelant cherchait un emploi convenable. En posant sa candidature auprès de X et de X, il postulait des emplois semblables à son dernier emploiNote de bas de page 9. Après le 31 mai 2022, soit après un délai raisonnable, il a élargi sa recherche à d’autres domaines que son domaine d’emploi habituel, notamment en postulant pour un emploi chez Air CanadaNote de bas de page 10.

[19] L’appelant a fait des démarches de recherche d’emploi de façon constante. Il avait obtenu de l’aide pour mettre à jour son CV. Il s’était inscrit à quatre banques d’emplois en ligneNote de bas de page 11. Il a participé à des événements en ligne et à trois salons de l’emploi où il a postulé des emplois. C’est de cette manière qu’il a obtenu son emploi actuel chez Air Canada. Il a communiqué avec des employeurs potentielsNote de bas de page 12. J’estime que ces activités représentent des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. Et, comme je l’ai conclu plus haut, ses efforts visaient à trouver un emploi convenable.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[20] La jurisprudence établit trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si l’appelant était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelant doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 13 :

  1. a) Il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. b) Il a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner travailler.

[21] Lorsque j’examine chacun de ces facteurs, je dois considérer l’attitude et la conduite de l’appelantNote de bas de page 14.

Vouloir retourner travailler

[22] Au départ, l’appelant ne montrait pas qu’il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert. En effet, il avait refusé un emploi convenable qui lui avait été offert.

[23] L’appelant estime que l’emploi offert chez X n’était pas un emploi convenable puisque le salaire offert était inférieur à son salaire habituel. Son dernier emploi lui permettait de gagner 55 000 $ par année, en plus d’une prime discrétionnaire qui portait son revenu à environ 60 000 $ par année. Il m’a dit qu’il voulait gagner plus de 60 000 $ avec son nouvel emploi.

[24] J’estime que l’emploi chez X était un emploi convenable, compte tenu du type de travail, du taux de rémunération et des conditions de travailNote de bas de page 15.

[25] L’emploi chez X n’était pas exactement celui qu’il faisait avant. Toutefois, comme c’était un poste de chef de chantier, l’emploi faisait appel à de nombreuses compétences qu’il avait mises de l’avant dans sa lettre de présentation pour l’emploi, y compris ses connaissances en construction et en aménagement paysagerNote de bas de page 16.

[26] Comme pour son dernier emploi, le salaire pour l’emploi chez X était de 55 000 $ par année. La preuve concernant le salaire que X lui avait offert n’est pas claire. Il m’a dit que l’offre initiale était de 45 000 $ par année, et qu’elle avait été augmentée lorsqu’il avait demandé plus. Il dit que l’offre révisée approchait, sans atteindre, les 50 000 $ par année. Par contre, il m’a aussi dit qu’on lui avait offert 55 000 $. Je juge que l’emploi offrait un salaire annuel de 55 000 $, comme il m’a mentionné ce montant et avait mentionné ce même montant à la Commission en mai 2022, alors que le montant exact aurait été frais dans son esprit.

[27] Je n’ai pas tenu compte de la prime pour établir son taux de rémunération habituel. En effet, cette prime était discrétionnaire, et il m’a confié que l’employeur la lui avait retirée.

[28] Comme le poste offert comprenait un bon régime d’assurance, les conditions n’étaient pas moins favorables que celles offertes par son dernier emploi.

[29] L’appelant m’a confié qu’il aurait accepté l’offre de X s’il l’avait reçue un mois plus tard. Cependant, lorsque l’offre a été faite, il n’était pas prêt à accepter l’emploi. Il a expliqué pourquoi il ne voulait pas cet emploi à ce moment-là, notamment à cause des sentiments liés à son départ récent. Cependant, ses raisons ne changent rien à mon constat qu’il a refusé un emploi convenable.

[30] En refusant un emploi convenable, l’appelant a montré qu’il n’avait pas le désir de retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[31] J’admets que le désir de l’appelant d’accepter un emploi convenable a changé au fil de son chômage. Je conclus qu’il a prouvé vouloir occuper un emploi convenable à compter du 1er juin 2022. Il a fait montre de ce désir par ses démarches pour trouver du travail, notamment par l’élargissement de sa recherche d’emploi.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[32] L’appelant a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[33] Comme je l’ai mentionné plus haut, il a notamment fait des démarches pour trouver un nouvel emploi en cherchant un emploi en ligne, en échangeant avec des amis et des connaissances, en posant sa candidature à des emplois convenables, en participant à des salons de l’emploi, en s’inscrivant à des banques d’emplois en ligne et en présentant des demandes d’emploi.

[34] Ces démarches sont suffisantes pour répondre aux exigences de ce deuxième facteur, car elles démontrent qu’il cherchait activement un emploi convenable.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[35] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que le retour au travail de l’appelant était indûment limité par une condition personnelle. En effet, j’estime que son souhait de trouver un emploi lui permettant de gagner plus de 60 000 $, alors que son dernier taux de rémunération était de 55 000 $ (sans la prime discrétionnaire), était une condition personnelle. Cette condition limitait ses chances de retourner travailler, puisqu’elle l’a conduit à refuser une offre d’emploi convenable.

[36] Je constate que la mentalité de l’appelant a changé quand il s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi. À compter du 1er juin 2022, cette condition personnelle n’existait plus. Je crois l’appelant quand il dit qu’il aurait accepté l’offre de X si elle avait été faite plus tard. Il avait aussi postulé des emplois dans d’autres domaines que son domaine habituel, chez Air Canada et à la Commission de transport de Toronto, ce qu’il n’avait pas voulu faire avant cette dateNote de bas de page 17. Ces gestes montrent qu’il ne cherchait plus en emploi respectant cette condition. À partir de ce moment, il n’avait plus de condition personnelle limitant indûment ses chances de retourner travailler.

Alors, l’appelant était-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[37] D’après mes conclusions à l’égard des trois facteurs, je conclus que l’appelant a démontré qu’il avait été, à partir du 1er juin 2022, capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

[38] Avant cette date, l’appelant n’avait pas le désir d’accepter un emploi convenable dès qu’un tel emploi lui serait offert, et il limitait ses chances de retourner travailler en voulant trouver un emploi lui rapportant davantage que son travail habituel.

Conclusion

[39] L’appelant a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable dès le 17 janvier 2022. Toutefois, c’est seulement à compter du 1er juin 2022 qu’il a prouvé avoir été capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

[40] Par conséquent, l’appelant demeure inadmissible pour non-disponibilité du 17 janvier 2022 au 31 mai 2022. Par contre, l’inadmissibilité liée à sa disponibilité ne s’applique plus à compter du 1er juin 2022.

[41] L’appel est accueilli en partie.

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