Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1748

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : M. M.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (525835) datée du 1er septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 5 juillet 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 14 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-22-3244

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je suis en désaccord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que l’appelante a été suspendueNote de bas de page 1 de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension de son emploi). L’appelante est donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 2.

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue de son emploi. L’employeur de l’appelante a déclaré qu’elle avait été suspendue parce qu’elle n’avait pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 : elle n’avait pas été vaccinée.

[4] Même si l’appelante ne conteste pas que cela s’est produit, elle dit ignorer pourquoi son employeur l’a suspendue. Elle affirme que son relevé d’emploi (RE) ne donne pas de raison précise de sa suspension. En outre, elle dit qu’elle n’aurait pas dû être suspendue de toute façon parce que son employeur a refusé injustement sa demande d’exemption de sa politique pour des motifs religieux, même si elle lui a fourni toutes les preuves dont il avait besoin pour l’approuver.

[5] La Commission a accepté le motif de suspension invoqué par l’employeur. Elle a décidé que l’appelante était suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Question en litige

[6] L’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Je dois décider si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite. Pour ce faire, je dois trancher deux éléments. D’abord, je dois établir pourquoi l’appelante a été suspendue de son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi?

[8] Je conclus que l’appelante a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID‑19 de son employeur : elle n’a pas été vaccinée.

[9] L’appelante et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle l’appelante a été suspendue. Selon la Commission, il existe des éléments de preuve démontrant que l’appelante a été suspendue parce qu’elle n’a pas respecté la politique de son employeurNote de bas de page 3.

[10] L’appelante n’est pas d’accord. Elle dit qu’elle ignore pourquoi elle a été suspendue. Elle affirme que son employeur n’a jamais donné de raison claire pour laquelle elle a été suspendue parce qu’il a inscrit « Autre (K) » sur son RE dans la case « Raison du RE »Note de bas de page 4.

[11] Je reconnais que l’appelante estime que les renseignements figurant dans son RE soulèvent des questions au sujet des raisons pour lesquelles elle a été suspendue de son emploi.

[12] Cependant, je ne suis pas d’accord. Je conclus que ce qui figure dans le relevé d’emploi de l’appelante n’est pas pertinent pour comprendre la raison exacte pour laquelle l’appelante a été suspendue. Cela s’explique par le fait que les codes parmi lesquels un employeur peut choisir de remplir la case « raison du RE » sont très généraux et ne disent rien au sujet de la raison précise pour laquelle une personne ne travaille plus. 

[13] Par ailleurs, je conclus qu’il existe d’autres éléments de preuve selon lesquels l’appelante a effectivement été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de son employeur.

[14] Je note que l’employeur de l’appelante lui a envoyé une lettre le 9 mars 2022. Il est mentionné que sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 est entrée en vigueur le 8 novembre 2021 et qu’il lui a rappelé le 10 février 2022 qu’elle devait la suivre. Il est également indiqué qu’étant donné qu’elle n’a pas attesté de son statut vaccinal et qu’elle n’est pas disposée à se faire vacciner, elle n’a pas respecté sa politique et qu’elle est donc mise en congé sans solde sur-le-champNote de bas de page 5.

[15] Donc, même si je reconnais que l’appelante dit qu’elle ne sait pas exactement pourquoi elle a été suspendue de son emploi, j’estime que la preuve (la lettre de son employeur) démontre qu’elle a été suspendue parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

Le motif de la suspension de l’appelante est-il une inconduite au sens de la loi?

[16] Le motif de la suspension de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[17] La Loi sur l’assurance-emploi (Loi) ne précise pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux judiciaires et administratifs) nous montre comment établir si la suspension de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle énonce le critère juridique applicable à l’inconduite, à savoir les questions et les critères à prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.

[18] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 7. Il n’est pas nécessaire que l’appelante ait une intention coupable (autrement dit, qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que sa conduite soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 8.

[19] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être suspendue pour cette raisonNote de bas de page 9.

[20] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue en raison d’une inconduiteNote de bas de page 10.

[21] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi.  Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur les questions de savoir si l’appelante a été suspendue à tort ou si l’employeur aurait dû mettre en place des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à l’égard de l’appelanteNote de bas de page 11. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que l’appelante a fait ou a omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[22] La Cour d’appel fédérale (Cour) s’est prononcée dans l’affaire intitulée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas de page 12. M. McNamara a été congédié en application de la politique de dépistage de drogues de son employeur.  Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié parce que le test de dépistage de drogues n’était pas justifié dans les circonstances, c’est‑à‑dire qu’il n’existait aucun motif raisonnable de penser qu’il n’était pas en mesure de travailler en toute sécurité en raison de sa consommation de drogue et qu’il aurait dû être couvert par le test précédent auquel il s’était soumis. Pour l’essentiel, M. McNamara a fait valoir qu’il devait toucher des prestations d’assurance‑emploi parce que les mesures prises par son employeur concernant son congédiement étaient inacceptables.  

