Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1760

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : R. W.
Représentant : L. W.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance emploi du Canada (559045) datée du
13 décembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Greg Skelly
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 1er juin 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 5 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-137

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelante.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle n’avait pas une raison acceptable selon la loi) au moment où elle l’a fait. L’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi parce qu’elle disposait d’autres solutions raisonnables que son départ. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[3] L’appelante a quitté son emploi chez Tim Horton’s à X, au Manitoba, le 13 mars 2020 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelante. Elle a décidé qu’elle a quitté volontairement son emploi (ou a choisi de démissionner) sans justification, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations.

[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

[5] La Commission affirme que l’appelante aurait pu revenir d’un congé qui avait été accordé plus tôt. Et elle aurait dû continuer à travailler jusqu’à ce qu’elle trouve et accepte un autre emploiNote de bas de page 1.

[6] L’appelante n’est pas d’accord. Elle dit qu’elle estime avoir été mise à pied en raison d’un manque de travail. Elle affirme également qu’elle ne vivait plus à X et qu’elle avait déménagé à Winnipeg. Il était donc peu pratique de continuer à occuper un emploi au salaire minimum avec des frais de déplacement et des conditions de conduite hivernalesNote de bas de page 2.

Question en litige

[7] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter du départ volontaire de l’appelante. Je dois ensuite décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties ne conviennent pas que l’appelante a quitté volontairement son emploi

[9] Je conclus que l’appelante a quitté volontairement son emploi.

[10] L’appelante a déclaré dans son témoignage qu’elle estimait avoir été mise à pied en raison d’un manque d’heures du fait des restrictions liées à la COVID-19. Elle a dit qu’elle comprenait que les heures disponibles étaient accordées en priorité au personnel à temps plein et qu’elle obtiendrait moins d’heures parce qu’elle était à temps partiel.

[11] L’appelante a déclaré à l’audience que l’employeur ne l’avait jamais avisée qu’elle devait retourner au travail. Elle a dit avoir tenté à deux reprises de communiquer avec son employeur, sans obtenir de réponse. 

[12] Dans son témoignage, l’appelante a également déclaré qu’elle avait déménagé de X à Winnipeg en septembre 2020 et qu’il ne valait pas la peine de voyager aller-retour pour un emploi au salaire minimum.

[13] À l’audience, l’appelante a déclaré qu’elle n’avait jamais présenté de lettre de démission ni dit à quiconque qu’elle avait démissionné.

[14] Son relevé d’emploi indique qu’elle a démissionnéNote de bas de page 3. L’appelante a déclaré dans son témoignage qu’elle n’avait pas examiné le relevé d’emploi et qu’elle ne savait pas qu’il mentionnait qu’elle avait démissionné.

[15] Lors de discussions avec la Commission, son employeur a dit qu’il considérait qu’elle avait démissionné lorsqu’elle n’était pas revenue d’un congéNote de bas de page 4. L’employeur a déclaré que l’appelante lui avait bel et bien demandé un congé volontaire en raison de préoccupations liées à la COVID-19Note de bas de page 5.

[16] L’employeur a également déclaré que tout le personnel avait été rappelé en juin 2020, que l’appelante n’était pas revenue à ce moment-là et que l’employeur n’avait rien entendu de l’appelanteNote de bas de page 6.

[17] Je conclus que l’appelante a quitté volontairement son emploi. Bien qu’il y ait eu une période où les heures ont été réduites en raison de la COVID-19, au moment où l’employeur avait du travail pour l’appelante en juin 2020, elle n’a pas fait assez de démarches pour renouer avec son emploi.

[18] Il ressort clairement des discussions de l’employeur avec la Commission qu’il y avait des heures de travail pour l’appelante.

[19] L’appelante a déclaré à l’audience que l’employeur n’avait pas communiqué avec elle, mais qu’elle n’avait appelé son employeur qu’à quelques reprises. Si elle voulait continuer à travailler pour cet employeur, elle aurait dû faire plus de démarches pour l’appeler ou visiter personnellement son lieu de travail.

Les parties ne conviennent pas que l’appelante avait une justification

[20] Les parties ne conviennent pas que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi lorsqu’elle l’a fait.

[21] Selon la loi, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 7. Le fait d’avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à prouver que l’appelante était fondée à le faire.

[22] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Elle précise qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Elle prescrit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 8.

[23] Il incombe à l’appelante de prouver qu’elle avait une justificationNote de bas de page 9. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule solution raisonnable était de démissionner. Pour décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient lorsqu’elle a démissionné.

[24] L’appelante a commencé à travailler chez Tim Horton’s à X le 1er décembre 2018 et a pris un congé le 12 mars 2020Note de bas de page 10. L’appelante a déclaré qu’elle avait pris le congé parce qu’il n’y avait pas d’heures pour le personnel à temps partiel à l’époque.

