[TRADUCTION]
Citation : MM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1046
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | M. M. |
Partie défenderesse : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Représentante : | Julie Villeneuve |
Décision portée en appel : | Décision rendue par la division générale le 21 décembre 2022 (GE-22-3322) |
Membre du Tribunal : | Neil Nawaz |
Mode d’audience : | Par écrit |
Date de la décision : | Le 3 août 2023 |
Numéro de dossier : | AD-23-63 |
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Décision
[1] L’appel est accueilli. La division générale a agi de façon injuste en procédant sans donner au prestataire la possibilité d’attendre l’issue d’un grief en cours d’instance. J’ai décidé de renvoyer l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience.
Aperçu
[2] Le prestataire, M. M., travaillait comme opérateur de véhicule de transport en commun dans la ville de Brampton. À compter du 18 novembre 2021, la ville l’a placé en congé involontaire à quelques reprises parce qu’il a refusé de fournir la preuve qu’il avait été vacciné contre la COVID-19.Note de bas de page 1 La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi au prestataire parce que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.
[3] La division générale du Tribunal était d’accord avec la Commission. Elle a conclu que le prestataire avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement une suspension ou un congédiement.
[4] Le prestataire a demandé la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il a fait valoir, entre autres choses, que la division générale avait agi injustement en omettant de lui offrir un ajournement en attendant le règlement de son grief devant la Commission des relations de travail de l’Ontario.
[5] Plus tôt cette année, j’ai accordé au prestataire la permission de faire appel parce que j’estimais qu’il avait une cause défendable, soit que la division générale l’avait empêché de présenter ses meilleurs arguments. Lorsque la Commission a présenté des observations écrites indiquant qu’elle était disposée à renvoyer l’affaire à la division générale,Note de bas de page 2 j’ai organisé une conférence de règlement pour voir si les parties pouvait conclure une entente.
[6] Lors de la conférence de règlement, les parties ont conclu une entente.Note de bas de page 3 La présente décision reflète cette entente.
Entente
[7] La Commission a proposé que, dans l’intérêt de la justice naturelle, cette affaire soit renvoyée à la division générale pour une nouvelle audience.Note de bas de page 4 Le prestataire a accepté cette proposition.
Analyse
[8] Pour les motifs qui suivent, j’accepte l’entente des parties. Je suis convaincu que la division générale n’a pas offert au prestataire une audience complète et équitable.
[9] Le 3 décembre 2022, quelques jours avant la date prévue de l’audience de la division générale, le prestataire a envoyé au Tribunal une confirmation écrite qu’il avait présenté une requête devant la Commission des relations de travail de l’Ontario en lien avec son congédiement. Note de bas de page 5 Dans un courriel qui l’accompagnait, le prestataire s’est dit surpris que l’audience se poursuive alors que la requête n’était toujours pas réglée. Note de bas de page 6
[10] La division générale savait déjà que le prestataire avait pris des mesures actives pour défendre son droit, selon lui, de refuser le vaccin contre la COVID-19 sans compromettre son emploi. Dans son avis d’appel à la division générale, le prestataire a écrit ce qui suit : [traduction] « Aucune décision n’a été rendue par un arbitre en ce qui concerne mon congédiement injustifié et l’affaire doit encore être réglée par la Commission des relations de travail de l’Ontario. Si vous avez besoin de plus de renseignements, vous pouvez communiquer avec le syndicat qui s’occupe du grief. » Note de bas de page 7 À l’audience de la division générale, le prestataire a mentionné le grief à plusieurs reprises. Note de bas de page 8
[11] Malgré cela, le membre de la division générale n’a pas songé à offrir au prestataire la possibilité de reporter l’audience le temps qu’on règle son grief.
[12] C’est le grief du prestataire qui distingue son cas de nombreux autres cas semblables. Lorsqu’il s’agit de conclure à une inconduite, les tribunaux appliquent un critère peu exigeant. Selon la jurisprudence, les seules questions qui importent sont celles de savoir si une partie prestataire a enfreint la politique de son employeur et, dans l’affirmative, si cette violation était délibérée et vraisemblablement susceptible d’entraîner un congédiement. Note de bas de page 9
[13] La division générale a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont justes ou raisonnables :
Je comprends que le prestataire a déclaré que l’employeur aurait pu offrir un certain type de mesures d’adaptation quant au test de dépistage de la COVID-19. Toutefois, la question de savoir si la politique de l’employeur était juste ou raisonnable ne relevait pas de ma compétence. Bref, le prestataire avait d’autres moyens de présenter ces arguments Note de bas de page 10.
[14] Toutefois, il s’agit d’un cas où le dossier contenait des éléments de preuve montrant que le prestataire était en train de faire exactement ce que la division générale lui avait suggéré de faire, soit contester les actions de son employeur par d’autres moyens, plus précisément l’arbitrage par l’entremise de la convention collective du prestataire et l’examen par la Commission des relations de travail de l’Ontario.
[15] Je suis d’avis que le membre aurait dû savoir que la procédure de règlement du grief pourrait permettre de répondre à la question de savoir si, en fait, le prestataire a fait quoi que ce soit qui justifiait son congédiement. Pour cette raison, je suis convaincu que la division générale a procédé sans lui donner au préalable la possibilité de demander un ajournement en attendant de recevoir des renseignements importants.
Réparation
[16] Lorsque la division générale fait une erreur concernant une affaire d’assurance-emploi, la division d’appel peut la corriger de deux façons : i) renvoyer l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience, ou ii) rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.Note de bas de page 11
[17] En l’espèce, je n’ai d’autre choix que de renvoyer l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience. En effet, je ne pense pas que le dossier soit assez complet pour me permettre de rendre une décision éclairée sur le fond de l’affaire. Lorsque je substitue ma décision à celle de la division générale, je peux tenir compte uniquement du dossier dont la division générale disposait au moment de l’audience. Dans la présente affaire, en raison du non-respect d’un principe de justice naturelle, le dossier ne tient pas compte de l’issue de la requête que le prestataire a présentée à la Commission des relations de travail de l’Ontario. Une instance qui, selon lui, prouverait qu’il n’était pas coupable d’inconduite.
[18] Contrairement à la division d’appel, le mandat principal de la division générale est de soupeser la preuve et de tirer des conclusions de fait. Par conséquent, elle est intrinsèquement mieux placée que moi pour examiner la décision d’arbitrage et explorer les pistes d’enquête qui peuvent en découler.
Conclusion
[19] Pour les motifs susmentionnés, je conclus que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale. Comme le dossier n’est pas suffisamment complet pour me permettre de trancher la présente affaire sur le fond, je renvoie l’affaire à la division générale pour qu’elle tienne une nouvelle audience.
[20] L’appel est accueilli. Neil Nawaz Membre de la division d’appel