[23] En réponse aux arguments de M. McNamara, la Cour a déclaré que, selon une jurisprudence de la Cour, dans les cas d’inconduite, la question « [n’est pas] de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt […] de dire si l’acte ou l’omission reprochés à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». 

[24] Dans la même affaire, la Cour a poursuivi en soulignant que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a signalé que l’employé qui fait l’objet d’un congédiement injustifié « a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».

[25] La décision plus récente intitulée Paradis c Canada (Procureur général) suit l’affaire McNamaraNote de bas de page 13. Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir eu un résultat positif à un test de dépistage de drogues. M. Paradis a fait valoir qu’il avait été congédié à tort, que les résultats des tests montraient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et à la législation provinciale sur les droits de la personne. La Cour s’est fondée sur l’arrêt McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur n’est pas un facteur pertinent pour trancher la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 14.

[26] Une autre décision semblable a été rendue par la Cour dans l’affaire Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 15. M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a soutenu que, comme la dépendance à l’alcool a été reconnue comme une déficience, son employeur était tenu de lui offrir des mesures d’adaptation. La Cour a encore affirmé que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou non, et que l’absence de mesures de l’employeur pour aider son employé n’est pas une question pertinenteNote de bas de page 16.

[27] Ces affaires ne portent pas sur des politiques de vaccination contre la COVID‑19. Cependant, les principes qui y sont établis demeurent pertinents. Il ne m’appartient pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de décider s’il a eu raison de congédier l’appelante. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou a omis de faire et sur la question de savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi.

[28] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelante savait que son employeur avait une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et savait qu’elle pouvait être suspendue pour ne pas l’avoir suivie, mais elle a choisi de ne pas la suivre de toute façonNote de bas de page 17.

[29] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que son employeur a agi de façon déraisonnable de diverses façons, notamment en rejetant sa demande d’exemption pour des motifs religieux et en lui demandant de se faire vacciner même si elle travaillait à domicileNote de bas de page 18. Elle soutient en outre que la Commission n’a pas suivi ses politiques au sujet de l’inconduite dans son cas et n’a pas tenu compte de son témoignage sur la sincérité de ses croyances religieusesNote de bas de page 19.

[30] La politique obligatoire contre la COVID‑19 de l’employeur applicable à l’appelante prescrit ce qui suit :

  • Elle entre en vigueur le 8 novembre 2021Note de bas de page 20.
  • Tous les employés doivent attester de leur statut vaccinal contre la COVID-19 et fournir une preuve de vaccinationNote de bas de page 21.
  • Si un employé a demandé une exemption de la politique et a essuyé un refus, il dispose de deux semaines à compter de la date du refus de sa demande pour attester de son statut vaccinalNote de bas de page 22.
  • À compter du 13 décembre 2021, le personnel sera mis en congé sans solde s’il ne veut pas être vacciné ou s’il ne veut pas attester de son statut vaccinalNote de bas de page 23.

[31] L’appelante affirme ce qui suitNote de bas de page 24 :