[25] L’appelante a déclaré dans son témoignage qu’elle a déménagé à Winnipeg en septembre 2019 parce qu’elle avait prévu fréquenter l’école en janvier 2020. Son employeur a dit qu’elle avait été rappelée au travail en juin 2020 et qu’elle avait choisi de ne pas revenirNote de bas de page 11.

[26] Son employeur a déclaré qu’après l’avoir informée du rappel en juin 2020, il n’avait pas eu de nouvelles de l’appelanteNote de bas de page 12.

[27] L’appelante a déclaré dans son témoignage qu’elle avait quitté son emploi parce que l’employeur n’avait pas d’heures pour elle. Elle affirme également qu’il n’était pas pratique de se rendre de Winnipeg à X. Elle a dit que le trajet de trois heures n’était pas économique et qu’elle ne gagnait pas assez d’argent pour couvrir ses frais de subsistance, plus les frais d’essence et d’autres frais de véhiculeNote de bas de page 13.

[28] L’appelante a également dit qu’elle était préoccupée par les conditions de conduite hivernalesNote de bas de page 14. Elle a ajouté qu’elle n’a pas pu faire du covoiturage en raison des restrictions liées à la COVID-19Note de bas de page 15.

[29] L’appelante affirme qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de partir à ce moment‑là parce qu’elle ne vivait plus à X et qu’elle avait déménagé à Winnipeg.  Elle dit avoir quitté son emploi pour aller à l’école et chercher un emploi à Winnipeg.

[30] L’appelante a également déclaré à l’audience que ses coûts et ses conditions de conduite rendaient peu pratique le fait de continuer à occuper un emploi au salaire minimum avec un trajet de trois heuresNote de bas de page 16. Dans son témoignage, l’appelante a précisé qu’il s’agissait d’un trajet d’une heure et demie entre son domicile à Winnipeg et son travail à X.

[31] Elle dit s’attendre à trouver du travail à Winnipeg, mais ne pas pouvoir le faire en raison des restrictions liées à la COVID-19Note de bas de page 17.

[32] La Commission affirme que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce qu’elle avait d’autres solutions raisonnables que d’être en congé lorsqu’elle l’a fait. Plus précisément, elle indique que l’appelante aurait pu retourner au travail en juin 2020 et continuer à travailler jusqu’à ce qu’elle trouve et accepte un autre emploi à WinnipegNote de bas de page 18.

[33] Je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter volontairement son emploi.

[34] Elle a fait le choix personnel de s’éloigner de la communauté où elle travaillait et de s’installer dans une autre communauté. Elle a dit qu’il s’agissait d’une heure et demie de trajet à l’aller et au retour, mais elle est consciente que d’autres personnes à Winnipeg ou à X font le trajet quotidien.

[35] Selon elle, la distance et le coût n’en valaient pas la peine pour un emploi au salaire minimum. Elle s’inquiétait aussi des conditions de conduite hivernales.

[36] L’appelante a déclaré à l’audience qu’elle avait communiqué avec son employeur pour savoir s’il y avait plus d’heures pour elle, mais qu’elle n’était pas certaine quand elle a fait cet appel. De toute évidence, cela aurait été avant mars 2020, date à laquelle elle a commencé son congé volontaire.

[37] Bien que je puisse compatir avec l’appelante parce qu’elle ne souhaitait pas faire le trajet aller-retour chaque jour, il est clair qu’elle disposait du moyen de transport pour le faire. 

[38] Les tribunaux nous ont mentionné que la sincérité et le revenu inadéquat ne constituent pas un motif valable de quitter un emploi et que le régime d’assurance-emploi ne devrait pas assumer le coût d’un tel départNote de bas de page 19.

[39] Les tribunaux ont également déclaré que les salaires insuffisants et l’opinion selon laquelle l’emploi n’est pas assez bien rémunéré ne justifient pas un fardeau pour le système de chômageNote de bas de page 20.

[40] Je n’accorde aucun poids à la position selon laquelle les conditions de conduite hivernale ont constitué un facteur dans la décision de l’appelante, car sa date de rappel était en juin 2020, soit bien après toute conduite hivernale au Manitoba.

[41] Je conclus que l’appelante avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Elle aurait pu :

  • Discuter avec son employeur pour savoir si elle pouvait faire du covoiturage avec l’équipement de protection individuelle approprié (masques).
  • Demander des heures de travail plus longues pour rendre les déplacements plus économiques.
  • Parler à son employeur d’un transfert ou d’un aiguillage vers un bureau de Winnipeg.
  • Continuer à travailler jusqu’à ce qu’elle trouve et accepte un autre emploi.

[42] Je conclus donc que l’appelante n’était pas fondée à quitter volontairement son emploi, car elle avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi.

[43] Je suis sensible à la situation financière de l’appelante qui découle de la nécessité de rembourser des fonds à la Commission. Toutefois, je dois me conformer à la loi et rendre des décisions fondées sur la Loi, le Règlement et les précédents jurisprudentiels.

Conclusion

[44] Je conclus que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations.

[45] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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