  • Elle était au courant de la politique de son employeur. Elle a été publiée le 8 novembre 2021.
  • Elle a demandé une exemption pour des motifs religieux de la politique de son employeur le 17 novembre 2021.
  • Elle estimait que sa demande d’exemption pour des motifs religieux serait approuvée. Elle ne peut pas se faire vacciner en raison de ses croyances religieuses. Elle a fourni à son employeur toutes les preuves dont il avait besoin pour approuver sa demande. La Déclaration canadienne des droits et la Charte canadienne des droits et libertés appuient également son choix de ne pas se faire vacciner.
  • Son employeur lui a posé d’autres questions au sujet de sa demande d’exemption pour des motifs religieux au début de décembre 2021. Elle avait alors davantage l’impression qu’il approuverait sa demande.
  • Son employeur a rejeté sa demande d’exemption pour des motifs religieux le 10 février 2021. Sa décision l’a choquée. Il n’a pas non plus expliqué en détail comment il a décidé que les croyances religieuses de l’appelante ne sont pas sincères.
  • Elle a attesté son statut vaccinal à deux reprises : en novembre 2021 (lorsqu’elle a présenté sa demande d’exemption pour des motifs religieux) et en mars 2021 (lorsqu’elle a présenté un grief au sujet du rejet par son employeur de sa demande d’exemption pour des motifs religieux). Ainsi, elle a respecté sa politique, qui exigeait que le personnel atteste son statut vaccinal.
  • Elle ne s’est pas fait vacciner après que son employeur eut rejeté sa demande d’exemption. Ses croyances religieuses l’empêchaient de se faire vacciner.
  • La politique de son employeur était déraisonnable et entrait en conflit avec d’autres lois canadiennes qui protègent les droits de la personne, y compris la Déclaration des droits et la Charte des droits et libertés. En outre, elle ne faisait pas partie de son contrat de travail initial.
  • Son employeur a agi de façon déraisonnable en lui demandant de respecter sa politique même si elle travaillait de la maison depuis le début de la pandémie de COVID-19.
  • Son employeur ne lui a jamais parlé d’inconduite avant de la mettre en congé sans solde.
  • Elle a reçu un courriel de son employeur mentionnant qu’elle serait mise en congé sans solde après le rejet de sa demande d’exemption pour des motifs religieux.
  • Cependant, elle ne pensait pas qu’elle serait effectivement mise en congé sans solde. Elle estimait que son employeur avait l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard parce qu’elle avait demandé une mesure d’adaptation fondée sur ses croyances religieuses sincères.
  • La Commission n’a pas suivi ses propres lignes directrices (y compris le Guide de la détermination de l’admissibilité) relatives à l’inconduite lorsqu’elle a rejeté sa demande. De plus, elle n’a pas tenu compte de l’ensemble de son témoignage sur ce que sa religion dit au sujet des vaccins contre la COVID-19.

[32] Je compatis avec l’appelante. Cependant, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[33] Je conclus que l’appelante a commis les gestes qui ont mené à sa suspension, car elle savait que son employeur avait une politique obligatoire de vaccination contre la COVID‑19 et elle savait ce qu’elle devait faire pour s’y conformer.

[34] Je conclus en outre que les gestes de l’appelante étaient intentionnels, car elle a pris la décision consciente de ne pas se conformer à la politique de son employeur.

[35] Des éléments de preuve montrent que l’appelante était au courant de la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle était au courant de celle‑ci, comme il a été mentionné précédemment. Elle a également présenté une demande d’exemption pour des motifs religieux, ce qui démontre à mon avis qu’elle était au courant de la politique et de ses exigences.

[36] De plus, des éléments de preuve montrent que l’appelante a choisi de ne pas respecter la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle ne s’était pas fait vacciner après que son employeur eut rejeté sa demande d’exemption pour motifs religieux, comme il a été mentionné précédemment.

[37] Je reconnais que l’appelante affirme qu’elle a suivi la politique de son employeur parce qu’elle a attesté son statut de vaccination contre la COVID-19 à deux occasions différentes. Cependant, je conclus que selon la politique de son employeur, le personnel dont les demandes d’exemption ont été refusées devait attester et se faire vacciner, comme il a été mentionné précédemment. Comme l’appelante a dit qu’elle était au courant des exigences de la politique et qu’elle n’a pas été vaccinée après le refus de son exemption pour des motifs religieux, je conclus qu’elle n’a consciemment pas suivi la politique de son employeur.

[38] Je reconnais que l’appelante estime que son employeur aurait dû approuver sa demande d’exemption pour motifs religieux parce qu’elle a fourni une preuve que ses croyances religieuses sont sincères et l’empêchent de se faire vacciner.

[39] Je reconnais également que l’appelante estime que son employeur n’a pas fourni assez de raisons pour justifier le refus de sa demande d’exemption.

[40] En outre, je reconnais que l’appelante affirme que son employeur aurait dû lui donner le choix de continuer à travailler de la maison sans se faire vacciner parce qu’elle le faisait sans problème depuis le début de la pandémie.

[41] Malheureusement, je conclus que ces arguments ne sont pas pertinents dans la présente décision. Comme il a été mentionné précédemment, la Loi et la Cour disent que je dois me concentrer sur les actions de l’appelante (et non sur celles de l’employeur) lorsque j’analyse l’inconduite. Cela signifie que je ne peux examiner que les mesures que l’appelante a prises ou n’a pas prises pour respecter la politique de son employeur.

[42] En d’autres termes, je ne peux pas décider si l’employeur de l’appelante a agi injustement pour les raisons qu’elle mentionne. Si l’appelante veut faire valoir ces arguments, elle doit le faire devant un autre tribunal ou organisme décisionnel.

[43] Je reconnais également que l’appelante estime que la Charte et la Déclaration des droits lui donnent le droit de ne pas se faire vacciner.

[44] Malheureusement, j’estime que cet argument n’est pas pertinent non plus dans la présente décision. La compétence du Tribunal est très limitée lorsqu’il s’agit d’examiner l’inconduite. Comme il a été mentionné précédemment, je n’ai que le pouvoir de trancher des questions en vertu de la Loi et je ne peux pas décider si l’appelante a des options en vertu d’autres lois, comme la Charte et la Déclaration des droits. Je ne peux plutôt examiner que les actes de l’appelante (ce qu’elle a fait ou n’a pas fait) qui ont mené à sa suspension.

[45] Autrement dit, je ne peux pas examiner si d’autres lois (comme la Charte et la Déclaration des droits) donnent à l’appelante le droit de ne pas se faire vacciner même si son employeur a instauré une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Si l’appelante veut faire valoir ces arguments, elle doit le faire devant un autre tribunal ou organisme décisionnel.

[46] Je reconnais également que l’appelante affirme que son employeur ne lui a jamais parlé d’inconduite avant qu’ils ne la suspendent.

[47] Malheureusement, je conclus que cet argument n’est pas pertinent dans la présente décision. L’inconduite est visée par la Loi et fait l’objet de deux articlesNote de bas de page 25. Comme il a été mentionné précédemment, la Loi ne précise pas ce que signifie l’inconduite, mais la jurisprudence a aidé à en circonscrire le sens, qui met l’accent sur les gestes posés par l’appelant qui ont mené à sa suspension ou à son congédiement. Cela signifie que lorsque la Commission tire une conclusion d’inconduite, cette conclusion découle de ce que disent la Loi et la jurisprudence, et non de la question de savoir si un employeur a utilisé le mot « inconduite » pour justifier la suspension ou le congédiement d’un appelant.

[48] Autrement dit, la décision de la Commission de rendre l’appelante inadmissible au bénéfice des prestations en raison d’une inconduite n’a rien à voir avec le fait que son employeur ne lui a jamais dit qu’elle était suspendue pour inconduite.

[49] Je reconnais que l’appelante estime que la Commission n’a pas suivi ses propres lignes directrices (y compris le Guide de la détermination de l’admissibilité)relatives à l’inconduite lorsqu’elle a rejeté sa demande et qu’elle n’a pas tenu compte de l’ensemble de son témoignage sur ce que sa religion dit au sujet des vaccins contre la COVID-19.

[50] À l’appui de cet argument, à l’audience, l’appelante a diffusé à l’audience des enregistrements de deux conversations qu’elle a eues avec des agents de la Commission lors de l’arbitrage de sa demande. La première a eu lieu pendant la phase de décision initiale de la Commission : pendant l’appel, l’agent de la Commission a dit à l’appelante que sa demande avait une chance de succès et a fait référence aux lignes directrices internes de la Commission. La deuxième a eu lieu pendant l’étape de la décision de révision de la Commission : pendant l’appel, l’agent de la Commission a discuté avec l’appelante de ses croyances religieuses et de ce que sa religion dit au sujet des vaccins contre la COVID-19Note de bas de page 26.

[51] Après avoir écouté les enregistrements, je peux comprendre pourquoi l’appelante est contrariée par la Commission pour les motifs susmentionnés. Elle a vécu des expériences différentes (et reçu des renseignements différents) lorsqu’elle a parlé à chaque agent de la Commission et le deuxième agent a adopté un ton agressif avec elle.

[52] Malheureusement, j’estime que les arguments de l’appelante concernant la Commission ne sont pas pertinents dans la présente décision. Je tire cette conclusion pour deux raisons.

[53] Premièrement, les lignes directrices elles-mêmes de la Commission (y compris le Guide de la détermination de l’admissibilité) ne sont pas des lois, de sorte que je n’ai pas à les respecter. Il s’agit de la politique interne de la Commission. Autrement dit, le Guide et les autres lignes directrices de la Commission constituent le livre de règles de la Commission que le personnel peut utiliser lorsqu’il tranche des demandes d’assurance-emploi. Le Guide et les autres lignes directrices de la Commission ne peuvent pas m’indiquer comment trancher les appels.

[54] Deuxièmement, je dois me conformer à la Loi, en me fondant sur le sens ordinaire de celle-ci et sur ce que la Cour dit à son sujet. Je me concentre uniquement sur l’application du critère juridique relatif à l’inconduite (fondé sur la jurisprudence) dans la présente décision. Cela signifie qu’il faut examiner les actions de l’appelante qui ont mené à sa suspension, comme il a été mentionné précédemment. Par conséquent, je ne peux pas tenir compte des croyances religieuses de l’appelante en ce qui concerne le vaccin contre la COVID‑19 dans le cas qui nous occupe, même si la Commission l’a fait, parce que la Cour affirme que cela va bien au-delà de ce que je peux examiner dans cette situation.

[55] Autrement dit, je me tourne vers la Loi et la Cour, et non vers la Commission, pour savoir comment analyser l’inconduite. Pour ces raisons, je n’accorde pas beaucoup de poids aux lignes directrices elles-mêmes de la Commission (y compris le Guide de la détermination de l’admissibilité).

[56] Je reconnais donc que l’appelante estime qu’elle n’a rien fait de mal en ne se faisant pas vacciner en raison de ses croyances religieuses. J’estime cependant que ses gestes répondent toujours à la définition d’inconduite énoncée dans la jurisprudence, comme il a été mentionné précédemment. Ainsi, je prends acte des préoccupations de l’appelante au sujet de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID‑19 de son employeur, mais j’estime que la preuve démontre qu’elle a pris consciemment la décision de ne pas s’y conformer. Elle ne s’est pas fait vacciner même si la politique de son employeur exigeait que le personnel n’ayant pas obtenu d’exemption approuvée se fasse vacciner, ce qui montre que ses actions étaient intentionnelles.

[57] Je conclus également que l’appelante savait ou aurait dû savoir que le fait de ne pas respecter la politique de son employeur pourrait mener à sa suspension.

[58] Des éléments de preuve établissent que l’employeur de l’appelante lui a dit qu’elle serait suspendue pour ne pas avoir respecté sa politique après qu’il eût refusé sa demande d’exemption pour motifs religieux. Cette preuve est la suivante :

  • Un courriel à l’appelante daté du 10 février 2022. Il mentionne que sa demande d’exemption est refusée et qu’elle a deux semaines pour attester son statut vaccinal contre la COVID-19 et se faire vacciner. Si elle ne le fait pas d’ici le 9 mars 2022, elle sera mise en congé sans soldeNote de bas de page 27.

[59] Je crois l’appelante lorsqu’elle affirme qu’elle ne pensait pas qu’elle serait effectivement mise en congé sans solde parce qu’elle avait demandé une exemption pour motifs religieux et qu’elle estimait que son employeur avait l’obligation de prendre des mesures d’adaptation compte tenu de ses croyances religieuses sincères. Je n’ai aucune raison de douter de ses propos.

[60] Malheureusement, je conclus que cela ne signifie pas que l’appelante ne pouvait pas non plus savoir qu’elle pouvait être suspendue pour ne pas avoir respecté la politique de son employeur une fois que sa demande d’exemption pour motifs religieux a été refusée. À mon avis, la preuve démontre qu’elle aurait dû savoir qu’elle pourrait en fait être suspendue pour cette raison.

[61] En d’autres termes, j’estime qu’il était tout à fait possible pour l’appelante de croire les deux choses (qu’elle serait en mesure de continuer à travailler, mais qu’elle pourrait également être suspendue) en même temps. Elle était au courant de la politique de son employeur et ce dernier lui a dit qu’elle serait suspendue après avoir rejeté sa demande d’exemption pour des motifs religieux. Elle aurait donc dû savoir que ce scénario pourrait également se concrétiser.

[62] Par conséquent, même si je prends acte du fait que l’appelante ne croyait pas qu’elle serait suspendue parce qu’elle n’avait pas respecté la politique de son employeur, j’estime que la preuve démontre qu’elle savait ou aurait dû savoir qu’elle pourrait tout de même être suspendue pour cette raison.

[63] Je conclus donc que la conduite de l’appelante constitue une inconduite au sens de la loi, car elle a adopté la conduite qui a mené à sa suspension (elle n’a pas respecté la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID‑19), ses gestes étaient intentionnels et elle savait ou aurait dû savoir qu’ils mèneraient à sa suspension.

Ainsi, l’appelante a‑t‑elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[64] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, je juge que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[65] Cela s’explique par le fait que les gestes de l’appelante ont mené à sa suspension. Elle a agi de façon voulue en ne se faisant pas vacciner comme l’exigeait la politique de son employeur, même après le refus de sa demande d’exemption. Elle savait ou aurait dû savoir qu’elle pourrait se faire suspendre de son emploi vu son refus de se faire vacciner.

Conclusion

[66] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[67] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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